Vivre sans former d'attachement était irréaliste, Koral en avait toujours été persuadée. Fut-ce un objet, un endroit, une idée ou même une personne... Nul ne pouvait s'interdire de développer, à un moment de son existence, une obstination secrète et impénétrable. Pour certains, développer un attachement était ce qui les sauvait de leur ténèbres. Pour d'autres, c'était ce qui les détruisait. Pour Koral, c'était un peu des deux.

La guerre des clones durait depuis plus de 3 ans. Un conflit qui avait mené à la destruction de tant de villes, la dévastation de contrées entières, le massacre de populations innocentes... Mais la fin approchait. Koral le voyait dans les mouvements des troupes et dans la joie intarissable de Palpatine lorsqu'on l'informait des défaites incessantes des séparatistes. Mais elle ne connaissait rien des plans du Sith qui ne lui faisait part des quelques détails dont elle avait besoin de mener ses missions à bien. Elle savait qu'elle n'était pas la véritable apprentie que Palpatine recherchait. Elle savait qu'elle n'était qu'un pion dans le jeu des Siths, faite pour être sacrifiée au nom d'une cause plus grande. Mais elle ne pouvait rien faire pour remédier à cette situation, elle avait beau prétendre, elle n'avait pas cette rage en elle et elle ne pourrait jamais l'avoir.

Pourtant elle n'avait pas non plus les qualités d'un maître Jedi. Quelque part dans le chaos des champs de bataille, elle avait laissé derrière elle la sérénité enseignée par le code Jedi. A chaque perte, parmi ses soldats, parmi ses amis, qu'elle avait subi, elle avait abandonné une part de paix. La guerre lui avait fait oublier tout sentiment de sécurité et l'avait laissée désorientée dans les abîmes, influencée à la fois par les Siths et les Jedis.

Il ne lui restait que les mots du code Jedi, qu'elle se répétait perpétuellement, alors qu'elle s'acharnait sans répit sur ses ennemis. Il est dit que sur un champ de bataille, il n'y a pas de place pour la désolation, pour le chagrin, pour les regrets. Il est dit que la paix ne peut-être gagnée que sur le champ de batail, qu'il n'y a pas de mort plus noble que celle au nom de la république, que tuer pour une cause digne est une chose honorable. Il est dit que sur le champ de batail, les sentiments disparaissent, les pensées s'évanouissent.

Rien de tout ça n'était vrai.

C'était dans ses moments là que l'esprit de Koral s'agitait le plus. Elle sentait l'adrénaline se répandre dans son corps, empêchant la peur de la paralyser. Des mines explosaient partout autour d'elle, les laser fusaient, les débris s'accumulaient au sol. Pourtant, elle parvenait à éviter chaque danger et l'armée de la république, avançait peu à peu. Elle massacrait les droïdes un par un, la fatigue ne semblait pas pouvoir l'atteindre, autant que ses ennemis ne pouvaient rien faire pour l'arrêter.

Soudain, Koral sentit son comlink vibrer dans sa poche. D'un grand coup de sabre laser, elle exécuta deux droïdes de plus, et trouva un endroit calme pour regarder son message. Elle conservait son comlink Jedi à sa ceinture mais elle avait senti la vibration contre sa cuisse, dans la poche de son pantalon. Elle détestait quand Palpatine la contactait pendant ses missions pour l'Ordre Jedi.

Koral ouvrit l'appareil et l'hologramme du vieil homme apparut.

-Je suis en pleine bataille, j'espère que c'est important, déclara-t-elle d'un air exacerbé.

-Très important, oui, répondit le Sith. Il faut que les séparatistes conservent Abafar.

Koral dû se retenir de déverser toute sa haine sur Palpatine. C'était lui qui, quelques jours auparavant, lui avait demandé de prendre Abafar au nom de la république. Elle avait déjà perdu de nombreux hommes au nom de cette cause, abandonner était inconcevable. Mais elle ne dit rien de tout cela.

-Comment suis-je sensée faire cela, maître ? demanda-t-elle sagement.

-J'ai confiance en ta capacité à trouver une solution.

Sans rien ajouter, il raccrocha. Ce n'était pas la première fois qu'il mettait Koral dans ce genre de situation embarrassantes et elle se doutait qu'il s'agissait d'une façon malsaine de tester sa loyauté.

Au loin, elle aperçut un clone s'effondrer après avoir été touché par un tir de laser. Rejoindre les séparatistes alors que sa propre armée se sacrifiait pour prendre Abafar ? Elle refusait ne serait-ce que de l'envisager. Elle allait massacrer chacun des droïdes qui croiseraient son chemin et, en retournant sur Coruscant, elle allait enfin décapiter ce fichu Sith qui lui pourrissait la vie.

Elle sortit de sa cachette et se rua sur le premier ennemi qu'elle vit. Elle les démembra un par un, avançant sur le champ de bataille, jusqu'à retrouver Maoya Lenn qui l'avait accompagnée pour prendre la planète.

-Je commençais à me demander où tu étais passée, dit-elle sans pour autant s'arrêter de se battre.

-Je décimais des droïdes un peu plus loin, à l'ouest d'ici.

Elle ne répondit rien et Koral cru un instant que son mensonge était passé. Soudain, Maoya arrêta son sabre laser et planta son regard sur son ancienne Padawan.

-Qu'est-ce que tu fais ?! s'écria Koral en se jetant sur son maître pour la protéger des tirs de blaster.

-Qu'est-ce qu'il t'arrive, Koral ? Tu es bizarre depuis quelques mois.

-C'est vraiment pas le moment de discuter ! répondit-elle en bloquant tant bien que mal la horde d'ennemis qui avançaient vers les deux Jedi.

-Tu ne peux pas me cacher des choses éternellement, déclara Maoya en rallumant son sabre.

Si c'était vrai, qu'elle ne pourrait pas garder ses secrets pour toujours, il était certain qu'elle pouvait en garder un grand nombre sans que personne ne les remarque. Elle pensa à Obi-Wan avait qui elle vivait depuis 2 ans, à son mariage quelques mois auparavant, à la relation qu'elle entretenait avec le côté obscur mais surtout à tous les vêtements qu'elle avait « empruntés » à Maoya sans que celle-ci ne s'en soit jamais rendu compte.

Une forte explosion rappela les deux Jedi dans l'urgence de la bataille. Bien que Koral eut pris la décision d'enfin trahir les Sith, rien n'était encore gagné. Tous les efforts fournis par les clones et les Jedi leurs paraissaient vains, tant le nombre de droïdes qui les assaillaient ne semblait jamais diminuer. Koral avait beau détruire chaque ennemi qu'elle croisait, elle avait cette impression constante de dépenser son énergie sans obtenir de résultat. Alors que la bataille faisait rage partout autour d'elle, elle remarque Maoya, infatigable, qui se défendait avec grâce contre chaque droïde en affichant un léger sourire confiant. Cette vue éveilla l'admiration que Koral avait pour celle qui lui avait tout appris. La seconde d'après, elle fut percutée par le tir d'un blaster. Le choque fut suffisant pour la déstabiliser et un second tir l'atteignit, puis un troisième et elle laisser tomber son arme. Son sourire ne s'était pas encore tout à fait estompé lorsqu'elle fut transpercée par son propre sabre laser. Ses yeux s'écarquillèrent et son regard croisa celui de Koral.

Cette dernière lâcha immédiatement la tête du droïde qu'elle venait de décapiter et elle accouru. Maoya sembla tomber au ralenti. Elle ne fit aucun bruit lorsque ses jambes cessèrent de fonctionner et qu'elle du se reposer sur ses genoux. 

Lentement, elle porta ses mains à son ventre et posa son regard sur son apprentie. Koral vit le mélange de peur et de surprise dans les yeux de son maître alors qu'elle s'effondrait contre les ruines qu'avaient laissé la bataille.

Koral ne parvenait pas encore à réaliser ce qu'il s'était passé. Elle détruit tous les droïdes encore présents autour de Maoya et, tremblant de peur, elle tenta de prendre son pouls. Elle sentit la panique qui la saisit lorsqu'elle se rendit compte que Maoya était déjà morte.

 Bon nombre de clones qui avaient tout vu s'étaient rassemblés autour des deux Jedi pour les protéger. Les explosions et les tirs de blasters continuaient de résonner sur le champ de bataille mais pour Koral ce n'étaient que des bruits insignifiants. 

Elle ne versa aucune larme, elle ne dit pas un mot et ce fut que lorsque le corps de Maoya fut emmené par les médecins, qu'elle leva son regard vers la colline qu'elle s'efforçait de prendre depuis plus de 3 heures. Là, la silhouette d'un homme élancé se dessinait devant la lune d'Abafar.

-Dooku... souffla-t-elle.

Elle était épuisée. Et elle savait pertinemment qu'il n'était pas là pour superviser la bataille. Non, il était là pour la tuer. Elle avait enfin trahi les Siths, mais elle ne regrettait rien, ceux qui avaient causé cette guerre allaient payer pour la mort de Maoya. Elle se leva et alluma son sabre laser, sans quitter la silhouette des yeux.

-Laissez-moi passer, ordonna-t-elle à ses soldats. Je vais le tuer.

Les clones la regardèrent mais ne dirent rien.

-Général, hésita enfin l'un d'entre eux. Vos yeux...

Elle perçu ces mots comme si elle venait d'être poignardée et elle fut saisie par la réalisation de sa propre rage. Elle refusait de laisser le côté obscur gagner. Elle reprit peu à peu son souffle et retrouva sa concentration. Alors que la haine se dissipait, elle sentit un poids grandir en elle fut étouffée par un mélange de peur et de tourment.

-On ne peut pas se permettre plus de pertes, déclara-t-elle.

Il y eut comme un grand moment de silence à l'entente de ces mots. Les soldats de Koral ne l'avaient jamais vu abandonner.

-On se retire, dit-elle avec autorité.

Elle lança un dernier regard au compte Dooku avant de suivre le mouvement vers les vaisseaux de la république.

« Palpatine aura eu la planète qu'il voulait », pensa-t-elle. 

Mais elle n'allait pas en rester là, au contraire. Peut-être avait-elle enfin trouvé la rage qu'elle cherchait depuis si longtemps. Elle était terrifiée, paralysée par son désespoir, mais elle continuait d'avancer, poussée par une envie intarissable de vengeance. Le feu qui s'était éteint quelques instants, brûlait maintenant encore plus fort dans ses yeux.