Partie unique

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- Hyung.

Yoongi fronce les sourcils. Il bloque sa mine contre la feuille, et soudainement, la suite s'efface dans son esprit. Il perd ses mots, il les voit le fuir en ricanant, et il semble presque que eux aussi, ils se moquent de lui.

- Hey psst, hyung.

Mais il ne lâche rien, parce qu'il s'est promis de finir ce foutu CV aujourd'hui. Et parce que s'il ne trouve pas d'emploi avant la fin du mois, son appartement va lui filer entre les doigts, lui aussi, et il a tout sauf envie de retourner vivre chez les deux individus psychorigides qui lui servent de parents.

- Yoongi hyung, youhou !

Il serre son stylo dans sa main par agacement à cette énième petite voix qui retentit dans son cerveau, faisant fuir les rares lettres qui y restaient. Quand il pense qu'il est venu à la bibliothèque pour être au calme, voilà qu'il regrette presque le bruit du marteau-piqueur de son voisin en pleins travaux. Sa langue claque contre son palais, puis après une inspiration silencieuse, il s'efforce de réorienter ses pensées sur son potentiel futur métier posé face à lui. Mais ça, c'était sans compter sur l'acharnement de son cadet.

- Oh, Yoongi, j'te cause.

Un soupir agacé franchit la barrière de ses lèvres, et le chômeur relève le regard vers le petit con qui s'amuse à lui mettre les nerfs à vif. Qu'est-ce qu'il aimerait lui faire bouffer la table, à ce Jungkook qui lui fait face, les yeux pétillants et un sourire amusé aux lèvres. Il ne semble pas désolé pour un sou de l'harceler ainsi.

- Tu veux quoi ? grince-t-il alors en délaissant son CV inachevé.

- T'as pas un synonyme de printemps ?

Un quoi ? Yoongi n'en revient pas que son cadet ait autant insisté pour lui poser une question pareille. Il ne sait pas à quoi il s'attendait venant de lui, mais il est quand même déçu.

Il se passe la main dans les cheveux, et rétorque sèchement, ignorant les deux grands yeux qui le regardent avec espoir :

- Non, j'en ai pas. Cherche toi-même.

- Mais hyung... geint Jungkook. Si je te demande, c'est bien que je trouve pas !

- Internet est ton meilleur ami.

- J'ai pas la 4G. Donc sauf si tu me passes ton tel...

Sans façon. Yoongi se souvenait très bien dans quel état il avait retrouvé son historique et sa galerie photo la dernière fois que le plus jeune l'avait eu entre les doigts.

- Et bien remets "printemps", qu'est-ce que tu veux que je te dise ?

- Je peux pas, je l'ai déjà mis dans la phrase d'avant.

- Et alors ?

- Et alors, c'est moche.

Jungkook commençait à titiller sa patience, là, avec ses exigences de littéraire à deux balles. Lui il se voyait comme un poète transi, Yoongi le voyait comme un baratineur amateur. Il ne comprenait pas un mot à ses écrits. La dernière fois qu'il l'avait dit à son cadet, celui-ci avait fait la moue, et avait simplement rétorqué d'un air boudeur, ne semblant nullement blessé par ses critiques : « T'es nul, hyung, tu comprends rien à la poésie. ».

Sûrement. Yoongi n'avait jamais été doué avec les mots, de toute façon.

Il soupire à nouveau. Jungkook aime bien plaisanter sur le fait qu'à force de souffler, il va finir par provoquer un ouragan. C'est stupide.

- Tu veux un synonyme ? finit par capituler l'adulte.

Son vis-à-vis hoche vigoureusement la tête, des étoiles plein les yeux. Il ressemble vraiment à un enfant, quand il fait ça.

- Mets torture, ça fera l'affaire.

Le sourire de son cadet se fane, avant de laisser place à une mine mi-blasée, mi-boudeuse dont Yoongi se délecte. Il aime bien lui fermer le clapet, à ce sale gosse capricieux, ça l'amuse. Il le trouve mignon quand il gonfle les joues ainsi.

- T'es pas drôle, hyung, se plaint le jeune homme.

Yoongi hausse les épaules. Il n'a jamais été un grand humoriste. Il occupait même plutôt le rôle de rabat-joie de service, selon ses anciens amis du lycée.

Cela lui fait penser qu'il ne les voit plus. Il faudrait qu'il prenne de leurs nouvelles, un de ces quatre.

- Hyung.

Un énième soupir lui échappe. Qu'est-ce qu'il peut être insistant, Jungkook, quand il veut. Il ne lâche pas l'affaire.

Mollement, il reporte son attention sur son cadet, et demande sans entrain :

- Quoi encore ?

- Plus sérieusement, t'as pas un synonyme de printemps ?

Il a envie de les lui faire bouffer, ses synonymes, ils commencent par lui sortir par les yeux. Le mot printemps se répète dans sa tête comme un petit ricanement sournois, et Yoongi se dit qu'il n'aime pas sa tête. Elle pense bien trop.

Le printemps.

À croire qu'il le fait exprès, Jungkook.

- Pour la dixième fois, non, Kook, je n'ai pas de synonyme de printemps.

Il saisit son CV incomplet pour le montrer à son cadet, avant de reprendre :

- J'ai surtout un métier à trouver. Alors maintenant t'es gentil, tu vas chercher un dictionnaire ou je ne sais quoi, mais tu te démerdes et t'arrête de m'emmerder.

Jungkook ne répond rien. Il fait la moue, semblant contrarié, mais se rassied correctement sur son siège, et se remet à mordiller le bout de son stylo en fixant l'ébauche de son poème. Il a compris que son aîné est irrité, à la fois colérique et triste, et il n'a pas envie de le blesser davantage. Lui, tout ce qu'il veut, c'est terminer son texte à temps.

