Chapitre 6 | La ruelle.

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Il ne l'avait pas vu, ces derniers jours. De toute façon il n'avait pas envie de le voir. On aurait vraiment dit qu'ils faisaient exprès d'agir comme s'il ne s'était rien passé. Ça recommençait juste comme avant, avant les sombres révélations très vagues, d'ailleurs. Stefano disparaissait, et Matthew ne cherchait même plus à le voir en ce moment. Il n'avait toujours pas envie de lui parler. Alors il n'essayait pas à tout prix de le trouver, de savoir où il était. Il n'en avait plus rien à faire. Même de savoir s'il tuait encore ses gens la nuit ne l'intéressait pas. Il était trop dégoûté pour l'instant, trop déçu. Et surtout par lui-même.

Alors comme il se l'était dit, il n'allait rien faire. Il allait attendre, même si ça n'arrivait jamais. Plus rien ne l'intéressait maintenant qu'il avait eu l'impression que Stefano se moquait de lui depuis le début. Il allait juste continuer sa vie, tranquillement, normalement, même si dans un coin de sa tête il n'oublierait jamais ce qu'il avait appris. Et qu'il était toujours le seul à savoir d'ailleurs.

Mais il n'avait pas le temps d'y penser, de toute manière. Il devait avant tout travailler, et maintenant les heures supplémentaires lui semblaient encore plus accueillantes qu'avant. Ça lui éviterait de rentrer trop rapidement chez lui et de repenser à tout ça. Il devait penser à autre chose. Et aider des gens lui faisait encore plus oublier qu'il connaissait quelqu'un qui les tuait, lui. Sauf que quand il se rendit compte qu'il recommençait à penser à lui, il chassa aussi vite de sa tête ces intrusions indésirables.

Mais malheureusement pour lui, l'heure fatidique était arrivée. L'heure où il fallait maintenant rentrer. C'était fini pour aujourd'hui, et ça l'arrangeait encore moins que d'habitude. En temps normal, il aurait quand même été un minimum content, car il allait sûrement voir Stefano, ils allaient sûrement se parler. Mais là, il ne comptait plus faire en sorte que ce soit le cas. Alors il allait simplement rentrer, être seul chez lui, enfermé dans la cellule qu'était sa tête impossible à éteindre ne serait-ce qu'une soirée. Il était déjà fatigué à l'avance.

En cette fin de journée, les rues de Krimson étaient assez désertes, étonnement. Peut-être parce qu'il avait fini plus tard, alors il ne croisait plus grand monde. Les gens étaient pressés de rentrer, fatigués par leur journée. Ils avaient juste hâte de rentrer chez eux, mais pas Matthew. Lui il avait toujours redouté ce moment. Car il allait se retrouver seul. Et il savait qu'au contraire, il allait être fatigué par le fait d'être seul avec ses ruminations intérieures, justement.

Le soleil commençait lentement à se coucher, il pouvait l'apercevoir au loin. Il n'avait pas l'air motivé, tout comme Matthew qui comptait bien faire durer le trajet. Il passait à travers les rues, croisant toujours aussi peu de monde, puis comme d'habitude, il vit au loin la galerie d'art. Il passait bien évidemment devant chaque jour, étant comme par hasard sur son chemin. C'était d'ailleurs devant elle qu'il avait officiellement rencontré Stefano, toujours par un coup du hasard. Finalement, quand il y pensait, ce n'était peut-être pas un hasard.

Et ce n'était sûrement pas un hasard non plus quand au loin, un peu devant la galerie, juste à côté d'une ruelle qu'il ne prenait jamais, se trouvait quelqu'un qu'il connaissait. Bien sûr, évidemment, comment ne pas s'en douter. Il y avait tellement de chances qu'il le croise pile , après tout. Cette fichue galerie était vraiment un lieu qui attirait les malheurs. Car son plus grand problème actuel se trouvait là, à côté d'un mur et croisant les bras. Il le regardait comme si ça faisait un moment qu'il l'attendait.

Quand il arriva presque à sa hauteur, il eut envie de faire demi-tour en courant.

-Matthew.

