CHAPITRE 12

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WILLOW


— W-willow ?

Hébété, Jaden m'observe comme si je n'étais rien de plus qu'un mirage. Son corps pressé contre le mien tremble comme une feuille. Il est terrorisé et pour une fois, ce n'est pas de ma faute. Je n'arrive pas à me nourrir de sa détresse. Est-ce parce que j'ai peur moi aussi ou parce que je ne suis pas responsable de ses maux ?

Des bruits de pas foulant le souterrain à toute vitesse sur la rangée voisine retentissent. Je relève la tête.

Le tireur s'enfuit.

L'idée de me lancer à sa poursuite m'effleure l'esprit mais face à une arme à feu, je n'ai aucune chance. Concentration : je dois parer au plus pressé. Je délaisse Jaden pour me précipiter vers le corps qui brûle. Les flammes ne jaillissent plus comme lorsque je suis sortie de la voiture défoncée de mon père.

À l'approche de la victime, j'arrive trop tard. Elle ne respire plus. Ses vêtements et ses chairs calcinées m'empêchent de l'identifier. Je retire le gilet en laine que j'ai enfilé en sortant du penthouse pour essayer d'étouffer les flammes restantes.

— Q... qu'est-ce que j-je peux faire ? bégaie Jaden.

Dans la panique, je ne trouve plus ma langue. Je me concentre uniquement sur mon action répétitive. Lever et abaisser le gilet pour priver le feu d'oxygène. Le triangle du feu, concept que nous avons étudié en chimie, me revient en tête avec la voix de Mr Anderson, le prof que je me farcis depuis mon entrée à Alexander Whitaker.

Si j'avais su que mon manque d'intérêt pour son cours prendrait une tournure macabre, j'aurais fait l'effort d'écouter.

Mon gilet finit par s'embraser à son tour. Je bondis en arrière, de nouvelles larmes dévalant mon visage.

Respire, Willow ! Ce n'est pas le moment de perdre les pédales.

L'écho des touches d'un clavier me sort de ma torpeur. Je relève les yeux sur Jaden qui compose trois chiffres : 911. Avant qu'il ait le temps de presser la touche verte, j'attrape son téléphone et l'explose sur le bitume.

Horrifié, il passe une main dans ses cheveux et tire dessus comme un forcené.

— Putain ! Mais pourquoi t'as fait ça ?!

Il fixe les débris comme si sa vie entière venait de partir en fumée.

— C'est qu'un téléphone !

— Qu'un téléphone ? Mais putain, Willow ! Tout le monde n'est pas pourri de fric comme toi, t'es vraiment l...

Ma main part toute seule. Elle s'écrase contre sa joue, inclinant son visage à quarante-cinq degrés et le réduisant au silence. Sous le choc, il n'ose pas réagir. Je lui attrape le poignet et l'entraîne à ma suite. Si au début son corps se montre réticent, il finit par courir à mon rythme jusqu'à sortir du parking.

Nous progressons jusqu'à la ruelle la plus proche, là où personne ne nous trouvera.

— Me remercie pas, surtout ! craché-je une fois tapie dans l'obscurité.

Il fronce les sourcils, perplexe.

— De ?

— Si je ne t'en avais pas collé une, tu aurais prononcé des mots que tu aurais regretté toute ta vie. Tu ne voudrais pas me mettre en colère, Lucifuge ?

Il déglutit.

— On peut pas mettre nos différends de côté trente secondes ? implore-t-il. Quelqu'un vient de se faire immoler par le feu sous nos yeux. Et... j'ai... j'ai failli me faire tirer dessus p...

Le contrecoup le laisse sans voix. Moi-même, je me concentre sur les solutions plus que sur le problème. Si je me laisse submerger maintenant par l'émotion, je risque de faire des conneries. Je dois garder la tête froide aussi longtemps que possible et quand je serai seule et à l'abri, je pourrai m'effondrer.

Des larmes coulent sur les joues de Jaden mais son visage est stoïque, comme s'il ne s'en rendait pas compte.

— Pourquoi tu m'as empêché d'appeler les secours ?

— C'était trop tard ! T'as bien vu comme moi que la victime est morte. J'ai pas envie de me retrouver accusée de meurtre ! Y avait plus que nous dans le garage et on n'a rien sur l'assassin. Il était habillé en noir, portait des lunettes, une capuche... Ça s'est passé tellement vite. J'ai rien vu de plus...

— Moi non plus, admet Jaden.

Mon regard se perd dans ses cheveux anormalement bouclés. Derrière ses lunettes dont un verre s'est brisé et la branche opposée s'est tordue dans la chute, je perçois ses yeux bleus. Il n'a pas lésiné sur les artifices.

— Qu'est-ce que tu fous là, Lucifuge ? Au rallye, je veux dire. Je ne me rappelle pas t'avoir invité.

Ses lèvres tremblent. Aucune réponse ne quitte ses lèvres.

— Tu croyais vraiment passer inaperçu avec tes binocles ? Réveille-toi, Clark Kent ! C'est la vraie vie, ici.

— Et toi, pourquoi tu as du mascara partout sur le visage ?

— Dans la panique de voir le corps brûler, j'ai chialé. C'est un crime ?

— Sauf que tu ressemblais déjà à ça quand tu m'as plaqué au sol.

Nos regards s'affrontent. Nos vérités s'apparentent à l'arbre qui cache la forêt. Nous dévoilons tour à tour une minuscule pièce d'un puzzle qui nous appartient. L'intimité de mes secrets n'a pas à être étalée sur la place publique.

— Moi je crois que la vraie raison pour laquelle tu m'as empêché d'appeler les secours, c'est parce que tu ne veux pas qu'on sache ce que tu faisais dans le garage.

Mes lèvres s'entrouvrent sous le choc. Depuis quand je suis transparente pour lui ? Des perles sillonnent toujours ses pommettes. Ses yeux gonflés et rougis le rendent méconnaissable.

À bout de force, je capitule et admet :

— J'ai emprunté une voiture de mon père et je l'ai défoncée sur la voie rapide. Je ne veux pas qu'il sache que c'est moi. Sinon...

Je n'achève pas cette phrase. Qu'est-ce qu'il me prend de me montrer aussi vulnérable ? Et à Jaden en plus...

Ressaisis-toi, Willow !

— Pourquoi tu me confies ton secret ?

Pantelant, Jaden s'appuie à une barre en fer qui sort du mur en brique à sa gauche. J'avance d'un pas, glisse ma main dans la poche intérieure de sa veste et en sort une Patek Philippe qui vaut une petite fortune. La vitre est fêlée, le mécanisme endommagé.

— Parce que j'ai deviné le tien, murmuré-je.

Je porte la main à sa joue pour la caresser sensuellement. Il frémit. Ma bouche s'approche de son oreille pour y murmurer :

— Maintenant, tu vas gentiment fermer ta gueule parce que je t'ai sauvé la vie et que tu ne voudrais pas que tout le monde sache que le rejeton des bas quartiers de Brooklyn n'est qu'un vulgaire voleur.

Au loin, des sirènes retentissent. Les pompiers et la police, sûrement...

— Quelqu'un a fini par les appeler, murmure distraitement Jaden.

Il déglutit puis relève la tête pour trouver mon regard. Sa fragilité me transperce la poitrine.

— Pourquoi tu m'as sauvé la vie, Willow ?

Mon cœur trébuche. Le souvenir altéré de Maverick qui me caresse l'entrecuisse pendant que mon imagination m'imposait l'image de Jaden s'impose à moi. Je ne suis pas saine d'esprit. Quelque chose cloche chez moi.

Mon instinct de survie prend le relai :

— Sinon je n'aurai plus personne à torturer.

Jaden frissonne. Les poils se dressent sur son avant-bras dénudé par une déchirure dans sa veste de costume. Puis, jugeant que je me suis montrée trop faible ce soir, je décide de lui rappeler qui je suis avant qu'il se fasse des idées sur une potentielle trêve entre nous.

Si vis pacem para bellum.

Je verrouille son menton entre mon index et mon pouce. Du bout de la langue, je cueille une larme sur sa joue, m'imprégnant du sel que je m'apprête à verser sur ses plaies.

— Tes larmes sont de l'essence, ma langue une allumette. Je serai toujours ton pire cauchemar, Jaden. Ne l'oublie jamais.


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