Chapitre 9

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Même quand tu n'étais pas là, tu étais là. À travers les autres ou les arbres fruitiers.

Adossée au cerisier, je regarde le jardin. J'ai abandonné la vue sur la mer, pour celle sur la montagne et les arbres. Ma planche à dessin sur les genoux, une feuille vierge n'attendant que mon crayon, je laisse mes pensées se faufiler dans la contemplation. Le vert des feuilles est tellement lumineux sous les rayons de l'après-midi. Je suis triste de ne pas avoir mon aquarelle ou mon acrylique pour leur rendre justice. Je sais qu'une fois rentrée chez moi, je ne pourrai pas les colorer aussi justement. Alors je laisse le blanc entre les veines de mes feuillages.

Mon crayon glisse sur le papier dans un délicieux bruit. Si l'on ajoute à cela les chants d'oiseau, je suis bien dans ma bulle. J'ai trouvé ma source d'inspiration et de créativité sous ce cerisier.

Sous les autres arbres, une silhouette s'agite, dansant presque en ramassant des fruits que je devine être des abricots. Marilou, il n'y a pas de doute. Je ne vois pas mon père sautiller en travaillant. Il peut être jovial et énergique, mais pas à ce point.

— Tu as vraiment un don.

En parlant du loup, il vient s'asseoir à côté de moi. Je tente de cacher mon dessin, mais c'est trop tard. Je n'aime pas qu'on regarde ce que je fais, surtout quand il s'agit de ça : c'est mon jardin secret.

— Tu tiens ça de moi, dit-il en riant. Ta mère a toujours été incapable de griffonner ne serait-ce qu'une fleur.

— Maman déteste le dessin.

C'est majoritairement pour ça que je garde mon matériel et mes travaux dans un tiroir fermé à clé, que je suis la seule à posséder. La connaissant, elle serait tout à fait capable de fouiller dans mes affaires, et je ne veux pas qu'elle les trouve. Elle a une telle aversion pour cet art, probablement à cause de mon père d'ailleurs, qu'elle refuse d'en entendre parler. Alors savoir que c'est mon échappatoire, je n'imagine pas la crise qu'elle ferait.

— Je ne te demanderai pas pourquoi. Je pense savoir.

— Je ne confirmerai donc pas ta pensée.

On pousse un soupir en même temps, dans un même mouvement d'épaules. Doucement, ça me fait sourire.

— Si je peux émettre une petite critique...

— Je sais, ça manque de couleurs. J'ai laissé mon matériel à la maison.

— Ici ou chez ta mère.

— Chez moi.

— Je vois.

Sa phrase reste légèrement suspendue, comme s'il devinait ce que je ne dis pas. Qu'ici, ce n'est pas ma maison. Je ne sais même pas si un jour ça le sera. Peut-être, peut-être pas. Sincèrement, je n'en ai aucune idée.

— Suis-moi !

— Pourquoi faire ?

— Tu verras.

Après un instant d'hésitation, je m'exécute. On rentre, puis il monte dans ma chambre. Il fouille d'abord dans les tiroirs du bureau, ceux que je n'ai pas ouverts, mais grommelle lorsqu'il ne trouve pas ce qu'il cherche. Il se rabat donc sur des boîtes à chaussures, mises dans un coin et donc j'avais éclipsé la présence.

— Super ! s'exclame-t-il en soulevant le couvercle de l'une d'entre elles.

Il s'installe sur mon lit et pose le carton sur ses genoux.

— Viens voir, me dit-il avec un geste de la main.

Je m'assois à côté de lui tandis qu'il fouille parmi des feuilles colorées et des pots.

— Il n'y a pas tout, mais en théorie, tu devrais trouver du vert.

Alors qu'il pose les dessins sur le parquet, j'en attrape un. Dessus s'étalent des nuances de bleu et du blanc : un ciel d'été parsemé de nuages. Le papier est légèrement gondolé à cause de l'aquarelle. En dessous, il y a une ribambelle de paysages aux couleurs douces. Tout en bas de la pile, je découvre une vue depuis la fenêtre de ma chambre ici. Mon père aperçoit ma surprise.

— Tu n'étais pas là, alors je travaillais et je dessinais ici quand je voulais me sentir proche de toi. Tu n'avais jamais vu ces murs ou encore moins usé le parquet, mais j'avais l'impression de sentir ta présence. C'est pour ça qu'il y a mon matériel de dessin dans le bureau, je voulais l'enlever, mais j'ai oublié. Puis, j'ai découvert que tu avais cette flamme artistique, alors je me suis dit que tu pourrais peut-être trouver ton bonheur dans mes tiroirs.