Pourquoi il avançait toujours vers lui, au juste ? Il pourrait très bien faire comme s'il ne l'avait pas vu, l'ignorer simplement et passer à côté de lui. Mais non, maintenant il s'arrêta, car il se dit qu'il devait un minimum écouter ce que Stefano avait à dire.

-Je crois qu'on doit se parler.

Il croyait bien, en plus. Évidemment qu'ils devaient se parler. Mais la motivation n'était pas là pour Matthew. Il n'avait toujours pas envie de le voir, alors quitte à passer pour un enfant immature fuyant ses problèmes, il eut la merveilleuse idée d'emprunter la ruelle qui se trouvait juste à sa droite. Il ne l'avait jamais vraiment remarquée, d'ailleurs, mais heureusement qu'elle était là.

-Il fallait y penser avant de tuer des gens.

Bien sûr, il avait fait attention à ce qu'il n'y ait personne autour. Personne ne devait écouter par inadvertance ce qu'ils étaient en train de se dire. Heureusement que ce soir, il n'y avait quasiment personne dans les rues. Mais ça ne changeait rien au fait qu'il le pensait. Alors oui, Stefano devait avoir commencé bien avant de rencontrer Matthew, mais ça aussi, ça ne changeait rien au fait qu'il aurait dû réfléchir avant. On ne savait jamais ce qui pouvait arriver dans le futur, et là, c'était l'exemple parfait.

Mais son manque de coopération ne sembla pas décourager Stefano pour autant, puisqu'il le suivit directement, bien décidé à parler, lui.

-Matt', il faut qu'on parle. Je me doute bien que tu dois avoir de nombreuses questions et..

Matthew se retourna soudainement, s'arrêtant au passage, ce qui laissa en suspens la phrase de Stefano, qu'il ne prit même pas la peine de finir. Il avait eu son attention, c'est tout ce qui comptait. Mais il ne savait pas si là, il devait s'en réjouir. Puisqu'il avait l'air sacrément énervé.

-Sérieusement ? Si je n'avais que des questions, ce serait bien, mais tu dois aussi te douter qu'il y a plus de choses que ça.

De la colère, l'impression d'avoir été trahi, humilié, de n'avoir été qu'une personne comme une autre, un simple objet. Le sentiment de ne pas avoir été important, au final. L'incompréhension, aussi. Trop de choses. Et surtout, une immense haine envers lui-même qu'il contenait depuis si longtemps. Il se détestait d'être aussi faible.

Et il regardait maintenant Stefano, un mélange de cette colère et d'une profonde tristesse dans les yeux. Planté là, au milieu d'une ruelle vide, les mains dans les poches de sa veste, car il sentait que s'il les laissait dehors, il risquerait d'étrangler la personne en face de lui. Il se sentait coupable, aussi.

-Est-ce que tu réalises ce que ça m'a fait ?

Non, sûrement pas. Mais ce n'était pas vraiment de sa faute. Il avait du mal à savoir ce que les autres ressentaient, normalement. Il ne pouvait que supposer et imaginer toutes les différentes émotions dans lesquelles Matthew était maintenant plongé. Et lui, il se demandait une nouvelle chose. Quand il lui avait dit qu'il n'avait jamais eu l'intention de le tuer, était-il sincère ? Est-ce que c'était vrai, ou était-ce simplement une ruse pour l'amadouer ? Dans tous les cas, il se sentait stupide d'y avoir cru.

Il ne savait plus qui était vraiment Stefano. Et depuis un moment déjà.

-J'apprends d'un coup que mon ami est bien un tueur, et qu'en plus il avoue ça tranquillement comme si tout était normal..

Il ne se remettait toujours pas de cette nonchalance, de cette aise qu'il avait eu ce jour-là. Il n'avait même pas cherché à mentir, peut-être parce qu'il avait eu confiance en sa réaction. Et d'un côté, il avait eu raison. Mais maintenant, il y avaient les conséquences à affronter.

-Alors oui, j'ai beaucoup de questions, et je ne comprends absolument rien. Mais pour le moment, je n'ai même pas envie de te voir.

Il préférait se noyer dans le désespoir, pour l'instant, même si ce n'était pas la meilleure solution. Parler de tout ça était bien évidemment la meilleure chose à faire, mais il n'en avait toujours pas le coeur. Il devait d'abord être d'accord avec lui-même avant de finalement dire s'il était prêt ou non à parler. Et là de toute façon, il était trop en colère pour penser correctement.

