5 ➵ 𝘀𝗽𝗿𝗶𝗻𝗴 𝘀𝗻𝗼𝘄 • 𝗽𝗲𝗻𝘁𝗮𝗴𝗼𝗻

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↻ 𝑇𝘩𝑒 𝑠𝑘𝑦 𝑤𝑎𝑠 𝑠𝑜 𝑏𝑒𝑎𝑢𝑡𝑖𝑓𝑢𝑙
𝑡𝘩𝑎𝑡 𝑖𝑡 𝑤𝑎𝑠 𝑟𝑖𝑑𝑖𝑐𝑢𝑙𝑜𝑢𝑠
𝐼 𝑟𝑒𝑚𝑒𝑚𝑏𝑒𝑟𝑒𝑑 𝑦𝑜𝑢 𝑎𝑙𝑙 𝑡𝘩𝑒 𝑡𝑖𝑚𝑒
𝐼𝑛 𝑎 𝑠𝑛𝑜𝑤𝑦 𝑓𝑖𝑒𝑙𝑑
[...]
𝑂𝑛 𝑡𝘩𝑎𝑡 𝑑𝑎𝑦, 𝑦𝑜𝑢 𝑤𝑒𝑟𝑒 𝑠𝑜 𝑏𝑒𝑎𝑢𝑡𝑖𝑓𝑢𝑙
𝐼 𝑗𝑢𝑠𝑡 𝑤𝑎𝑛𝑡𝑒𝑑 𝑡𝑖𝑚𝑒 𝑡𝑜 𝑠𝑡𝑜𝑝
𝐼𝑛 𝑎 𝑠𝑛𝑜𝑤𝑦 𝑓𝑖𝑒𝑙𝑑

Hyunjin était sans aucun doute aux yeux de Jisung la personne la plus pure du monde.

S'il avait fallu qu'il confie sa vie à quelqu'un, c'est au noiraud qu'il l'aurait fait sans hésiter. Hyunjin était respectueux, discret, et avait toujours un mot gentil à dire. On pouvait avoir en lui une confiance absolue : non content d'être le gardien fidèle d'un nombre de secrets immenses, il serait toujours disponible pour aider et se rendre utile, même si ça signifiait qu'il devrait donner un peu de son temps et de son énergie pour ce fair. De tout le groupe, c'était celui à qui étaient confiés le plus de choses. Il ne prenait jamais position et s'appliquait à rester neutre quel que soit la gravité des informations qu'on lui rapportait. Il avait été tout désigné pour être le médiateur de service quand une dispute éclatait, écoutant tour à tour les partis concernés et suggérant des conseils afin que la situation s'améliore. Son talent avait été mis à profit à de nombreuses reprises, que ce soit pour régler des litiges ou avoir un avis extérieur sur une question qui tourmentait un des huit amis.

Jisung s'était beaucoup épanché à ses côtés, il avait trouvé en Hyunjin une présence rassurante quand il ne pouvait décemment pas parler à Minho de ses problèmes, puisqu'ils le concernaient directement. Ainsi, c'est lui qui avait été le premier au courant de son attirance grandissante pour le nouvel arrivant. Il l'avait écouté patiemment parler d'à quel point Minho était beau, et Minho était drôle, et Minho faisait battre le cœur de Jisung comme jamais. À y repenser, il avait vraiment dû être insupportable, un garçon amoureux qui n'était jamais à court d'idées pour parler de celui qu'il aimait. Mais Hyunjin ne s'était jamais plaint, il avait hoché la tête quand il fallait hocher la tête et souri quand il fallait sourire. De toute manière, Jisung était concentré sur autre chose, et il ne faisait pas tellement attention à l'attitude de son interlocuteur. Le noiraud l'avait énormément aidé, et sans lui, Jisung n'aurait probablement jamais osé avouer quoi que ce soit à l'élu de son cœur.

