CHAPITRE 7

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

WILLOW


Face au miroir de la salle de bain, je m'observe sous toutes les coutures. La tenue que j'avais prévue à l'origine était beaucoup trop décolletée pour ne pas me ramasser une réflexion sournoise et sexiste de mon père.

Et encore, juste une réflexion, c'est si j'ai de la chance...

C'est pourquoi j'ai écumé les Tik Tok que j'épingle régulièrement de mes défilés de mode favoris. Ce soir, Versace remporte la palme. Je porte une chemise bleu clair striée de lignes blanches et aux épaules angulaires. Des franges plates formant des fleurs parsèment l'espace qui précède mes épaules, ainsi que mes bras. Un corset noir recouvre mes seins par-dessus le tissu de la chemise et disparaît sous une jupe partiellement plissée de la même couleur. Le look est atypique : je suis certaine d'éclipser les autres filles, ce soir.

Les talons qui me rehaussent sont inspirés des spartiates. Un nœud s'entrelace sur la longueur de mes mollets, pour terminer sa course sous mes genoux. J'ai noué mes longs cheveux châtains dans une queue de cheval pour appuyer la forme ovale de mon visage. Le noir à mes yeux me confère un regard farouche.

Je ne demande pas mieux.

Quand je quitte la salle de bain, de nombreux convives se trouvent déjà dans le salon du penthouse. L'espace est tellement bondé que je peine à trouver mes copines. Ce n'est qu'en nageant dans la foule et en ouvrant l'œil que j'aperçois la tenue hideuse d'Ivy.

En arrivant à son niveau, je lui lance :

— C'est quoi cette horreur ?

Ivy se retourne. Drapée dans une longue robe dont la dentelle cheap m'évoque davantage les guenilles d'une clocharde qu'une inspiration festive, elle a l'air d'une esclave échappée de Grèce Antique.

— Quoi ?

— Tu oses me demander « quoi » et te présenter chez moi dans cette tenue ?

Sans parler du maquillage. Plus les jours passent et plus Ivy ressemble au clown imaginé par Stephen King dans Ça. Je veux bien qu'elle revendique son style comme « gothique » d'après ses propres mots, mais j'ai une réputation à tenir dans l'Upper East Side. En l'intégrant à ma bande d'amis, je remplis mon quota de gens chelous, ce qui m'est bénéfique. Seulement, je ne peux pas tout accepter les yeux fermés.

— Ellen !

Celle-ci lève le menton.

— Va avec Ivy dans mon dressing et trouve-lui une autre tenue. J'ai du mal à croire que les vigiles t'aient laissée monter dans ces frusques.

Ivy serre les dents.

— T'as quelque chose à dire ?

Mon air menaçant semble la dissuader, puisqu'elle fixe le bout de ses pieds. Ellen s'approche d'elle et lui glisse :

— Suis-moi !

Quand Ivy passe près de moi, je la retiens par le bras et lâche entre mes dents :

— N'oublie pas que c'est ma bonté qui te permet d'assister aux mondanités alors que tu ne fais pas partie de ce monde. Tes parents sont des roturiers. Ne me fais pas honte !

Je la lâche. Les deux disparaissent dans la foule au rythme de Cheap Thrills de Sia. Les basses résonnent dans l'appartement sans toutefois couvrir les discussions. Les groupes se sont rassemblés principalement par âges, puis par affinités. Bien que les rallyes réunissent parents et enfants sur le papier, nous ne passons pas notre soirée ensemble.

Les discussions de vieux ne m'intéressent pas.

— Heureusement que vous me faites honneur, les filles ! lancé-je à Isis, Spencer et Belle.

Je me suis rabibochée avec cette dernière, après notre altercation dans la cour d'Alexander Whitaker. Mes engueulades avec mes amies ne durent jamais longtemps. Quelqu'un finit toujours par s'excuser, le ventre à terre, pour ne pas nourrir le brasier de la rancœur.

Flash info : ce n'est jamais moi.

— Spencer ! Quelle transformation, souligné-je.

L'intello du groupe porte une combinaison noire qui appuie sa silhouette longiligne. Des escarpins à la semelle rouge achèvent sa tenue.

— Tu as même mis des Louboutin, lâché-je les sourcils tellement haussés qu'ils doivent s'en confondre avec ma chevelure.

Spencer tourne sur elle-même en secouant sa crinière.

— Et surtout, tu as enfin fait quelque chose à tes cheveux. Ça valait le coup de te harceler avec ça. Tu es resplendissante !

Une frange droite cache son front et un rideau lisse tombe sur sa poitrine. Cette fille est un canon. Ça me faisait mal au cœur de la voir se négliger et se molester comme si elle n'était qu'un vulgaire laideron sorti tout droit du Bronx.

— Isis m'a beaucoup aidée, admet Spencer.

