Ça faisait déjà quelques minutes que les deux garçons avaient mis fin à leur tout premier baiser. Ils savaient qu'ils auraient dû rejoindre les cygnes noirs depuis un moment déjà pour les aider, mais aucun des deux ne voulait partir. Ils se sentaient à ce moment bien, tous les deux, dans leur bulle.

Mais celle-ci fut éclatée à la seconde où ils entendirent une voix s'élever.

— Chenle ! Je te cherchais partout !

Le cygne blanc sursauta et se retourna instantanément pour voir qui était son interlocuteur. Il s'agissait de Kun, et heureusement que ce n'était pas un autre cygne blanc qui le connaissait, car il aurait été impossible de cacher Jisung. Le plus vieux s'avança d'ailleurs vers eux, d'un pas rapide.

— T'es au courant pour la guerre ?

Le cœur du plus jeune chinois s'alourdit d'un seul coup. Bien que cette information était restée dans un coin de sa tête, la réalité était plus dure à avaler qu'il ne le pensait. Le temps était compté et par conséquent, Kun avait bien fait d'intervenir même si ce dernier ne savait pas qu'il venait de briser l'ambiance.

— Oui, malheureusement. Mais les cygnes noirs sont au courant, nous sommes allés les prévenir avec Jaemin.

— C'est donc pour ça qu'il n'y avait personne à la grotte, souffla le plus vieux, se sentant soudainement rassuré avant qu'il ne semble tilter ce que le plus jeune venait de dire. Une minute, tu as bien dit Jaemin ?

— Oui, il est avec nous.

Kun hocha la tête, assimilant la situation. Puis, il posa son regard sur Jisung qu'il avait remarqué, mais totalement ignoré depuis le départ. Il vit directement que ce dernier avait les joues légèrement rouges, puis il regarda Chenle et vit que lui aussi avait l'air légèrement embarrassé.

— Je... J'ai interrompu quelque chose ?

— Non, ne t'inquiète pas ! Affirma le cygne bicolore qui était resté silencieux jusque-là. On devrait aller rejoindre les autres, le temps presse, on doit rassembler nos affaires et aider les autres. Pars devant, on te suit !

Le plus vieux acquiesça simplement, et partit pour laisser les deux garçons seuls encore quelques secondes. Jisung avait beau lui dire le contraire, il savait qu'il avait interrompu quelque chose, mais ça lui fit doucement sourire.

Du côté du cygne bicolore, il regarda son "ami", un faible sourire sur les lèvres.

— On reparlera de nous après tout ça, si tu veux bien...

— Oui, bien-sûr ! Sourit le cygne blanc à son tour.

— Je le sens mal, cette histoire. Donc je te le dis encore une fois, mais je veux que tu saches que je tiens énormément à toi Chenle.

— Moi aussi.

Et Chenle ne mentait pas. Grâce à Jisung, il se sentait vivre.
S'il venait à le perdre, il ne saurait pas comment il se sentirait.
Probablement mort de l'intérieur.

Suite à cette courte discussion, les deux garçons décidèrent de partir rejoindre le plus vieux. Puis, ils rejoignirent là où vivaient les cygnes noirs, où Chenle et Kun étaient vus d'un très mauvais œil. En effet : ils croyaient qu'ils étaient là pour les attaquer alors que la réalité était toute autre. Ils ne voulaient que les aider, comme quoi la bonté existait toujours dans ce monde de brutes.

Pour aller plus vite, les trois garçons décidèrent de se séparer, et promirent de se retrouver tous ensemble avant le levé du soleil. Ils le devaient.

Le temps passait à une vitesse folle. Plus les heures défilaient, plus Chenle se sentait angoissé. La guerre allait bientôt débuter. Mais heureusement, ils avaient bientôt fini, et la plupart des cygnes noirs étaient partis, ce qui devrait limiter les dégâts. Chenle le savait : malgré tout ce qu'ils pourraient faire, il y aurait des morts, et il espérait qu'aucun de ses proches ne périraient.

Chenle avait rejoint Sungchan, afin d'aider ce dernier et sa famille dans la préparation des affaires urgentes. Il était pas loin de cinq heures du matin et il n'avait aucune idée d'où pouvait se trouver celui qu'il aimait. La seule chose qu'il savait, c'est qu'il était fatigué, stressé, mais qu'il n'avait pas d'autre choix que d'épuiser toutes ses forces à l'heure qu'il était.

— Merci de nous avoir aidé, dit le plus vieux de deux mois, avec un sourire sur les lèvres. Je te revaudrai ça.

— Avec plaisir, et tu ne me dois rien ! C'est normal !

— J'y tiens. Au moins, parlons-nous plus souvent quand nous retournerons au lycée, si on peut y retourner...

— J'espère pour toi en tout cas, sourit Chenle sincèrement.

— On verra bien, répondit Sungchan en haussant les épaules. Pour l'instant, va retrouver Jisung, je sais que tu n'attends que ça.

