LETTRE QUATRE

Cher Bastien,

Je ne t'aime pas vraiment et t'écrire une lettre sympathique représente un gros défi pour moi.

Voici la liste des choses qui font que je ne t'apprécie pas particulièrement :

Je déteste ton air supérieur quand tu crois qu'on ne rigole pas à tes blagues sexistes parce qu'on n'aurait pas connaissance du « second degré ». Je ne supporte pas ta manière de toujours poser des questions inutiles en cours exprès juste pile poil à la fin du cours pour nous faire attendre. Je crains toujours l'instant T où un professeur pourrait me demander de me mettre en binôme avec toi parce que je sais pertinemment que tu ne taffes pas dans les projets en groupe. Je hais l'idée que tu nous aies copié pour le TPE en première et que tu aies eu une meilleure note que moi.

Tu regroupes tout ce qu'il y a de plus insupportable au monde, et pourtant, j'aimerais tout de même m'excuser pour t'avoir jugé un peu trop vite une fois en deux ans de cohabitation dans la même classe.

Je me souviens très bien de l'affaire. C'était en février dernier quand M. Gonzales s'était énervé parce qu'un des élèves avait fait la mauvaise blague de scotcher des photos de porno dans le cahier d'appel de la classe. Tout le monde t'a accusé parce qu'il n'y avait personne d'autres capable de le faire.

Tu as nié très longtemps. Mais pas assez fortement. T'as été exclu une semaine du lycée et ça fait désormais super tache dans ton dossier. Moi j'ai cru la classe, obstinément parce que je ne te supportais absolument pas depuis la nuit des temps.

Alors ce qui est arrivé est arrivé, j'ai appris que ce coup là n'était pas de toi. Et il n'y a pas grand monde qui le sait, étant donné que je ne l'ai jamais révélé pour protéger la personne derrière tout ça. Et je veux m'excuser infiniment pour ça. Parce que je ne suis pas aussi gentille que je l'aurais cru et que tu mérites justice.

Si tu deviens connu un jour, je ferais quand même l'effort de dire aux gens que j'étais dans la même classe que toi, juste pour l'illusion d'un glorieux passé à tes côtés.

Maintenant que nous sommes quittes dans nos mauvaises actions, je peux te dire en paix que je n'ai plus de dent contre toi. Et que oui, toute cette histoire est une affaire de karma.

Bonne continuation Bastien,

P.S. : Ne lève pas la main à la fin du dernier cours de l'année, je t'en supplie. On a besoin d'une dernière onde positive avant les dures épreuves qui te feront redoubler. (Oups, c'était gratuit!)

S.