Chapitre 37

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

Lyssandra resta hébétée quelques secondes, avant de doucement retrouver le contrôle de ses pensées. Dame Miranda s'était éloignée d'elle et se tenait debout, près de la trappe dans le plancher. La Neutre baissa les yeux vers le sol et revit l'image de sa mère, sanglotant à ce même endroit. Toute sa vie, elle s'était demandé à quoi pouvaient bien ressembler ses parents. Jamais elle n'aurait songé qu'elle obtiendrait ses réponses de cette manière, plongée dans les souvenirs de la vieille vampire.

Des souvenirs où elle ne pensait même pas que son père apparaissait.

— Alors... Alors c'est vrai, murmura-t-elle en relevant les yeux vers Dame Miranda. Vous avez tué ma mère. Vous... Vous l'avez bel et bien enfermée ici, puis... Vous l'avez laissée mourir.

Au fur et à mesure qu'elle prononçait ces paroles, elle se rendait compte de la vérité qu'elles cachaient. Jamais elle n'avait eu une haute estime de Dame Miranda, loin de là, mais au moins, elle croyait qu'elle était innocente dans la mort de sa mère. Alors qu'elle pensait ne pas pouvoir la haïr davantage, elle se surprit à ressentir une rage dévastatrice, comme elle n'en avait jamais éprouvée. Peu habituée à ce sentiment, elle avait l'impression qu'il noircissait le sang qui coulait dans ses veines, l'encourageant à nourrir des pensées extrêmement sombres.

Comme la certitude qu'elle allait tuer Dame Miranda.

— Oh ne prend pas cet air si sauvage, répondit la vampire avec un petit sourire. Je n'ai pas tué Rosaley. Quoiqu'en disait James, elle était déjà condamnée. Elle n'aurait pas vécu dix ans à tes côtés, crois-moi. Elle a à peine tenu un mois dans ce grenier.

L'entendre badiner ainsi était insupportable. Lyssandra trouva la force de se lever de son cadavre de chaise, tâchant d'ignorer l'atroce douleur dans son pied. Elle fit un pas hésitant, mais ne flancha pas.

— Vous disiez que ma mère était la méchante de votre histoire, commença-t-elle d'une voix tremblante. Sauf qu'hormis le fait d'être plus intéressante que vous aux yeux de mon père, je ne vois pas quel tort elle vous a causé.

Dame Miranda se retrouva face à elle en moins d'une seconde, et lui asséna une gifle tranchante. Lyssandra perdit l'équilibre et tomba au sol, réveillant au passage sa douleur au poignet. Elle posa sa main sur sa joue et constata que du sang s'en écoulait. Maudites griffes de rapace. Elle releva la tête vers la vampire et résista à l'envie de s'essuyer sur sa jupe.

— Tu ne vois pas quel tort elle m'a causé, vraiment ? cracha Dame Miranda en la toisant comme un misérable insecte qu'elle serait prête à écraser. Ja... James m'aimait, affirma-t-elle en butant toutefois sur le prénom. Et sous prétexte que je me montrais "distante", il m'a aussitôt remplacée par ta garce de mère, qui a sauté sur l'occasion de séduire un riche loup-garou. Elle ne l'aimait que pour son statut de frère d'alpha.

— Arrêtez un peu de mentir, s'agaça la Neutre en lui jetant un regard noir. Vous êtes aveuglée par la haine que vous portez à Rosaley. Vous n'êtes même pas capable de comprendre que le problème ne venait pas d'elle...

— Et de qui venait-il à ton avis ? l'interrompit-elle. De moi ? De James ? Il a simplement été victime de ta manipulatrice de mère. Je ne peux pas lui en vouloir.

Malgré tous les sentiments accablants qu'elle ressentait, Lyssandra éclata de rire.

— Vous rejetez la faute sur la personne qui vous arrange. Il vous est plus facile de détester Rosaley que James, alors c'est ce que vous faites. Je suis même certaine que vous n'en voulez même pas à Theodore pour vous avoir trahie. Vous vous dites simplement que c'est la faute du roi des vampires et de ses stupides caprices.

