23 octobre

Hier soir, Ovide s'est pris un vent. De moi. Sans faire exprès. Il me demandait de lui passer un gobelet et paumée dans mes pensées, je ne l'avais même pas entendu. Puis lorsqu'il a insisté avec un petit sourire gêné, j'ai compris qu'il s'adressait à moi.

-       Oh !

Je lui ai passé un gobelet. Et notre échange s'est arrêté à là. Jusqu'à ce que Cass' me pousse à rejoindre le cercle d'amis de terminale qu'elle s'était faite. Les garçons fumaient des clopes et des joints sur le balcon, j'ai fait de mon mieux pour ne rien me prendre dans la gueule et me suis mise à l'écart au bout d'une vingtaine de minutes, fatiguée de socialiser avec des personnes qui n'en ont rien à foutre de moi.

Je suis alors allée aux toilettes, et sur le chemin, je l'ai recroisé, mal à l'aise, on s'est regardé. J'existais.

-       Tu connais bien l'appart' ? demande-t-il entouré d'une atmosphère gênante.

J'ai haussé les épaules.

-       Non pas trop, désolée...

Il avait l'air de chercher quelque chose.

-       Ovide c'est ça ? ai-je lancé de façon douteuse en le voyant ailleurs.

Il m'a souri, d'un air cool, comme les gars cools font à la télé.

-       Yep. Toi t'es Aimée, la meilleure amie de Cassandra si je me souviens bien.

On s'est à nouveau regardé. Et je suis tombée de très très haut. Il était mortellement beau.

-       Tu cherches quelque chose en particulier ? demandé-je en le voyant ouvrir des portes au hasard.

Sans m'en rendre compte, je m'étais mis à le suivre dans son exploration de l'appartement.

-       Du PQ. Y en a plus, avoue-t-il en soupirant.

J'ai ri, parce que la situation était extraordinaire. Ovide en train de chercher du PQ. Pour chier chez Solange, évidemment. Wow. Insolite.

-       Classe.

On s'est à nouveau regardé, et j'ai senti tout mon corps se retourner quand il a bougé son visage comme pour se retenir de lâcher une remarque bête.

-       Tiens, ai-je lâché en lui passant mon paquet de kleenex.

Il a souri. J'en ai tout de même gardé un pour ma pause pipi. Sortie des toilettes, il y est entré, mal à l'aise. De retour dans le salon, j'ai senti un énorme poids s'enlever de mes épaules et un sentiment vague de joie m'étreindre.

Après ça, il ne m'adressera sûrement plus la parole de toute sa vie.

Je n'ai pas passé le restant de la soirée avec lui. Même si j'aurais bien voulu et que j'ai même croisé son regard à de multiples reprises. Mais j'ai dû partir plus tôt de la soirée à cause de mon père toujours trop strict niveau horaires. J'ai embrassé mille fois Solange et lui ai souhaité trois mille fois bon anniversaire.

Sur le trajet du retour, j'ai osé demander Ovide en ami sur Facebook. Il m'a accepté. Mon cœur s'est décroché. Je me suis souvenue qu'il était en couple. Il m'intimidait encore, mais j'avais discuté avec lui.

Lui passer mes kleenex ou un gobelet était bénéfique.

Pour une fois que j'ai entamé quelque chose.

Et, en y repensant, je n'ai jamais eu aussi peu tort de ma vie.

Aimée.