Dans le chapitre précédent :

« Non ! Je veux Emily ! Où est-elle ?! » criai-je vers tout le monde. Je voulais la voir. Je voulais qu'elle me console, qu'elle me prenne dans ses bras comme avant.

Les bras se Gabriel se resserrèrent. Mes coups ne lui firent rien. Je me sentais tellement impuissante. Inutile. Pourquoi n'arrivai-je pas à protéger les miens ? Une Verndari ? Non, je n'étais qu'une humaine qui se croyait forte.

« Non ! Je veux... »

Emily.

Soudain, des étoiles remplacèrent ma vue. Les battements de mon cœur ralentirent. Les ténèbres froides m'envahirent avec une dernière pensée.

Elle était morte aussi.

***

Je me réveillai affaiblie. Mes paupières me semblaient lourdes comme des pierres posées sur mes yeux. Même mes membres semblaient difficiles à mouvoir.

Faible. Inutile. L'espoir m'avait quittée.

Avec un effort insupportable, je me hissai sur le côté droit. Les couvertures suivirent mon mouvement. Je rencontrai une chemise blanche qui cachait une musculature que je connaissais.

« Gabriel, où est-elle ? » chuchotai-je, épuisée.

Je forçai ma voix à poser cette question dont je ne souhaitais pas la réponse. Une réponse qui me tuerait peut-être, ou au moins me plongerait dans une profonde abysse de désespoir.

« Elle n'est pas morte si c'est ce que tu penses... »

Je levai vivement la tête pour rencontrer ses yeux.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? Je croyais que... »

Sa main écarta les mèches brunes qui cachaient mes yeux étonnés et remplis d'espoir.

« Elle a eu un accident pendant la nuit, après que tu te sois endormie dans la voiture. On ne voulait pas te l'annoncer tout de suite. Tu étais déjà bouleversée par la mort de ton ami... » se justifia-t-il. « Je déteste te voir si triste. »

« Alors elle est vivante ? »

« Oui, je suis allée la voir avec ton père. Une voiture l'a renversée alors qu'elle traversait le passage piéton. On est encore en train de chercher à qui appartient le véhicule. Ton amie a quelques os cassés, mais elle s'en sortira. »

J'étais touchée par ces gestes et soulagée par ce qu'il me disait. Je me rapprochai de lui pour me baigner dans sa chaleur protectrice.

« Protégez-la, » chuchotai-je.

Il huma son accord tandis qu'il me caressait le dos. Soudain, mon ventre grogna son mécontentement. Je me rappelai que je n'avais pas avalé quelque chose depuis hier.

Gabriel me força à me lever alors que j'étais lasse et épuisée mentalement. Je ne voulais pas bouger. Il me traîna jusque dans la cuisine puis me menaça avec ses yeux envoûtants. Mais je n'avais pas faim. Il n'entendit pas mes plaintes, et me donna lui-même à manger. Sincèrement, je ne me plaignais pas. Enfin finie, je pris une douche puis m'habillai pour partir rejoindre ma meilleure amie. Je devais au moins la revoir. Pour évaluer les dégâts par moi-même et me morfondre par la même occasion...

Gabriel me conduisit jusqu'à l'hôpital où elle séjournait. Je me précipitai à l'intérieur, le cœur battant à toute allure. Je demandai à l'accueil où se trouvait Emily, elle m'indiqua sa chambre et je courus presque pour atteindre l'ascenseur dont les portes se refermaient. Malheureusement, je n'attendis pas Gabriel, qui n'avait pas réussi à rentrer dans la cage en acier. Je l'entendis jurer tout bas en grognant.

Je fixai les étages qui s'illuminaient un à un. Enfin arrivée à mon étage, j'allai vers sa chambre. Devant celle-ci, j'aperçus son mari qui refermait doucement la porte.

Je posai une main sur son bras pour attirer son attention.