Il n'y avait pas toujours eu entre les deux une relation aussi paisible, basée sur une entente mutuelle. Les premières semaines, Hyunjin et Jisung ne pouvaient tout simplement pas se voir. Rares étaient les gens qui en connaissaient la raison, même eux n'étaient pas tout à fait sûr aujourd'hui de ce qui avait déclenché une telle guerre entre eux deux. Il y avait leur différence de caractère qui entrait en compte, c'était sûr : alors que Jisung était chaotique, bruyant et aimait se donner en spectacle, Hyunjin était son parfait opposé : il aimait le silence et les gens posés. Pas étonnant qu'il ait tout de suite été agacé par Jisung et son envie constante de bouger et de parler. Et il ne le cachait pas : très vite, c'était devenu orageux entre eux. Comme leur groupe était assez grand, ils pouvaient passer des journées entières sans s'adresser la parole, mais chacun d'eux connaissaient le fond de la pensée de l'autre, et il ne loupait pas une occasion de s'agresser verbalement. Chan était celui qui calmait le jeu le plus souvent, il était assez triste de leur comportement, lui qui s'efforçait tant de faire de leur groupe une bande d'amis unie. C'était d'abord pour vouloir lui faire plaisir qu'ils avaient commencé à faire des efforts. Puis, Jisung s'était décidé à enterrer définitivement la hache de guerre en révélant à Hyunjin un secret qu'il n'avait jamais dit à personne. Touché, le noiraud avait fait la promesse de le garder pour lui, et il avait accepté de ne plus être aussi prompt à s'énerver contre lui.

Ils s'étaient donc apprivoisés, petit à petit, jusqu'à s'apprécier complètement, pour le grand bonheur des autres membres qui n'en pouvaient plus de l'atmosphère toxique qui les enveloppaient quand ils étaient ensemble. Maintenant, Jisung aurait été incapable d'imaginer sa vie sans lui. Hyunjin avait été d'un grand secours quand Minho avait disparu, allant jusqu'à rester des nuits entières à dormir à ses côtés, pour éviter à Jisung de faire des cauchemars et de rester seul. Pendant ces cinq ans, il n'avait cessé à aucun instant d'être un formidable soutien pour lui, un roc sur lequel il pouvait se reposer, une épaule sur laquelle il pouvait pleurer. Il avait pris l'habitude de l'appeler régulièrement, bien que Hyunjin soit un des rares de la bande à être resté habiter à Tokyo. Ils se voyaient quand ils pouvaient, ainsi qu'avec Felix et Jeongin, et leur amitié à eux quatre était peut-être devenue la plus solide de tout le groupe, étant donné que les autres étaient tous rendus à divers endroits de la planète. Hyunjin et Jisung pouvaient maintenant prévoir les réactions de l'autre, et ils savaient parfaitement comment ils réagissaient mutuellement à une situation.

C'était pour ça qu'aujourd'hui, à peine le noiraud avait-il posé les yeux sur Jisung qu'il l'entourait de ses bras, conscient du stress qu'il devait ressentir. « Ne t'en fais pas, je suis là » fut les seuls mots qu'il prononça, un chuchotis discret que les autres n'entendirent pas, mais pour Jisung, ces mots signifiaient tout. Il rendit son étreinte à Hyunjin, puis ils se séparèrent, leurs yeux restants encore accrochés quelques instants. Le noiraud lui adressa son adorable sourire, et le brun sentit son cœur se réchauffer. Hyunjin avait une façon de sourire si rassurante, simplement le voir le rassérénait déjà un peu.

-Bonjour, Felix, ajouta-il, en l'accueillant lui aussi d'un câlin.

Il était à peine dix heures et demie, et les quatre amis avaient décidé de se retrouver dans un café avant le début de la fête, histoire de ne pas arriver au compte-goutte et de se sentir perdu. Felix était passé chercher Jisung à son appartement, et Jeongin et Hyunjin avaient pris le métro ensemble. Maintenant qu'ils étaient réunis, Jisung se sentait un peu mieux à l'idée d'affronter cette journée. Ils s'assirent, et une serveuse vint immédiatement prendre leurs commandes. Le brun se sentait incapable d'avaler quoi que ce soit, aussi laissa-il ses amis choisir ce qui les tentaient le plus sans rien dire.

-Et vous, monsieur ? s'enquit-il en posant sur lui en regard bienveillant.

-Je-je n'ai pas trop soif, merci.

Il sentit le regard désapprobateur de Hyunjin sur lui. Le noiraud n'aimait pas le voir dans cet état, mais il n'allait pas le laisser rater le petit-déjeuner. Il veillait sur sa santé aussi, après tout.

-Il prendra un chocolat chaud et un cheesecake, répondit le jeune homme à sa place.

La serveuse hocha la tête et ramassa les cartes qu'elle leur avait distribué.

-Je reviens tout de suite, assura-elle avant de disparaître derrière le comptoir.

À peine fut-elle partie qu'Hyunjin poussa un long soupir. Contrairement à Jisung, qui avait eu énormément de mal à s'endormir, il paraissait en forme, tout comme Jeongin, qui ne se départissait pas de son légendaire sourire.

-Sungie, je sais que tu dois être très mal en ce moment, mais ne pas manger ne va pas résoudre le problème.