La jeune fille avait en réalité émis cette dernière supposition sans en être complètement persuadée, mais l'expression blessée de Dame Miranda lui confirma qu'elle avait vu juste.

— Je savais que tu ne comprendrais pas. Après tout, comment pourrais-tu savoir ce qu'implique l'amour ? Tu n'as jamais aimé personne et personne ne t'a jamais aimé, hormis peut-être ta mère, pendant moins d'un mois...

— C'est faux, répliqua Lyssandra sans réfléchir. Je... J'ai déjà aimé quelqu'un. Enfin, je crois...

Elle se trouvait elle-même stupide d'être aussi troublée, et de s'être ainsi dévoilée à cette femme qu'elle haïssait. Ses sentiments ne la concernaient en rien.

— Ne me dis pas que tu parles de ton louveteau de prince ? se moqua la vampire en portant la main à son coeur. Il t'accorde peut-être de l'attention maintenant, mais crois-moi, il aurait un jour finit par se lasser de toi. D'ailleurs, qu'avais-tu prévu de faire si ta mutation avait fonctionné ? Tu crois que tu aurais vécu heureuse jusqu'à la fin des temps dans le palais de ton cher Julian, à te faire entretenir par des domestiques sans lever le petit doigt ? Sauf que je suis désolée de casser tes espoirs, mais cela n'aurait duré qu'un temps. Il t'aurait finalement mise dehors et tu te serais retrouvée au point de départ, c'est-à-dire sans rien du tout.

Pour être tout à fait honnête, la Neutre n'avait jamais songé à ce qu'elle aurait fait après la Nuit des Bagues. Instantanément, l'image de Julian lui vint en tête. Une part d'elle avait bêtement espéré qu'il fasse partie de son avenir, sans qu'elle ne sache exactement quel rôle il aurait tenu. Incapable de rétorquer quoi que ce soit, Lyssandra préféra changer de sujet :

— Si vous teniez tant que ça à ce que ma mère meurt, pourquoi ne l'avez-vous pas empoisonnée juste après ma naissance ? Vous auriez pu vous en débarrasser sans trop de complications, en laissant croire à Kristal et Alisée que c'était à cause de sa fièvre, mais vous avez préféré la laisser mourir ici. Et tant que j'y pense, comment cela se fait-il que vos prétendues filles ne se soient rendu compte de rien ?

— Il se trouve que je rencontre avec toi le même problème que celui auquel j'ai dû faire face avec Rosaley dix-huit ans plus tôt...

La jeune fille chercha un instant à comprendre ce qu'elle voulait dire, en vain.

— Si je te tuais maintenant, je ne saurais pas quoi faire de ton corps, déclara Dame Miranda avec un naturel déconcertant. Ton prince chéri a ordonné à des gardes de surveiller tous mes déplacements et je pourrais difficilement traîner ton cadavre dans la forêt sans éveiller les soupçons. Et je n'ai pas non plus envie que tu commences à moisir dans ce grenier, l'odeur serait intenable.

Lyssandra n'était même plus surprise par l'horreur de ces propos. Au moins n'allait-elle normalement pas mourir tant que Julian pourrait laisser des gardes autour du manoir.

— Quant à ta mère, j'avais d'abord prévu de l'empoisonner en lui faisant boire du thé. Puis j'ai appris la mort de James, et je me suis dit qu'il serait dommage de rater l'occasion de lui apprendre la nouvelle... Je l'ai donc endormie pour pouvoir l'emmener jusqu'ici. J'ai ensuite songé qu'il me serait plus satisfaisant de la laisser mourir lentement, plutôt que d'abréger trop vite ses souffrances. À sa mort, j'ai dû attendre que Kristal et Alisée s'absentent une nuit du manoir afin d'aller l'enterrer.

Le pire dans tout cela, c'était que Dame Miranda parlait le plus naturellement du monde, comme si elle n'était pas en train d'évoquer la séquestration et le meurtre de quelqu'un. Glacée jusqu'aux os, la Neutre n'était même pas capable d'articuler un seul mot.