Son absence de mots étonne Yoongi. Il a l'habitude de le voir insister bien plus longtemps, depuis le temps qu'il le connaît. Mais si son silence le surprend, il l'arrange aussi, alors il ne dit rien.

Ses yeux parcourent les lignes de son CV sans les lire, et alors qu'il a enfin la paix nécessaire pour le terminer, il a la tête ailleurs.

Son esprit navigue dans ses souvenirs, s'égare, se perd au fin fond de sa mémoire.

Le printemps.

Il a bien un synonyme, Yoongi. Mais il n'a pas envie de le dire.

___________

Dans le top des choses que Yoongi déteste le plus au monde, il y a au sommet les haricots plats, les chaussettes mouillées, sa voisine qui se prend pour une chanteuse de kpop sans s'inquiéter ne serait-ce qu'un instant de la finesse des murs de l'immeuble, les payes du logement, les échardes dans le parquet de son appartement et son anniversaire.

Son anniversaire, parce que celui-ci lui rappelle immanquablement que l'hiver est bientôt fini, et que la saison des neiges va laisser place à celle des fleurs.

Et s'il y a bien une chose que Yoongi hait plus que tout : c'est le printemps.

Il ne comprend pas comment les gens font pour l'aimer.

Le printemps, c'est instable, un jour il pleut des cordes et l'autre il fait une chaleur à faire suer comme un bœuf. On ne sait jamais à quoi s'attendre. Et puis, il y a ces affreuses fleurs qui éclosent de partout : ne vous fiez pas à leur apparence délicate, elles n'attendent qu'à libérer leur pollen et irriter les yeux et les gorges. Sans oublier toutes sortes d'insectes volants, rampants, marchants, qui viennent tourner autour des repas et se précipiter dans les maisons à la moindre fenêtre ouverte.

C'est tout ça, le printemps. Et puis peut-être bien que, quelque part, c'est aussi elle. Mais ça non plus, il ne faut pas le dire.

Affalé sur son lit, Yoongi checke à nouveau son téléphone, bien que sachant pertinemment qu'il n'y aura pas plus de notifications sur l'écran d'accueil qu'il n'y en avait il y a cinq minutes. Il se demande s'il recevra un message de joyeux anniversaire d'Hoseok ou de Namjoon, ou s'ils ont fini par oublier son existence, eux aussi.

Rien ne vient.

Ça l'irrite, et ça l'énerve d'être irrité par cela. Après tout, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même, il aurait même dû s'y attendre. Bien sûr qu'après plus de deux ans à ne prendre aucune nouvelle de ses amis, ceux-ci n'allaient pas continuer indéfiniment de l'aimer, bien sûr qu'ils n'allaient pas lui envoyer un "joyeux anniversaire" sorti de nulle part après plusieurs mois de silence radio.

C'est évident. Yoongi ne sait même pas pourquoi il a espéré.

Il repose nonchalamment son téléphone à côté de lui, et porte son regard sur le plafond. Les fines fissures y sont toujours. Il y a la plus petite, qui semble former une feuille de chêne. À côté d'elle, un éclair fend le marbre, la séparant de cette tache informe dont elle disait souvent en souriant qu'elle ressemblait à une fleur. Yoongi ne voit toujours pas où son imagination est allée trouver ça.

Il soupire, et se rend à l'évidence.

Cet anniversaire, il le passera seul. Il devra se contenter des messages de ses parents qui n'avaient pas omis de lui demander, au passage, s'il avait trouvé un nouvel emploi.

Mais alors qu'il s'apprête à sombrer dans un sommeil réparateur et loin de toute pensée, un son strident retentit dans son appartement, le faisant sursauter.

Au début, il pense à l'alarme incendie. Il panique, se lève, récupère rapidement toutes les affaires qui lui passent sous la main. Et puis, il lui semble que pour une alarme incendie, elle n'est pas si forte que ça. Il fronce les sourcils. L'immeuble est trop calme aussi.

Le son lui semble alors soudainement vaguement familier. Il ressemble, étrangement, à celui de sa sonnette en continu.

Alors il réalise. D'un pas énervé, il s'approche de sa porte, se demandant qui peut bien être le taré qui s'amuse à sonner non-stop comme pour lui vriller les tympans.

La réponse lui apparaît comme une évidence lorsqu'il tombe nez à nez avec l'individu perturbateur.

- Hyung !

Sans attendre, Jungkook le pousse sur le côté pour rentrer dans son appartement, et Yoongi se dit que si le gamin n'avait pas la carrure d'un boxer de compétition, il lui aurait bien retourné une droite pour cette insolence. Ça lui ferait peut-être une bonne motivation pour aller pousser à la salle, tiens.

- Je suis désolé, commence son cadet en s'agitant dans tous les sens. J'avais complètement oublié, je viens d'y penser ! Enfin, non, mon téléphone vient d'y penser pour moi, mais-

Yoongi n'écoute plus. Il fronce les sourcils, se faisant mentalement la réflexion que le lycéen en face de lui mériterait de rentrer dans le Guinness World Record pour sa capacité impressionnante à lui refiler une migraine en quelques secondes. Il est à peine arrivé qu'il a déjà mal à la tête.

- Tu comprends, avec le bac blanc qui arrive, j'étais ailleurs, surtout que-

- Kook, le coupe-t-il rapidement alors que son cadet continuait à énumérer une série de mots qui s'apparentaient plus à une tentative de justification pleine de mauvaise foi qu'à une réelle excuse, de quoi tu parles ?

Jungkook le regarde comme s'il était le dernier des abrutis, avant qu'un grand sourire ne vienne étirer ses lèvres. Il écarte les bras, lui donnant une allure ridicule de prêcheur, et s'exclame joyeusement :

- De ton anniversaire ! Tu pensais quand même pas que j'allais te laisser le passer seul à ruminer tel le vieil être aigri que tu es ?

- Le vieil être aigri que je suis t'emmerde, Jungkook. Il est vingt-deux heures passées.

- Oui, j'avais oublié.

Le lycéen fouille dans un sac que son aîné n'avait même pas remarqué tant l'intrusion avait été rapide, et tend un petit paquet à son vis-à-vis qui le jauge d'un air agacé.

- Joyeux anniversaire, hyung ! lance-t-il sans se défaire de son sourire.

Yoongi soupire à nouveau. Il ne comprend pas comment le plus jeune fait pour continuer à être si rayonnant en toute circonstance, alors même que cela fait bien deux ans que lui est presque tout le temps désagréable. Il se dit qu'il doit vraiment tenir à lui.

Et soudainement, cette pensée lui met du baume au cœur. Face à son cadet qui le regarde avec un beau sourire qui fait joliment remonter ses joues, il sent une douce chaleur prendre place dans sa poitrine, et un poids s'allège de ses épaules. Il s'en veut aussi un peu, parce qu'il lui semble soudainement être affreux avec lui injustement.

C'est le seul à être resté, Jungkook.

C'est le seul à l'avoir collé jusqu'au bout, même quand il le rejetait parce qu'il ne voulait voir personne, même quand il s'enfermait des jours durant dans son appartement en coupant toute communication avec le monde extérieur.

Prêt à l'emmerder jusqu'à la fin.

Alors, finalement, il abandonne son air bougon, et capitule en remerciant le plus jeune, avant de l'inviter à passer la soirée avec lui.

Cet anniversaire, il ne le passera pas seul.

Parce qu'après tout, il reste encore quelqu'un pour mettre un peu de couleurs dans sa vie.

___________

Le printemps est arrivé.

Et avec lui, son lot de fleurs et de pollen.

- Atchoum !

- À tes souhaits.

- A-Atchoum !

- À tes amours.

- Atchoum !

- Qu'ils durent toujours.

- Aaaatchoum !

- Ou pas du coup, c'était l'éternuement de trop.

- Jungkook sérieusement, boucle-la un peu.

Yoongi renifle bruyamment, se maudissant mentalement d'avoir accepté cette balade en plein air avec le plus jeune. Déjà qu'il devait supporter les âneries incessantes du lycéen, alors en plus, son allergie, non merci. Ils auraient dû partir marcher en centre commercial, quelle idée d'aller en forêt.

- Tu sais hyung, reprend Jungkook apparemment incapable de se taire, quand on est poli on répond ''à la prospérité des vôtres.''

- Ben voyons.

L'adulte sort un énième mouchoir de son pack de survie, et grogne en tentant de soulager son pauvre nez :

- Où est-ce que t'es allé chercher ça, encore ?

- C'est ma prof qui me l'a dit.

Sentant un nouvel éternuement venir chatouiller dangereusement sa gorge, Yoongi ne répond pas, se contentant de fermer les yeux en essayant de le retenir. En vain.

Jungkook le jauge d'un air sérieux, et fait remarquer face à ça :

- T'es vraiment allergique, en fait.

Quel observateur. Yoongi en rirait presque s'il n'avait pas les yeux rouges et l'horrible envie de cracher ses poumons.

Avait-il déjà dit qu'il détestait le printemps ?

- Jure ?

- Ouais, jure.

Il ne répond rien, et se décide finalement à avaler un antihistaminique qu'il gardait toujours sur lui, au cas où. Il n'aime pas prendre des médicaments, mais là, il n'a pas trop le choix. Son allergie va finir par avoir sa peau s'il continue.

Le pollen, c'est deux mois dans l'année. Si t'es pas foutu de retenir ta respiration le temps que ça passe, tu t'étouffes et puis c'est tout.

Et croyez-le ou non, mais Yoongi n'avait pas envie de finir étouffé par son pire ennemi.

Cette fichue saison.

Il se fait mentalement la réflexion de ne plus céder aux tentatives incessantes de son cadet de lui faire prendre l'air. Il préfère avoir l'air d'un cadavre bientôt en décomposition qui fait déjà de l'œil aux corbeaux - pour reprendre les mots exacts de son ami, plutôt qu'aller dehors si c'est pour subir ça.

Il n'est tout de même pas masochiste.

- Et comment tu faisais avant ?

Il reporte son attention sur Jungkook qui le regarde d'un air curieux avec ses grands yeux de biche, une feuille verte ridiculement coincée dans ses cheveux.

- Avant quoi ?

- Ben, tu sais... Quand t'étais encore fleuriste.

Yoongi se crispe. Il n'a plus envie d'entendre la suite.

Tout ce qu'il veut, c'est rentrer chez lui et ne plus penser à rien pendant des heures. C'est tellement plus agréable de faire le vide.

Il se renferme, détourne le regard, et rétorque sèchement :

- J'étais moins allergique, c'est tout.

- Pourquoi ? C'est parce qu'ell-

- J'ai dit c'est tout.

Le silence s'installe un instant.

On n'entend rien d'autre que le bruissement du vent dans les feuilles, les chants des oiseaux et le bruit des criquets. Yoongi regarde au loin. Jungkook regarde Yoongi.

Toute trace de plaisanterie a disparu de son visage, et ses sourcils s'inclinent d'un air soucieux. Il est inquiet. La feuille dans ses cheveux finit par se faire chasser à son tour par le vent, et il déclare simplement d'une voix douce, que la brise emporte avec elle :

- Ça va faire trois ans, hyung. Tu ne crois pas qu'il est temps de passer à autre chose ?

Aucune réponse ne vient.

Yoongi s'est à nouveau égaré dans ses souvenirs.



_____❀✿❀_____

La première fois que Yoongi avait posé ses yeux sur elle, c'était un beau jour de printemps. Il venait de passer la vingtaine, et il avait tout envoyé bouler. Ses études, son diplôme, sa famille... Son avenir, aussi. Comme ça. Sur un coup de tête. Parce qu'il ne supportait plus cette pression incessante qu'on lui mettait sur le dos.

