Chapitre 1

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Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas autant plu sur la Terre des Loups du Diamant. L'hiver avait été doux et le printemps jusque-là peu capricieux, mais désormais, c'étaient des trombes d'eau qui s'abattaient sur tout le territoire. Le ciel avait été couvert pendant une bonne partie de l'après-midi, mais ce n'était qu'au coucher du soleil que les habitants avaient senti des gouttes chatouiller le bout de leur nez. À présent, la pluie tombait si fort qu'il aurait fallu être fou pour s'aventurer dehors.

Lyssandra n'était pas folle, pourtant elle ne pouvait se permettre de rester à l'abri dans une des boutiques du village.

Il lui fallait braver la pluie et rentrer au plus vite au manoir de Dame Miranda, perdu au beau milieu de la forêt, à quelques kilomètres de toute civilisation. Les sentiers cheminant à travers les bois étaient presque impraticables tant ils étaient boueux. À chaque foulée, Lyssandra tachait un peu plus sa robe déjà ruisselante d'eau. Elle se serait peut-être moins salie en marchant, mais elle devait courir.

Le soleil était déjà couché depuis un bon moment et elle était en retard. Dame Miranda et ses deux filles l'attendaient pour leur repas et elle paierait pour chaque minute de leur patience...

Il avait beau faire sombre, elle ne se serait perdue dans cette forêt pour rien au monde. Elle avait dû faire le trajet des milliers de fois et s'il y avait bien une chose qu'elle connaissait comme sa poche, c'étaient ces bois. Elle savait exactement à quelles intersections il fallait tourner, quels trous elle devait éviter... Ce n'était ni la nuit, ni la pluie, ni le froid qui allaient l'arrêter.

Néanmoins, ses cheveux l'embêtaient vraiment. Si trempés que leur teinte blond foncé avait presque viré au brun, le vent ne cessait d'envoyer des mèches glacées sur le visage de Lyssandra. Elle les dégageait de sa main droite comme elle le pouvait, la gauche tenant le sac de courses que Dame Miranda lui avait demandé d'aller chercher. Les anses en corde rugueuse lui brûlaient les doigts et elle sentait le poids du sac dans tout son bras. Cependant, elle continuait à courir.

Le souffle court, elle se forçait à se rappeler ce qu'elle risquait si Dame Miranda et ses filles avaient le malheur de sentir leur ventre gargouiller... ou plutôt leurs canines les picoter.

Lorsque l'on vivait avec trois vampires dont on était l'unique source d'alimentation, mieux valait être à l'heure quand la faim commençait à les gagner. Mieux valait être à l'heure tout court, d'ailleurs.

Lyssandra estimait être à moins d'un kilomètre du manoir quand, dans un virage, elle glissa contre une pierre et s'étala sur le sol de tout son long. Le choc lui coupa la respiration et elle mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits. Elle tenta de se relever, en vain. Les mollets et les poumons en feu, elle appuya ses mains sur la terre humide et s'obligea à se calmer. Heureusement, le contenu de son sac ne s'était pas renversé, mais elle était maintenant recouverte de boue de la tête aux pieds. Dame Miranda ne la laisserait jamais rentrer comme ça...

Au bout de longues minutes, elle se crut d'attaque et retenta de se mettre debout mais du coin de l'oeil, il lui sembla apercevoir une lueur parmi les arbres. Elle tourna vivement la tête dans cette direction et plissa les yeux. Même ses cils ruisselaient de gouttelettes. Quand elle vit briller deux infimes lumières argentées trouées de deux pupilles noires, elle pensa que ce devaient être des hallucinations causées par le froid ou la fatigue.

Pourtant, un seul regard vers la pleine lune qui se devinait à travers les arbres et les nuages suffit à la convaincre qu'elle ne rêvait peut-être pas.

Les loups-garous étaient de sortie et elle l'avait complètement oublié. S'il ne fallait pas faire attendre un vampire affamé, il fallait encore moins traîner dans la forêt par une nuit de pleine lune.

Elle ne voyait plus que ces yeux argentés qui transperçaient l'obscurité. Elle ne pouvait distinguer la tête ou le corps du loup, mais elle était certaine qu'il en s'agissait d'un. Elle avait déjà vu quelques loups-garous lors de ses dix-huit années de vie... et elle avait survécu. En général, ils ne s'attaquaient pas aux Neutres, des êtres comme Lyssandra qui n'étaient ni des vampires, ni des loups-garous. Ils prenaient néanmoins un malin plaisir à mordre les buveurs de sang, auxquels cette morsure était fatale.

Logiquement, le lycanthrope allait se contenter de la fixer avant de reprendre son chemin. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était de ne pas bouger.

