Chapitre 3

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Lyssandra fut réveillée par les rayons du soleil qui pénétraient dans sa petite chambre. Éblouie, elle se frotta les yeux puis fut tentée de replonger dans son envoûtant sommeil. Elle n'avait certainement dormi que deux ou trois heures, ayant passé bien trop de temps la veille à frotter le sang et la boue sur ses robes. Hélas, elle savait que d'autres tâches l'attendaient pour cette nouvelle journée et elle ne pouvait se permettre de traîner au lit. Elle perdit quelques secondes son regard sur les poutres en bois du plafond puis prit son courage à deux mains. 

Le vieux sommier métallique et son mince matelas émirent des grincements stridents lorsqu'elle se redressa. Lyssandra fut pour une fois heureuse que son minuscule espace de vie se situât sous les toits, bien loin des appartements de Dame Miranda et de ses filles. Les vampires avaient beau avoir l'ouïe fine, elle ne pensait pas que les couinements de sa literie puissent les réveiller, sinon elles se seraient déjà fait un plaisir de la réprimander.

Sans s'attarder sur le beau ciel bleu matinal que l'on discernait depuis sa fenêtre aux vitres fissurées, Lyssandra troqua sa chemise de nuit contre sa troisième et dernière robe qui avait survécu à ses affres de la nuit passée. Cette tenue était celle qu'elle aimait le moins, avec son tissu gris imprégné de taches indélébiles résultant des multiples mésaventures de la Neutre. Ses nombreux passages sous les planches à laver s'étant révélés infructueux, Lyssandra avait fait remarquer à Dame Miranda qu'elle ne pouvait pas se présenter au village dans cet accoutrement, ce à quoi la vampire avait répondu avec dégoût :

— De toute façon, ce n'est pas la tenue que tu portes qui rendra ton visage plus agréable à regarder.

Si la Neutre devait s'en tenir aux dires de Dame Miranda, elle était la fille la plus laide de la Terre des Loups du Diamant, si ce n'était du monde entier. Cependant, Lyssandra avait un minimum de jugeote pour comprendre que la vampire ne disait cela que pour la rabaisser encore plus qu'elle ne le faisait déjà.

Fixant son reflet dans un petit miroir tandis qu'elle brossait distraitement sa crinière blond foncé, Lyssandra songea que si ses yeux marron n'étaient pas toujours encerclés de cernes violets et si son teint n'était pas perpétuellement pâle en raison de ses prélèvements de sang quotidiens, peut-être qu'elle pourrait être considérée comme jolie. Elle ne pourrait certes jamais rivaliser avec la perfection d'Alisée ni même avec le charme de Kristal, mais elle aimait à penser qu'elle n'était pas aussi hideuse que Dame Miranda le prétendait.

De toute façon, elle ne pouvait pas laisser son esprit s'encombrer de pensées aussi futiles. Qu'elle soit la reine des laiderons ou la plus belle fille de la Terre des Loups du Diamant, cela ne changeait rien. Elle enfila tout de même l'unique bijou qu'elle possédait, une mince chaîne argentée sertie d'une petite pierre ovale scintillante. Autrefois, ce collier avait été offert à Alisée par un pauvre loup-garou qui avait vainement tenté de la courtiser. La vampire ayant suffisamment de vrais diamants pour se passer d'un bijou en toc, elle s'apprêtait à le mettre à la poubelle quand Lyssandra, prise d'un élan de courage, lui avait demandé si elle pouvait le garder.

— Ce n'est que du verre coloré, avait fait Alisée en haussant les sourcils, surprise par une telle requête. Tu ne pourrais même pas en tirer une pièce de bronze...

— Je ne compte pas le vendre, avait répondu la Neutre. Je le trouve juste... joli.

La vampire n'avait pas rechigné davantage et avait tendu le bijou à Lyssandra, bien que Dame Miranda ait interdit à ses deux filles de lui donner quoi que ce soit. Elle avait cependant jugé que cette misérable possession était inoffensive et en effet, Lyssandra n'avait aucunement l'intention de vendre l'objet au plus offrant.

Elle y tenait parce que la pierre avait la même couleur bleu ciel que le topaze.

Et tout ce qui touchait au topaze la rapprochait un peu plus de son histoire, aussi pitoyable soit-elle.

La vie pouvait parfois avoir un sens de l'humour particulier, surtout envers les Neutres. Si un loup-garou et un Neutre avaient un enfant, ce dernier pouvait avoir de la chance et hériter en majorité des gènes de lycanthrope. Dès les premiers mois de la vie du nourrisson, on remarquait facilement si ses gènes loups-garous étaient assez puissants pour "s'activer" : s'il hurlait sans relâche lors des nuits de pleine lune, on pouvait être certain que l'enfant était un loup-garou à part entière et non un simple Neutre.

