Chapitre 29: Lettres

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Chers parents,
Ou plutôt devrais-je dire: chers parents de Johanna.

La jeune fille que vous avez gardé sous votre toit ces derniers mois n'était pas votre enfant.

Laissez-moi me présenter: mon nom est Séraphys, et j'ai péché.
Il y a sept péchés capitaux: l'orgueil, l'avarice, l'envie, la colère, la luxure, la paresse et la gourmandise.
Le mien a été l'envie.

Oui, j'ai envié votre fille.
Alors j'ai pris sa place.

Sauf qu'après l'avoir fait, j'ai tout oublié.
Ensuite tout n'a été que cheminement pour recouvrer ma mémoire.

Vous ne me croirez probablement pas, pourtant les faits sont là.
Moi, Séraphys, étais l'ange gardien de Johanna.
Après des milliers d'années à protéger des humains, je me suis mise à les envier. À vouloir leur insouciance et leur liberté.
Malheureusement, c'est au moment où je surveillais Johanna que j'ai décidé de passer à l'acte: je voulais prendre son corps et pouvoir, à mon tour, vivre une vie éphémère et heureuse.
Sauf que je n'ai pas bien accompli le rituel de magie noire; il me manquait un élément indispensable: la confiance en moi.
Je regrettais mon crime avant même de l'avoir commis.
Il y a donc eu une anomalie: à mon réveil dans ce nouveau corps j'ai perdu la mémoire, et l'esprit fragmenté de Johanna est resté.
Nous avons donc cohabité: l'usurpatrice et la victime dans le même corps, cherchant à apprendre la vérité derrière cet incident.

La voilà, la dure et cruelle vérité: je suis un ange déchu.
L'obscurité de la lumière.

Après avoir compris qui j'étais, j'ai tout de suite voulu rendre son corps à votre fille.
Elle a refusé.
Pourquoi? Je ne saurais pas le dire.
Je n'étais pas dans sa tête, contrairement à elle qui était dans la mienne.
Mais si je devais donner le début d'une réponse, je pense que c'est parce qu'elle ne savait pas comment reprendre sa vie après ce trou béant dans son existence, et aussi parce que, bizarrement et contre toute attente, je crois qu'elle s'est attachée à moi, de la même façon que je me suis mise à l'apprécier.

Elle a renoncé à sa propre existence pour me laisser vivre pleinement dans ce corps.

Mais je suis une lâche qui n'arrive pas à faire face à ses propres fautes: j'ai fuit sans dire au revoir à personne alors que j'aurais pu rester et assumer les conséquences de mes actes.

J'ai pris mes jambes à mon cou.
Loin des yeux, loin du cœur, c'est ce qu'on dit.
Mais quand c'est le cœur qui va mal, où va-t-on?

Dans cette fugue effrénée, je ne sais pas encore ce que je vais faire.
Je vais probablement essayer de trouver un moyen de me racheter.

Je sais que cette histoire est invraisemblable et que je ne vous apporte aucune preuve, sinon ce pauvre morceau de papier raturé.

Tant pis, vous devez me croire.
Il le faut.
Ou sinon vous n'arriverez pas à tourner la page, restant bloqués en vous disant que votre fille chérie est partie car elle ne vous aimait pas.
Au contraire, Johanna vous aimait de tout son cœur, je peux vous l'assurer.

Il me reste maintenant deux mots à vous dire: pardon et merci.

Le pardon tombe sous le sens, il me semble.
Quant au merci, il est pour tous ces moments où vous avez pris soin de moi malgré mon amnésie.


Alors adieu,
J'espère ne plus causer de tord à personne et surtout pas à vous, je vous ai trop offensé.

Que vos anges gardiens vous protègent,

Séraphys




***




Cher Jonathan,

Je t'aime.

Je t'aime et pourtant je fuis, je fuis loin d'ici car je n'en suis pas digne.
Je ne suis pas digne de ton amour, je ne suis même pas digne de t'aimer.

Je sais enfin qui je suis: mon nom est Séraphys, et je suis un ange déchu.

J'ai pris le contrôle du corps de ma propre protégée.
Je suis pire qu'un déchet.
Je suis l'œuvre de Satan.

J'ai envié et jalousé la vie courte mais si belle des humains; en voilà le résultat.

Si tu veux plus de détails, tu peux demander aux parents de Johanna de te montrer la lettre que je leur ai laissée.
Il y a là-dedans toute mon histoire.

Je pense que mon seul regret est de ne pas avoir eu le courage de te dire au revoir en face, surtout quand je repense aux derniers mots que je t'ai dits.

Mais surtout, surtout je t'en prie, oublie-moi et vis heureux.
Trouve quelqu'un; une fille bien, contrairement à moi.
Une personne en qui tu as confiance, qui sera toujours là pour toi, même dans les moments les plus difficiles.

Tu es Roméo et tu trouveras ta Juliette, j'en suis persuadée.
Fais seulement en sorte de ne pas subir une fin tragique comme eux. Tu devras réécrire la pièce et vivre un happy end.
Promets-le moi.

Sur ce je te dis adieu Jonathan,

Nous ne nous reverrons pas même dans l'au-delà, car tu seras au Paradis et moi en Enfer.
Ce doit être ma punition.

Séraphys

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