11 ~ ADRIEN

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- Dis donc, ta fille elle a encore grossi, souffle l'une des invités

- Ouais, bientôt obèse, fait attention, ajoute la deuxième

Je fronce légèrement les sourcils, Lucy ? Bientôt obèse ? C'est limite si on ne voit pas ses os à travers sa peau. Et puis, au pire, qu'est-ce que ça ferait ? Elle a le droit d'être comme ça.

- Et puis, elle ne s'est pas foulée pour faire la cuisine

- Fais attention, si tu la laisse faire, bientôt, tu seras à sa botte et tu feras tout pour elle, ne te laisse pas faire par ton ado

- Ouais, je sais, j'essaye de lui faire comprendre qui est la patronne, rit Emma, au plus grand étonnement de mon père qui préfère ne rien dire.

La concernée finit d'ailleurs par revenir d'un air assez agacé mais très souriant, c'est la première fois que je la vois fermer sa grande gueule, elle n'a jamais été aussi souvent silencieuse. Ma joue a encore mal de la gifle qu'elle m'a mise, je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, mais j'avoue ne pas vouloir comprendre. J'ai pas su résister à cette envie de l'embrasser.

Enfin bref, elle tend l'ordinateur à sa mère avant de lever légèrement les yeux au ciel sous le manque de politesse de ses convives qui ne lui parlent même pas. Et c'est au moment où elle s'assoit que sa mère la coupe d'un air sévère j'ai l'impression.

- Apporte nous le dessert, tu ne vois pas que nous avons terminés ?

- Si bien sûr, désolée... finit-elle par dire avant de relever.

Tout de suite, elle se met à l'action, et je la vois à nouveau emmener son assiette. Elle revient avec le dessert et pose le tout sur la table avant de s'installer. Elle sert tout le monde, comme une hôte pourrait le faire, mais ne met rien dans son assiette, il faut dire qu'elle n'a encore pas eu le temps de manger, elle a peut-être décidé d'abandonner, et j'aurais fait pareil je dois avouer.

Les trois amies continuent de parler, comme si elles ne pouvaient pas arrêter, incluant de temps en temps mon père dans la discussion. J'écoute à peine les mots qui sortent de leur bouche, mais je vois Lucy légèrement en alerte, sa jambe bouge frénétiquement sous la table, et ça a le don de me stresser un peu, il ne faut pas que j'y fasse attention.

- Alors Lucy, comment se passe les cours ? demande une des invités, ce qui me surprend un peu, et elle aussi je crois

- Et bien... commence donc la concernée

- Elle sèche quasiment tous ses cours ! déclare Emma ce qui fait soupirer sa fille

- Une vraie débauchée ! Et ça ne m'étonne pas d'elle ! crache une des deux invités.

- Quand je pense que ce lycée l'a accepté, comme quoi leur réputation a bien baissé, renchérit la deuxième

- Ils ne vont pas la garder longtemps ! Elle sèche encore une fois et elle est virée ! Ils veulent garder une bonne image ! rit sa mère

Je vois Lucy se pincer les lèvres avant de se lever en soupirant un peu.

- Excusez moi, je suis un peu fatiguée, je vais aller me reposer, dit-elle

- Dit juste que tu dois retrouver un de tes plans culs, ça ira plus vite, annonce l'une d'entre elle

- Mais non, je suis sûre qu'elle a une "soirée", rigole la deuxième d'un rire amer

- Lucy, débarrasse la table au lieu de dire des conneries, soupire sa mère.

