Chapitre 15

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Julian n'avait pas menti. Le lendemain soir, Dame Miranda reçut une lettre cachetée avec le sceau du Grand Alpha. La vampire admira quelques secondes les armoiries royales sculptées dans la cire rouge avant de tirer sur le ruban qui en dépassait.

Lyssandra avait déjà donné son sang et logiquement, n'avait plus rien à faire dans le salon. Pour y rester, elle s'approcha d'un vase rempli d'horribles fleurs orange et fit mine d'en tailler les branches mortes. Alisée faisait semblant de lire son livre et Kristal — qui s'était enfin décidée à quitter sa chambre — ne se gênait pas pour fixer Dame Miranda avec interrogation. Cette dernière mettait un temps infini à lire ce qui était inscrit sur le carton qu'elle tenait en main.

— C'est de la part de la famille du Grand Alpha ? osa demander Alisée, sans laisser son impatience poindre dans sa voix.

Dame Miranda leva une main gantée en signe d'attente et garda les yeux rivés sur son bristol. Lyssandra commençait à être à court de fleurs à tailler...

— Quel suspense inutile, marmonna Kristal depuis le canapé où elle était étendue nonchalamment. Si ça se trouve, c'est juste parce qu'elle n'a pas payé sa taxe de droit d'asile...

En d'autres circonstances, cette remarque lui aurait valu une sévère réprimande, or Dame Miranda ne paraissait même pas l'avoir entendue. Alisée fit cependant signe à Kristal de se taire.

— Nous sommes invitées au château du Grand Alpha, déclara finalement la vieille vampire d'un ton détaché.

— Quoi ? s'écria Kristal. Quand ? Pourquoi ? Par... Par qui ?

Elle s'était levée de son siège et semblait sur le point d'exploser d'excitation. Ses yeux verts scintillaient et ses joues auraient sans doute rosi si elles l'avaient pu. Alisée ne partageait pas sa frénésie mais elle avait perdu tout intérêt pour son roman.

— Du calme, Kristal, la blâma Dame Miranda avec un regard froid. J'ai reçu cette invitation. Il ne dépend que de moi de vous y inclure ou non.

La vampire rousse se laissa retomber sur le canapé mais ne perdit rien de son exaltation. Comme tout le monde semblait l'avoir oubliée dans son coin sombre, Lyssandra cessa de couper les fleurs et porta son attention sur Dame Miranda.

— Vous savez ce qu'est la Nuit des Bagues, n'est-ce pas ? demanda cette dernière sans attendre la réponse de ses filles. Eh bien une nouvelle aura lieu lors de la prochaine pleine lune, en l'honneur des Loups du Topaze.

La Neutre attendit que les trois vampires se tournent vers elle, mais aucune ne le fit. Pas même Alisée. Elle ne sut comment interpréter cela.

— Pourquoi sommes-nous... Enfin, êtes-vous invitée ? s'enquit Kristal en se penchant en avant, appuyée sur ses coudes. Il me semblait que c'était une cérémonie uniquement réservée aux loups-garous.

— D'ordinaire, c'est le cas. Mais le Grand Alpha a pour objectif de réconcilier les rapports entre les vampires et les loups-garous à la suite des récents événements. Il a sélectionné quelques-uns d'entre nous pour montrer l'exemple. Un membre de notre famille royale sera présent...

L'enthousiasme de la petite rousse retomba d'un coup et sa mâchoire se décrocha. Alisée faillit en faire tomber son livre. Dame Miranda ne laissait transparaître aucune émotion mais Lyssandra était certaine que sa voix était devenue encore plus grave sur cette dernière phrase.

— Vous voulez dire que le roi ou la princesse des vampires viendra ? l'interrogea Kristal sans pouvoir y croire.

Le roi ou la princesse des vampires. Comment ces seuls noms pouvaient faire frissonner la Neutre, alors même qu'elle ne les avait jamais rencontrés et ne les rencontrerait jamais ? Sauf si tu vas à cette Nuit des Bagues. Tout d'un coup, elle n'avait plus tellement envie d'y participer... Ce que l'on racontait sur le monarque immortel n'avait rien de bien rassurant.