Il avait pris ses affaires, rendu les clés de son appartement, et était parti de Daegu pour monter dans le premier train, sans même regarder la destination. Sur le moment, ça lui avait fait un bien fou. Il avait eu l'impression de respirer enfin pour la première fois, de recommencer à zéro une vie qui était depuis bien trop longtemps formatée par un système qui ne lui laissait pas le choix. Il s'était senti libre, si libre.

Et puis, quand il avait réalisé qu'il était paumé dans un coin complètement inconnu de la périphérie de Busan, il avait commencé à angoisser. Ses maigres économies ne lui permettraient pas de subsister bien longtemps, et il était hors de question de faire demi-tour alors qu'il était tout juste parti.

Il avait donc commencé à chercher un travail.

Au début, son petit job de serveur qu'il avait déniché lui convenait parfaitement. Il s'était néanmoins vite avéré qu'il ne payait en aucun cas assez pour se permettre de passer des nuits et des nuits à l'hôtel.

Alors, il s'était lancé dans la recherche d'un appartement.

Tous trop chers. Après des mois de recherche à épuiser toutes ses économies, Yoongi avait fini par se dire qu'il serait peut-être mieux qu'il rentre sur Daegu avant de finir avec un compte en banque dans le négatif.

Et c'est là qu'il l'avait rencontrée.

___________

- Hyung ?

- Oui ?

- Je sais que je t'emmerde, mais vraiment, t'aurais pas un synonyme de printemps ? C'est pour mon poème.

- Tu l'as toujours pas fini ?

Le cadet secoue négativement la tête, l'air penaud.

___________

Elle, elle adorait les fleurs. Quand Yoongi avait emménagé chez elle après avoir répondu à sa recherche de colocation, c'était la première chose qui l'avait marqué. L'appartement en était rempli. Des orchidées, des cyclamens, et plein d'autres fleurs dont il ne connaissait pas le nom décoraient les meubles et les fenêtres. Elle disait qu'à ses yeux, c'était la plus belle création que la nature eût été donnée de faire. Qu'on ne regardait pas assez ces petites merveilles.

Son rêve, c'était d'ouvrir un petit magasin où elle pourrait partager ses passions, et vendre aux gens ces belles plantes aux pétales légers. Elle disait en souriant que pour elle, c'était comme vendre le bonheur. Ça avait fait rire Yoongi.

Et un soir de printemps, après une année de colocation, il avait répliqué face à ça que lui, son bonheur, c'était elle. Qu'il n'avait besoin de rien d'autre que son sourire pour sourire à son tour. Qu'il était désolé, mais qu'il était tombé amoureux. Qu'il avait envie de la faire rire tous les jours. Et que c'était comme ça.

Elle avait souri.

Et ils s'étaient embrassés.

___________

- Pourquoi tu tiens tant à le finir, ce poème ?

- Parce que.

- Mais encore ?

- Il est important à mes yeux.

Yoongi soupire. Assis face au lycéen dans son petit appartement que la clim peine à rafraîchir, il finit par capituler. Il tend la main, et lance à son ami :

- Passe-le-moi.

- Non.

- Jungkook, je veux t'aider, passe-le-moi s'il te plait.

À nouveau, le cadet secoue négativement la tête en resserrant sa petite feuille froissée contre lui. Sa petite moue enfantine attendrit l'adulte autant qu'elle l'agace, et il demande sans comprendre :

- Pourquoi tu ne veux pas ? J'aurais plus de facilité à trouver un joli synonyme si j'ai le contexte de la phrase.

- Je ne veux pas, c'est tout.

___________

Quelques mois plus tard encore, symboliquement le 21 mars, Yoongi et elle ouvraient leur propre magasin.

Dedans, toutes sortes de fleurs grandissaient, déposées minutieusement par thème en formant un beau rendu que le jeune couple de fleuristes prenait plaisir à arranger. Si parfois Yoongi restait moins longtemps au travail lorsque son nez se mettait à le chatouiller et ses yeux à le piquer, il n'en adorait pas moins ce petit lieu à la lisière de la ville, qu'ils avaient fini par renommer entre eux leur paradis terrestre.

Et lorsque les clients affluèrent suffisamment pour leur permettre de gagner leur vie et qu'il put laisser de côté son métier de serveur qui le fatiguait plus qu'autre chose, le mot paradis n'avait jamais semblé si vrai.

Ils passaient leurs journées à vendre le bonheur, et il n'y avait rien de plus beau que ça.

___________

- Je ne vais pas juger, tu sais.

- Je sais. Mais je ne veux pas.

- Pourquoi ?

- Mais parce que, pourquoi t'insistes autant ? râle Jungkook en levant les yeux au ciel. T'en as rien à branler, d'habitude, de ce que je fais.

Il y a une petite teinte de reproche, dans sa voix. Yoongi a un pincement au cœur. En observant les joues rougies de son cadet, son regard fuyant et ses cheveux décoiffés, il se rappelle de la première fois où il l'a vu.

Il se dit qu'il devrait lui dire plus souvent combien il l'apprécie.

___________

Quelques mois après leur ouverture, Yoongi avait remarqué un truc étrange. Il y avait ce gamin. En semaine, il traînait dix minutes devant la boutique à faire des allées et venues dans son uniforme trop grand, avant de partir sans rien avoir fait de plus.

Il avait trouvé ça suspect, alors il en avait parlé à sa copine. Elle, elle avait simplement ri de ses inquiétudes.

- Ce n'est qu'un collégien qui n'ose pas rentrer, Yoongi, ça n'a rien à voir avec du trafic de drogue.