Alors il s'apprêtait à reprendre son chemin, quand Stefano se mit enfin à parler, à dire quelque chose. Car depuis avant il n'avait fait qu'écouter comme s'il essayait de comprendre ce que Matthew pouvait bien ressentir.

-C'était nécessaire. Je devais tout te cacher, sinon comment aurais-tu réagi ?

Il aurait pu faire autre chose, depuis le début. Une chose qu'il faisait si souvent et simplement, mais que comme il l'avait dit, c'était ce qu'il n'avait jamais eu l'intention de lui faire. Pour sa propre tranquillité et sécurité, il aurait pu tuer Matthew. Mais il ne l'avait pas fait, et c'est ce qu'il ne comprenait pas. Alors il comptait bien lui demander pourquoi.

-Et au lieu de te fatiguer à tout me cacher, tu n'aurais pas pu juste me tuer ?

Qu'est-ce qui a fait de lui une personne si spéciale ? Qu'est-ce qu'il avait de plus que les autres ? Pourquoi Stefano a estimé qu'il le méritait plus que les autres ? Ça ne faisait aucun sens. Et ce qui ne faisait encore moins sens, c'était que lui-même ne savait pas pourquoi il ne s'était pas débarrassé de lui.

-C'était impossible. Ça l'est toujours autant, d'ailleurs.

Ce qui était logique, sinon il l'aurait vraiment enfin tué le jour où il avait découvert la vérité. C'était la seule fois où il aurait eu une raison valable de le faire, mais non. Toujours pas. Car même après la découverte de ses secrets, il ne courait toujours aucun danger. Il n'allait même pas être livré à la police. Et ça, c'est ce que lui ne comprenait pas.

-Mais pourquoi ça l'est ? demanda alors Matthew, haussant légèrement la voix. Qu'est-ce qui t'a empêché de le faire ?

Il s'énervait, car il voulait comprendre. Mais même Stefano ne le savait pas alors, ça risquait d'être compliqué. C'est pour ça qu'il le regarda un long moment, sans savoir quoi dire, encore une fois avec cet air presque triste, comme celui qu'il avait eu la dernière fois. Que pouvait-il répondre ?

Mais comme la réponse ne venait pas, et n'arriva jamais, Matthew finit par perdre patience, et il tourna définitivement les talons. Il était déçu. Beaucoup trop déçu. Et encore plus triste de savoir que visiblement, il n'aurait jamais cette réponse-là. Stefano ne pouvait même pas lui dire pourquoi, qu'est-ce qu'il attendait encore de lui ? Maintenant, il ressentait juste de la déception envers cette personne qu'il avait tant su admirer.

-Matt'.

Encore une fois, il s'arrêta. Alors qu'il ne s'y attendait pas, Stefano venait à nouveau de l'interpeller. Qu'est-ce qu'il avait à dire cette fois ?

Il se retourna quand même, juste pour le regarder avec un air qui disait que quoi qu'il dise, ça ne l'intéresserait même pas. Il n'avait plus rien à montrer à part de la colère.

-Je suis désolé.

Ça, par contre, ça sembla quand même un peu l'étonner. Mais il se reprit vite, il savait que ce n'était pas sincère. Alors après un petit moment à regarder le sol, il ne réfléchit pas bien longtemps avant d'à nouveau planter son regard sur Stefano et de lui répondre.

-Tu ne le penses pas.

Il lui avait lancé une affirmation, une évidence. Pas une question ou une légère hésitation. Il le savait. Ils le savaient tous les deux. Stefano ne le pensait pas, mais il s'était dit que c'était quand même quelque chose que Matthew aurait voulu entendre. Et lui, en effet, même s'il attendait un peu d'excuses, il voulait surtout beaucoup d'explications claires. Mais pas aujourd'hui, pas maintenant. Déjà qu'il avait espéré rentrer chez lui tranquillement, il était temps à présent.

Alors il reprit enfin sa marche, pour définitivement quitter cette ruelle vide et triste, laissant Stefano seul derrière lui, immobile et ne sachant pas quoi faire.

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