Chapitre 11

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Le hasard a décidé que tu avais ta place sur ma route. Alors sur mon chemin il t'a placée.

— Quatre, cinq, six ! J'ai gagné ! s'exclame Maëlys en plaçant son pion sur la dernière case du plateau.

Exceptionnellement, elle n'est pas à son cours de danse ce matin. Elle avait rendez-vous chez le dentiste pour ses six ans, celui qui est remboursé par la sécu, comme tous les âges pairs jusqu'au dix-huit. Fièrement, lorsqu'elle est rentrée avec mon père, elle m'a annoncé que la dentiste avait dit qu'elle se brossait bien les dents. Bien entendu, je l'ai félicitée. Comme il n'était que dix heures et demi, on a décidé de faire un jeu de société, auquel elle a gagné, pendant que mon père est parti faire sa comptabilité. Le vendredi est un jour de repos apparemment, mais mon arrivée a chamboulé son programme du week-end dernier, alors il profite de la fin de matinée pour se mettre à jour.

Cette après-midi, lorsqu'il déposera Maëlys, mon père en profitera pour aller en ville. J'en ai d'ailleurs profité pour lui demander de m'emmener au bar où Louison m'a donné rendez-vous. Je pensais qu'il voudrait connaître les détails, mais il a accepté sans chercher à tout savoir. Quand je lui en ai fait la remarque, il a répondu qu'il avait confiance en moi, et que, quoi qu'il dise, la décision ne lui revenait pas. Sincèrement, ça m'a fait plaisir qu'il me laisse mon indépendance et qu'il ne veuille pas tout contrôler à ce sujet. Maman aurait mené une enquête sur tous les détails et aurait été capable de me suivre, juste pour être sûre que je ne fais pas de bêtises. Même s'il s'agit d'une simple sortie avec Emilia, ma mère peut devenir paranoïaque et voir le mal absolument partout. Voir que mon père a assez confiance en moi pour ne pas s'inquiéter pour un rien, ça me soulage et ça me détend.

— Papa ! J'ai gagné ! s'écrie ma demi-sœur quand il entre dans le salon.

— Bravo ma puce ! la félicite-t-il en l'embrassant sur le front.

Ce geste tendre me rappelle mon enfance, quand j'avais les mêmes réactions que Maëlys. Étonnamment, plutôt que de me crisper, ça me fait sourire. J'ai la douce impression qu'être ici m'éloigne de mes craintes et que les choses finiront par aller mieux. Je me berce probablement d'illusions, mais aujourd'hui, je suis d'humeur joyeuse.

Mon père me lance un sourire, sûrement parce que j'en ai un collé sur le visage. Il me propose, comme il vient de le faire avec Maëlys, si je veux venir les aider à préparer le déjeuner. Je décline poliment à cause d'une soudaine envie de dessiner le bouquet de roses qui trône sur la table. Un élan artistique. Chose qui ne m'était pas arrivée depuis des années. Une inspiration inespérée et imprévue qui me brûle les doigts alors que je monte dans ma chambre pour récupérer ce dont j'ai besoin. Mon regard tombe sur les boîtes à chaussures empilées dans un coin, alors que je m'apprête à redescendre avec mes crayons et mes feuilles. J'hésite un instant, mais la petite voix dans ma tête, qui me répète que des couleurs rendaient tellement mieux la beauté de ce bouquet, me fait céder et je me mets à farfouiller dedans en quête de rose, rouge, et jaune. Je cherche aussi un pot vide dans lequel je pourrais mettre de l'eau.

Je finis par installer tout mon beau bazar sur la table du salon et plonge dans ma bulle. Sous mes doigts les formes apparaissent. Sous mon pinceau, les nuances prennent vie. Ces fleurs sont sublimes et je tente de retranscrire au mieux cette beauté dans les pétales bicolores, les ombres et la place de chaque rose dans le vase. Des taches colorées viennent taquiner ma peau tandis que le papier se gondole légèrement sous l'eau.

Une main sur mon épaule me fait sursauter.

— Cassiopée, tu viens ? me demande mon père. Le déjeuner est prêt.

Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé, mais je commence à avoir le cou raide et le poignet endolori.

— J'arrive, dis-je en me levant.

J'aperçois son regard tomber sur mon dessin, et une certaine forme de fierté apparaît sur ses joues et dans ses yeux. Mais il ne dit rien et je le suis dans la cuisine. Je ne sais pas si ça me frustre ou si ça m'arrange. Je me demande ce qu'il en a pensé, mais je ne veux pas poser la question. Alors je l'abandonne dans le silence pour ne plus y penser.

Au final, c'est lorsque mon père me dépose devant le bar Au fil de l'eau et que je sors de la voiture qu'il me dit que mon bouquet était très réussi, voire encore plus beau que l'original. Sauf que je suis tellement sous le choc qu'il a le temps de partir avant que je ne puisse lui répondre. Lorsque je me retourne enfin pour repérer le point de rendez-vous, je constate que c'est exactement là qu'Helynnah m'a déposée en début de semaine. La coïncidence me fait sourire et je contourne la terrasse pour pouvoir chercher Louison dans le coin. Je finis par le.a trouver adossé.e à une barrière en bois, en pleine discussion avec une personne dont je n'aperçois rien de significatif, si ce n'est son dos.

Louison finit par me repérer et m'appelle. Je le.a rejoins et iel me présente à son ami.

— Cassiopée, voici Ambroise. Ambroise, Cassiopée.

Je reconnais alors le serveur et les points se connectent. Le hasard fait bien les choses on dirait.

— Tu finis ton service dans combien de temps ? lui demande Louison.

— En fait, j'ai fini, mais tu ne m'as pas laissé le temps d'aller me changer, rétorque-t-il avec une certaine pointe de reproche amical.