Il n'avait rien répliqué. Et il s'était senti très bête lorsque, une semaine plus tard, le jeune adolescent s'était pointé devant lui, les doigts fermement enroulés autour de la bandoulière de son sac, les joues rosées et les épaules crispées, et qu'il lui avait demandé conseil pour une fleur à offrir à sa copine.

Il avait juste été trop timide pour rentrer plus tôt, il était tout ce qu'il y avait de plus inoffensif.

Jeon Jungkook.

Il était revenu plusieurs fois, par la suite.

___________

Le silence s'installe.

Jungkook renifle d'un air vexé, et clôt la conversation en se levant :

- Je sais même pas pourquoi je t'embête avec mes bêtises, tu dois avoir des choses plus importantes à faire.

- Tu ne m'embêtes pas...

Yoongi soupire, encore. Son cadet a peut-être raison finalement, quand il dit qu'il va provoquer un ouragan.

- Je serais ravi de voir ce que tu fais, Kook. Sincèrement.

Le regard du lycéen s'illumine. Il se retourne vers son vis-à-vis, et demande, de l'espoir plein les yeux :

- C'est vrai ?

- Bien sûr. Bon, tu l'as dit toi-même, je comprends rien à la poésie, mais je suis sûr que t'es bourré de talent.

Jungkook pouffe légèrement, les joues rosées. C'est fou ce qu'il change vite d'humeur.

Il se rassied face à Yoongi, qui relance, un petit sourire aux lèvres :

- Allez, fais-le-moi lire, ce poème.

- Ah oui, mais non.

Il ne sait pas ce qu'il veut. L'aîné en est presque affligé. Il regarde le lycéen sans comprendre, et celui-ci rétorque simplement :

- Pas celui-ci. Lui, tu le liras quand je l'aurais fini.

___________

Quelques années plus tôt, si on avait posé la question à Yoongi, il aurait dit qu'il ne croyait pas au bonheur. Que c'était une idée surfaite et faussée, sans avenir ni vérité. Que c'était juste un mot inventé pour donner de l'espoir.

Aux côtés de sa copine, il disait tout l'inverse. Chaque jour passait en un éclair tant il était beau, et il voyait déjà son avenir se tracer jusqu'à leur vieillesse à tous les deux. Après cinq ans à vivre ensemble, il ne voyait pas ce qui pourrait venir perturber leur quotidien si paisible et apaisant.

Seulement voilà. Elle, elle ne pensait pas pareil. Elle, elle avait envie de changement, de renouveau. Et elle, elle avait perdu la flamme. Son amour s'était éteint peu à peu. D'abord aux travers des petites disputes de leur vie, puis de cette routine qui s'était installée malgré elle.

Alors, du jour au lendemain, elle est partie.

Elle a laissé les clés de la boutique et de l'appartement à Yoongi, et elle lui a dit qu'elle partait vivre à Séoul. Qu'il ne fallait pas qu'il essaye de la retrouver. Et qu'eux deux, désormais, c'était fini.

Et son départ, c'était un jour de printemps.

___________

Yoongi sourit. Il observe les joues rosées et les cheveux emmêlés de son cadet, puis déclare simplement :

- Dépêche-toi de le finir, alors. J'ai hâte de le lire.

Le sourire qui prend place sur les lèvres de Jungkook lui réchauffe le cœur, et la façon qu'il a de secouer vigoureusement la tête pour acquiescer le fait pouffer. Il est mignon, Jungkook. Un rien le réjouit.

- Et du coup... ose tenter une nouvelle fois celui-ci, t'es sûr t'as pas de synonyme ?

Yoongi ricane. Il n'a même plus l'énergie d'être agacé, et de toute manière, face à la joie du plus jeune, il n'en a aucune envie. Il préfère en rire.

Et puis, à nouveau, il s'égare.

Il laisse un instant son esprit se perdre dans ses souvenirs, puis finit par répondre dans un souffle :

- Disons que pour moi, le printemps, c'est elle. C'est son arrivée et l'espoir qu'elle m'a donné. C'est son départ et la plaie qu'elle a laissée.

Son regard fixe un point invisible derrière la fenêtre, et même si les mots sont durs à sortir, il continue malgré tout de se confier :

- Je la vois partout, tu sais. Dans toutes ces fleurs qui éclosent à chaque endroit, dans ce soleil qui vient nous narguer. J'ai l'impression qu'elle est là, à se moquer de moi comme si je ne valais rien. Elle s'en est bien sortie, après tout. Même pas un message en trois ans.

Il ricane à ces mots, amer, et cherche par automatisme un crayon à tripatouiller.

- À croire que je ne comptais pas tant que ça à ses yeux. Je ne sais même pas s'il lui arrive encore de penser à moi, alors qu'elle me hante tous les printemps.

Sa voix se fait contrariée, blessée, et Jungkook ne dit rien. Il se contente de saisir doucement sa main pour la caresser de son pouce, lui montrer qu'il est là, et qu'il est libre de dire tout ce qu'il a sur le cœur sans craintes.

- Je suis là, bloqué dans le passé comme un con. Comment veux tu que j'avance avec son putain de parfum qui traîne chaque année ? s'emporte-t-il. Même dans mon appart, sa présence est dans tous les recoins ! Elle est là, partout, tout le temps, semblant sans cesse me rappeler mes échecs. Mon échec de ne pas avoir su garder la boutique, de ne pas avoir su la garder, elle, et maintenant, de ne pas savoir l'oublier.

Une larme perle aux coins de ses yeux, mais il l'essuie rageusement, épuisé et énervé. Il ne sait même plus ce qu'il dit. Il s'entend parler sans se maîtriser, et même si ça l'agace, par-dessus tout, ça lui fait un bien fou. Yoongi se sent soudainement plus léger.

Il relâche alors la pression dans un soupir triste et ses muscles se détendent, ses épaules s'affaissent. Il prend le temps de respirer. De se calmer. Puis, doucement, il repose son regard sur le visage attentif de son cadet.