— Qui veux-tu que ce soit d'autre ? répliqua Dame Miranda en remontant ses gants en dentelle noire le long de ses bras. À moins que le roi ne nous envoie celui ou celle qui partage son lit en ce moment, mais cela m'étonnerait... Dans tous les cas, s'il vient en personne, nous n'irons pas.

Le roi des vampires était sûrement l'unique être au monde qui lui faisait aussi peur. Lyssandra se disait parfois qu'elle aurait vraiment aimé être amie avec lui... sauf qu'elle n'était pas certaine de vouloir croiser son chemin.

— Quoi ? s'écria à nouveau Kristal, encore plus fort que la première fois. Vous croyez vraiment qu'il fera attention à nous ? Peut-être traînera-t-il avec quelques membres du comité des vampires du village, et encore j'en doute. Il fera juste tapisserie et ne demandera pas à tous ses déloyaux sujets de se prosterner devant lui...

— Et qu'en sais-tu ? la coupa Dame Miranda avec violence, sa voix et son regard vert aussi tranchants que des lames aiguisées. Tu ne l'as jamais rencontré que je sache ?

Ses mains tremblaient. Cela renforça Lyssandra dans l'idée qu'elle avait déjà fait la connaissance du roi des vampires. Elle y avait déjà pensé plusieurs fois, lorsqu'elle avait surpris la vieille buveuse de sang à se crisper à l'évocation du monarque. Qu'avait-il pu lui faire pour qu'elle le craigne autant ? Et si c'était lui qui était à l'origine de sa méchanceté et de son aversion envers la terre de sa propre espèce ?

— On raconte que c'est le plus bel homme du monde, grommela Kristal.

Alisée leva les yeux au ciel mais Lyssandra remarqua qu'elle guettait la réaction de Dame Miranda. Cette dernière n'en eut aucune et inspecta de nouveau son invitation. La Neutre brûlait de jouer la naïve et de demander ce qu'était la Nuit des Bagues. Elle avait cependant trop peur d'essuyer une remarque désagréable et d'être congédiée. C'était déjà un miracle que les vampires parlent d'un tel sujet devant elle.

— Dans tous les cas, Lyssandra devra se présenter à la soirée, affirma Alisée avec une fausse nonchalance.

L'intéressée s'était figée à l'entente de son prénom. Le regard électrique de Dame Miranda qui pesait désormais sur elle lui donnait envie de se fondre dans le mur ou de disparaître sous le plancher.

— Et pourquoi cela ? rétorqua la vieille vampire avec hauteur.

Son attitude de serpent défiait Alisée de lui répondre. La Neutre était prête à parier que la magnifique jeune femme allait abandonner la bataille, or il n'en fut rien.

— Elle possède des gènes de Loup du Topaze, répondit-elle en tournant une page de son livre. Si elle est choisie par le Grand Alpha, elle pourra devenir une louve.

Son menton était fièrement relevé et ses grands yeux chocolat n'exprimaient qu'une infinie innocence. Seul son petit sourire la trahissait, laissant clairement comprendre à sa prétendue mère qu'elle savait très bien dans quel jeu elle s'était lancée. C'était elle qui défiait la vieille vipère, et pas l'inverse.

— Je suis certaine qu'il est écrit sur ce carton que vous êtes tenue de laisser la Neutre en votre possession se rendre au château, déclara-t-elle d'un ton où pointait une imperceptible étincelle de malice.

— Pas du tout, minauda Dame Miranda avec un regard faussement mielleux. Lis par toi-même.

Elle lui jeta l'invitation d'un geste dédaigneux. Alisée la rattrapa au vol et mit son livre de côté. Pendant qu'elle lisait, Kristal adressa un regard interrogatif à Lyssandra. La Neutre haussa les épaules et osa se rapprocher d'Alisée pour regarder par-dessus son épaule.

