Les lanternes se balançaient au-dessus des stands animés du marché de Noël. Le jour commençait à tomber et le ciel s'était teinté de rose et d'orange.
Lola avait porté son écharpe à son nez rosi par le froid, et Yuri remontait sans cesse sa capuche.

Les deux adolescents erraient entre les stands, zieutant les jouets, les gâteaux et les crèches en paille.
Lola s'arrêta devant une boulangerie ambulante et demanda à Yuri :
- Do you want a crema catalana ?
- Why not ? répondît-il, intrigué.

La jeune fille s'avança vers le stand et s'entretint avec le vendeur, laissant Yuri seul.

Elle salua le vendeur et revint vers Yuri, un paquet en carton à la main et le sourire aux lèvres.
- Can we seat down ? lui demanda-t-elle.

Ils se dirigèrent vers des chaises et des tables, près du stand boulanger.
Lola s'assit et posa son paquet sur la table.
Elle en sortit une, puis deux tartelettes aux allures de crème brûlée. Le ramequin était en terre cuite ondulée, ressemblant à de la pâte brisée.
- Las cremas catalanas ! Buen provecho, déclara-t-elle en donnant une des tartelettes à Yuri, avec une petite cuillère en plastique.
- Gracias, répondit-il en portant une première cuillerée à sa bouche.

Il laissa danser la crème sur sa langue, et reconnut le goût d'un flan russe que son grand-père lui achetait parfois, dans sa tendre enfance.
Il dégusta chaque bouchée de ce gâteau, à mi-chemin entre passé et présent.
Lorsque chacun eut fini sa tartelette en terre, ils jetèrent le papier, rendirent les ramequins au vendeur et se remirent en route. En route vers l'inconnu...

Ils traversèrent le marché de Noël, et Lola resta accrochée devant les Caganeres, ces petites figurines typiquement catalanes.
Yuri remarqua avec surprise qu'un petit bonhomme en train de déféquer lui ressemblait étrangement...

Lola le tira à l'écart avant qu'il n'incendie le vendeur, et tous deux quittèrent les lumières du marché pour se diriger vers des rues baignées d'ombre.

Tout à coup, le regard du patineur s'attarda sur une vitrine. Il marcha fébrilement vers la boutique en question, et Lola le suivit, intriguée.

Elle découvrit bientôt la cause de ce changement soudain : il regardait, les yeux pétillants, une ballerine tourner dans une boîte à musique.
La boutique était fermée, mais une douce mélodie semblait s'échapper du socle de bois vernis.

Les deux adolescents se virent alors retourner en enfance et observèrent, émerveillés, la femme sculptée tournoyer gracieusement sur elle-même.
Yuri aurait tellement voulu que le magasin soit ouvert... il dut malgré tout se détourner de la danseuse pour raccompagner Lola chez elle.

Avant de partir, il la vit griffonner en vitesse quelques mots sur un bout de papier qu'elle s'empressa de mettre dans son sac.
Lorsqu'il la questionna, elle refusa de lui dire ce qu'elle avait écrit.

Ils se remirent en route.
Dans deux êtres se concentraient maintenant deux sentiments différents : une idée avait germé dans l'esprit de Lola, et la frustration tenaillait Yuri.

Lorsqu'ils arrivèrent au pied de la maison de la famille Sempere, Yuri salua Lola, gêné.
Ils savaient tous deux que cette journée était sûrement unique. La tristesse, le regret de ne pas avoir pu faire plus de choses, que ça ne se soit pas mieux passé.
- It was à good day, no ? Me I liked it, dit timidement Lola.
- Me too. You'll come, tomorrow ?
- Of course ! Do your best, lui lança-t-elle avec un clin d'œil.

Après un dernier au revoir, Lola tourna la clé dans la serrure, ouvrit la porte et disparut dans un petit corridor.
Yuri se détourna de l'entrée et s'en alla dans la nuit sombre.