- Mon synonyme de printemps, c'est ça.

Il se passe une main sur le visage, comme si cette discussion lui avait retiré toute son énergie.

- Je suis désolé, ce n'est sûrement pas ce que tu voulais entendre.

- Non, non.

Jungkook secoue négativement la tête, et reprend rapidement :

- C'est très bien. Merci hyung.

Un sourire apparaît sur ses lèvres, et Yoongi ne comprend pas vraiment pourquoi. Il se demande s'il se fout de sa gueule. Après tout, ce ne serait pas la première fois, donc rien de bien étonnant. Le lycéen aime bien se moquer gentiment de ses états d'âme.

Mais non.

Jungkook saisit plus fermement la main de son aîné, et, toujours ce beau sourire aux lèvres, il plonge son regard dans le sien. Leurs regards s'entremêlent, se rencontrent, et Yoongi est étonné de voir autant d'émotions dans celui du plus jeune. Il semble presque plus affecté que lui.

- Tu sais quoi, Yoon ?

Ce surnom change, ça lui fait bizarre de l'entendre l'appeler autrement que par « hyung ». Il sent qu'il est sérieux. Qu'il est sincère. Et négativement, il secoue lentement la tête.

- Je te propose un truc.

- Quoi comme truc ? demande Yoongi, à la fois curieux et prudent.

- Je vais te faire changer de synonyme. Je vais t'aider, hyung. Je vais faire en sorte que tu n'associes plus cette saison à tout ça, parce que ces douleurs ne méritent pas de te gâcher la vie ainsi. Tu mérites tellement plus, je ne sais pas si tu te rends compte.

Il hésite un instant, semblant timide, puis termine avec le regard brillant :

- Tu veux bien me laisser t'aider à changer ton printemps...?

Et face à ça, Yoongi ne peut retenir son cœur de se réchauffer.

______❀✿❀______

Juin est arrivé. Dernier mois du printemps. Et si souvent à cette période de l'année Yoongi se dit que c'est bientôt la fin de son supplice, cette fois-ci, il y pense à peine. Son cadet vient le voir tellement souvent qu'il n'a même plus le temps de ruminer. Ça le fait sourire autant que ça le fatigue.

Parfois, lorsqu'il regarde Jungkook, Yoongi se dit qu'il est devenu vieux, et que le lycéen face à lui a beaucoup trop d'énergie pour que son pauvre corps puisse suivre. Il a beau lui courir après et tenter de récupérer la balle, rien à faire, il se fait lamentablement battre.

Et dire qu'il était fort au basket, il fut un temps...

- Onze zéro, hyung ! Plus qu'un point et tu me dois un resto !

Tentant de reprendre son souffle, Yoongi adresse au passage un majeur au plus jeune, qui ne fait que rire à cette action. Il a débarqué un peu plus tôt dans la soirée, et a proposé à l'adulte un duel sur la discipline de son choix pour savoir qui paierait le repas de ce soir. Quelle idée. Alors qu'à cette heure-ci, il devrait simplement être devant sa télé à se mater une bonne série, l'aîné se demande bien ce qu'il fout là.

- C'est pas du jeu, rétorque-t-il plaintivement.

- Totalement que si. T'étais ok quand on a fixé les règles.

- Oui, mais je savais pas que tu jouais au basket, ça compte pas !

- C'est pas que je sais jouer, c'est juste que t'es rouillé. Fallait m'écouter quand je te disais de faire du sport.

Allons bon, voilà que le lycéen lui fait la leçon maintenant. Yoongi lève les yeux au ciel.

Il se redresse et s'étire, et lance à l'intention de son ami :

- Pose cette balle, t'as gagné. Viens plutôt t'asseoir.

Presque immédiatement, le regard de Jungkook s'illumine et il accourt auprès de lui. Ça l'étonne toujours, cette façon qu'il a de sembler heureux pour un rien. Yoongi se dit qu'au moins, il a le moral facile. C'est toujours mieux que le contraire.

Les deux hommes se posent tous deux à côté du terrain, sur un petit muret qui donne vue sur la ville. Les derniers rayons du soleil se reflètent sur les toits, plongeant le tout dans une atmosphère orangée qui les apaise. Ils ne parlent pas. Les mots semblent superflus, et dans ce silence, ils s'expriment muettement.

Yoongi lui dit combien il lui est reconnaissant d'être là, parce que pour la première fois depuis trois ans, il se sent bien. Jungkook lui rappelle toute l'affection qu'il lui porte et à quel point il est important à ses yeux.

Sans un mot, tout est su.

Et puis, à la fin de ce dialogue silencieux, le lycéen demande finalement :

- Bibimbap ou Tteokbokki ?

- Le moins cher.

- Bibimbap, donc.

- Tu m'as écouté ou tu le fais exprès et tu veux me ruiner ?

- Je veux te ruiner.

Yoongi lève les yeux au ciel tandis que le plus jeune sourit.

Discrètement, il se décale de façon à se rapprocher de son aîné, puis pose sa tête sur son épaule.

- Dis, hyung...

- Hm ?

Le vent vient balayer les cheveux de son visage, lui dégageant le front.

- T'es heureux ?

Son aîné réoriente son regard vers lui, surpris. Il y a quelque chose, dans le ton qu'a employé le lycéen, quelque chose d'inhabituel. Yoongi n'a pas l'habitude de le voir aussi sérieux. Aussi concerné. Les mots lui manquent face à la sensation qui le prend au cœur, alors il ne répond pas. Il observe l'horizon engloutir les derniers rayons de soleil, et il se pose la question.

Heureux.

Ce mot lui semble si lointain.

Face à l'absence de réponse de son aîné, Jungkook reprend du bout des lèvres :

- Je veux que tu sois heureux, moi.