La petite blonde sourit, cachée derrière son serre-tête. Je la soupçonne de ne jamais retirer cet accessoire passé de mode, simplement pour attirer l'attention dessus. Cela lui permet de moins se sentir sous le feu des projecteurs, quand les gens s'intéressent à elle.

— Je n'ai pas fait grand chose.

— Arrête ! Tu m'as proposé plein de trucs jusqu'à ce que je trouve ce qui me convienne. Et croyez-moi, ça a pris des heures. La vendeuse de Bergdorf n'en pouvait plus de nous.

— Voyez-vous ça, ricane Belle. Spencer qui consacre de son plein gré des heures entières à la recherche d'une tenue et d'une coupe de cheveux.

Spencer s'incline comme une comédienne sur les planches d'une scène, au terme d'une représentation théâtrale.

— Tu es très jolie, ajoute Belle en jouant avec l'anneau qui orne son oreille.

Elle-même porte une robe en velours vert. Ce n'est pas sa couleur mais elle pourrait se vêtir d'un sac poubelle qu'elle porterait toujours aussi bien son prénom.

Quant à Isis, elle a opté pour une jupe en cuir et un haut en dentelle blanc. J'aurais pu juger ce choix trop simple si elle n'avait pas usé d'assez d'accessoires pour me faire mentir. Des bagues en or ornent des doigts et plusieurs bracelets couvrent ses poignets.

Il n'y a pas à dire : j'ai sacrément bien choisi mon groupe d'amies. Je les ai sélectionnées les unes après les autres pour avoir à mes côtés, la crème de la crème. On ne peut pas affirmer être de la royauté new-yorkaise sans être parfaitement entourée. Une fois qu'Ellen aura réglé le problème Ivy, tout sera parfait et la soirée pourra commencer.

— Tu as vu Jackson ? demande Belle à Spencer.

— Pas encore...

— Je peux envoyer un message à Brady, proposé-je.

Brady est le chef de la sécurité de l'immeuble. Son équipe vérifie l'identité de chaque personne qui entre dans le bâtiment grâce à un système informatique sur tablette. Téléphone en main, je rédige un texto. La réponse ne tarde pas à suivre.

— Il vient d'arriver, informé-je Spencer.

Le sourire qui lui étire les lèvres me met en joie. J'attrape une coupe de champagne sur un plateau qui passe près de moi et invite les filles à faire de même.

— On ne devrait pas attendre Ellen et Ivy ? demande Isis d'une toute petite voix que la musique a presque recouvert.

— Elles prendront le train en court de route.

Je lève mon verre au centre de notre cercle et déclare :

— À l'amitié ! Et à cette dernière année de lycée qui s'annonce tout feu tout flamme.

Nous entrechoquons nos quatre coupes et j'aspire une gorgée de champagne. Les bulles me piquent la langue et émergent dans mes yeux. D'un battement de cil, je fais disparaître toute fébrilité. Je ne dois montrer aucun signe de faiblesse.

Jamais.

La musique s'estompe, un entrechoquement d'inox et de verre attire l'attention de l'assistance. Mon père surplombe la foule, sur la marche qui sépare l'immense salon du couloir où se situent les chambre.

— Si mon épouse et ma fille veulent bien se joindre à moi.

Obéissante, je marche jusqu'à lui pour me tenir à ses côtés. Ma mère titube jusqu'à nous, dans sa robe informe qui ne la flatte pas. On dirait une strip-teaseuse échappée du Queens qui cherche à faire bander le premier venu. Elle est complètement ivre mais tout le monde fait semblant de ne rien voir. Une plaquette d'anxiolytiques et des litres de vin par jour vous transforment une femme respectable en une épave.

Il paraît qu'il faut observer sa mère pour savoir à quoi on ressemblera dans trente ans. Une chose est sûre : la femme qui m'a mise au monde représente tout ce que je ne veux pas être.

Plutôt crever.

Mon père glisse sa main dans le bas de mon dos et m'attire plus près de lui. Un frisson glacial effleure ma colonne vertébrale et s'enfonce dans ma moelle osseuse.

Ses doigts sur mon corps.

La bile me remonte dans l'œsophage.

— Comment démarrer ce discours sans la présence des deux femmes les plus importantes de ma vie ?

Sa bouche s'écrase sur mon cuir chevelu. Mes jambes se liquéfient. Mon cœur se débat à m'en déchirer la cage thoracique. Des acouphènes me vrillent les oreilles.

Inspire.

Expire.

Inspire.

Expire.

Inspire.

Expire.

— ... de cette délicieuse soirée. Merci à tous !

Je n'ai même pas entendu un traître mot de son discours, tant son contact altère mes sens. Fébrile, je retourne auprès des filles en m'efforçant d'oublier ce qui vient de se passer.