D'ailleurs, elle était bien incapable de faire le moindre geste. Pétrifiée à la fois de peur et de froid, elle était agitée par quelques tremblements. Le loup n'allait pas se jeter sur elle parce qu'elle tremblait, si ? En tout cas, il ne détournait pas le regard et elle ne pouvait pas non plus quitter le sien. Ses iris argentés étincelaient d'un éclat si fascinant qu'il était impossible de les quitter. L'esprit de la jeune Neutre ne pouvait s'empêcher d'imaginer le corps massif de l'animal, sa fourrure épaisse, ses pattes puissantes, ses mâchoires impitoyables... Nul doute que s'il se décidait à bondir sur elle, il lui réglerait son compte en quelques secondes.

Mais il ne bougeait pas. Il se contentait de regarder Lyssandra, qui grelottait de plus en plus. Elle était si trempée et frigorifiée qu'il lui semblait qu'elle ne connaîtrait plus jamais la chaleur rassurante d'une cheminée, sa meilleure amie, lorsque le manoir était aussi froid qu'une cave.

Elle se demandait bien pourquoi la bête la fixait ainsi, alors qu'elle devait offrir un piètre spectacle : une pauvre Neutre à terre recouverte de boue, la pluie s'abattant sur elle sans relâche, le visage sûrement d'une pâleur effrayante... Le silence s'étendait entre eux, uniquement troublé par les ricochets des gouttes de pluie contre les feuilles d'arbres et leurs claquements contre les flaques. Ce n'était pas vraiment comme si le loup pouvait parler, mais cela commençait tout de même à devenir pesant.

Elle croyait lire dans le regard surnaturel de l'animal une sorte d'interrogation, pareil à s'il se demandait ce qu'une misérable fille comme elle faisait seule dans la forêt par une nuit de pleine lune. Mais après tout, qu'y connaissait-elle en regard de loup-garou ?

Au bout de ce qui lui parut une éternité, le loup détourna le regard et Lyssandra perdit le contact avec ses yeux hypnotiques. Elle n'entendit aucun bruissement parmi les arbres, pourtant elle sut qu'il était parti. Une espèce de vide semblait désormais remplir l'air et lorsqu'elle secoua la tête pour se reprendre, elle se demanda si elle n'avait tout simplement pas rêvé ces derniers instants tant l'éclat de ces yeux semblait désormais si lointain.

La jeune fille s'autorisa quelques secondes pour remettre de l'ordre dans ses idées puis se releva difficilement, essuya ses mains boueuses sur sa robe et empoigna son sac de courses. Elle se remit en marche sans chercher à courir, ayant de toute façon déjà dépassé depuis longtemps le seuil de patience de Dame Miranda. Elle passa la fin du trajet à scruter la forêt, à l'affut du loup-garou, mais n'eut aucun signe de lui. Il pouvait très bien surgir de nulle part et la plaquer au sol, elle n'aurait aucune chance de se défendre.

Quand elle repéra le portail en fer forgé du manoir de Dame Miranda, le coeur de Lyssandra se serra. Finalement, elle aurait préféré être dévorée par le loup-garou. Cela l'aurait empêchée de passer le reste de sa vie auprès de la vampire et de ses filles, et de subir toutes les souffrances qui allaient avec.

Le bruit de la pluie était tellement fort qu'il masqua l'habituel grincement inquiétant du portail. La Neutre remonta la courte allée de graviers menant au perron, puis après une vaine tentative d'essuyer ses bottines maculées de boue sur le paillasson, elle frappa trois grands coups contre la large porte en bois massif. Elle savait que grâce à leur audition surnaturelle, les vampires de la maison l'avaient certainement entendue, quel que soit l'endroit où elles se trouvaient.

Bien qu'elle soit légèrement abritée par les avant-toits du manoir, le vent envoyait des torrents d'eau sur Lyssandra et les cinq minutes que mit Kristal à venir ouvrir lui parurent interminables. En découvrant la jeune Neutre dans cet état pitoyable, Kristal eut un mouvement de recul. Elle écarquilla ses grands yeux verts et resta muette quelques secondes, avant de s'écrier de sa voix fluette :

— N'as-tu donc pas honte de te présenter devant nous dans cet état ? Non seulement tu es en retard, mais je suis certaine qu'on a connu des porcelets plus propres que toi.

Lyssandra dominait Kristal d'au moins deux têtes. Cette dernière avait eu le malheur d'être transformée en vampire par Dame Miranda à l'âge de douze ans. Ainsi était-elle condamnée à avoir l'air d'une enfant pour l'éternité... même si elle était âgée de soixante ans. Beaucoup trouvaient qu'elle était d'une beauté angélique, aussi pure que celle d'une poupée, avec sa petite silhouette gracile et ses très longs cheveux roux qui encadraient son visage fin et délicat. Mais Lyssandra savait que derrière cette apparence de fragile petite poupée de porcelaine se cachait un rapace aux serres acérées...

— Je suis sincèrement désolée de vous avoir fait attendre, articula Lyssandra en claquant des dents. Mais s'il te plaît, laisse-moi entrer.

Kristal n'était pas à proprement parler la "fille" de Dame Miranda. Elle n'avait d'abord été qu'une Neutre que la vampire possédait et dont elle s'abreuvait du sang. Après l'avoir gardée comme poche de sang sur pattes pendant deux années, elle avait fini par la transformer en lui faisant boire un peu de son sang de vampire, puis en lui brisant la nuque. Il s'était précédemment produit la même chose avec Alisée, l'autre "fille" de Dame Miranda.

— Comment pourrais-je te laisser entrer dans cet état ? s'insurgea Kristal. Tu vas tremper tout le hall et...

— C'est moi qui le nettoierai, l'interrompit Lyssandra d'un ton bien trop cassant pour s'adresser à un vampire. Je le ferai dès que Dame Miranda, Alisée et toi vous serez nourries.

Kristal avait beau être toute petite par rapport à la Neutre, cela ne l'empêchait pas de prendre de haut cette dernière. Lyssandra savait parfaitement qu'il ne fallait pas provoquer Kristal, mais l'appel de ce hall d'entrée sec, lumineux, et où il faisait un tant soit peu plus chaud qu'à l'extérieur était trop fort. La vampire la considéra quelques instants de son regard froid puis ouvrit la porte en plus grand avant de lui faire signe d'entrer.

— Va d'abord te laver, lui ordonna-t-elle en grimaçant lorsque la jeune fille passa près d'elle et fit tomber de la boue à quelques centimètres de ses longs jupons en soie rose. Nous ne pouvons pas nous nourrir avec toute cette saleté sur toi.

Lyssandra tendit d'abord son sac de courses à Kristal qui fit une moue dégoûtée en attrapant le cabas par son extrémité la moins sale.

— Il y a les livres qu'Alisée m'avait demandés ainsi que tes deux bobines de fil vert, lui indiqua-t-elle. Ils étaient emballés dans des couvertures donc je ne pense pas que l'eau les ait atteints...

Heureusement que Lyssandra ne s'attendait pas à un "merci", car Kristal tourna les talons et partit vers le salon où se trouvaient sûrement Dame Miranda et Alisée. Seule dans le hall, la jeune Neutre s'appuya contre l'un des murs rouge sombre.

Le parquet était effectivement maculé d'eau et de terre, et Lyssandra allait devoir passer un long moment à nettoyer tout ça... si elle en avait encore la force après que les trois vampires se soient abreuvées de son sang. Surtout que Dame Miranda profiterait de l'occasion pour la punir en enfonçant encore plus fort ses canines dans son poignet et demanderait à Kristal et Alisée de faire de même.

Dans l'immédiat, il lui fallait monter trois étages avant de parvenir à la minuscule pièce qui lui servait de chambre et contenait ses quelques vêtements. Elle savait qu'elle allait y arriver, même si cela lui semblait insurmontable, car elle avait déjà vécu bien pire. Chaque fois que les choses lui paraissaient impossibles, elle se forçait à se rappeler tout ce qui lui avait paru irréalisable et qu'elle avait pourtant accompli. Ce n'était pas quelques marches qui allaient lui venir à bout...

Cette nuit, elle avait vu un loup-garou. Elle n'avait peut-être distingué que ses yeux mais ces mêmes yeux l'avaient regardée. Un loup-garou avait croisé son chemin et elle avait survécu. Elle était toujours là. Trempée jusqu'aux os, couverte de boue, réfrigérée, épuisée, mais vivante.

Alors elle s'autorisa quelques secondes de repos appuyée contre ce mur, prit une profonde inspiration et commença à monter les escaliers en claudiquant.

Note de l'auteure :

Tout d'abord, merci à vous d'être arrivés jusque-là ! Je dois avouer que je suis un peu nerveuse à l'idée de débuter une toute nouvelle histoire, après avoir passé si longtemps à écrire les deux tomes d'Isaluna... Mais cela fait vraiment du bien de pouvoir explorer un nouvel univers ! Il y a un moment que cette idée de réécriture de Cendrillon me trotte dans la tête et je suis contente d'enfin pouvoir vous la faire partager.

N'hésitez pas à me laisser votre avis concernant ce premier chapitre, je suis ouverte à toutes les remarques constructives pour m'améliorer ! Dites-moi aussi ce que vous pensez du résumé (qui n'est pour l'instant pas définitif), de la couverture, du titre...

Encore merci et à très vite !

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