Le cygne blanc lâcha un bref "oui" avant de quitter la maison de son camarade de classe, qui était au fil des jours devenu un ami. Ils s'étaient avant-tout promis de se retrouver à la nouvelle base des cygnes noirs, et Chenle ne comptait pas briser cette promesse.

Le garçons courait partout dans le village qui était maintenant presque désert. Il avait l'impression d'avoir faire le tour au moins trois fois, mais il ne trouva pas celui qu'il recherchait désespérément. Il commençait à avoir peur. Peur qu'il lui soit arrivé quelque chose.

— Chenle !

Ce dernier s'arrêta dans sa course en entendant son nom, il se retourna et vit Jaemin et Kun qui s'approchaient de lui en courant.

— Les gars, vous avez vu Jisung ?

Au vu de la tête de ses deux amis, il comprit que non, ils n'avaient pas vu celui qu'il aimait. Son inquiétude ne cessait d'augmenter, quand il entendit d'un seul coup un bruit sourd qui lui fit sursauter de peur. Il se retournait vers la provenance du son, et comprit directement.

C'était un coup de feu.

— Chenle, on doit partir maintenant, ils sont là, dit Jaemin en s'approchant et en agrippant le poignet du garçon afin de le tirer hors du village. Mais le cygne blanc se dégagea de son emprise.

— Je ne pars pas sans Jisung.

— Il est peut-être déjà parti, tu sais...

— Il ne serait pas parti sans être sûr que je ne sois pas parti non plus.

Jaemin se mordit la lèvre inférieure, ayant peur pour son ami, mais comprenant totalement de quoi il parlait. Chenle était amoureux de Jisung, tout comme Jaemin était lui aussi amoureux de Renjun. Il savait que s'il se retrouvait dans cette situation, il ne pourrait pas partir sans Renjun non plus. Le prince lâcha un soupir.

— Bon. On fait le tour du village discrètement et rapidement, d'accord ? Et après, on se taille.

— On ?

— Oui, je viens avec toi.

— Et moi aussi, intervint Kun.

Le plus jeune des cygnes blancs ne pouvait s'empêcher de sourire, heureux de voir qu'il pouvait compter sur ses amis. Ils ne perdirent donc pas une seconde, et se mirent en route pour faire le tour du village assez discrètement pour ne pas être pris pour un cygne noir et se faire tirer dessus. Les trois garçons étaient angoissés, mais Chenle l'était bien plus que les autres, car Jisung était un cygne bicolore, et par conséquent, si les cygnes blancs le trouvait, il ne survivrait pas.

Sur leur chemin, ils croisèrent plusieurs de leurs connaissances, comme Mark ou Jungwoo, qui étaient armés et qui n'hésitaient pas une seule seconde à tuer le moindre cygne noir qu'ils voyaient sans voir le côté humain de ces derniers.

Chenle ne leur en voulait pas.
Ils étaient matrixés par les idées de Jaehyun, lui-même matrixé par son désir de vengeance.

Après plusieurs longues minutes de recherche, les trois amis se posèrent dans une maison vide, désespérés de ne pas avoir trouvé une seule trace de Jisung. Si ça se trouve, il était déjà parti.

Ou même pire.

Il était peut-être déjà mort.

Les idées noires de Chenle commençaient à refaire surface, qui s'ajoutaient donc à l'angoisse qu'il ressentait depuis le départ. Il savait qu'il n'aurait jamais dû se séparer de Jisung.

— Ne désespère pas, d'accord ? Il y a encore des endroits où on doit regarder, il est certainement caché, d'accord ? Tenta de rassurer Kun, qui n'était lui-même pas sûr de ce qu'il disait.

Le jeune chinois allait répondre, quand il entendit soudainement des cris qui provenaient de dehors. Intrigués, les trois garçons regardèrent plus ou moins discrètement par la fenêtre. Le cœur de Chenle loupa un battement.

Renjun, un cygne blanc, le petit-copain de Jaemin, tenait Jisung en joue avec son arme.

Le chinois, en voyant cette scène s'apprêta à crier. Mais il fut coupé par Kun qui mit sa main sur sa bouche.

— Ne cris pas, ça pourrait faire peur à Renjun et le faire tirer sur Jisung.

Chenle comprenait, mais sentit malgré tout les larmes lui monter aux yeux. Il allait donc voir Jisung mourir, devant ses yeux, et il ne pouvait rien faire.

— Restez ici.

Jaemin se leva et partit d'un pas rapide, ne laissant pas le temps aux deux autres garçons de demander où il allait. Mais ils comprirent bien rapidement lorsqu'ils le virent dehors.

— Renjun, appela le prince.

L'appelé se retourna directement, mais ça ne l'empêchait pas de garder son arme pointée sur le cygne bicolore.

— Jaemin ? Bordel, t'étais passé où !? On t'a cherché partout !

— Là n'est pas la question. Renjun, je veux que tu baisses ton arme tout de suite.

— Quoi !? Mais pourquoi !?

— Tu ne vois pas pourquoi ? C'est ce que j'essaie de te faire comprendre depuis des semaines, c'est un être humain comme toi et moi !

— Non, ce sont des meurtriers, si on ne fait rien, ils vont finir par nous faire du mal !

— En attendant, c'est toi qui est à deux doigts de le tuer.

Le plus vieux ne répondit pas sur le coup et posa son regard sur son arme qui tenait indéfiniment Jisung en joue. Il se mordilla la lèvre inférieure, et baissa son arme.

— Ecoute, reprit Jaemin. Les cygnes noirs ne sont pas comme ça. Puisque tu veux savoir où je me trouvais ces dernières heures, j'étais simplement avec eux pour les aider. J'ai découvert que c'étaient des personnes comme nous, qui vivaient, aimaient, étaient soudés, mais qui étaient avant tout désespérés.

— Je...

— Tu te rends compte quand même qu'on a jugé des personnes sur la couleur de leurs ailes, sans même savoir comment ils étaient réellement intérieurement ?

Silence. Chenle, Jisung et Kun assistaient à la scène, tous autant stressés l'un que l'autre. Renjun reposa son regard sur le cygne bicolore, droit dans les yeux. Il vit qu'ils brillaient, et qu'il essayait de ne pas pleurer tant il avait peur. Le cygne blanc se rendit compte de la situation, de ce qu'il faisait.

— Tu as raison.

Renjun posa son arme au sol, signifiant qu'il ne voulait plus participer à cette tuerie. Tous les cœurs présents s'allégeaient. Chenle et Kun se levèrent et partirent rejoindre les trois garçons d'un pas pressé.

— Jisung !

Tous les regards se posèrent sur Chenle, qui avait un grand sourire, mais rien ne pouvait égaler celui qu'avait Jisung à ce moment présent, qui avait bien failli mourir quelques secondes plus tôt. Renjun prit un air étonné, tout d'abord en voyant ses deux autres amis chinois, puis en voyant qu'ils avaient l'air de tous se connaître. Il avait été si aveugle.

Le cygne bicolore se releva, et avança d'un pas vers Chenle. Celui qu'il aimait tant, et qu'il avait simplement envie de prendre dans ses bras tant il était rassuré de le revoir.

Mais il s'arrêta soudainement,
à la seconde où il entendit un coup de feu.

Chenle qui s'était avancé aussi fronça les sourcils, se demandant d'où pouvait provenir le coup de feu. Puis, il posa à nouveau son regard sur le plus jeune.

Il crut s'évanouir.

Il regarda les mains de Jisung, qui étaient posées sur son cœur.

Elles étaient pleines de sang.

— JISUNG !

L'appelé regarda son bien aimé, et tenta de s'avancer vers lui. Mais il tomba d'un seul coup au sol. Chenle courut jusqu'à lui. Les larmes qu'il retenait depuis quelques minutes déjà commencèrent à dévaler le long de ses joues.

Le cygne blanc partit rapidement s'agenouiller à côté du cygne bicolore. Il le retourna et prit sa main dans la sienne.

— Jisung... Je t'en supplie... Ne me laisse pas... Murmura Chenle avec difficulté, le visage rongé par les larmes.

— Chenle... Je... Je suis désolé...

— S'il te plaît... Comment je vais faire sans toi ! Je... Je t'aime Jisung, plus que tout !

Mais le cygne blanc ne reçut aucune réponse. Le corps de Jisung était maintenant inerte.

Et quand Chenle le comprit, il cria.

Il cria de désespoir.

Espérant que ça allait faire revenir Jisung.

Mais il était trop tard.

Il était impossible de revenir en arrière.

Des plumes commençaient à voler.

Celles noirs et blanches de Jisung,

Ainsi que les plumes blanches de Chenle.

Mais plus les secondes passaient, moins il y avait de plumes blanches.

Et plus il y avait de plumes noires,

Des plumes noires qui représentaient le désespoir et le mal-être de Chenle.

Entre ses cris, Chenle put entendre quelqu'un d'autre crier :

— CHENLE ! IL FAUT QUE TU T'EN AILLES !

Mais Chenle releva simplement la tête. Il comprit sans même regarder ses ailes qu'elles n'étaient plus entièrement blanches. Il regarda Jaemin, Kun et Renjun, et leur lança un dernier sourire.

Avant qu'un coup de feu retentisse.

Chenle ne ressentait plus rien, si ce n'est qu'il commençait à avoir froid. Mais malgré cette sensation, il se sentait apaisé. Il s'allongea à côté de son bien aimé, et le prit dans ses bras avec le peu de force qu'il lui restait.

Il ferma ses yeux, et vit sa vie défiler.

Mais il avait hâte.

Hâte de retrouver Jisung, dans un monde où ils seraient acceptés selon qui ils sont,

Et pas selon la couleur de leurs ailes.

Fin.