CHAPITRE 20

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

WILLOW


Le taxi ralentit le long de la chaussée, me déposant devant le Metropolitan Museum of Art. Le gala de charité pour la recherche contre les maladies orphelines se tient ici. Étant donnée que je viens partiellement incognito, je n'ai pas demandé à Henri de me déposer. Mon chauffeur a beau être l'une des rares personnes qui me traitent bien, je ne veux pas prendre le risque de le mettre en porte-à-faux. Si mon père l'interroge, je préfère qu'il ne sache rien.

Bien que mon nom apparaisse sur la liste de ce soir, ce qui me permettra d'entrer sans encombre au gala, j'aime autant que mon père n'en sache rien. S'il l'apprend, je saurai me justifier mais autant éviter une conversation anxiogène.

J'ouvre la portière, veillant à tenir les pans de ma robe pour ne pas me retrouver nue devant le gratin de Manhattan. Une fente sublime le tissu rouge, remontant environ à mi-cuisse. J'aurais vite fait d'être traitée de pute par mon géniteur s'il me surprenait dans une telle tenue. Heureusement pour moi, il a un repas important dans le Delaware et ne rentrera que demain en fin de matinée.

Quant à ma mère, encore faudrait-il qu'elle se rappelle avoir une fille. Accompagnée de ses meilleurs amis Xanax, Alprazolam et Châteauneuf-du-Pape, elle s'apprête à passer la soirée dans un autre monde. Comme tout le temps. Je ne me souviens pas de l'avoir vue dans son état normal depuis des mois. Elle vit dans une autre réalité, amorphe et déconnectée des préoccupations de la vie courante.

Perchée sur des talons aiguilles, je marche pas à pas en direction de la file qui s'agglutine pour entrer dans le musée. Les vigiles m'avisent et à l'entente de mon nom de famille, celui de gauche se raidit.

— Montgomery, Montgomery, murmure-t-il distraitement en scrollant l'écran de sa tablette numérique.

— Là ! suggère l'autre en ajustant son nœud de cravate.

Mon père inspire autant de crainte à l'extérieur de chez nous qu'à l'intérieur. Je ne sais pas si ça devrait me rassurer ou m'inquiéter. Grandir dans l'antre d'une bête féroce m'a forcée à m'abreuver de sang dès mon plus jeune âge. Je me suis nourrie de rage, de haine, de violence et de sadisme. Il n'y a qu'à travers ces piliers que je sais exister.

— Allez-y, mademoiselle Montgomery !

Les deux malabars s'effacent pour me laisser entrer. Le brouhaha des conversations m'immerge pleinement dans l'ambiance du gala. Les convives sont réunis par petits groupes et massés dans une foule qui permet à peine de reconnaître les visages familiers.

Parfait.

Ça ne pourra que servir nos intérêts. S'il n'est pas dramatique que je sois reconnue, je suppose que Jaden travaillera plus efficacement dans un environnement aussi propice à se faire piller sans même le remarquer.

Des robes et des costumes aux couleurs sillonnant l'intégralité du spectre des nuances s'étalent à ma vue. J'ai l'impression d'avoir pénétré à l'intérieur d'un arc-en-ciel et j'en retiens une nausée. La brigade du mauvais goût a décidé d'élire domicile ici ce soir.

— Willow ?

Je sursaute et me retourne. Face à moi se trouve Susan McAvoy, une collaboratrice de longue date de mon père. De nombreuses fois, elle est venue chez nous pour sceller des partenariats et je me rappelle notamment d'un dîner au restaurant où je ne devais pas avoir plus de dix ans. Mon père et elle n'arrêtait pas de se jeter des regards que je trouvais drôles.

Avec du recul, j'ai fini par comprendre qu'ils se faisaient du rentre-dedans. Je hais mon père de toute mon âme et j'ai bien peu de respect pour l'épave qu'est devenue ma mère. Pourtant, je ne peux m'empêcher de détester Susan qui s'impose comme un élément perturbateur dans mon déséquilibre familial.

— Il me semblait bien t'avoir reconnue, me lance-t-elle tout sourire. Que tu es élégante, dans cette robe.

C'est faux. L'élégance est un concept qui passe au-dessus de beaucoup de riche qui, en dépit de leurs moyens illimités, n'ont pas de goût.

Je ne suis pas élégante, je suis sexy. Fatale. Et ce n'est pas un hasard.

— Merci, Susan, réponds-je du ton le plus mielleux dont je dispose.

— Ton père est là, ce soir ?

Un frisson remonte le long de mon échine. J'ose espérer que cette vipère ne lui rapportera pas qu'elle m'a vue ici au détour d'une conversation. J'emprunte l'air le plus détaché dont je sois capable, puis je réponds :

— D'autres affaires avaient besoin de son attention.

— Je comprends ! Bruce est un businessman très occupé. Quand on a bâti un empire comme le sien, il faut accepter quelques sacrifices.

La liste de ces sacrifices ne devraient pas impliquer ta langue dans sa bouche, vieille peau.

— En effet, lâché-je dans un rire ingénu.

— Je dois aller saluer quelques personnes, me dit Susan. Transmettez mes amitiés à votre père, Willow. Voulez-vous ?

Plutôt crever.

— Naturellement !

Susan m'adresse un nouveau sourire trempé dans le miel qui ne m'inspire rien de plus que le dégoût puis s'éloigne dans sa robe blanche dont l'ouverture dans le dos me rappelle Mireille Darc. Dommage pour elle, sa vieille peau de serpent toute fripée n'offre pas le même charme que la célèbre icône.

J'ouvre ma pochette en cuir Louis Vuitton pour en sortir mon téléphone. Un message de Jaden m'attend depuis douze minutes.


| Jaden :

Je suis en place.


Je range mon portable puis après avoir jeté un coup d'œil autour de moi pour m'assurer que personne ne me prête attention, je scinde la foule pour accéder à une porte dont l'écriteau signale « PRIVATE ». Le verrouillage électronique via le code a dû être désactivé pour la soirée, car j'entre sans difficulté et m'engage dans un couloir bardé de portes. La plupart doit dissimuler des locaux où est entreposé le matériel.

Au bout du corridor, je parviens à une porte blindée sans poignée. Une barre de fer à pression permet d'accéder à l'extérieur sans jamais se retrouver coincé. La fermeture doit être automatique. Les gonds pivotent, Jaden apparaît dans un costume noir qui semble avoir été taillé sur mesure tant il épouse à la perfection les courbes de son corps.

Pour la toute première fois, je remarque la largeur de ses épaules et la finesse de sa taille, qui lui assure un corps taillé en V. La gorge sèche, je déglutis, captivée par ce détail que j'ai négligé toutes ces années. Le nœud papillon autour de son cou mériterait d'être remplacé par l'étreinte brûlante de mes doigts.

— Enfin ! lâche-t-il sèchement. Ça fait dix minutes que j'attends comme un con.

Étonnée par cette attitude qui ne lui ressemble pas, je reste coite. Il entre et même sa démarche ne lui ressemble pas. Face à moi ne se tient pas Jaden mais Belladonna. Et si je pensais que ce surnom n'était rien de plus qu'une couverture pour dissimuler son identité, je réalise à présent qu'il s'agit d'un véritable alter ego. Sa voix, la posture de ses épaules, sa démarche, l'assurance dans ses mouvements... tout est différent. On dirait presque une autre personne.

Pourtant, c'est bien Jaden. Enfin, le Jaden grimé que j'ai découvert le soir du rallye. Ses mèches sombres sont bouclées et ne tombent pas des deux côtés de son front comme d'ordinaire où elles affûtent le tranchant de ses prunelles fauves. Ces dernières sont d'ailleurs bleues. Les lunettes sans correction qui trônent sur son nez lui donnent un air d'intello pas si déplaisant. Ce qui n'a pas changé : sa mâchoire saillante. Elle m'hypnotise et je brûle d'y passer la pulpe de mon index, au risque de m'ouvrir la chair jusqu'à l'os.

Où est passée la faiblesse ? La couardise ? La soumission ? Face à moi se tient un homme sûr de lui dont l'aura concurrence la mienne. Et si mon cœur palpite un peu trop bas dans mon corps, l'agacement m'embrase les veines.

— Surveille tes paroles, Lucifuge ! On est peut-être en mission ensemble, mais je suis pas ta pote. Tâche de t'en souvenir !

Il arque un sourcil et sans même prendre la peine de me répondre, il me contourne pour s'avancer dans le couloir. Mains dans les poches, il exsude la désinvolture. Qu'est-ce qu'il lui est arrivé, putain ? Encore à Starbucks, il baissait les yeux dès que je le rappelais à l'ordre.

Il y a un truc pas net là-dessous...

Au terme du couloir, je l'interpelle avant qu'il bascule du côté de la fête.

— Eh !

Jaden s'arrête d'un coup d'un seul. Surprise, je le percute de plein fouet et recule d'un pas, étourdie. Je m'appuie à la cloison la plus proche pour reprendre mes esprits. Son corps s'aimante au mien, m'obligeant à reculer jusqu'à toucher le mur de mon dos. La main de Jaden se plaque à côté de ma tête et du coin de l'œil, je remarque combien ses doigts sont longs.

Je me demande jusqu'où ils s'enfonceraient, s'il décidait de...

— Quoi ? me demande-t-il de sa voix anormalement grave.

D'habitude, il atteint davantage d'aigus. Sûrement n'est-ce que le reflet de la peur que je lui insuffle. Pourquoi y semble-t-il hermétique, ce soir ?

— Tu veux savoir si tu m'as manqué ?

Les cheveux se dressent sur ma nuque. Jaden sait à quel point ce sujet est sérieux. Je mets un point d'honneur à l'obliger à me le dire, à la plupart de nos rencontres. Là, il a le culot de jouer avec cette institution comme si elle lui faisait ni chaud ni froid. Serais-je face à son frère jumeau ?

Il est impossible que le garçon qui se tient si près de moi soit Jaden Shaw. Mon corps reconnaît tous les signaux toxiques que sa proximité m'imposent : un désir vénéneux, teinté de violence et de noirceur, devenu essentiel à ma survie. Or, rien d'autre ne lui ressemble.

— J'allais dire non, poursuit-il.

Son regard descend de mon cou à mon décolleté où il s'attarde longuement. Mon cœur tambourine. Jaden continue de me détailler jusqu'à la fente de ma robe. Un sourire ourle le coin de sa lèvre.

— Maintenant que je t'ai vue dans cette robe, j'hésite.

Jaden approche son visage si près du mien que je suis obligée de loucher pour maintenir le contact visuel. Ses lèvres frôlent les miennes. Il me suffirait de les tendre, ne serait-ce qu'un peu, pour découvrir le goût des siennes. La bile remonte le long de mon œsophage. Le feu crépite dans mon ventre. Cette idée me dégoûte autant qu'elle m'excite.

Qu'est-ce qui m'arrive ?

Jaden contourne ma joue et dépose sa bouche sur mon oreille. Ne pas frissonner me demande toute la concentration du monde. Toutefois, je finis par perdre le contrôle lorsque son timbre masculin résonne dans mes tympans :

— Peut-être que tu vaux le coup d'éprouver un manque, finalement...


Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro