Chapitre 13

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Les choses commençaient plutôt bien : Alisée avait préféré rester dans sa chambre pour finir tranquillement le livre qu'elle était en train de lire. Logiquement, Lyssandra pourrait lui parler sans craindre d'être entendue par Dame Miranda. Le problème, c'était qu'Alisée lisait dans sa chambre pour justement être tranquille. La Neutre allait forcément la déranger. Et la vampire détestait qu'on la dérange.

Au final, les choses ne démarraient donc pas si bien que ça...

Pourtant, Lyssandra était déterminée à lui parler cette nuit. Si elle voulait aspirer à la vie possible qu'elle avait entrevue pendant l'après-midi chez Hilda, alors elle devait être capable de prendre de dangereuses décisions. Parler à Alisée en était une. La vampire était certes la moins méchante des trois, mais il n'empêchait que jusque-là, elle n'avait pas fait grand-chose de concret pour lui venir en aide. Si la jeune fille lui soumettait la proposition d'Hilda, Alisée était parfaitement capable de lui rire au nez et d'aller colporter ses affaires à Dame Miranda. Dans ce cas-là, la Neutre serait perdue.

Sauf qu'elle n'était pas prête à regretter toute sa vie de ne pas avoir tenté sa chance, alors elle laissa ses doigts effleurer le bois de la porte d'Alisée. Elle l'entendit pousser un grognement exaspéré et eut soudain très envie de remonter dans sa chambre à toute vitesse et de se cacher sous son drap. Finalement, la vampire lui demanda d'entrer et après avoir pris une inspiration, Lyssandra s'exécuta.

Alisée était allongée sur son lit à la couverture rouge foncé. Ses bras levés devant elle soutenaient un gros ouvrage. Elle portait une robe blanche très simple, uniquement serrée à la taille par un ruban de la même couleur que le dessus-de-lit.

— Mathys est revenu ? s'enquit-elle en fronçant les sourcils. Dame Miranda pique une crise ?

— J'ai... Je voudrais te parler, balbutia Lyssandra en triturant une mèche de ses cheveux blonds.

Surprise, Alisée plaça soigneusement son marque-page dans son livre puis le referma. Elle fit ensuite signe à la Neutre de fermer la porte et de s'approcher. La lumière des bougies qui brûlaient partout dans la pièce produisait une étrange impression aux yeux de Lyssandra. C'était comme si les flammes tournoyaient autour d'elle. En réalité, c'était surtout la nervosité qui lui montait à la tête... Mieux valait qu'elle en finisse.

— Je veux te dire quelque chose, commença-t-elle en se forçant à affermir sa voix. Je ne sais pas comment tu vas réagir mais... S'il te plaît, n'en parles pas à Dame Miranda.

Une drôle d'expression traversa le beau visage d'Alisée. Pendant un court instant, elle sembla ne plus être là, un peu comme Hilda lorsqu'elle avait évoqué ce certain "James". Puis enfin, elle revint à elle en hochant la tête.

— Ne me dis pas que tu es... enceinte ? hésita-t-elle avec sérieux, ses yeux marron emplis d'inquiétude.

Lyssandra se sentit blêmir et s'empressa de la contredire. Elle crut voir la vampire échapper un petit soupir de soulagement.

— Cela n'a absolument rien à voir, d'ailleurs je me demande comment je pourrais être enceinte alors que je ne sors avec... Bref, se reprit la Neutre après avoir parlé sans respirer, je m'éloigne du sujet.

Alisée gloussa mais son rire sonnait assez faux. Elle avait l'air anxieuse à l'idée de ce qu'elle allait entendre.

— Il y a une dizaine de jours, j'ai rencontré un Neutre venant de la Terre du Rubis. Son chariot était embourbé alors je l'ai aidé puis nous avons fait le chemin ensemble jusqu'au village.

La jeune fille vit la main de la vampire se crisper sur sa couverture. Cette dernière ne la quittait pas des yeux et semblait la presser du regard de poursuivre son récit.

— Nous avons discuté, enchaîna Lyssandra, je lui ai raconté ma situation et il m'a dit qu'il vivait chez une gentille louve et... qu'elle pourrait éventuellement acheter une nouvelle Neutre. Au début, je ne l'ai pas cru mais nous nous sommes à nouveau retrouvés et hier, il m'a apporté une offre de contrat officiel.

Alisée resta silencieuse quelques secondes qui parurent interminables à Lyssandra. Elle s'attendait à tout moment à ce que la vampire éclate de rire ou se mette en colère. À vrai dire, une fois son histoire racontée à haute voix, même la Neutre la trouvait ridicule...