En revanche, s'il ne se réveillait pas une seule fois lors des pleines lunes ou s'il se contentait de gémir quelques pleurs habituels pour un bébé, alors ses gènes de loup-garou n'étaient pas assez forts et ne s'activeraient jamais. L'enfant était un Neutre, voilà tout.

Lorsqu'elle était toute petite, Lyssandra avait toujours dormi en continu pendant les nuits où la lune formait un parfait disque lumineux. Apparemment, elle était même moins agitée lors de ces nuits qu'au cours des autres, mais peut-être n'était-ce qu'une invention de Dame Miranda pour la frustrer davantage. Mais Lyssandra était certaine qu'elle lui avait dit la plupart de la vérité car à dix ans, âge auquel les loups-garous vivaient leur première mutation, elle avait espéré à chaque pleine lune de sentir tous ses os se briser pour enfin devenir une menace pour Dame Miranda, en vain.

De son histoire, elle ne savait que les choses que les trois vampires avaient bien voulu lui raconter. Cela se résumait au fait que sa mère était une Neutre que possédait Dame Miranda et qui avait été se faire engrosser par un Loup du Topaze de passage au village voisin. La pauvre femme était morte d'une forte fièvre qui avait suivi son accouchement et Alisée avait soi-disant fait tout son possible pour retrouver le loup-garou, sans succès, n'ayant même aucune idée de son nom. Dame Miranda avait finalement décidé de garder le bébé pour en faire sa future poche de sang, après en avoir goûté une toute petite goutte et l'avoir trouvé "extraordinairement succulent".

Et voilà. Lyssandra était une Neutre insignifiante, c'était tout ce qu'il fallait en retenir.

Elle ne serait jamais une Louve du Topaze mais pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de vénérer ce collier de pacotille.

Quittant sa chambre, elle alluma une bougie avant de s'engager dans le corridor. Durant la journée, les volets de tout le manoir étaient fermés pour éviter que la lumière du jour ne brûle les vampires si elles quittaient leurs appartements. Lyssandra avait maintes fois été tentée d'en ouvrir un dans la chambre de Dame Miranda mais nul doute qu'avec sa vitesse surnaturelle, la créature aux dents pointues aurait vite fait d'esquiver les rayons du soleil et d'abattre sa plus cruelle vengeance sur la Neutre.

Lyssandra descendit les escaliers et constata que son dur labeur de la veille avait porté ses fruits : le sol du vestibule était impeccable. Elle se rendit dans la cuisine et se servit son petit-déjeuner : un verre de lait et deux morceaux de pain de l'avant-veille qu'elle recouvrit de miel. C'était le repas le plus luxueux de sa journée. Le midi, elle se cuisinait rapidement un maigre plat en s'adaptant à la modeste somme que lui laissaient les vampires pour faire ses commissions et le soir, elle finissait ses propres restes.

S'attablant à la vieille table en bois brut de la cuisine, Lyssandra dégusta son pain au miel en écoutant le silence qui régnait sur le manoir. Elle ne faisait pas souvent attention à cette oppressante absence de bruit qui pesait sur les lieux pendant la journée. Si certains seraient probablement devenus fous au milieu de ce calme permanent, elle avait appris à l'apprécier.

Quand elle était plus jeune et que les vampires étaient endormies comme maintenant, elle aimait s'imaginer que cette demeure lui appartenait, qu'elle en était la maîtresse et qu'elle devait se préparer pour recevoir ses amies pour le thé. À voix basse, elle parlait aux bibelots comme s'ils étaient ses convives et leur présentait des petites tasses décorées accompagnées de leur soucoupe. Elle avait vite cessé de trouver ce petit jeu amusant lorsque Dame Miranda l'avait surprise à casser une tasse et l'avait punie en lui prenant une dose de sang double à celle qu'elle buvait habituellement.

Une fois son petit-déjeuner terminé, elle fit sa vaisselle et s'apprêtait à sortir pour étendre les robes qu'elle avait lavées la veille quand elle entendit quelqu'un descendre les escaliers. Quelques secondes plus tard apparut Kristal, vêtue d'une longue robe de chambre en satin rose pâle, une bougie à la main.

— Où comptes-tu aller ? s'enquit-elle de son petit air inquisiteur, en fixant la main de Lyssandra posée sur la poignée de la porte de la cuisine menant à l'arrière-cour.

— J'ai du linge à étendre et il faut que j'aille nourrir les animaux, répondit Lyssandra. Pourquoi ? Si tu comptes venir m'aider c'est avec plaisir, mais je ne suis pas sûre que ta peau apprécie le soleil...

La Neutre se permettait plus d'insolence avec Kristal et Alisée, bien que techniquement, toutes les deux étaient aussi redoutables que Dame Miranda.

— J'apprécie toujours autant ton humour, ironisa la fillette en levant les yeux au ciel. Je n'ai que faire de tes activités avec les gallinacés. Je n'arrive pas à dormir alors j'ai commencé à coudre ma nouvelle robe avec le fil que tu as ramené hier et finalement, je crois qu'il en faudrait du plus épais... Ça fait trois fois que je le casse.

Lyssandra aurait vraiment aimé que ses problèmes soient les mêmes que ceux de Kristal...

— Tu as essayé de le doubler ? s'hasarda-t-elle, désireuse de s'épargner un aller-retour au village dans l'après-midi.

— À ton avis ? Je ne suis pas idiote ! s'agaça Kristal en fronçant les sourcils. Et je ne tire pas trop fort non plus. Il me faut du fil plus épais, un point c'est tout. Je ne te demande pas d'y aller aujourd'hui, mais demain serait idéal.

À l'entendre, on aurait dit qu'elle lui accordait une faveur immense que de retarder son périple d'un jour...

— Dame Miranda, Alisée et toi ne sortirez pas la nuit prochaine ? persista la Neutre.

La vampire poussa un long soupir et s'appuya contre la table de la cuisine, faisant dangereusement vaciller la flamme du bougeoir qu'elle tenait nonchalamment du bout des doigts.

— Ce n'est pas ton problème, répliqua-t-elle. Sauf si tu tiens à voir cette chandelle de plus près, mais je ne suis pas sûre que ta peau apprécie le feu...

Lyssandra discerna son petit sourire maléfique dans l'obscurité et cessa de la provoquer. Elle lui aurait volontiers lancé que les vampires et les flammes ne faisaient pas bon ménage non plus, mais Kristal s'était déjà amusée à tester les effets du feu sur les Neutres avec elle, et Lyssandra n'avait guère envie qu'elle recommence l'expérience...

— Tu iras donc demain me chercher du fil plus solide, conclut Kristal. Tu peux désormais vaquer à tes activités, je t'en prie. Salue les poules de ma part, ajouta-t-elle en s'éclipsant.

Lyssandra observa la lueur de la bougie s'éloigner et retint son envie d'ouvrir la porte en grand pour que les rayons du soleil brûlent la vampire. On aurait alors vu qui jouait le mieux avec le feu, mais la Neutre était bien obligée d'avouer que Kristal était la plus forte... ses avant-bras s'en souvenaient.

Le jour des treize ans de Lyssandra, la vampire aux cheveux roux avait absolument tout fait de sorte que cet anniversaire soit le pire de sa vie, bien qu'elle n'en ait jamais eu d'extraordinaire. Lyssandra avait eu le malheur d'oublier d'arroser la plante favorite de Kristal — sa passion pour la couture étant à l'époque remplacée par le jardinage — et pour se venger, la vampire avait appuyé la flamme d'une bougie contre son poignet.

Lyssandra avait mis du temps à comprendre que la plante fanée n'avait été pour Kristal qu'un prétexte pour gâcher son treizième anniversaire. En réalité, elle avait voulu lui faire payer cet âge qu'elle n'aurait jamais, coincée dans le corps d'une gamine de douze ans. Dans une certaine mesure, Lyssandra comprenait la peine de Kristal et sa volonté de lui ruiner cet anniversaire. Cependant, elle regrettait simplement de toujours redouter ce jour de l'année, même si elle avait eu bien d'autres occasions de souffrir.

Cessant de ressasser ce sombre passage de sa vie, elle massa machinalement l'endroit près de son bracelet d'identification où Kristal avait appliqué sa bougie et sortit enfin dehors étendre ses robes.

Les bracelets d'identification permettaient de différencier les trois espèces. Par un mécanisme qui dépassait Lyssandra, ils détectaient les battements du coeur des individus et prenaient la couleur correspondant à leur race : noir pour les vampires, rouge pour les loups-garous et blanc pour les Neutres. Ils étaient larges de deux bons centimètres pour être bien visibles, de manière à ce que chacun sache à qui il avait à faire.

Enfin... Plutôt pour que les vampires sachent s'ils pouvaient planter leurs canines dans la chair de leur interlocuteur sans risquer de représailles.

Car de là découlait le fin fond du problème : Lyssandra n'était certainement pas la seule Neutre à s'apitoyer sur son sort. Certains en connaissaient peut-être un bien pire et personne ne faisait rien pour arrêter cela. Les loups-garous se contentaient la plupart du temps de faire semblant de ne rien voir et préféraient éviter les altercations avec les vampires de peur de déclencher une nouvelle guerre, comme il y en avait tant eu entre les deux peuples.

Quoi qu'il en soit, Lyssandra avait compris depuis longtemps qu'elle ne pouvait attendre aucune aide extérieure.

Elle seule trouverait un jour le moyen d'échapper à son destin.

Note de l'auteure :

Merci beaucoup à tous pour vos premiers votes et commentaires ! Cela m'encourage vraiment pour la suite, surtout que je n'étais pas vraiment sûre de moi après avoir fini Isaluna, je ne savais pas si je saurais reconstruire un nouvel univers et de nouveaux personnages... 😅❤️

Bisous et à bientôt ! 😘

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