Je sens une larme perler au coin de ma paupière, mais je la retiens. Je ne sais pas quoi penser de cette déclaration. Mon père ne la voit pas car il est parti chercher une autre boîte.

— Tiens, j'ai retrouvé ça. Je ne pensais pas l'avoir gardé ici.

Il me tend une pochette dans laquelle se trouve un dessin de moi, adolescente, ou du moins, ce que mon père pense avoir été mon corps et mon visage à cette période. Ma peau est lisse, les joues légèrement rosies et les mêmes yeux que ceux qu'il doit voir quotidiennement dans le miroir. Mes cheveux d'aquarelle sont ondulés, alors que je les portais lisses autrefois, mais ça, il ne peut pas le savoir. Et je crois que le détail qui me laisse échapper une perle salée, c'est la salopette couleur moutarde que je porte.

Un sanglot se sauve et je me retrouve en larmes. Je n'aurais jamais cru qu'un dessin pouvait faire cet effet. Mon père me serre dans ses bras alors que je tente de me calmer.

— Je sais que tu m'en veux. Je sais que tu es en colère pour tout ce qu'il s'est passé. Mais sache, que même si je ne t'ai pas vue pendant sept longues années, je n'ai jamais cessé de penser à toi.

Ses murmures dans mon oreille et sa main dans mon dos mélangent mon soulagement et mes larmes. Je suis plus confuse que jamais.

— Je n'ai jamais cessé de t'aimer. Même si on était loin l'un de l'autre.

Quand j'étais plus jeune, même s'il avait la tête en l'air et qu'il lui arrivait de m'oublier à l'école, il m'offrait toujours un croissant pour le goûter. C'était lui qui nouait mes lacets quand je ne savais pas encore le faire. En grandissant, j'ai compris, puis négligé dans ma colère, que la route était souvent bouchonnée par l'heure, et que mon père, qui restait souvent après l'heure avec ses élèves pour discuter, finissait dans les embouteillages. Je ne sais pas pourquoi ça me revient maintenant. Il y a quelque chose, je lui reprochais son absence de ponctualité, et aujourd'hui, avec quelques mots et un câlin, je revois ses excuses quotidiennes auprès de la maîtresse pour son retard.

Dans ses bras, je retrouve sa chaleur paternelle et sa présence. Et je l'admets : ça m'avait manqué. Alors, ça ne pardonne pas tout. Il reste l'essentiel, qu'il semble avoir oublié. Même avec tous ses mots d'amour, cela ne remplacera jamais vraiment des explications.

En y songeant, je me détache, pour ne pas le laisser croire que tout est excusé.

— J'espère qu'un jour tu me pardonneras et que tu comprendras, souhaite-t-il en comprenant ma distance.

— Je n'attends que des explications, lui réponds-je.

Il se crispe, et je devine que lui non plus n'est pas prêt. Alors nous serons patients. Parfois il faut. Il attend mon pardon, j'attends son récit. Peut-être qu'un jour ça viendra, mais pas aujourd'hui.

— Pas tout de suite.

Il doit avoir ses raisons, et comme j'ai les miennes, nous devons les accepter et les respecter. Pour se sortir tout cela de la tête, il regarde sa montre.

— Je suis à la bourre ! s'exclame-t-il en voyant l'heure. Au départ, je voulais juste te demander si tu voulais venir chercher Maëlys avec moi, et au final, je me suis perdu dans des boîtes à souvenirs. Du coup, tu viens ou pas ?

— J'arrive.

— Je te laisse le temps de ranger tes affaires, et je te retrouve dans la voiture. Je vais juste prévenir Marilou que je pars.

Il s'enfuit presque en courant, trébuchant au passage dans les escaliers. Je souris : il n'a vraiment pas changé, il se perd toujours dans des discussions. Je range les dessins dans la boîte et pose cette dernière sur les autres. Avec un regard un peu triste, en pensant à mon père dans la même position, je jette un œil par la fenêtre. Au loin, j'aperçois mon père en train de faire de grands gestes en parlant avec Marilou. L'image me fait rire, et je l'imagine avec la même gestuelle en compagnie de ses élèves. Comment a-t-il pu faire ça ? Comment un homme aussi passionné a-t-il pu ignorer sa fille pendant tout ce temps ?

Le doute et les questions se mélangent. Est-ce vraiment aussi simple que cela y paraît ?

Je ne crois pas.

Je vous donne rendez-vous lundi pour la rencontre avec un personnage fort intéressant

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