Il a presque l'air de bouder. Ça attendrit Yoongi, qui malgré lui, ne peut empêcher un sourire de naître sur son visage. Sans un mot, il attire le plus jeune vers lui, dans une petite étreinte qui arrache quelques rougeurs à son ami, puis répond sans même réfléchir :

- Je le suis, avec toi.

Le lycéen plante ses grands yeux de biche dans les siens, et l'aîné sourit :

- Tu me rends heureux.

Il est sincère.

Et Yoongi se demande si, quelque part, Jungkook n'est pas le printemps qui vient après ce long hiver.

__________

Il va l'étriper.

Que dit-il, plus encore ! Le saucissonner, l'égorger, le piétiner, le lancer par la fenêtre ( ou du moins ce qu'il en reste ) et l'assommer !

Yoongi se le jure.

- Désolé hyung... répète pour la énième fois piteusement le plus jeune. Je voulais faire comme dans les films romantiques...

Les films romantiques.

Ah, il est drôle, le lycéen ! Quelques minutes plus tôt, il avait débarqué en bas de chez lui la bouche en cœur, et pour manifester romanesquement sa présence, avait jugé judicieux de balancer un caillou à sa fenêtre. Foutaises ! Il n'y avait plus de fenêtre, il ne restait que des bouts de verre brisé !

Yoongi allait se le faire.

Oh que oui.

Déjà que son appartement lui coûtait une blinde, il n'osait pas imaginer le prix de rénovation de la vitre.

- Dis-moi, Jungkook, commence-t-il en se pinçant l'arrête du nez pour se calmer. Est-ce que ça t'arrive de réfléchir, de temps en temps ?

- ... Oui ?

- Non ! On ne balance pas des trucs à la fenêtre comme ça, c'est évident que ça va casser !

- Oui mais dans les films... marmonne le lycéen en triturant honteusement ses doigts, l'air vexé.

Il a une soudaine envie de les lui faire bouffer, ses films. Yoongi en est presque désespéré.

- Mais dans les films c'est des petits cailloux, Jungkook, pas des pierres grandes comme ta main ! Non mais j'vous jure...

Jungkook ne répond rien. Le regard obstinément rivé sur le sol, il boude. Lui qui voulait faire une super surprise et passer une super soirée avec son super aîné, c'était loupé. Il devait reprendre ses plans de a à z. Il avait même prévu les ballons à l'hélium pour envoyer le cadeau à la fenêtre... Vitre de merde, va. Quelle idée d'être aussi fragile.

Et puis, soudainement, alors que son aîné continue à faire les cent pas dans le salon à s'arracher les cheveux, il éclate de rire. Lui-même ne sait pas pourquoi, mais ça le prend aux tripes, comme ça, et il se retrouve plié en deux à se tenir le ventre. Yoongi le regarde d'un air aberré. Il se dit qu'il se fout vraiment de sa gueule, que ce n'est pas possible autrement. Il est atterré.

Puis à son tour, il sent ses lèvres s'étirer. Ses joues le démangent, et finalement, le rire communicatif du plus jeune a raison de lui. Là où la connerie de Jungkook l'énervait quelques secondes plus tôt, elle le fait désormais rire aux éclats. Quelle scène, tout de même. Le ridicule de l'action lui donne juste envie de se marrer jusqu'à pas d'heure.

Il ne sait pas au bout de combien de temps ils finissent par se calmer, mais les rires ont laissé place aux sourires, et il porte un regard tendre sur Jungkook qui essuie une larme imaginaire sur sa joue. Celui-ci pince ses lèvres, et déclare finalement, l'air joyeux :

- Désolé pour la fenêtre, je la repaierai.

- Et avec quel argent ?

- Je bosse cet été.

Yoongi lève les yeux au ciel. Hors de question que le lycéen dépense ses économies dans une bêtise pareille.

- Pas besoin, rétorque-t-il simplement en se posant à côté de son ami. Oublie ça, c'est pas grave. Ça fait une ventilation comme ça.

- Ça va surtout faire venir les moustiques, si tu veux mon avis.

Les moustiques.

Il se retourne d'un air horrifié vers son cadet, qui pouffe et se reprend rapidement :

- Oups, j'ai rien dit. Fais comme si t'avais rien entendu.

Yoongi pourrait s'insurger à nouveau, parce qu'en effet, il avait oublié ces créatures des enfers qui arrivaient avec la saison des chaleurs et contre lesquelles il n'aura plus aucune barrière avant d'avoir réparé la vitre, mais il n'en fait rien. Il n'en a pas envie. La bonne humeur de Jungkook est beaucoup trop contagieuse, tellement que c'en est presque inquiétant.

Alors à la place, il demande simplement :

- Disons ça. Tu venais pour quoi, à la base ?

- À la base ?

- Ouais. Que me vaut cette tentative avortée de mise en scène romantique ?

- Oh. Ça.

Il croit discerner des rougeurs sur les joues du plus jeune, mais celui-ci ne lui laisse pas le temps de réagir qu'il trifouille dans sa poche et lui plante une enveloppe dans les mains. Le regard fuyant, il bafouille avec une timidité qui ne lui ressemble pas :

- Je... J'ai fini le poème, donc... Je voulais te le passer...

Yoongi regarde le papier dans ses doigts avec un air étonné, se demandant bien pourquoi il semble mettre dans tous ses états son cadet qui d'ailleurs, continue de baragouiner maladroitement :

- C'est sur le printemps... Enfin, tu te doutes je pense, puisque j'arrêtais pas de t'en parler, même si t'es bête, mais... Enfin, non, t'es pas bête ! C'est pas ce que je voulais dire ! Bon, c'est vrai que tu comprends rien à la poésie, m-mais ça veut pas forcément dire qu'il te manque des neurones, c-c'est juste que...

- Wow Kook, calme-toi, le coupe Yoongi en voyant le lycéen paniquer.