Je la vois essayer de se retenir de parler, mais je ne crois pas que ça marche vraiment car je l'entends dire :

- Non, j'en ai pas envie

- Pardon ? s'indigne sa mère

- Je n'ai pas envie de débarrasser la table, répète-t-elle

- Mais quelle insolence tu as jeune fille ! raille une des invités

- Je te demande pardon Natasha ? Tu peux répéter ? l'interroge Lucy

- Je dis que tu es insolente, et que tu n'as pas à répondre à ta mère sur ce ton ! Elle te donne tout, elle t'a donné la vie, un toit, une famille, et tu lui parle super mal, tu n'a pas à être insolente avec elle ! annonce-t-elle en se levant d'un air énervé

- Je n'ai pas de leçons à recevoir d'une personne qui est incapable de maintenir son couple sans constamment coucher ailleurs. Tu n'as rien à me dire, est-ce que je me suis bien fait comprendre ? ajoute Lucy.

- Eh ! Je ne te permets pas de lui parler sur ce ton ! rétorque donc Kelly, si j'ai bien compris, qui vient à son tour se lever. Tu n'as pas à lui dire ce genre de chose, surtout quand on voit à quel point tu devient fainéante et désagréable ! Quand tu seras capable de faire un repas décent et de gagner ton propre argent, on en reparleras, c'est clair ?!

- Moi ? Fainéante ? Tu te fous de moi j'espère ? réplique la bombe à côté de moi. Sans moi, il n'y aurait pas de repas, il n'y aurait pas de ménage, il n'y aurait que la maison et la personne qui la paye ! Mais si ce que je te fais à manger ne te plaît pas, rien ne t'empêche de prendre ta femme, tes clics et tes claques, et tu dégages de ma maison pour aller bouffer chez toi car de toute façon, c'est le seul endroit où tu trouveras la nourriture à ton goût !

- Lucy ça suffit ! Tu fermes ta gueule, tu présentes tes excuses à nos invités et tu vas dans ta chambre ! Y'en a marre de ton insolence à la fin ! crie Emma en frappant la table.

Un grand silence s'en suit, et je vois Lucy qui bouillonne, je sens qu'elle a envie de parler, mais elle se retient de le faire. Elle jette un regard plus que noir à Natasha et Kelly, puis tourne le regard vers sa mère pour lui dire :

- Plutôt crever que de m'excuser auprès de deux pétasses comme elles.

Elle crache un soupir avant de sortir de table. Je lance à regard à mon père qui semble surpris et il est comme moi, il ne sait pas où se mettre. Je soupire légèrement et regarde les invités. Après un petit moment, les trois femmes se regardent, et d'un accord silencieux, elles se dirigent vers la porte, reprenant doucement leur conversation. Je me pince les lèvres et jette à coup d'oeil à mon paternel, il souffle de soulagement, la tension était plus que palpable.

- Et bien dis donc, ce n'est pas de tout repos... finit-il par dire avant de laisser un petit rire lui échapper.

Il fait un geste de la tête en direction de la table et je me lève pour commencer à débarrasser, je le vois qui fait de même. On s'apprêtait à emmener des choses dans la cuisine quand la voix d'Emma nous arrêtent :

- Laissez ça, Lucy va s'en occuper

- On peut s'en occuper, elle a fait le repas, la contredit mon père

- Après le cirque qu'elle a fait, la laisser faire c'est la moindre des choses, réplique notre hôte

- Emma, s'il te plaît, laisse nous faire ça, continue-t-il en la regardant

Elle reste muette quelques instants avant de lever les yeux au ciel en hochant la tête, elle n'est pas d'accord avec ça, mais face à mon père, visiblement, elle cède.

- Je reviens, dit-elle avant de partir vers les escaliers

Je me pince les lèvres et aide mon père à débarrasser la table. Au bout de quelques minutes, quelques voix se font entendre, et elles se transforment en cri. Mon père et moi nous arrêtons avant de soupirer, il s'agit de nos hôtes, et visiblement, ça a l'air de chauffer en haut.

