55. Une autre fille

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Là on peut clairement dire que j'ai rattrapé les deux mois d'absence en une semaine, non ?

Le ciel s'était teinté d'orange, les bateaux sur l'eau formaient des silhouettes au loin et l'air s'était rafraichit sans que ça ne soit dérangeant pour autant. Au contraire, c'était même bienvenu. La brise lui faisait tellement de bien, après la chaleur accablante de la journée, qu'il ne s'aperçut pas tout de suite qu'Alice n'était pas aussi à l'aise que lui et que ses poils s'étaient dressés à la surface de son corps. Il lui fallut quelques minutes pour se rendre compte qu'elle avait la chair de poule.

Il ouvrit son sac et en sortit le pull qu'il avait pris avec lui au cas où il ferait trop froid dans la soirée. Alice avait également pris une veste, mais elle était fine alors que son pull lui tiendrait bien chaud. C'était sans doute égoïste, également, mais il n'avait pas envie de s'auto-analyser. Il le lui tendit, elle le regarda un instant avant de l'enfiler. Et il sourit devant le soleil qui disparaissait à l'horizon et dont les couleurs s'effaçaient du ciel pour laisser la place à un bleu nuit.

Ils s'étaient assis du côté du Fort Saint Jean, ce qui signifiait qu'ils n'étaient pas loin à pied de leur hôtel. Ils pouvaient donc rester ici une bonne partie de la soirée pour profiter de la vue et du silence qui s'était posé doucement sur la ville à partir du moment où la lune était apparue.

Et comme à Paris, quand Milan rejoignait Alice sur la pelouse du stade à côté de chez elle, ils commencèrent à parler des étoiles et des constellations. Il allait finir par en connaître un rayon après tous ces cours particuliers à la belle étoile.

A peine rentrés à l'hôtel, ils se couchèrent, après avoir fait une rapide toilette. Ils avaient marché toute la journée et ils avaient mal aux jambes. Milan tentait de s'endormir plus rapidement que la nuit précédente quand il fut surpris par la voix d'Alice.

- Je suis désolée pour la cathédrale. Je...

- C'est rien Alice. Dors.

A vrai dire, il n'avait pas envie d'en parler maintenant. Il n'avait pas non plus envie de s'avouer ce que ça lui faisait qu'elle puisse s'excuser pour quelque chose d'aussi banal, comme si elle avait compris ce qui était en jeu, qu'elle avait perçu une relation humaine, de manière aussi normale que n'importe qui d'autre.

A force de faire des recherches, il avait l'impression qu'elle ne saurait jamais capter les signes qu'il lui envoyait. Et il y avait sans doute une part de vrai mais elle lui prouvait, un peu plus chaque jour, que c'était plus complexe.

- Tu voulais la voir.

- Ce n'est pas grave.

Et c'était vrai, il n'allait pas lui en vouloir parce qu'elle n'avait pas voulu visiter une cathédrale.

- Ma mère était croyante. Avant. Vraiment croyante.

Alice dormait généralement sur le côté, elle s'était retournée pour faire face au plafond. Allongée sur le dos, elle cherchait ses mots, d'une voix absente de toutes émotions. Elle narrait un simple récit, comme s'il n'avait aucun impact sur son existence.

- Elle allait tous les dimanches à l'église. Elle a même commencé à y aller pendant la semaine quand elle s'est aperçue que je parlais peu et que je n'interagissais pas avec eux. Le soir, elle priait un être inconnu pour que sa fille soit enfin normale. Elle aurait voulu que j'aime les poupées et que je lui demande un déguisement de princesse pour mon anniversaire. Mais ce qu'elle voulait le plus au monde, c'est que je parle.

Elle fit une pause, pour reprendre son souffle et sans doute remettre ses idées en place. Milan attendit qu'elle reprenne la parole, ne voulant pas la couper. C'était tellement rare qu'elle parle d'autre chose que l'univers, encore plus de quelque chose d'aussi personnel, il ne voulait pas gâcher ce moment.

- Elle ne comprenait pas que j'avais trop peur de parler, trop peur de me confronter au monde extérieur. Je n'arrivais pas à comprendre les réactions des autres, ils étaient trop imprévisibles. Ils s'attendaient à ce que je saisisse des sens cachés alors que j'avais déjà du mal à me concentrer sur leurs mots. Alors ma mère allait à l'église et elle priait. Elle priait pour qu'on lui donne une autre fille. Une autre fille que moi.

Le silence régnait dans la pièce après la confession d'Alice. Aucun reniflement, aucun hoquet ne montrait une quelconque émotion chez la jeune fille. Mais Milan comprit. Elle n'aurait jamais abordé le sujet avec lui si ça ne la touchait pas un tant soit peu. Alice ressentait également des émotions, juste différemment. Il avait envie d'aller dire leurs quatre vérités aux psychiatres qui prétendaient encore le contrait.

Aurore lui avait raconté un jour que lorsqu'Alice était adolescente, elle avait commencé à faire semblant, semblant d'être normale. Elle ne voulait plus qu'on la définisse comme autiste. C'est à ce moment-là que ça a commencé à s'améliorer et, parallèlement, à se dégrader. Il y avait la surface de l'iceberg, et tout ce qu'on ne voyait en-dessous. Lorsqu'Alice était encore défini par le simple biais de l'autisme, qu'il créait une barrière visible avec les autres, ces derniers comprenaient rapidement la différence et, bien souvent, la laissait à l'écart. Mais en refusant d'afficher cette différence, en faisant semblant, elle s'attirait leurs foudres, eux qui n'arrivaient pas à comprendre ce qui n'allait pas chez la jeune fille et qui la voyait juste comme prétentieuse et arrogante.

« Alice a toujours eu du mal avec la communication. Mais elle a appris à faire avec. Elle communiquait toujours de manière maladroite. Avant elle était hésitante et elle ne finissait jamais ses phrases. Depuis, elle a compris que lorsqu'elle utilise des phrases courtes, ça fonctionne mieux. Plus elle est directe et froide et mieux elle arrive à parler. Alors, certes, les gens le prennent mal, mais au moins elle se fait à peu près comprendre. Et pour ceux qui la connaissent, c'est plus facile. »

- Je. Alice.

Il était bouleversé mais elle lui demanda de ne rien dire et lui souhaita bonne nuit. Il s'étrangla avec les mots qu'il aurait voulu lui dire, comprenant qu'elle ne voulait pas qu'il réagisse à ses aveux. Elle avait juste eu besoin de le lui dire et de s'en libérer. A cet instant, il aurait tout fait pour l'attirer vers elle, la serrer tout contre son torse et lui chuchoter des paroles rassurantes mais il était hors de question qu'il déclenche une crise de panique dans ce lit, là maintenant. Alors il ne fit rien et se concentra pour s'endormir tout en sachant que c'était peine perdue.

Il allait retourner encore et encore les mots qu'elle venait de lui dire, jusqu'à épuisement. L'impression d'être totalement impuissant devant elle et ce n'était pas très agréable pour son ego. 

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