-J'ai le ventre noué, je ne vais rien réussi à manger, gémit-il.

Felix lui lança un regard compatissant. Jisung adorait la nourriture, il devait être dans un sale état pour ne pas avoir envie de manger du tout.

-On sera avec toi, assura le plus jeune, qui avait en ce moment les cheveux teints d'un joli rose pastel.

Il aimait bien varier la couleur de ces derniers, considérant que la vie était trop triste si on les gardait tout le temps noir ou bruns. Il était déjà passé par le blond, le violet, le rouge, et il songeait à tester le bleu bientôt. Comme si sa personnalité était assortie à ses cheveux, il était un véritable support émotionnel dans le groupe, il encourageait toujours ses ainés de la façon la plus sincère et la plus joyeuse possible. C'était un vrai petit rayon de soleil.

-Merci, Innie.

L'enthousiasme du maknae était contagieux, et malgré lui il ne put s'empêcher de sourire, un véritable sourire cette fois. Il avait beau ne pas avoir exprimé ses doutes et ses peurs à voix haute, tous savaient très bien ce qui le perturbait autant. Il ne voulait pas qu'on le prenne en pitié ou qu'on pense qu'il était trop faible pour en parler ; il décida de crever l'abcès.

-Je vais survivre que Minho soit là ou pas, vous savez.

À la mention de « Minho », Hyunjin et Felix se regardèrent brièvement. Ainsi, ce que Jisung soupçonnait s'avérait vrai : ils avaient parlé de lui quand il n'était pas là, dans une optique de le préserver très certainement.

-Je ne suis pas en sucre, commença-il à gronder. Ça a été dur, mais je m'en suis remis. Je ne vais pas m'évanouir ou fondre en larmes si j'entends son nom, alors si vous avez quelque chose à dire, je suis tout ouïe.

Ce fut Felix qui prit la parole, après plusieurs mimiques silencieuses échangées avec le noiraud.

-C'est pas qu'on ne te sait pas capable de tenir le choc, Sungie. Je sais mieux que personne que tu es passé à autre chose, je t'ai à peine entendu évoquer son existence ces dernières années, et toujours dans un contexte plutôt heureux. C'est juste qu'il y a un monde entre se rappeler de lui et se retrouver face-à-face avec lui. J'avais peur... j'avais peur que tu sois mal après. C'est pour ça qu'on en a parlé avec Jinnie.

-Parce que pour vous, ça va être plus simple ? s'énerva Jisung sans même qu'il n'ait eu le temps de comprendre pourquoi la colère l'envahissait aussi rapidement. À ce que je sache, je n'étais pas le seul qui tenais à lui ! Pourquoi je serais le seul à souffrir de son retour ou de son absence ?

Il ne savait toujours pas laquelle de ces deux possibilités lui ferait le plus de mal à supporter. Si jamais il voyait Minho, il allait forcément vouloir lui parler, ne serait-ce que pour avoir des explications. Et si jamais il n'était plus comme le Minho qu'il avait connu ? Et s'il refusait de lui adresser la parole ? Et s'il éveillait à nouveau en lui des sentiments ? Au contraire, si jamais Minho n'était pas venu, ce qui était le cas de figure le plus probable, il allait être forcément déçu. Il allait devoir se rendre à l'évidence, réaliser qu'il ne le verrait probablement plus jamais. Aucune de ces options ne le rendait vraiment heureux. Il aurait fallu que jamais cette réunion n'ait lieu, ainsi ça lui aurait évité d'être autant sur les nerfs. C'était à cause de ça qu'il s'emportait face à ses amis les plus proches, qui ne voulaient que son bonheur.

-Je suis désolée, marmonna-il immédiatement. Je ne sais pas ce qui m'a pris, je suis un peu stressé, c'est tout.

-Et on te comprend parfaitement, Sungie. Nous aussi, on est complètement stressés de voir ce qui va se passer aujourd'hui. Contrairement à ce que tu crois, tu n'es pas le seul à avoir souffert de son départ. Mais malgré tout, on peut pas nier que tu avais un lien privilégié avec lui, et c'est pourquoi on s'inquiète plus pour toi que pour nous.

Le discours de Felix était sensé, comme d'habitude. Il avait beau faire l'idiot la moitié du temps, il n'en restait pas moins un être humain réfléchi et sensible, pour qui voir son meilleur ami dans cet état était une véritable épreuve.

-Oui, ajouta Hyunjin, et c'est pour ça qu'on t'assure qu'on sera là pour toi quoi qu'il arrive. Et c'est vrai, Felix et moi, on a parlé ensemble de Minho. Mais je t'assure qu'à aucun moment on ne t'a considéré comme faible. On a peur pour toi, c'est tout. On sait que déjà que c'est dur pour nous, ça doit l'être encore plus pour toi.

La serveuse arriva avec les commandes, interrompant momentanément le noiraud.

-Alors, les laits chauds, un, deux... Plus un chocolat et un café...

Elle déposa des mugs fumantes devant chacun des garçons, puis s'attela à distribuer les gâteaux. Felix, à qui le stress ne coupait visiblement pas l'appétit, se retrouva avec pas moins de deux muffins et un cookie devant lui. Les autres étaient restés sobres, et s'étaient contentés d'une seule pâtisserie. Ils remercièrent la serveuse en cœur, et après un rapide salut, elle repartit s'occuper d'autres tables. Jisung posa ses mains autour de sa tasse brûlante, et laissa la chaleur lui réchauffer les mains. Dehors, il faisait un véritable froid de canard, il n'était pas mécontent qu'Hyunjin ait choisi de lui commander une boisson chaude et non pas un thé glacé comme il prenait d'habitude. Étant donné le regard qu'il lançait à son café, lui aussi venait de trouver un réconfort certain en la température de ce dernier.

-Aouch, c'est chaud ! se plaignit Jeongin, qui venait d'avaler une lampée de son lait.

-Sans blague, ricana Felix à côté. Ça ne va pas me faire de mal, après le trajet dans le froid qu'on a fait. J'ai cru que je ne retrouverais plus jamais l'usage de mes doigts !

Ils se mirent prudemment à siroter les boissons, et plus aucun bruit ne se fit entendre. La nourriture et les breuvages firent leurs effets et réchauffèrent les âmes en même temps que les corps. Tout d'un coup l'atmosphère paraissait déjà un peu plus légère.

-Aah, ça fait du bien, souffla Felix en reposant son bol. Miam, maintenant, à moi les muffins !

-Tu es un vrai goinfre, observa Hyunjin qui se mit à grignoter son propre gâteau, un fondant au chocolat, avec beaucoup plus de classe que le blond. Tu sais que si on va là-bas, c'est pour déjeuner, pas vrai ? Comment tu vas faire si tu as l'estomac déjà rempli ?

-Tu me chous-estime, assura l'australien la bouche pleine, ce qui lui valut de projeter des miettes un peu partout, sous le regard dégoûté du noiraud et amusé de Jeongin. Je chuis capable d'avaler bien plus que ça !

-On en reparlera tout à l'heure.

Ils mangèrent tous avec appétit, même Jisung qui s'était résigné à entamer son cheesecake, moitié pour faire plaisir à Hyunjin, moitié parce qu'il adorait ça et que ça lui faisait de la peine de le laisser tout seul, ou pire, le laisser être mangé par Felix l'estomac sur pattes. Au final, l'appétit commença à lui venir alors qu'il prenait sa troisième bouchée, et il adressa un remerciement silencieux à Hyunjin de l'avoir forcé à prendre un petit-déjeuner. Qu'est-ce que les cheesecakes ici étaient bons ! Il fallait qu'il note l'adresse pour la prochaine fois qu'il devrait emmener quelqu'un à manger. Ce qui, il fallait l'avouer, n'arrivait pas très souvent.

Il n'avait jamais emmené beaucoup de personnes à déjeuner en rendez-vous. Avant Minho, Jisung n'avait même jamais réellement été en couple. Il avait eu quelques attirances, mais rien de bien sérieux. Des filles au collège qu'il admirait de loin, des garçons qu'il trouvait beaux. Ce n'était jamais allé plus loin. C'est pour ça que l'entrée du noiraud dans sa vie avait été une véritable révolution. Il n'avait jamais ressenti une telle chose, et au tout début, ça l'avait effrayé de tenir autant à quelqu'un. Il ne voulait pas souffrir et que ses sentiments ne trouvent pas de réciprocité. Alors il avait pris un soin tout particulier à éviter Minho durant les premiers mois qu'ils avaient passé ensemble, espérant que ce qu'il sentait grandir dans son cœur de jour en jour n'était qu'une passade. Mais il lui avait bien fallut se rendre à l'évidence : il était tombé éperdument, follement amoureux de Lee Minho. Et ce dernier lui paraissait tellement inaccessible, tellement trop bien pour lui qu'il avait passé des semaines à se morfondre et à tenter de faire partir ses sentiments, sans que cela ne soit efficace. Il était persuadé que Minho le haïssait, il le voyait toujours le regarder en coin d'un air un peu bizarre, et cette pensée le démoralisait complètement. En dernier recours, puisqu'il sentait que sa situation ne s'améliorerait pas, il avait alors pris la décision d'aller se confier à Hyunjin, et ce dernier lui avait ri au nez, en lui tenant à peu près ce discours : « Minho, te détester ? Tu rigoles : il est fou de toi, ça se voit ».

La suite, il la connaissait par cœur. La première déclaration, le premier baiser, l'annonce au reste du groupe, il pouvait rejouer chacun de ses moments à la minute près. Tous lui apparaissaient bizarrement fantomatique, comme si c'était un rêve qu'il avait fait il y a longtemps et dont il ne conservait qu'un souvenir flottant et empreint de nostalgie. Il n'osait l'avouer à personne, mais parfois, il se demandait sincèrement s'il n'avait pas imaginé Minho. Il lui paraissait impossible aujourd'hui de retrouver quelqu'un avec qui il aurait une telle connexion, quelqu'un avec qui il aurait l'impression de vivre les meilleurs instants de chaque vie à chaque instant passé à ses côtés.

Après Minho, il avait vu des gens. Beaucoup. Pas au début, pas au moment où il était le plus affecté, mais après si. Et ce n'était pas le genre à emmener au restaurant. Après des mois de silence radio, des mois à sentir l'espoir s'amenuiser au fur et à mesure, des mois à attendre des nouvelles désespérément, des mois à pleurer seul dans son lit, il s'était résigné. Le processus n'avait pas été de tout repos, il l'avait haï, regretté, aimé plus que jamais, haï à nouveau, et puis cette tempête d'émotions avait fini par laisser place à une sorte de lassitude. Environ an après la disparition de Minho, sans qu'aucun de ses amis ne soient au courant, il avait commencé à sortir le soir, dans des bars sombres et des discothèques bondées, et là il abandonnait un peu de lui à l'entrée pour une fois à l'intérieur se laisser aller complètement.

Il était devenu addict à l'amour que lui avait procuré Minho, à cette étincelle de vie qui l'animait, et maintenant qu'elle avait disparu avec lui il voulait la retrouver coûte que coûte. Il voulait à nouveau se sentir vivant, et puisqu'il n'était jamais satisfait il poussait les limites toujours plus loin, s'emmêlant dans une mécanique trop forte pour lui qui le broyait peu à peu. Il en avait connu, des personnes, il ne se rappelait aucun visage, il ne se rappelait plus que du flou en se réveillant le matin. Il savait juste que l'étincelle n'était pas réapparue. Vivre avec ce corps dépourvu de vie lui était devenu insupportable. Alors il recommençait, il s'oubliait en se collant contre d'autres corps, il s'oubliait en dansant jusqu'à ce que l'aube se lève, en laissant la musique trop forte et les odeurs de cigarette et d'alcool l'enivrer. Il savait qu'il n'était pas le seul ; ils étaient des dizaines comme lui, des vagabonds désespérés, qui voulaient remplir leur âme du vide qui creusait un peu plus chaque jour à l'intérieur. Des dizaines à être trop fatigués pour se lever le matin, à regarder sans envie ce qui auparavant les faisait bondir d'excitation, à sentir leurs cœurs se contracter douloureusement et lui donner une subite envie de disparaître.

Cette période de la vie, il n'y repensait que rarement, et toujours avec une petite pointe de honte qui qui lui serrait le cœur. De toute manière, il ne se rappelait rien de précis de ce qui était arrivé chacune de ses nuits folles. C'était sa mère qui l'avait découvert un matin, allongé sur le sol du restaurant. Il avait été trop fatigué, pas assez en possession de ses moyens pour remonter. Ça avait été un choc. Jusque-là, il avait réussi à tout cacher sous un sourire aussi faux que les je t'aime qu'il prononçait la nuit à l'oreille de la personne qui partageait son lit, dans une bref illusion où il se pensait encore dans les bras de Minho. La vision que ses parents se faisaient de lui avait volé en éclats : ils pensaient leurs fils remis depuis bien longtemps. Sa mère avait appelé Felix et Hyunjin, et elle leur avait tout raconté, en larmes, tandis qu'ils apprenaient, horrifiés, à quel point leur ami s'était laissé détruire à petit feu. Ça n'avait pas été facile, mais ils avaient remonté la pente, petit à petit, en tentant de redonner à Jisung goût à la vie. Il s'était remis à la musique, et il avait trouvé en cette dernière une échappatoire plus efficace que l'alcool. Quand il sentait qu'il y avait trop de choses en lui, il couchait sur le papier ses émotions, et cela le libérait d'un poids.

Le temps avait fait son effet, lui aussi, chaque jour qui passait effaçant un peu plus le souvenir de Minho, n'en laissant qu'une version édulcorée, comme une pierre soigneusement polie. Il avait réappris à sourire sincèrement, à apprécier la compagnie de ses amis comme les premiers jours. Quatre ans plus tard, il avait retrouvé l'étincelle dans sa vie, il était redevenu le jeune homme heureux que tous avaient appris à connaître. Il savait qu'il avait eu de la chance : sans ses amis, sans ses parents, sans tous les gens qui l'avaient soutenu, il n'aurait probablement jamais réussi à devenir la personne qu'il était aujourd'hui. Il avait même aimé à nouveau, brièvement, avant que la flamme ne s'éteigne d'elle-même. Ils s'étaient quittés en bon termes. Depuis, il n'y avait eu personne d'autres. Mais il n'avait que vingt-trois ans : la vie ne faisait que commencer.

-Sungie ? Ouhou, Jisung ?

La voix de Jeongin le tira de ses pensées. Il cligna des paupières alors que ses yeux semblaient assimiler la présence des quatre amis autour de lui. Ils le regardaient tous d'un air interrogateur, et il eut le sentiment d'avoir loupé quelque chose d'important.

-Pardon, je n'ai pas écouté, s'excusa-il.

-On a bien vu, ricana Felix. On se demandait si Mme Choi serait là ou non.

À la mention de leur ancienne professeure de musique, Jisung sentit ses yeux d'agrandir d'horreur. Elle était décidément la pire personne qui lui avait été donné de fréquenter.

-Alors là, j'espère pas !

Sa réaction déclencha une cohorte de rires. Jeongin hoqueta, il n'arrivait plus à articuler quoi que ce soit. C'était son rire plus que la réflexion de Jisung qui les gardait pliés en deux : il avait un rire qui évoquait un dauphin, et l'entendre suffisait à les plonger dans un fou rire incontrôlable et contagieux. Quand ils se turent, la moitié du café les regardait d'un œil noir.

-On ferait peut-être mieux d'y aller, proposa Felix, hilare.

Les autres approuvèrent d'un signe de tête, et remballèrent leurs affaires, enfilant gants, manteaux et écharpes pour se diriger vers la sortie, encore secoués de tremblements. Une fois dehors, l'air frais eut tôt fait de leur faire reprendre leurs esprits, et ils frissonnèrent, regrettant immédiatement la chaleur du café. Hynjin jeta un œil à son téléphone.

-Je pense qu'on peut commencer à se diriger vers la salle des fêtes. J'ai reçu un texto de Changbin, il est déjà arrivé.

Leur ancien petit groupe de sept avait créé une conversation pour l'occasion, afin de pouvoir s'échanger les informations plus facilement. Ils n'avaient pas parlé tant que ça dessus, se contentant de phrases un peu creuses qui exprimaient leur impatience de se revoir, ainsi que des envois de photos qu'ils avaient prises à l'époque. Jisung avait beau être tout aussi excité qu'eux, il ne pouvait s'empêcher de penser que baser une amitié uniquement sur des souvenirs était un peu triste. Un peu comme s'ils se forçaient à rester ensemble juste pour honorer ce qu'ils avaient un jour été. Il espérait que cette impression se dissiperait et qu'ils retrouveraient la même complicité qu'avant.

-Oui, il est déjà onze heures et quart, fit remarquer Jeongin.

A la mention de l'heure, Jisung sentit une vague de stress le traverser, et son regard paniqué croisa celui du noiraud, qui apposa une main rassurante sur son épaule.

-Tout va bien se passer, Sungie, je te le promets. Si jamais la présence de qui que ce soit te met mal à l'aise, je me charge moi-même de les faire dégager.

L'idée de Hyunjin chassant Minho à grand coup de balai était une image amusante, et elle arracha un sourire au brun.

-Tu ne seras pas toujours là pour me protéger, il faut bien que j'apprenne à me débrouiller seul !

Alors qu'ils approchaient de la salle, il sentait son anxiété le ronger de plus en plus. Mais les présences de ses amis l'aidant, il se sentait prêt à affronter quiconque se trouvant derrière les immenses portes barrées d'une banderole « Réunion des anciens élèves du lycée Taniguchi ».

La salle des fêtes se situait derrière ledit lycée et bien qu'elle n'appartint pas au directeur de celui-ci, c'était l'endroit dans lequel se déroulaient toutes les cérémonies officielles, allant de l'accueil des secondes au bal de promotion des terminales. Jisung pouvait se rappeler la dernière fois qu'il y était entré, vêtu d'un costume noir qu'il trouvait ridicule, mais qu'il avait porté pour faire plaisir à Chan, qui avait tenu à ce qu'ils soient tous bien habillés. Ils avaient tous les huit pris une photo devant ces mêmes portes, excepté qu'à l'époque la banderole indiquait la date de leur bal de fin d'année. Autrement, rien n'avait changé dans le décor : on pouvait toujours apercevoir les tours du lycée derrière, et quelques fenêtres de l'internat des garçons. La façade était du même beige fade, et les portes du même bois couleur miel. Les rues alentour étaient peu fréquentés, le quartier étant plus résidentiel que commercial. À part des cafés comme celui dans lequel ils avaient passé l'heure précédente, et des épiceries de proximité, les maisons étaient inhabitées le jour.

Jisung passait régulièrement dans cette rue, puisque le restaurant de ses parents ne se trouvait pas loin, mais il n'y avait pas vu une telle agitation depuis bien longtemps. Une masse importante de personnes bavardait devant l'entrée et à en juger par ce qu'il voyait entre les portes entrouvertes, il en était de même à l'intérieur.

Ses yeux scannaient désespérément la foule, redoutant et espérant à la fois de tomber sur un profil familier. Il reconnaissait un visage de temps à autre, certains dont il ne se souvenait même plus du prénom, mais son regard passait sur eux sans vraiment les voir. À ses côtés, il savait que ses trois amis faisaient de même, cherchant à la fois le reste de leur groupe et la personne qui les avait quittés. Ils s'avancèrent, hésitants, vers la porte, une fois qu'ils constatèrent que personne parmi ceux rassemblés dehors ne les intéressaient. Là, ils constatèrent que la décoration avait été refaite pour l'occasion. Partout où ils posaient les yeux, il y avait du bleu ou de l'argenté, que ce soit les guirlandes accrochées au mur, les ballons ou les serviettes de table. Un immense sapin trônait au fond de la salle, depuis lequel s'étendaient de longues tables garnies de nourriture et de boissons. Plats typiquement japonais se mêlaient à d'autres importés de pays plus occidentaux, salé côtoyait le sucré, et ainsi on trouvait des pâtisseries plus qu'appétissantes et des assortiments de fruits de mer partager la même table. Une petite centaine de personnes devaient être rassemblés là, éparpillés en petits groupes qui parlaient avec animation.

Ce fut Jeongin qui, le premier, repéra l'un des leurs.

-Changbin ! cria-il trop fort.

Le brun, qui était en pleine conversation avec un de leurs ex-camarades de classe, se retourna, et son visage s'illumina. Le plus jeune lui sauta dessus, et ils restèrent de longues secondes dans les bras l'un de l'autre, alors que Felix, Hyunjin et Jisung se rapprochaient, plus modérés mais non moins enthousiastes.

-Changbin, ça fait longtemps ! appela le blond à son tour, un immense sourire aux lèvres.

Ils se joignirent tous en un câlin collectif, moitié riant, moitié pleurant. Jeongin, le plus sensible, ne cachait même pas ses larmes. À demi-enfoui dans le pull de Changbin, il avait pourtant l'air d'être le plus heureux du monde. Ils ne l'avaient pas vu depuis ce qui paraissait être une éternité.

-Eh, je peux me joindre à vous ? demanda alors une voix qu'ils ne connaissaient que trop bien.

Les yeux de Jisung s'agrandirent sous le choc, alors qu'ils se tournaient, stupéfait, vers celui qui venait de parler.

La vision du jeune homme devant eux leur était si familière qu'il sentit son cœur se serrer. Le sourire qu'il arborait avait beau être sincère, encadré de ses fameuses fossettes, il n'ôtait pas la fatigue qui se lisait dans ses yeux bruns cernés. Vêtu d'un sweat noir trop grand pour lui et d'un jean bleu, il avait glissé dans ses cheveux blonds bouclés un headband noir qui lui donnait un air de mannequin sportif. Ce fut Changbin qui fut le premier à récupérer sa voix.

-Chan !

C'était bien lui : l'australien était de retour de son pays natal, bronzé et heureux. Ils se précipitèrent auprès de lui, posant mille questions en même temps.

-Je croyais que tu ne devais pas venir !

-Tu avais dit que l'avion était trop cher !

- Ça veut dire que tu reviens vivre ici ?

-Tu vas rester longtemps ?

-Tu dors assez la nuit au moins ?

-Eh, pas tous à la fois, s'amusa-il. Je vais tout expliquer, mais d'abord, je peux avoir mon câlin ?

Il n'eut pas à se faire prier deux fois : la seconde d'après, ils étaient tous sur lui, le serrant comme s'il allait disparaître. Jisung n'en revenait pas : il avait l'impression de rêver. Il n'avait pas vu Chan depuis des années, et il avait l'impression d'être réuni avec son grand frère.

Chan était la première personne avec qui il s'était lié d'amitié au collège. En déménageant en quatrième, Jisung arrivait alors que tous les clans étaient déjà formés, et il savait qu'il allait avoir du mal à trouver sa place. Pour quelqu'un comme lui, nouveau, timide et un peu gauche, Chan faisait figure de dieu vivant. Il avait redoublé une fois, ce qui le rendait plus âgé que les autres, et en plus de ça il était populaire, drôle, ami avec tout le monde, en un mot tout ce que Jisung n'était pas, et cela le fascinait. Avec Changbin, ils étaient inséparables, deux amis de primaire à qui tout semblait sourire. Les profs les adoraient. Ils n'étaient que des gosses, à l'époque, mais déjà ils rêvaient d'écrire des textes, de rapper. Jisung partageait leur passion, mais il n'aurait jamais osé leur avouer. Pour lui, c'était impensable ne serait-ce que de leur adresser la parole.

Et puis, un matin, quelques mois après la rentrée, c'était Chan lui-même qui était venu le voir, un grand sourire aux lèvres. Il était délégué de classe, et il avait remarqué que sur sa feuille de préparation aux études supérieures, Jisung avait noté qu'il souhaitait faire de la musique. « Tu sais, Changbin et moi, on cherchait quelqu'un pour être dans un groupe. Si ça te tente, tu pourrais être le troisième membre ? ». Jisung avait du mal à y croire. Il se trouvait bien trop indigne d'intérêt pour que Bang Chan pose les yeux sur lui. Et pourtant, il était sincère. À partir de là, ils ne s'étaient plus quittés, et leur petit groupe ne s'était par la suite agrandi qu'au lycée, avec l'arrivée de Felix, Minho, Jeongin, Hyunjin et Seungmin.

Après ce qui lui sembla de longues minutes, ils s'écartèrent les uns des autres, encore émus de s'être retrouvés. Il ne manquait plus que Seungmin, et ils seraient complets à nouveau.

-Et du coup, qu'est-ce que tu fais là ? renchérit immédiatement Jeongin.

Chan sourit.

-J'ai plutôt bien réussi à garder le secret, on dirait. Je me disais que ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu. Vos petites bouilles commençaient à me manquer. Comme c'est la période des vacances scolaires en Australie, j'ai pensé que je pourrais en profiter pour faire un saut ici.

-Ça veut dire que tu vas rester longtemps ? s'enthousiasma Felix.

Étant lui aussi originaire d'Australie, il s'était très vite lié d'amitié avec le plus âgé. Au début, ils ne pouvaient pas vivre l'un sans l'autre, Chan étant le seul à pouvoir lui servir d'interprète. Et même au-delà de ça, ils partageaient des références et des blagues que les autres ne comprenaient pas.

Le sourire de Chan se ternit un peu à la question du blond.

-Malheureusement non, soupira-il. Quelques semaines tout au plus. Mais eh, c'est déjà mieux que rien, pas vrai ?

Ils hochèrent la tête en chœur. De toute manière, tout le monde savait que vu leurs situations, se voir allait devenir de plus en plus difficile. Mais ils avaient bien l'intention de garder intacte leur amitié, alors ils n'allaient pas se laisser abattre par quelques centaines de kilomètres de distance. Des occasions comme celle-là, il y en aurait d'autres, il fallait qu'ils en profitent à fond.

-T'as intérêt à nous raconter ce que tu as fait pendant tout ce temps loin de nous ! réclama Jisung.

-Évidemment ! Mais avant, je prendrais bien un morceau à grignoter, je meurs de faim.

Tout en souriant, ils se tournèrent vers Jeongin, le plus proche de la table. Mais le cadet, loin de partager leur joie, gardait les yeux fixés sur un point au loin.

-Innie ? Qu'est-ce que tu...

La fin de la phrase de Hyunjin mourut sur ses lèvres alors qu'il suivit le regard du rosé. Les autres finirent par tourner la tête eux aussi, et tous se figèrent dans le silence le plus total.

Lee Minho venait d'entrer dans la salle.

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