— Et cette louve, tu l'as rencontrée ? demanda pourtant la buveuse de sang.

— Cet après-midi. Je crois qu'elle est vraiment prête à m'accueillir chez elle. Elle m'a même remis ceci.

Elle sortit alors l'enveloppe contenant le contrat et la tendit à Alisée. Celle-ci la décacheta avec précaution et parcourut attentivement son contenu du regard. À un moment, ses yeux s'ouvrirent si grands que Lyssandra crut qu'ils allaient sortir de leurs orbites.

— Trente mille pièces d'or ? s'écria-t-elle avant de se forcer à baisser la voix. C'est impossible ! Même le Grand Alpha n'achète pas ses Neutres à ce prix. Personne n'est prêt à mettre une telle somme.

Effectivement, trente mille pièces d'or était une somme bien trop importante pour une Neutre telle que Lyssandra. Elle n'avait aucune idée de sa valeur mais elle n'était pas sûre d'en valoir le sixième.

— Justement, c'est une tante éloignée du Grand Alpha. Elle possède un domaine dans la forêt.

La stupeur d'Alisée s'intensifia. Sans doute devait-elle se demander si tout ceci n'était qu'une vaste blague ou si vraiment, Lyssandra était tombée sur une des loups-garous les plus riches de la Terre du Diamant. Finalement, son expression se ferma et elle rangea le contrat dans son enveloppe avant de la poser au bord du lit.

— Si j'étais toi, je brûlerais tout ça dans la cheminée au plus vite, déclara-t-elle en fuyant son regard. J'imagine que tu viens me voir pour me demander quelle va être la réaction de Dame Miranda... Sauf que nous la connaissons toutes les deux.

Au moins, cela avait le mérite d'être clair. La fragile bulle d'illusions de Lyssandra s'étiola, sans éclater pour autant.

— Je sais qu'elle n'a pas besoin d'argent, commença la Neutre en rassemblant tout son courage, mais tu ne crois pas que trente mille pièces d'or pourraient l'attirer ? Personne ne lui refera une telle proposition. Pourquoi ne veut-elle pas se débarrasser de moi une bonne fois pour toutes ?

La force qu'elle avait mise en cette dernière question fit relever les yeux d'Alisée vers elle. Ceux-ci étaient emplis de quelque chose que Lyssandra ne pouvait déchiffrer. C'était une tristesse propre aux vampires, une accumulation insondable de souffrance et de désespoir. Quand Alisée la regardait ainsi, elle perdait tous ses mots. Elle se rendait compte que sa courte existence n'était rien à côté de celle de l'immortelle jeune femme.

— On a déjà proposé le double pour moi, avoua-t-elle d'une voix rauque. Elle ne m'a jamais laissée partir.

Le double ? Elle avait dit elle-même quelques minutes plus tôt que personne n'était prêt à mettre trente mille pièces d'or pour un Neutre. Alors soixante mille ? Qui avait bien pu convoiter Alisée à ce point ? La question brûlait tant les lèvres de Lyssandra qu'elle lui échappa.

— Ça n'a pas d'importance, soupira la vampire. Le fils d'un marchand qui était un peu trop riche et qui au final, n'a pas insisté lorsque Dame Miranda a décliné son offre. J'espère que ton si gentil Neutre et sa si gentille propriétaire ne feront pas la même chose...

Une part de Lyssandra — la plus obstinée — voulait croire qu'Alisée exagérait. Ce n'était pas possible que Dame Miranda ait refusé soixante mille pièces d'or rien que parce qu'elle voulait la garder auprès d'elle. Sauf que tu sais très bien qu'elle en est capable.

— Que t'a-t-elle fait après que ton fils de marchand t'ait laissée tombée ? osa demander la Neutre.

Alisée poussa un nouveau soupir et secoua la tête, faisant ainsi remuer ses jolies boucles brunes autour de son visage.

— Laisse tomber cette histoire. Je te déconseille simplement d'aller parler à Dame Miranda. Tu crois peut-être que ta vie ne peut pas être pire, sauf que ce n'est pas le cas. Certaines personnes ont beaucoup d'imagination quand il s'agit de faire de la vie des autres un enfer...