« Thomas... »

Ma voix fut bloquée dans ma gorge quand son visage se tourna vers moi. Il semblait complètement désespéré. Il me regardait avec un regard lointain, puis s'aperçevant que c'était moi, ses yeux devinrent menaçants.

« C'est ta faute. Si tu ne l'avais pas approché, elle ne serait pas dans ce lit, » déclara-t-il avec une voix venimeuse. Je restai bouche-bée.

« Je... » commençai-je en secouant la tête.

« C'est à cause de ces chasseurs qu'elle est là. J'en suis sûre ! Et toi, » dit-il en mettant un doigt sur ma poitrine. « Tu... Je t'avais dit de la laisser en dehors de toutes ces conneries surnaturelles ! Mais maintenant, elle est là à cause de toi ! »

Sa voix n'arrêtait de monter, tout comme sa colère envers moi. Il me reprochait l'accident d'Emily. Et peut-être qu'il avait raison. Peut-être que c'était aussi les chasseurs qui avaient essayés de tuer mon amie.

« Je suis désolée, Thomas. Je veux juste la voir, » plaidai-je.

« Non. »

Son ton acerbe et catégorique ne me plaisait pas. Il avait beau être son mari, j'étais sa meilleure amie.

« Non ? J'ai le droit de la voir ! »

« Non ! Tu n'as aucun droit ! C'est de ta faute si elle est entre la vie et la mort dans ce lit d'hôpital ! Alors non, je t'interdis de la voir. »

J'essayai de m'approcher de la porte pour la voir à travers la petite vitre, mais Thomas me repoussa vers l'arrière. Je percutai quelqu'un sans avoir mal. Des grognements vicieux firent vibrer le torse de Gabriel. Je ne voulais pas d'une bataille entre eux deux. Surtout entre un loup-garou et un humain.

« Va-t-en ! » envoya Thomas à mon encontre.

Gabriel me prit par les épaules et m'emmena loin de cet homme en colère.

« Thomas, je suis désolé ! Je te jure qu'ils vont le payer ! Je te le jure ! » criai-je alors que je m'éloignais de cet homme anéanti.

Les larmes de tristesse embuèrent ma vision ainsi que mes pensées. Ils devaient payer. C'était la seule idée qui traversait mon esprit en ce moment. C'était la seule solution à la peine béante creusant mon cœur.

J'essuyai mes joues et me rendis compte que j'étais toujours dans l'hôpital. Gabriel m'avait juste emmené dans un autre étage. J'aurais cru qu'on serait déjà parti du bâtiment hospitalier, mais on se dirigeait devant une autre porte beige.

« Gabriel ? » demandai-je, confuse.

« Je pense que tu m'en voudrais si je te l'avais annoncé plus tard, » déclara-t-il doucement en me caressant le visage.

Je ne comprenais pas ces paroles jusqu'à ce qu'il ouvre la porte et me pousse doucement à l'intérieur.

« Je reste à l'extérieur si tu as besoin de moi. »

Il referma la porte tandis que je restais pétrifiée par la vision du corps qui reposait sur le lit. Une jambe était entourée de plâtre ainsi qu'un bras. Son visage était tuméfié comme s'il avait reçu des milliers de coups. L'homme fit une grimace en me voyant. Je pensais qu'il voulait sourire, mais la souffrance se ressentait plus qu'autre chose.

« Ethan, que t'ai-t-il arrivé ? » demandai-je, choqué. Je mis une main sur la sienne et étais vraiment sur le point de pleurer à nouveau.

« Juste un petit accident, je suppose, » annonça-t-il comme si c'était normal.

« Un petit accident ? Tu te fous de moi j'espère ?! On a l'impression que tu t'es fait tabassé à mort ! » m'écriai-je, outrée.