- Et ben dis donc... soupire mon père, ce qui me décroche un léger sourire tandis que je commence à faire la vaisselle. Tu fais la vaisselle maintenant ? Je devrais prendre une photo, ça n'arrive pas tous les jours

Je lève les yeux au ciel, toujours amusé, c'est vrai que ça fait longtemps que je n'ai pas fait ce genre de choses. Je soupire et termine rapidement, ça m'énerve, et je viens de voir qu'il y a un lave-vaisselle, autant s'arrêter là. Je m'essuie les mains et remplit le lave-vaisselle tandis que mon père range les restes de notre repas. On finit par entendre des pas et je vois Lucy descendre les escaliers avant de nous rejoindre, allumant une cigarette sur le chemin, ça ne m'étonne pas. Elle a l'air assez énervée, un air qu'elle arbore quasiment tous les jours depuis que je la connais.

Elle soupire en tirant une taffe de sa cigarette avant de regarder ce qu'on a fait, un air soudain amusé. Alors qu'elle allait dire quelque chose, une autre personne descend des escaliers, il s'agit de sa mère évidemment.

- Jeune fille, la discussion n'est pas terminée ! siffle Emma

- Je sais, je repousse juste le moment où je m'énerve contre toi, soupire Lucy en levant les yeux au ciel.

Je regarde plus attentivement ma colocataire, il semblerait que sa joue soit un peu rougie, et c'est rapidement que je comprends que sa mère l'a frappé. Elle ne semble pas choquée, j'en déduis que ce n'est pas la première fois que ça arrive, et je ne sais pas pourquoi, mais ça m'énerve, et j'en viens même à serrer le poing.

- Ne me parle pas sur ce ton ! Je suis ta mère je te rappelle ! Pas une de tes putains d'amies, ni un de tes putain de plans culs ! Je suis ta mère, je t'ai mise au monde et tu me dois le respect ! crie-t-elle alors que mon père et moi commençons à nous sentir de trop.

- Alors qu'est-ce que tu veux ? Tu veux que je m'excuse ? D'accord ! Parfait ! Je suis désolée d'avoir dit ça à tes invitées, t'es contente ? râle légèrement la jeune fille.

- Très, sachant comment c'est compliqué de te tirer des excuses, raille sa mère avant de s'approcher d'elle d'un air menaçant et froid, tandis que Lucy ne cille pas. Par contre, la prochaine fois que tu me fais un truc comme ça, je te jure que ça va mal se passer.

Lucy finit par baisser les yeux, comme signe d'abandon, et je crois que je ne l'ai jamais vu faire ce genre de choses. Emma, elle, sourit d'un air victorieux avant de se tourner vers mon père, agrandissant son sourire.

- Pardon les garçons, pour ça, il peut arriver que nous ayons des petits différends, avoue-t-elle d'un air coupable avant de regarder la cuisine. Merci beaucoup pour avoir débarrasser la table, mais vous êtes des invités ici, ce n'est pas à vous de vous en occuper.

- Ne t'inquiètes pas Emma, on vit aussi ici, après tout, c'est normal, la contredit mon père.

Je n'écoute plus mon père, trop occupée à regarder ce qu'il fait. Je le vois mettre sa main dans le dos d'Emma et lui parler en l'emmenant progressivement vers le jardin, et elle se laisse faire. Je l'avais déjà vu faire ça, et j'avoue ne toujours pas savoir quel est son secret. Je tourne ensuite les yeux vers Lucy, et je la vois s'asseoir sur le plan de travail, fumant sa cigarette avec très peu de patience.

Sans un mot, je m'approche d'elle et tends ma main vers sa joue encore rougie. Je la vois faire un mouvement de recul très léger avant de cracher sa fumée, relevant les yeux vers moi.

- C'est rien... murmure-t-elle

Je ne réponds rien, incapable de formuler quoi que ce soit, et finit doucement par toucher sa joue, laissant un frisson parcourir mon corps tandis que je la lui caresse. Je ne supporte pas de savoir que quelqu'un, peu importe qui, ait pu la frapper, et je ne sais pas pourquoi. Je dois avouer que ça m'agace un petit peu, mais je ne peux m'empêcher de sentir cette vague de colère se lever dans mon corps. Je ne laisserais plus personne lui faire de mal.

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