|Vie d'après.|

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"Bonne continuation, Stefano."


Je ne pense pas que c'est en me disant ça que j'allais avancer, mais soit. Ce ne sont pas les mots qui pouvaient tout faire, seulement moi. Mais comment j'allais faire ? Je ne savais pas.

Je me suis retrouvé dans une ville, Krimson City. Elle changeait de celles que j'avais l'habitude de voir dans mon enfance, dans mon pays natal.. Mais peut-être que ça allait m'aider. Le changement pourrait m'aider, m'éloigner de tout ça. De ce que j'ai vécu pendant trois ans, la guerre.. tout ça. Je crois que je n'ai plus tellement envie d'y penser. Maintenant j'ai l'impression d'être revenu dans la réalité, de m'être réveillé. Comme si tout ce qui s'était passé jusqu'à mon accident n'était qu'un rêve.

Et maintenant, je dois me réveiller d'un rêve qui a duré trois ans, essayer de prendre de nouveau repères, de vivre une nouvelle vie. Mais comment je pourrais faire après tout ça.. comment je pourrais oublier tout ça ? J'ai aussi l'impression d'avoir perdu mes émotions, d'être vide, comme si plus rien ne pourrait me faire envie, me faire revivre. Rien ne me motive... Mais pourquoi ? Ce n'est pas le moment pourtant.

Ici, dans cette ville, je pourrais faire plein de choses, j'ai plein d'opportunités. Avec mon expérience dans la photographie, je pourrais essayer de faire quelque chose. Quelque chose.. de nouveau. Alors pourquoi je n'arrive pas à trouver l'envie, la motivation ? Je les avais eu, pourtant, mais ça c'était pendant ma période de photographe de guerre. Il n'y avait que ça qui pouvait me faire envie. Il n'y avait que suivre les traces de mon père qui me faisait envie...

Je ne sais pas si maintenant j'arriverai à être assez fort pour surmonter tout ça, pour vivre sans penser à tout ce qui s'est passé, à survivre malgré tout. Il y a plein de choses qui font tout pour me faire tomber.. Comme je n'ai pas réussi à mourir, elles pourraient peut-être me détruire psychologiquement à la place. Et j'ai le sentiment que ça a déjà commencé. Je commence déjà à flancher. Mais c'est trop tôt.. je n'en ai pas envie.

Je n'aurais pas le temps de continuer à vivre, sinon. Mais au fond, est-ce que j'en ai l'envie ? C'est comme pendant mon enfance.. je me retrouve au même moment de ma vie. À désespérer, me demander si mon existence a un sens, à n'avoir envie de rien, juste.. disparaître, pour que tout ça s'arrête. J'en ai assez de souffrir, j'ai juste envie que ça s'arrête.. Et ça, c'est bien la seule envie qu'il me reste, je crois.

Mais je ne dois pas disparaître, pas maintenant. Il m'a dit que je devais encore découvrir plein de choses, alors je veux savoir ce que c'est. De quoi parlait-il ? Finalement, peut-être que le destin fera tout pour me laisser vivre à temps, juste à temps pour découvrir toutes les choses dont il me parlait. Je ne dois pas perdre espoir, je ne dois plus le perdre, je dois essayer de le garder. Je dois essayer de vivre, pour une fois.

C'est pour ça que je dois commencer ma nouvelle vie ici, ne plus penser au passé, mais au futur, à ce qui m'attend. Ne pas me dire, "est-ce que ça sera joyeux, ou non, ce qui m'attend ?", juste, vivre. Mais c'est difficile quand on n'a plus de raison de le faire. Plus de motivation à se dire que demain sera une nouvelle bonne journée, que tout ira bien, parce que jusqu'ici aucune nouvelle journée ne se passait bien. Sauf quand je faisais ce que j'aimais, même si c'était désagréable, comme ambiance. Au moins, ça me plaisait. Mais maintenant, plus rien ne me plaît. Je suis juste là parce qu'on m'a encore dicté que je devais le faire.