— Je suis trop bavard.e. Allez file ! Sinon je vais culpabiliser.

— Je ne te crois pas, se moque Ambroise alors que Louison lui tire la langue.

Iel se tourne vers moi et me demande si ça me dérange qu'on l'attende cinq minutes. Je lui réponds que non et iel en profite pour remettre ses cheveux en place avec son catogan. Je ne regrette pas d'avoir tressé les miens avant de partir. Il fait chaud et je déteste avoir des mèches collées dans le cou. Ambroise finit par revenir.

— On s'est déjà vus, non ?

— Je suis venue lundi en début de matinée.

— Ah oui, je me souviens, la fille au jus d'abricot.

Ce nouveau sobriquet me fait rire, d'autant qu'il ressemble à celui que Marilou m'a donné. Notre petit trio rejoint la plage et le sable vient se glisser entre mes orteils. Je les suis, car je ne sais pas où sont leurs autres amis et encore moins à quoi ils ressemblent.

— Tiens, voilà l'autre moitié de Loulou, plaisante une voix masculine en remontant ses lunettes de soleil dans ses cheveux.

Je ne suis pas surprise de voir Lorenzo, puisque, si j'ai bien compris, le bar appartient à ses parents, et puis vu l'alchimie qu'il y a entre Ambroise et lui, il est logique qu'ils passent pas mal de temps ensemble.

— C'est dommage, ajoute-t-il, elle vient tout juste de partir vous chercher.

J'en conclus qu'il ne reste qu'un membre à ce petit groupe et qu'il s'agit d'une fille.

— Vous vous connaissez depuis longtemps ?

C'est la seule question qui me vient à l'esprit.

— Loulou se connaissent depuis la primaire, m'explique Ambroise. Mais on s'est tous rencontrés au lycée.

— Les gars ! peste une voix qui arrive derrière nous. Vous faites suer ! Vous auriez pu répondre au sms quoi !

— Au moins, ça t'a fait marcher, rigole Lorenzo, bien assis sur sa serviette.

— C'est sûr que ce n'est pas toi qui aurait bougé tes fesses, grogne-t-elle en passant derrière Louison.

— Je vais bosser toute la soirée, réplique-t-il.

— Et moi, je travaille demain. Tu n'as aucune excuse Lolo.

Elle vient le pousser dans le sable et son sac à dos me donne son identité. La coïncidence est juste trop... improbable. Ce qui est un peu le principe d'une coïncidence d'ailleurs.

Elle finit par m'apercevoir et écarquille les yeux en me reconnaissant.

— Cassiopée ?

— Vous vous connaissez ? demande Louison avec un regard perdu.

— C'est la fille au papier, répond Marilou.

— Attends ! intervient Lorenzo en se redressant. La fille au jus d'abricot est la fille au papier, mais aussi la fille de l'école de danse.

— Wow ! lâche Ambroise, résumant parfaitement ma pensée à cet instant précis.

Je ne sais pas ce qui me surprend le plus : que toutes les personnes que j'ai rencontrées jusqu'à présent soient amies ou que je sois apparue de trois manières différentes dans leurs vies. Et le pire est qu'ils m'ont tous associée à un surnom différent et n'ont donc pas pu connecter les points avant que je ne leur fasse face en même temps.

— Eh ben, ajoute Louison en riant, pour une coïncidence.

— Je ne sais pas ce qui est le plus bizarre dans cette histoire, dis-je avec un sourire.

— Je crois que moi si : on a réussi à rencontrer trois personnes différentes qui, en fait, n'est qu'une. Et ça, c'est drôle. Notre habitude de donner des surnoms à tout le monde ne nous a pas aidé, commente Ambroise.

— Clairement pas, confirme Marilou en me souriant.

Je crois que sa déception de l'autre jour vient de disparaître. Mais elle ne dit rien et seules elle et moi sauront que j'aurais pu venir d'une autre manière.

On finit par s'installer en cercle, après cette découverte beaucoup trop improbable pour ne pas être drôle. Lorenzo sort un jeu de cartes de ses affaires, alors que Marilou fait de même avec son ukulélé, qu'elle repose dès que le serveur propose de jouer au Mao. Il me demande si je connais les règles, et je lui réponds que j'ai un vague souvenir. J'y jouais beaucoup au lycée, mais avec la prépa, je n'ai plus vraiment eu le temps de m'offrir des piqûres de rappel.

— T'en fais pas, ça revient vite, m'affirme Louison.

Et après quelques parties, je constate qu'il a raison et deux autres suffisent à me permettre de gagner. Alors que je dois inventer ma propre règle, Lorenzo se met à poursuivre Ambroise pour une histoire d'eau crachée.

— C'est incroyable de voir qu'ils sont incapables de faire un pas vers l'autre, commente Louison.

— Je pensais que c'était le fruit de mon imagination, dis-je en me déconcentrant de ma tâche.

— Toi aussi tu as vu ça ? s'étonne-t-iel.

Je hausse les épaules tout en tentant de concevoir ma propre règle.

— Je ne comprends pas pourquoi ils n'avancent pas plus. On voit tous qu'ils se plaisent.

— Oui, mais le problème est qu'eux ne le voient pas, remarque Marilou de sa voix rêveuse.

— Et on voit rarement lorsque la personne qui nous plaît a des sentiments à notre égard.

Entre temps, Marilou a repris son ukulélé et s'est mise à jouer.

— Exactement, confirme-t-elle dans un sourire.

Certains l'avaient deviné, mais oui, Louison et Marilou sont ami.es

J'aime bien ce chapitre : il est doux et frais. Ce qui va vous faire du bien en cette journée annoncée chaude.

Je vous souhaite un bon week-end !

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