Lyssandra voulait persévérer mais l'air abattu qu'affichait la vampire l'en dissuada. Elle avait déjà été très loin et savait qu'une certaine limite entre elles ne devait pas être franchie. Alisée restait une buveuse de sang qui s'abreuvait du sien toutes les nuits, même si c'était en quantité moindre par rapport à ce que réclamaient les deux autres. Finalement, c'est cette dernière qui reprit la parole :

— Comment s'appelle le Neutre dont tu as fait la connaissance ? Tu m'as dit qu'il venait de la Terre du Rubis, c'est ça ?

Son air enjoué était forcé et Lyssandra savait pertinemment qu'elle n'en avait rien à faire. Elle devait estimer — à juste titre d'ailleurs — que ses personnages de roman étaient plus intéressants que la misérable vie des gens qui l'entouraient. On pouvait tout de même saluer l'effort.

— Il s'appelle Julian et effectivement, cela ne fait que quelques semaines qu'il vit sur la Terre du Diamant.

— Cela doit lui faire un sacré changement, commenta Alisée. La Terre du Rubis est un peu comme celle de l'Ambre. Le soleil brille si fort et il y fait si chaud qu'on a littéralement l'impression que notre peau va fondre...

Elle n'évoquait pas la Terre de l'Ambre dont elle était originaire tous les quatre matins. Lorsqu'elle le faisait, c'était toujours avec une certaine émotion dans la voix.

— Il a de la chance d'être tombé chez une gentille louve, ajouta-t-elle avec mélancolie. Malheureusement, nous ne tirons pas tous les bonnes cartes.

Son regard se perdit dans le vague et Lyssandra comprit qu'elle n'obtiendrait rien d'autre d'elle.

— Si tu tiens à conserver ton amitié avec lui, lança Alisée alors que la Neutre faisait mine de faire un pas en arrière, ne parle pas de son existence à Dame Miranda, ni même à Kristal. Elles t'obligeraient à rentrer plus tôt du village pour s'assurer que tu ne perdes pas ton temps à discuter avec quelqu'un. Déjà que l'on m'a clairement fait comprendre que Mathys n'était pas le bienvenu ici...

La venue du fils du libraire avait contraint Lyssandra à récurer le sol de l'entrée et du salon jusqu'à ce qu'il ne reste plus une trace de terre, mais elle n'avait pas remarqué qu'Alisée avait été réprimandée.

— Je ne lui dirais rien. Mais je compte quand même garder ce contrat si un jour je sens que... Qu'elle est disposée à me laisser partir.

Elle savait très bien que ce jour ne viendrait jamais, mais que pouvait-elle dire d'autre ? Brûler ce contrat comme l'avait suggéré la vampire lui aurait été impossible. Pour une fois, elle avait envie d'être optimiste. Ce n'était pas parce que la magnifique et irrésistible Alisée ne s'en était pas sortie que tout espoir était perdu pour elle.

Elle remercia la vampire puis s'approcha de la porte. Ce qu'elle lui avait dit n'était pas exactement ce que ses espérances attendaient... Mais elle connaissait déjà la réponse à sa question avant d'entrer dans la pièce, non ? Alisée avait eu le mérite d'être honnête plutôt que de continuer à bercer ses douces illusions.

— J'ignore s'il y a un moyen de s'en sortir, déclara la buveuse de sang juste avant que la Neutre ne pose sa main sur la poignée de la porte. Lorsqu'elle était jeune, Kristal a essayé d'être la plus insupportable possible pour que Dame Miranda la vende au plus vite. Quant à moi, j'ai choisi de séduire un fils de riches. Aucune de ces options n'a fonctionné.

À première vue, ces solutions n'étaient effectivement pas celles qu'aurait privilégiées Lyssandra...

— Et ma mère ? demanda cette dernière en fixant la porte face à elle.

Elle savait qu'elle n'avait pas à parler de sa mère. D'ailleurs, elle ne le faisait jamais. Mais cette fois, cela avait été plus fort qu'elle. Elle ne s'attendait pas à ce qu'Alisée lui réponde, pourtant elle murmura :

— Ta mère, c'était différent.

La jeune fille ne tourna même pas la tête vers elle. Elle connaissait l'histoire de sa mère. Elle s'était bien amusée avec un Loup du Topaze et Lyssandra en était le résultat. Parfois, il lui était facile d'accuser cette femme qu'elle n'avait jamais connue. De la rendre responsable de sa situation. Non seulement elle avait mis un enfant au monde sous le toit de Dame Miranda, mais en plus, elle était morte quelques heures plus tard. Elle aurait au moins pu te faire naître dans une porcherie, pensait-elle de temps à autre. Les truies se seraient mieux occupées de toi.

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