« Je sais, je sais..., » dit-il pour me calmer. « J'ai eu un stupide accident de voiture. Je n'avais pas vu l'autre voiture foncer sur moi, du coup pour l'éviter j'ai tourné puis la voiture a fait une cascade. Digne d'un film ! »

Sa petite transition humoristique ne me fit pas du tout rire. Apparemment, on avait aussi essayé de le tuer. Ces chasseurs méritaient vraiment d'être tués au plus vite. Sinon, je risquais de perdre un à un les personnes qui m'étaient chers. Pour l'instant, ils s'étaient attaqués à des humains parce que les loups-garous étaient définitivement plus forts. Ils s'étaient attaqués à plus faible qu'eux pour m'avoir. Les seuls vrais monstres étaient ces chasseurs.

Je respirai calmement pour éviter de lui crier dessus.

« Je ne plaisante pas, Ethan. »

« Je sais, ma puce. Mais je t'assure que j'ai vécu pire... »

Pendant un instant, il semblait distant. Un souvenir avait dû ressurgir dans ses pensées. Un mauvais souvenir.

« Vraiment ? » questionnai-je en m'asseyant sur une chaise que je tirais près de son lit.

« Oui, » annonça-t-il en me regardant de nouveau. « Parce que cette fois-ci, personne n'est mort dans cette accident. »

« Qui était mort la dernière fois ? » demandai-je curieuse.

« Ma... femme. »

J'étais étonnée de savoir qu'il avait eu une femme. Il n'avait à aucun moment parlé d'elle.

« Je ne savais pas que tu étais déjà marié. »

« J'ai fait en sorte de le garder pour moi. Et je ne te connaissais pas assez pour te le dire, » dit-il en guise d'excuse.

« Oui, c'est normal... Mais ça m'aurait quand même évité de te caser avec quelqu'un, » soufflai-je en boudant.

Ethan éclata de rire ou le voulut, mais une toux atroce lui bloqua la respiration. Quelques secondes passèrent où je paniquais pour qu'il se reprenne. Je me rappellerai de ne plus jamais le faire rire dans ces conditions. Au bout de plusieurs minutes, il se calma en avalant des goulées d'air.

« Je conduisais la voiture alors qu'elle était à côté de moi, je n'avais pas vu l'autre voiture... »

« Tu n'es pas obligé de me raconter, » le coupai-je quand je voyais des perles de larmes au coin de ses yeux. Il secoua la tête.

« J'ai traversé la rambarde et on a dévalé une pente pour nous retrouver dans la forêt. Après ça, c'était le trou noir. On nous a retrouvés, mais c'était trop tard pour elle. Je m'en suis toujours voulu. C'est moi qui aurais dû mourir, pas elle. »

Je me mordis les lèvres pour éviter de pleurer, mais les larmes se fichaient de ma volonté. Elles s'écoulèrent sans mon consentement.

Gabriel entra dans la chambre sûrement à cause de la panique et de la tristesse qui m'avait traversé l'esprit. Je ne savais pas s'il pouvait ressentir mes émotions, mais le lien entre âme-sœur semblait s'être intensifié grâce à la proximité dont je faisais preuve.

Midi était déjà passé donc Gabriel m'avertissait qu'il valait mieux que l'on rentre. Avant de sortir de la chambre, j'informai le policier mal en point que des amis à Gabriel resteraient pour veiller sur lui. Nous nous débâtîmes pour juger de l'utilité de cette protection, mais je savais que des loups-garous le protégeant seraient nécessaires.

Le policier m'avertit aussi qu'il ne serait plus en charge de l'enquête sur les personnes portées disparues. Je le remerciai tout de même de m'avoir montré ces informations qui étaient censées être confidentielles pour les civiles.

En faisant un bilan, je m'aperçus que les chasseurs n'avaient pas réussi à tuer Emily et Ethan sûrement grâce aux Dieux qui les avaient tirés de cette impasse, et il était hors de question qu'il réussisse à les tuer pour de bon.

« Je voudrais rentrer chez moi, » murmurai-je à Gabriel alors qu'il conduisait.

« Oui, c'est là qu'on va. »

« Non, mon chez moi. Je veux rentrer dans mon appartement et être seule pendant quelques temps. »

Je vis son regard de loup sur moi. A cause de sa possessivité, le simple fait que je veuille m'éloigner de lui était une tentative de fugue. Enfin, ce devait sûrement être ce que son côté loup pensait. Mais je voulais vraiment être seule. J'avais des choses à faire et je devais contacter Alpha Paul pour réclamer de l'aide de sa part. Lui et sa femme savait que j'étais une demi-Verndari, alors ils m'aideraient sûrement.

A travers la vitre, je vis des ombres se déplacer à une vitesse prodigieuse entre les immeubles. Des loups-garous suivaient la voiture dans laquelle nous étions. Soudain, une interrogation me vint à l'esprit.

« Gabriel, toi et papa vous surveillez les personnes que je fréquente non ? Alors pourquoi il n'y avait aucun loup-garou qui a empêché ces... »

Ce meurtre et tentatives de meurtres. Je voulais le dire à voix haute, mais sa posture tendue m'avait coupé la fin de ma phrase. Je l'avais sûrement pris au dépourvu avec ma question, mais j'attendais une réponse.

« Jack ne s'est pas suicidé, ce sont les chasseurs qui l'ont tué. Il connaissait l'existence des loups-garous. Je ne sais pas exactement comment les chasseurs l'ont su, mais je suis sûre que c'est eux qui ont manigancé tout ça. Eli a décalé notre rendez-vous justement pour éviter que je n'apprenne le faux suicide de Jack, » lui avouai-je mes découvertes.

« Kelly, je te crois. Jack ne s'est pas suicidé, ce sont les chasseurs qui lui ont fait du mal, » annonça-t-il en m'apaisant. Je hochai la tête en attendant qu'il continue.

« Au même moment de sa présumée mort, on a été attaqué de l'autre côté de la ville par des chasseurs. La plupart de nos hommes sont allés là-bas... »

J'ouvris grand les yeux face à cette information.

« J-je ne savais pas. Il y a eu des morts ? » demandai-je, triste.

Gabriel se contenta d'hocher la tête. Mon cœur se resserra. Je n'étais pas la seule à souffrir dans cette histoire. Les chasseurs avaient fait exprès de les attirer vers la limite de la ville, pour pouvoir agir à leur guise dans la ville en elle-même. En plus, on ne pouvait pas les repérer. Ils n'avaient pas d'odeur détectable comme d'habitude.

N'étant pas allée de nouveau dans leur planque, je n'avais pas trouvé la solution pour que les loups-garous les sentent de nouveau. Il fallait vraiment que je trouve un moyen d'enlever ce maudit parfum étrange qui masquait leurs vraies odeurs.

Sans protestation, Gabriel me déposa en bas de mon immeuble. Il voulut monter avec moi, mais je l'en empêchais.

Je me précipitai dans mon appartement, et fermai la porte à clé. Rien n'avait changé à l'intérieur, sauf ce son que j'entendais. Une machine. Je reconnus le son que faisait une caméra. Les chasseurs avaient sûrement dû truffer mon appartement pendant que je n'étais pas présente.

Epuisée par la situation, je me dévêtis de mon manteau et de mes chaussures et commençai le ménage de mon appartement comme si de rien n'était. J'espérai simplement que l'après-midi passerait vite et que je trouve rapidement un plan pour contre-attaquer.

Voilà ! Qu'est-ce que vous pensez de ce chapitre ? :3

Ah pour Ethan, sachez que j'ai écrit un petit récit sur la mort de sa femme dans le recueil "Mort". Le titre du chapitre s'appelle Ethan donc vous le trouverez facilement ;) Si vous le lisez, vous saurez comment s'est passé l'accident du point de vue de la femme d'Ethan. Je pense que tout le monde peut le lire, c'est pas super sanglant etc... Juste triste.

Merci pour tous vos votes et commentaires ! Sachez que dans le prochain chapitre, l'ex de Kelly va resurgir (surtout dans ses pensées en fait)! Et ça sera aussi un chapitre triste avec quelques cris, du sang et des crocs :3