Il l'aurait bien laissé continuer à s'affoler tout seul plus longtemps, parce que ça avait quelque chose de très attendrissant, mais il n'était pas non plus un monstre. Et puis, c'était si inhabituel pour lui de voir son ami comme ça, qu'il s'en inquiéterait presque. Jungkook était du genre confiant, généralement. Il se demandait ce qui pouvait bien le perturber ainsi.

- Merci beaucoup, sourit-il en ramenant le poème vers lui. Ça me fait plaisir.

À ces mots, l'étudiant semble se calmer un peu, et il baisse le regard sur ses doigts qu'il entremêle nerveusement. L'accalmie est néanmoins de courte durée lorsque Yoongi commence à ouvrir l'enveloppe :

- Je vais le lire.

- NON SURTOUT PAS !

Il jauge son cadet d'un air sceptique, se demandant pour quelle obscure raison il le lui a donné s'il n'a toujours pas le droit de le parcourir, mais Jungkook se reprend bien vite, bafouillant à nouveau :

- Enfin, pas quand je suis à côté... Il se relève maladroitement, et balbutie : T-Tu le liras seul. Je vais y aller d'ailleurs.

Décidément, il ne sait pas ce qu'il a aujourd'hui, Yoongi se demande bien quelle mouche le pique. Il l'observe rassembler gauchement ses affaires en faisant plein de mouvements parasites inutiles, circonspect. La dernière fois qu'il avait vu un Jungkook stressé et timide comme ça remontait bien à l'époque où il tenait encore sa boutique de fleurs. Depuis, le lycéen avait vachement gagné en assurance.

Enfin, jusqu'à ce jour, semblerait-il.

Il ne fait aucune remarque pour ne pas l'embarrasser davantage, et se relève à son tour en laissant l'enveloppe sur le canapé.

- Oh, ok...

Il le rejoint devant la porte en demandant :

- Tu veux que je t'accompagne ?

Les joues rouges, le plus jeune secoue négativement la tête, avant d'adresser un sourire timide à son aîné :

- Pas besoin. La nuit n'est pas encore totalement tombée, ça va aller.

- Comme tu veux.

Yoongi le regarde enfiler sa veste en jean oversize sans rien dire. Il le trouve beau, Jungkook, avec ses grands yeux expressifs et ses cheveux mal coiffés. Les petites rougeurs sur ses joues ne font que le rendre davantage attendrissant. Ça lui donne envie de le prendre dans ses bras et de le câliner toute la nuit.

Il secoue la tête à ses pensées, et sourit au plus jeune :

- À demain ?

- À demain.

Jungkook lui adresse un petit signe de tête, mais alors qu'il s'apprête à partir, il semble hésiter. Il fait un pas vers la sortie, se retourne, un en arrière, et finalement, il vient planter un petit bisou sur la joue de son aîné.

- Bonne nuit, souffle-t-il timidement. Oh, et... Je sais que t'y comprends rien en poésie, mais fais un effort pour ce texte s'il te plait. Je... Je suis nul à l'oral alors...

Il se racle la gorge dans un petit « hm » sonore, et balbutie :

- E-Enfin, voilà quoi. Bisous.

Ni une ni deux, Yoongi n'a pas le temps de réagir que le lycéen a déjà détalé comme un lapin.

Il reste là, les bras ballants sur le pas de la porte comme un abruti, le cœur s'emballant et ses yeux clignant bêtement dans le vide. Soudainement, un doute le prend. Il se souvient que Jungkook lui avait déjà dit que s'il écrivait des poèmes, c'est parce que c'était uniquement ainsi qu'il arrivait à exprimer ses émotions, et qu'autrement, il était une quiche avec les mots. Son organe vital tambourine dans sa poitrine malgré lui.

Il rentre dans son appartement en vitesse, puis va chercher la petite enveloppe rouge qui trône encore sur le canapé. Précautionneusement, il la déplie, et en sort ce petit papier que le lycéen a emporté partout avec lui ces derniers mois.

L'écriture maladroite de Jungkook le fait sourire tendrement.

Ses yeux parcourent les lignes.

Son cœur s'apaise.

Et délicatement, une douce chaleur se diffuse dans son être.

L'hiver de son propre printemps est fini. Cette saison est désormais la plus belle.













Le vent porte ton nom,
Une douce mélodie qui provoque en moi un sacré vacarme,
Les fleurs, l'odeur de ton âme,
Un doux parfum d'une saveur sans nom,
Le soleil, l'éclat au creux de tes pupilles,
Illuminant chacune de mes journées,
La lune, le reflet de ton sourire,
Qui fait partir mon cœur en vrille,

Les papillons s'échappent de ma poitrine,
À chacun de tes touchers,
Plus rien ne me chagrine,
Le printemps fleurit en mon cœur,
À chaque heure,
Passée à tes côtés.
Les flocons de neige deviennent pétales de cerisier,
À chaque fois que ta joue se pose contre mon chemisier,

La pluie n'est plus qu'une rosée rafraîchissante,
D'une aube aux couleurs miel,
Sous tes caresses aussi douces que des pétales ravissantes,
Je pourrais me perdre dans tes traits, comme lorsque je me perds dans le ciel,
Et je souhaiterais t'offrir les plus splendide des tulipes,
D'une teinte aussi rouge que l'incendie qui crépite au creux de ma poitrine en ta présence,

Pour tenter de cueillir telle une marguerite dans un champs, tes lippes.
Et peut-être pour tourner cette page du passé, une ou deux pervenches.
Parce que pour toi, je pourrais écrire la plus parfumée des chansons,
Parce qu'avec toi, chaque jour est une nouvelle saison,
Parce que pour toi, je ne donne plus aucun sens au temps,
Parce qu'avec toi, chaque heure est un nouveau printemps,

Tu es le printemps qui fait fleurir mes rêves,
Tu es le printemps infini qui trône dans mon univers.


FIN.

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