— Si tu te demandes comment Kristal et Alisée ont fait pour ne pas remarquer la présence de Rosaley dans ce charmant petit endroit, sache que quasiment aucun son ne s'en échappe. Tu auras beau crier, frapper contre les murs ou taper des pieds, personne ne t'entendra. De toute façon, c'est ma chambre qui se trouve dessous. Par précaution, j'ai même fait recouvrir ce hublot, il y a quelques années. Les deux sottes n'en ont même pas fait cas...

Un éclair de lucidité se fit alors dans l'esprit tourmenté de Lyssandra : elle se souvint de la trappe cachée derrière un miroir, dans la chambre de la vampire. Elle devait sûrement donner accès à un escalier qui menait jusqu'ici. Elle se maudit de toutes les insultes possibles en se rappelant qu'elle n'avait pas parlé de cette cachette à Julian. Y avait-il une chance pour qu'il la découvre ? Sûrement pas. Dame Miranda doit avoir tout prévu pour protéger ce miroir.

Si cela ne te dérange pas, je vais désormais te laisser, conclut-elle en repartant vers la trappe d'un pas nonchalant. Je reviendrai chaque nuit t'apporter de quoi survivre, je ne voudrais pas que tu te dessèches ici...

Lyssandra aurait voulu trouver quelque chose à lui rétorquer, mais elle était si étouffée par toutes ces révélations qu'elle se contenta d'un regard noir.

— Vois les choses du bon côté, déclara la vampire en soulevant la trappe à l'aide de sa force surnaturelle, cet endroit n'est pas si terrible. Tu as même une baignoire, même s'il faut attendre qu'il pleuve pour qu'elle se remplisse...

La Neutre tenta de se relever pour atteindre le battant juste avant qu'il ne se referme, mais il lui était impossible de tenir sur ses pieds, sans compter que sa tête lui tournait. Une fois seule dans cet endroit silencieux, elle resta un long moment étendue sur le sol, à demi-consciente.

Savoir que sa mère était morte en ce même endroit lui donnait encore plus envie de fuir loin d'ici. Elle se repassait en tête tous les souvenirs que lui avait montré Dame Miranda. En réalité, elle comprenait la tristesse qu'elle avait dû ressentir après avoir été abandonnée par Theodore, puis par James. Mais lorsqu'on y pensait, ces deux histoires étaient vouées à l'échec depuis le début. Theodore n'avait jamais dû réellement l'aimer, tandis que James n'était de toute façon pas immortel. Il aurait forcément quitté la vampire d'une manière ou d'une autre. Rien de tout cela n'expliquait une telle cruauté. Elle ne devait certainement pas être la seule vampire à avoir eu le coeur brisé. En plus de deux siècles d'existence, c'était presque inévitable.

La chose que Lyssandra parvenait le moins à comprendre, c'était comment son père avait pu tomber amoureux de cette femme si méchante. Elle avait beau ne pas le connaître, elle se faisait une vague idée de lui grâce à ce que Marienna et Hilda avaient raconté à son sujet. Dans les visions de Dame Miranda, il avait aussi l'air doux et gentil, et même la vampire l'avait qualifié ainsi. Qu'est-ce qui avait bien pu le pousser à aller vers elle ? D'autant plus que physiquement, elle était au moins âgée de dix années de plus que lui...

Sans le vouloir, la jeune fille s'endormit, loin d'avoir encore récupéré de ses mésaventures lors de la Nuit des Bagues. Elle aurait pu s'attendre à rencontrer dans ses cauchemars sa mère vêtue de sa robe ensanglantée, mais elle ne se souvint pas du moindre de ses rêves. Elle reprit connaissance quelques heures après, sans se sentir réellement reposée. De là où elle se trouvait, elle pouvait voir de minces rayons de soleil s'échapper des interstices entre les tuiles, derrière le hublot. Il faisait donc jour.

Se souvenant brusquement que Julian allait peut-être revenir, ou se trouvait en ce moment même au manoir, elle se redressa, mais le tournis lui vint aussitôt. Elle se rendit également compte qu'elle avait horriblement soif, et même faim. Elle chercha du regard la moindre victuaille, mais il n'y avait même pas un broc rempli d'eau.