J'ai l'impression de ne jamais agir par moi-même... D'être prisonnier de ma propre vie, tout ça parce que je n'ai pas eu la bonne vie. Et ça, c'est comme si ce n'était que le début, que maintenant j'allais commencer à vivre la vraie partie, celle la plus intéressante. Que jusqu'ici ce n'était qu'un avant-goût de ce qui m'attendait réellement. Et avec ça, la prise de conscience de tous mes problèmes que j'avais oubliés l'espace d'un instant.

Sauf que malheureusement pour moi, je vais devoir être seul à devoir les affronter. Personne ne pourra m'aider, comme d'habitude. Je suis seul. Et toutes les images de la guerre, de la destruction et de la mort que j'avais vues pendant si longtemps me reviennent toutes en mémoire, d'un coup. Comment est-ce que je pourrais les oublier ? C'est comme automatique, même sans y penser, les images me reviennent en tête. Je n'ai pas envie qu'elles me reviennent en tête, je n'ai pas envie d'y penser. J'entends à nouveau les coups de feu, les explosions, le bruit. Pourquoi est-ce que j'entends tout ça alors que je ne suis pas sur un champ de bataille ?

Pourquoi d'un coup, ça me rappelle mon oeil que j'oubliais tant, me rappelle que je serai aveugle de ce côtéà vie, que ce qui avait causé ça était justement une explosion.. Pourquoi je sens mon rythme cardiaque s'accélérer à chaque fois que je m'en rappelle ? C'est moi ou.. je panique ? Comme si toutes les fois où j'avais gardé mon calme alors qu'au fond j'étais stressé ressortaient d'un coup. Mais pourquoi je suis comme ça, soudainement ? Pourquoi j'ai soudainement pris peur de choses que j'ai vécues et qui donc, sont derrière moi ? Et si ces choses n'étaient jamais réellement restées derrière moi mais... Dans ma tête, pour ne jamais me quitter, et me faire comprendre que je n'arriverais jamais à oublier ?

Je ne comprends plus, je n'arrive plus à comprendre. Tout dans mon esprit s'embrouille. Je n'arrive plus à savoir qui je suis censé être maintenant. C'est donc ça, ma vie d'après ? Ma vie après tout ça ? Une vie où je ne comprends plus rien, où je n'arrive plus à vivre normalement, où je n'arrive plus à ressentir des choses pourtant banales. Une vie décorée d'une cicatrice qui était pour me rappeler que j'ai tout perdu. Et que j'ai perdu, par la même occasion.

Mon passé a gagné, ces traumatismes ont gagné, je n'ai plus la force de me battre, surtout quand je revois sans cesse le jour où j'ai perdu ce combat, justement. Le jour de mon accident qui m'a tout pris. Mais au final, peut-être que ce qui m'a tout pris, c'est moi-même. En étant contrôlé par mon esprit d'enfant qui pensait bien faire, je me suis condamné, et maintenant je suis perdu, à nouveau. Je ne sais plus quoi faire, je n'arrive plus à rien, j'ai besoin d'aide, ou de repos. Mais même le repos ne m'aide pas, il m'enfonce encore plus, car il a l'occasion de tout me remettre en tête, à nouveau.

Je ne sais pas si je vais réussir à vivre, maintenant, mais je le dois, même avec tous mes problèmes me barrant la route. Ça ne va pas m'arrêter.. normalement. C'est ce que j'espère. Rien ne peut m'arrêter, après tout. C'est vrai, quand j'étais parti, à dix-huit ans, je pensais être intouchable, je pensais être libre, je pensais que rien ne m'arrêterait, j'étais si confiant, si naïf. Je me suis rendu compte trop tard de mon erreur, que je me suis trompé. Et c'est ce qui m'a conduit là.

Je pensais enfin être libre, avoir eu des ailes qui me permettaient de m'enfuir, enfin. Mais quand la réalité m'a rattrapé, je crois que je me suis brûlé les ailes.

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