C'était la plus belle invitation qu'elle n'avait jamais vue. Pour être honnête, elle n'avait jamais reçu d'invitation de sa vie, mais elle en avait déjà vu certaines destinées à Dame Miranda. Le carton de celle-ci était ivoire. Les mots inscrits d'une divine couleur dorée se reflétaient sous la lumière du lustre au-dessus d'elle. De délicates accolades étaient tracées de chaque côté de la carte.

Le message reprenait exactement ce que Dame Miranda avait dit. Aucune ligne n'évoquait Lyssandra.

— Vous voyez, sourit la vampire, je disais la vérité. Ils n'ont que faire de cette misérable Neutre aux gènes déficients. Le Grand Alpha ne peut pas m'obliger à me séparer d'elle.

— Dites surtout que vous n'avez pas déclaré aux registres des Neutres que Lyssandra avait un père loup-garou, répliqua Alisée en lui renvoyant le carton.

Un mot dans sa phrase décontenança Dame Miranda car elle sursauta et laissa tomber l'invitation au sol. Elle fit signe à la Neutre de la ramasser, l'obligeant ainsi à se rapprocher d'elle. Lyssandra fut obligée d'obtempérer à contrecoeur et se pencha en avant avec précaution... ce qui n'empêcha pas la vampire de lui attraper les cheveux et de tirer sur une mèche de toutes ses forces. La jeune fille se mordit la lèvre et un goût métallique se répandit dans sa bouche.

— Je vais mettre les choses au clair, lui lança son bourreau en lui tournant le visage face à elle. Que cette histoire de Nuit des Bagues ne te grignote pas le cerveau. Quant à toi, Alisée, tu vas très vite retrouver ta place de joli ornement muet et insignifiant... au cas où tu aurais oublié que tu ne peux être autre chose.

Elle lâcha les cheveux de Lyssandra et la Neutre se redressa en hâte. Elle se frotta le crâne et n'osa même pas regarder la main de Dame Miranda : elle était persuadée qu'il lui restait une pleine poignée de ses cheveux. Elle remercia Alisée du regard et n'attendit pas sa réaction avant de quitter la pièce.

Remontant dans sa chambre, elle prit garde à ne pas rater une marche de l'escalier. Dame Miranda avait tiré si fort que la douleur s'était répandue dans toute sa tête. Elle aurait très bien pu lui dire les choses sans lui arracher le cuir chevelu, Lyssandra aurait parfaitement compris... Une fois arrivée devant son lit, elle s'y allongea et s'appuya délicatement sur son maigre oreiller.

Au moins, cette soirée avait eu le mérite de lui confirmer une chose : la Nuit des Bagues existait vraiment. Mieux que ça, un Neutre ayant des gènes du Topaze deviendrait bel et bien un loup-garou. Certes, il devait y avoir une infinité de détails dont elle n'avait pas connaissance, mais c'était déjà quelque chose. Si elle décidait de se rendre à cette soirée, les obstacles se dresseraient bien assez vite sur son chemin... à commencer par Dame Miranda.

On ne pouvait pas dire que la vampire lui faisait miroiter de faux espoirs. Elle avait coupé court à toute négociation dès le début. Elle ne laisserait pas Lyssandra se rendre au château. Ce n'était guère une surprise, mais la Neutre avait espéré qu'une loi interviendrait en sa faveur. Or, Dame Miranda n'avait même pas informé les registres des Neutres que Lyssandra avait un père loup-garou. Cela n'aurait pas dû étonner l'intéressée, mais la haine qu'elle ressentait envers la vampire s'accrut, alors même qu'elle ignorait que c'était possible.

Alisée s'était révélée comme un soutien inattendu et avait osé prendre la défense de Lyssandra, ce qui était assez inespéré. Cet élan de compassion était sans doute le fruit de la discussion qu'elles avaient entretenue quelques jours plus tôt et n'allait sûrement pas durer.

La jeune fille avait malgré tout hâte d'être au lendemain. Elle allait s'arranger pour aller au village et elle espérait que Julian y viendrait avec elle. Les villageois n'auraient certainement que la Nuit des Bagues à la bouche et ce serait l'occasion d'en apprendre davantage à ce sujet.

Car même si elle ne se faisait aucune illusion, cela ne lui coûtait rien de suivre l'affaire de près...

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