Ivy et Ellen se pointent deux minutes plus tard. La première porte une vieille robe que je ne mets plus depuis la saison dernière. Elle ne lui va pas du tout mais au moins, sa présence ne me cause plus d'embarras. Enfin, plus autant.

— De quoi vous parliez ? demande Ellen.

— On portait un toast à l'amitié juste avant le discours du père de Willow, explique Spencer.

— Joignez-vous à nous ! propose Belle.

Les filles récupèrent une coupe de champagne et avant de trinquer toutes ensembles, Ellen déclare :

— À la meilleure bande de potes que j'ai jamais eu ! Et au feu que j'ai au cul depuis que j'ai vu Lucas dans son costume bleu électrique...

La discrétion s'évanouit quand nous tournons toutes les six la tête dans la même direction. Lucas Greetings est le fils d'Edgar Greetings, le CEO du New-York Knows, le quotidien le plus vendu de l'état. Il a lancé et détruit un nombre incalculable de carrières entre ses pages. Heureusement, Edgar est aussi un proche ami de mes parents, ce qui en fait un allié précieux.

Une mèche blonde lui cinglant le front, Lucas observe la foule, les mains dans les poches. Son côté solitaire lui ajoute un charme que je n'admettrais jamais à voix haute, moi qui prône la popularité par-dessus tout.

— Profites-en, Ellen ! lui dit Belle en lui filant un coup de coude dans les côtes. Il est tout seul.

— Il est toujours tout seul, rappelé-je. Mais Belle n'a pas tort. Si tu as tant que ça le feu au cul, il est peut-être temps de dérouler sa lance à incendie.

Nous éclatons toutes les six de rire. Ivy fait semblant, pour les apparences. Je connais son air vexé, mais j'apprécie qu'elle fasse des efforts. Il n'y a pas de place pour les rabat-joie, ici.

— Souhaitez-moi bonne chance !

Ellen sillonne la foule pour rejoindre Lucas. Celui-ci semble ravi de la voir débarquer.

— Elle a toutes ses chances, assure Spencer. Je ne peux pas en dire autant avec Jackson.

— C'est pas en restant les deux pieds dans le même sabot que tu vas le pécho, contré-je.

— Cible en vue, intervient Isis en désignant la bonne direction du menton.

Jackson et Maverick, coupes en main, discutent près du mur entièrement vitré qui offre une vue imprenable sur la skyline.

Je glisse mon bras sous celui de Spencer.

— Désolée les filles ! Le devoir nous appelle.

L'intello joue des coudes pour nous frayer un chemin jusqu'aux deux beaux gosses qui nous accueillent avec de grands sourires. Enfin, pour Jackson, ça revient à un haussement de commissure. Plus taciturne que ce mec, tu meurs.

— Salut, les gars ! lancé-je d'une voix enjouée.

Spencer marmonne le même mot entre ses dents mais je ne suis pas sûre qu'il ait entendu quoi que ce soit. Je me penche à son oreille et murmure :

— Je sais que Jackson a une réputation de gros chien au bahut, mais t'es peut-être pas obligée de t'exprimer en ultrason.

Spencer se redresse davantage. Je n'ai jamais vu personne d'autre se tenir aussi droit que la justice.

— Salut ! lance-t-elle franchement.

— Ton penthouse est divin, Willow, me dit Maverick.

En tant que nouvel arrivant dans le cercle mondain de l'Upper East Side, il s'agit de sa première participation à un rallye. Le concept est mis en pause l'été, puisque tout le monde s'évade aux quatre coins du globe.

— Merci, Maverick ! L'ambiance te plaît ?

— Pas autant que la vue.

Un clin d'œil vient compléter son sourire charmeur. En voilà un qui sait ce qu'il veut. C'est une qualité que je valorise. Pourtant, j'ai beau me concentrer aussi fort que je le peux, je ne ressens rien en sa présence. Maverick ne me fait pas vibrer.

C'est quoi mon putain de problème ?!

Le mec est canon, le bahut entier se l'arrache. Il a l'avantage de venir d'arriver à Manhattan, ce qui en fait de la chair fraîche. Ici, tout le monde est l'ex de tout le monde.

Je me prends trop la tête. Il me suffit de me retrouver un peu seule avec lui pour laisser le désir monter. Je suis sûre qu'il va finir par s'imposer à moi.

— Maverick, ça te dit d'aller discuter un peu plus au calme ?

— T'as une idée en tête ?

— Ma chambre devrait faire l'affaire.

Son sourire s'intensifie alors qu'il sirote son champagne. Je lui tends la main. Il la saisit et avant de l'entraîner dans mon sillage, je remue silencieusement les lèvres en direction de Spencer pour lui dire « FONCE ». Elle et Jackson vont se retrouver seuls. Elle ne pouvait pas rêver meilleure opportunité.

Quant à moi, il est temps d'aller puiser le désir à la source.


Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro