Comme d'habitude depuis quelques jours, Jonathan m'attend au coin de la rue sur le chemin du lycée.
À mon approche il lève les yeux de son téléphone avant de me saluer joyeusement, comme à son ordinaire.

- Hey Jo!

- Hey...

- Houlà ça va pas toi. Qu'est-ce qui t'arrive? me demande-t-il en remarquant mon air déprimé.

Je fixe le sol.

Comment lui dire que, depuis mercredi dernier, ce qui fait maintenant une semaine jour pour jour, je n'ai pas cessé de faire le même rêve étrange où mon double me demande qui je suis?
Il faudrait déjà qu'il sache que je souffre d'amnésie, et c'est hors de question.

Je décide donc d'inventer une excuse bidon, histoire de pas l'inquiéter (parce que la technique du « Non ça va c'est rien » ne fait que renforcer les soupçons).

- J'ai passé une mauvaise nuit, expliqué-je en baillant pour renforcer mon propos.

...Ce qui n'est pas faux. Ça s'appelle la technique du semi-mensonge. Je suis sûre que je suis loin d'être la seule à l'utiliser (n'est-ce pas cher lecteur? ;p ).
C'est très pratique pour garder la conscience tranquille sans pour autant se compromettre.

- Quel genre de mauvaise nuit? Tu n'arrives pas à fermer l'œil, tu fais un cauchemar ou tu te réveilles toutes les cinq secondes pour aller aux toilettes? me demande-t-il avec un sourire en coin.

- Mmh... Plutôt l'option cauchemar.

- Alors là tu me surprends. Je ne pensais pas que tu étais du genre à te laisser impressionner par un mauvais rêve.

- Ce N'est PAS mon genre.

- Sans vouloir t'offenser, tu n'es absolument pas cohérente.

- C'est juste que cette nuit était un cas particulier.

Juste un cas particulier qui dure depuis une semaine... me dis-je intérieurement.

- Hmm hmm...

- Tu sais quoi? Je te boude. déclaré-je théâtralement en faisant la moue, ce qui eu pour effet de le faire rire.

Après quelques instants de silence, il se remet à parler. Jonathan est très bavard. Pas autant que Léa M. bien sûr, mais en même temps elle a atteint un niveau olympique.

- Quel est ton meilleur souvenir d'enfance? finit-il par demander après bon nombre d'autres questions.

Je me fige, mal à l'aise.

- C'est difficile de choisir un seul souvenir.

- Dans ce cas choisis-en plusieurs. Ceux qui te tiennent le plus à cœur.

- Je n'en ai pas, dis-je brusquement en accélérant le pas.

La seconde d'après, je me rends compte que je n'aurais pas dû être aussi brusque. Si ça continue il va finir par se douter de quelque chose.
Je peste entre mes dents. Il faut vraiment que j'arrête d'agir sur des coups de tête.

- Ah hum... Désolé! bafouille Jonathan, mal à l'aise. Si le sujet est douloureux et que tu n'as pas envie d'en parler tu n'es pas obligée, mais...

- Ne vas pas t'imaginer des films, le coupé-je. Je n'ai pas eu une enfance difficile ou douloureuse ou je ne sais quoi, c'est juste que... Enfin bref, c'est moi qui devrais m'excuser, je n'aurais pas dû réagir aussi violemment, pardon.

- Mais si tu as réagi comme ça, c'est que tu as une bonne raison, non?

Son regard inquisiteur me sonde, tentant de percer ma carapace.
Finalement je détourne la tête et continue à marcher silencieusement, sans lui répondre.

Je recommence à respirer en apercevant la grille du lycée. Jonathan va être occupé par ses groupies, ce qui va l'empêcher de penser à ce qui vient de se passer plus en profondeur, et ce pour mon plus grand bonheur.

***

Fin des cours.
Heureusement qu'il n'y a que la matinée de travail le mercredi, car je ne suis clairement pas en état de concentration. Mes pensées ne cessent de divaguer sur des sujets divers, ce qui m'a valu deux ou trois remontrances de mes profs.

Je décide de retourner directement chez moi. Contrairement à la semaine dernière, je ne suis pas d'humeur à m'amuser.
Je ne prends même pas la peine de prévenir mes amis et rentre à la maison sans dire un mot. J'ai besoin de calme.

Je vous épargne la description du chemin du retour et je continue mon récit une fois arrivée dans ma chambre, mon lieu sacré.

Je me tourne les pouces quelques minutes, ne sachant que faire, avant de jeter mon dévolu sur un livre: un des tomes de la série Le Dernier Royaume de Morgan Rhodes. C'est une série de fantasy que j'affectionne particulièrement.
Cependant, après cinq ou six pages, je me rends compte que je ne suis absolument pas concentrée et que la littérature ne m'aide pas à me changer les idées.
Je soupire en rangeant mon livre.
Je tente ensuite de dessiner, sans succès. L'inspiration ne vient pas, et ça m'énerve.

Après avoir tenté nombre d'occupations et essuyé autant d'échecs, je choisis de prendre un peu l'air en ouvrant la fenêtre.

En passant ma tête par l'encadrement, je savoure le vent frais qui ébouriffe mes cheveux. Comme quoi il ne fallait pas chercher bien loin, un peu d'air est exactement ce dont j'avais besoin.
Soudain, un mouvement blanc attire mon regard.

La chouette.
C'est la chouette de la dernière fois.

Ses yeux sont toujours aussi hypnotiques, aussi m'y noyé-je à nouveau.

Le temps s'étire, et un dialogue silencieux semble s'installer entre nous.

« Pourquoi cet air las? » paraît-elle me demander.

« Quelque chose me préoccupe. Ou plutôt, me hante. » repondé-je du regard.

« Quoi donc? »

« Mon identité. »

« Pourtant ce n'est pas la première fois que tu te poses des questions sur qui tu es. »

« Comment le sais-tu? »

« Je le sais, c'est tout. Maintenant, raconte. »

« En fait, récemment j'ai enfin repris goût à la vie; j'ai tout recommencé de zéro, je me suis même fait des amis. Cependant, récemment j'ai commencé à faire un rêve étrange: mon double n'arrête pas de me demander qui je suis. Ça fait déjà une semaine. C'est perturbant et... oppressant. »

« Au lieu de redouter ce rêve et de t'en inquiéter, pourquoi n'essaierais-tu pas de t'en servir pour apprendre la vérité? »

« La... Quoi? La vérité? Mais quelle vérité? Comment... »

Mais déjà la chouette prend son envol,

me laissant avec encore plus de questions qu'auparavant.

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Heyyyy!!
J'espère que ce chapitre vous a plu ^^
Pour ma part, j'ai beaucoup aimé écrire le passage entre Johanna et la chouette :3
Sur ce, à la prochaine!
- Nalvera