Là où ça s'est parlé pour de bon

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Dès qu'on a trempé nos pieds dans l'eau, on a tout de suite compris qu'on n'irait pas plus loin. Il fait encore trop froid pour ça et les bains de minuit sont mignons, mais pas super pour ceux comme moi qui attrapent des rhumes aussi facilement que de mauvaises notes.

- Donc tu es une fille plutôt réservée d'après toi ? demandé-je en tentant de monter sur un rocher.

J'ai essayé de suivre la cadence de son escalade. Margot monte haut. Pas moi. J'attrape la main qu'elle me tend en aide et m'installe à ses côtés, essoufflé et les pieds gelés.

- Je crois qu'on n'accorde pas assez de crédits aux personnes comme moi. En fait, finalement, on leur donne seulement la chance d'être personnage principal d'un roman. Tu sais le mec ou la meuf qui se cherche mais qui se croit trouvé mais qui s'est carrément pas trouvé. Moi j'en ai eu marre. Vraiment marre à un moment donné. C'était hier soir en réalité. Et bah là, d'un coup boum dans mon esprit, je me suis dit que pour me changer de cette routine merdique, je serai la rencontre qui donnerait de la chance aux gens, parce que je n'ai pas encore eu la chance de rencontrer une personne du type dans ma foutue vie, raconte-t-elle en souriant.

Toujours le même sourire, qu'on voit dans la nuit tant sa dentition brille : expressif, rassurant et qui inspire d'autres sourires. Margot a une très jolie façon de regarder les gens autour d'elle. À ses côtés, je suis envahi d'un sentiment de réconfort nouveau, comme si toute l'absurdité des situations tombe pour montrer enfin le côté positif de celles-ci. Je suis juste bien assis sur ce rocher, la frôlant par moment.

- Tu ne trouves pas que c'est réducteur de juste se contenter de prendre pour modèles des personnages de romans : le perso principal, la rencontre, les parents et tout le tralala ? questionné-je sincèrement.

La semi-Audrey s'est tournée vers moi, faisant frôler nos nez par la même occasion. Je crois que j'ai rougi, je ne sais plus. Mais dans le noir, je ne vois que la lueur de ses yeux briller avec la lumière de la jolie lune.

- Si ça l'est. Et c'est pour ça qu'on devrait plutôt se dire qu'on est un personnage à part entière et qu'on est ce qu'on est tout court. Mais moi je me cherche encore au point de me demander si je peux devenir une autre Margot. Je veux savoir les limites de ma personnalité ou quel personnage je suis pour me rassurer...

Mes mains se sont maladroitement posées sur sa taille et je me suis assez rapproché d'elle pour entendre son souffle saccadé et deviner un autre sourire.

- Tu sais Margot, peut-être qu'on est tous des personnages principaux de roman, des secondaires, des rencontres, bonnes ou mauvaises, passables ou bouleversantes. Peut-être que la vraie Margot, c'est celle que tu es et celle que tu veux être à la fois, parce que pour être heureux, moi je crois au fin fond de moi, que c'est normal de vouloir être ce qu'on veut vraiment tout en s'appréciant déjà assez pour franchir une autre étape : évoluer grossomodo.

- Comme les Pokémons ! remarque-t-elle en riant.

Mon rire suit le sien et mon cœur semble tout retourné par cette comparaison.

- Mais on me répète toujours qu'on ne peut pas être quelqu'un d'autre. Qu'on est ce qu'on est un point c'est tout. J'ai l'impression de comprendre ce que tu veux dire mais qu'à moitié Aubin. C'est vraiment aubincale qui ce me trotte dans la tête actuellement.

Le jeu de mot avec « bancale » attire un de mes sourires.

- Ce n'est pas une question de « devenir quelqu'un d'autre ». C'est une question pour comprendre qui tu es. Et si tu ne sais pas qui tu es devant toi-même chaque matin, peut-être que tu n'es pas que ça, peut-être que tu es infiniment plus complexe que ce que tu crois être. Moi je sais qui je suis et je ne me crois pas infiniment plus complexe que ça, mais c'est parce qu'en me posant la question que je me suis rendu compte que j'étais déjà arrivé à qui je voulais être à partir de qui j'étais vraiment.

- Comment t'as réussi à faire ça Aubin ? demande-t-elle d'une petite voix pleine d'admiration.

Je lui ai souri, tout en fermant les yeux pour trouver les bons mots. Toutes mes pensées affluent. Il faut lui expliquer ce qui la rend si spéciale à mes yeux. Il faut lui faire comprendre qu'importe qui elle est vraiment, elle sait s'y prendre pour se rendre attachante.

- Tu sais... On a tous une zone de confort et une zone d'inconfort. Y a des personnes qui se sentent confortables dans leurs lits, dans des plaids et seulement avec leurs amis. Y a des personnes qui se sentent confortables dans l'inconnu, devant un jury du BAC, devant des foules ou des spectateurs. D'autres sont inconfortables devant le marchand de journaux, les passants dans la rue ou le prof d'histoire-géo. D'autres sont inconfortables avec leurs parents, leurs corps ou les petites conversations au vent. On a tous le droit d'avoir des insécurités et des moments de réconfort. On a tous notre élément. Y a ceux qui ont l'art, ceux qui ont la fiction, ceux qui ont le réel, ceux qui ont leur propre monde, ceux qui ont leurs amis, ceux qui ont leur famille, ceux qui ont eux-mêmes tout simplement. C'est comme ça que ça marche. Et c'est tellement complexe que ça peut faire flipper parce qu'on se dit merde qui suis-je ? à chaque fois, que ce soit inconfortable ou pas. Mais on ne peut pas se décider sans l'avoir expérimenté. Moi je croyais être inconfortable avec toi il y a deux heures. Là, je suis totalement retourné. Aubin est aussi confortable que devant un épisode de How I Met Your Mother en boucle. Ce que j'ai fait, c'est que j'ai juste tenté le coup, pour savoir qui j'étais au fond. Et quand ça plaît pas, je ne recommence pas. Quand ça va, je me permets de le revivre une nouvelle fois. Et quand on est forcé, on fait avec. Je me construis petit à petit, je me comprends à fond pour comprendre chaque pas en avant.

Margot a médité sur mes mots.

- T'es spéciale Poudding, tu es aussi confortable qu'une pelote de coton.

Le rire de la brune est si vivifiant que je me demande comment j'ai fait pour ne pas le remarquer d'emblée, quelques heures auparavant.

- Je crois que je n'ai pas tout compris, mais je suis sûre que je suis vraiment très confortable avec toi aussi Aubin sur le coup... souffle-t-elle en se penchant vers mon visage, les mains froides sur mon visage chaud.

J'ai eu peur de me cogner le front et ai avancé précautieusement jusqu'à ses lèvres avant de murmurer :

- Reste toi-même Margot, c'est tout. Mais n'aie pas peur de changer, parce que tu es la seule personne qui a réussi à me faire faire une roulade avant sous les étoiles dans le vent. Timide ou pas, tu es putain de douée pour ça : nous rendre compte de qui on est vraiment, nous.


*


nda: ce chapitre est vraiment favori de tous les flashbacks et c'est aussi le dernier en quelque sorte :c


je vous nem, elo

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