Songeant qu'elle pourrait peut-être étudier le mécanisme de la baignoire, elle tenta de se traîner jusqu'à l'endroit où elle se trouvait. Elle prit malencontreusement appui sur son pied blessé, mais elle fut surprise de ne pas ressentir une douleur si terrible que prévue. En revanche, son poignet devait sans conteste être cassé.

Une fois près de la baignoire en cuivre, Lyssandra essaya de se lever pour étudier le tuyau métallique qui s'échappait du toit. Elle trafiqua un bon moment l'embout, avant de comprendre qu'il suffisait de retirer une espèce de capuchon. De l'eau jaillit subitement du tuyau, éclaboussant la jeune fille au passage. Elle eut un mouvement de recul, avant de se pencher vers la baignoire pour observer l'aspect de l'eau qui s'écoulait. Cela devait faire des années qu'elle stagnait dans ce pauvre conduit, car elle avait un aspect verdâtre peu engageant et dégageait une odeur nauséabonde.

Ce qui étonna la Neutre, c'était qu'un petit trou dans le bac permettait à l'eau de s'évacuer, disparaissant elle ne savait où. Habituée à devoir remplir et vider sa baignoire avec un seau chaque fois qu'elle s'en servait, ce mécanisme lui était complètement étranger. Elle songea que c'était sûrement une innovation de la Terre des Vampires — qui était en général en avance sur celle des loups — mais elle ne saisissait pas pourquoi Dame Miranda l'avait uniquement faite installer pour cette baignoire qui ne servait jamais. À croire qu'elle a conçu cette pièce spécialement pour y enfermer des gens.

Comprenant qu'elle devrait attendre la pluie avant de pouvoir boire ou se laver, Lyssandra se rassit par terre, appuyant son dos contre le mur. Elle tenta de faire bouger son poignet, ce qui lui arracha aussitôt un petit cri de douleur. Il aurait certainement fallu qu'elle tente de le remettre en place d'une manière ou d'une autre, mais elle n'avait pas réellement envie de s'infliger une nouvelle souffrance. Sans compter qu'elle ignorait absolument comment s'y prendre.

Son regard dévia vers ses doigts, et elle s'aperçut qu'elle portait toujours ses deux bagues serties d'une topaze. Il était étrange que Dame Miranda ne les ait pas prises. Ce n'est pas étonnant, puisque de toute façon, tu ne t'es pas transformée en louve. La vampire ne risquait rien en les lui laissant.

Le souvenir de sa mutation ratée lui serra de nouveau le coeur. Elle était encore bien trop fatiguée pour détenir toutes ses capacités de réflexion, mais elle cherchait tout de même à comprendre pourquoi elle ne s'était pas transformée. Elle avait à présent la certitude que son père était un Loup du Topaze, et la jeune fille portait bien ses deux bagues lors de la pleine lune.

Peut-être comprendrait-elle plus tard d'où venait le problème, mais pour le moment, elle était totalement dépassée par sa situation.

Elle tourna légèrement une de ses jambes pour évaluer l'état de son pied, s'attendant au pire. Il n'aurait pas été étonnant que ses plaies se soient infectées, après être restées ainsi sans avoir été soignées.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle découvrit qu'il ne restait que de minces cicatrices, quasiment invisibles au milieu des traces de sang séché. Éberluée, Lyssandra approcha doucement ses doigts de sa peau autrefois meurtrie. Cela lui faisait toujours légèrement mal, mais ce n'était rien en comparaison de la douleur qu'elle avait imaginé ressentir. Même si elle ne parvenait pas à se l'expliquer, le fait était là : ses blessures avaient cicatrisé.

Et beaucoup plus vite qu'elles ne l'auraient dû.

Note de l'auteure :

Bon, j'avoue qu'en ce moment, les chapitres ne respirent pas vraiment la joie de vivre, désolée... XD La question c'est est-ce que ça va s'arranger ? 😅

Je voulais juste vous prévenir qu'il ne reste normalement que six chapitres, j'en ai déjà rajouté deux de plus que prévu, mais malheureusement (ou heureusement, comme vous voulez) la fin approche... ^^

Encore merci à vous de toujours être là, si vous êtes arrivés jusqu'ici, c'est que vous avez survécu à 37 chapitres, donc MERCI ! ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro