Chapitre 1

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Le Soleil à peine levé éclairait faiblement les rues désertes tandis que les réverbères s'éteignaient un à un sur la route du jeune homme. Une malencontreuse insomnie avait mené Nathan à se lever bien plus tôt qu'à son habitude et à prendre la route aussitôt. Il marchait d'un pas rapide, souriant, il peinait à cacher son excitation. Les cours terminés, il allait passer son été à travailler dans une librairie. Un rêve pour le jeune écrivain qui pourrait lire et écrire toute la journée.

Nathan arrivait vers la petite boutique lorsque ses yeux rencontrèrent son reflet dans la vitrine éteinte d'un magasin. Dans l'empressement, il n'avait pas vraiment fait très attention à son apparence. Si bien que ses cheveux d'un brun sombre étaient restés dans le même état que lorsqu'il s'était levé. Le jeune homme s'arrêta donc quelques instants pour tenter de faire quelque chose avant de reprendre son chemin.

Il ne pouvait être plus heureux qu'avec les clés de la librairie en main. Il passait tant de temps là-bas que la propriétaire lui faisait confiance aveuglément. Les yeux bleus de Nathan scintillèrent d'émerveillement face à tous les livres qu'il avait désormais à sa disposition. Il était même payé pour rester dans ce paradis. Sa montre lui indiquait qu'il lui restait deux heures avant l'ouverture officielle. Nathan s'assit donc à une table et sortit son éternel carnet, ainsi qu'un stylo qui semblait avoir autant souffert que les coins écornés du petit livre. Le silence aurait pu être pesant pour quelqu'un de peu habitué, mais le jeune homme passait le plus clair de son temps seul, le regard rêveur. Il n'avait pas de vrais amis, ceux-ci l'oubliaient souvent, ne prenaient pas le temps de venir aux nouvelles, alors il restait seul. Nathan ne pouvait pas dire qu'il aimait ça, il avait même peur de se retrouver oublié, mais il n'avait pas le choix, il n'avait aucun contrôle sur les autres et la solitude semblait le pourchasser partout, tout le temps.

Alors il écrivait. Ses peines et ses joies. Ses échecs et ses réussites. Ses larmes et ses rires. C'était son moyen de s'exprimer, de se détendre, d'oublier. Il noircissait d'encre les pages de son carnet et laissait les mots absorber ses émotions pour les restituer à la lecture. Nathan ne laissait personne s'approcher de ce carnet-là. Il laissait volontiers quiconque voulait lire ses débuts de roman, ses histoires d'un monde où la solitude n'était plus, mais ses pensées les plus sombres, il les gardait enfermées. Le jeune homme était le seul à les connaître, jamais il ne pourrait laisser quelqu'un lire à travers lui comme en un livre ouvert. Il était trop secret pour cela.

Ce jour-ci était pour lui une journée qui s'annonçait bien, Nathan souhaitait donc se débarrasser de tout ce qu'il avait enduré la veille. Il avait croisé ceux qu'il appelait ses amis, après de longues semaines de silence radio, et sans même le saluer, prendre de ses nouvelles ou lui demander s'il allait bien, puisque lui non plus n'avait pas donné signe de vie, ils lui avaient lancé une phrase qui tournait en boucle dans la tête du jeune homme : « Ah bah finalement t'es en vie ». Il n'avait pas su comment prendre cela, le brun s'était simplement excusé de n'avoir envoyé aucun message, menti en leur disant qu'il avait été très occupé puis s'était éclipsé en prétextant un impératif. Seulement il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il l'avait cherché, même s'il savait que ce n'était pas sa faute et qu'il était simplement mal entouré.

16 Juillet 20xx - Les mots

L'on parle sans réfléchir. Les mots sortent, un à un, faisant sens au fur et à mesure qu'ils s'enchaînent. Les mots font des choses que le matériel et les actes ne peuvent. Ils sont si puissants et pourtant si mal utilisés.

Personne ne fonctionne de la même façon, personne n'a la même perception des mots. Une seule phrase peut faire le bonheur de l'un et le malheur de l'autre. Les mots blessent et soignent, ils n'ont cesse de construire une multitude d'émotions. Mais ils sont des couteaux que l'on aiguise et lance au centre de la cible sans s'en rendre compte. L'on utilise les mots aveuglément, absorbés par notre propre perception, sans jamais penser à l'impact qu'ils vont avoir. Employer un synonyme, changer l'ordre des mots, une simple distraction et la phrase rebondit tels des ricochets.

Les mots font mal. Ils se glissent dans les blessures et les doutes à peine refermés et oubliés. Ils tournent encore et encore jusqu'à épuisement, ils créent des questions et des peurs. Il suffirait simplement de se rendre compte de leur pouvoir pour éviter que les mots en alignent d'autres, plus sombres et tenaces.

Il suffit de mots pour changer l'histoire.

Nathan posa son stylo et contempla la page. Une de plus. Il ne lui restait désormais que six pages sur cent. Le jeune homme se leva, s'approcha de l'une des nombreuses étagères de la boutique, referma délicatement ses doigts sur un livre au hasard et partit s'asseoir dans l'un des nombreux fauteuils gris installés autour de grandes tables rondes en bois.

.•.

Il était tout juste treize heures, Nathan était plongé dans sa lecture, le même cookie dans sa main depuis presque une demi-heure. Les quelques clients marchaient silencieusement dans la librairie, faisant seulement craquer le parquet sous leurs pieds et laissant les pages des livres qu'ils feuilletaient emplir le silence de leur doux son. C'est alors que deux adolescents de l'âge de Nathan poussèrent la porte de la boutique. La jeune femme qui menait la marche regardait de ses grands yeux marron les centaines de livres, émerveillée, tout en repoussant plusieurs fois d'affilée ses longs cheveux roux vers l'arrière. Derrière elle traînait un garçon, le regard plongé dans l'écran de son téléphone. Ses cheveux châtains étaient plutôt ordonnés mais l'une des mèches semblait plus longue que les autres et tombait vaguement sur son front, lui donnant un air quelque peu amical.

Nathan leur offrit le même sourire qu'à tous les clients et les salua tout en leur demandant s'ils avaient besoin de renseignements. La jeune femme lui répondit simplement qu'elle était une cliente régulière et qu'elle venait juste lire quelques heures. Elle disparut alors dans les rayons sans même laisser le temps au brun de répondre.

Pendant cette interaction, le jeune homme qui accompagnait la rousse avait levé ses yeux marron de son téléphone et s'était approché du comptoir sans même que Nathan ne s'en aperçoive.

— C'est un cookie ? demanda-t-il en désignant du regard le gâteau toujours intact.

Son interlocuteur le regarda avec de grands yeux ronds. Pourquoi venait-il lui demander cela ? N'avait-il pas autre chose à faire ?

— Oui, répondit Nathan, déstabilisé, pourquoi ?

— Oh non, juste comme ça, je passe simplement le temps. J'ai quelques heures à tuer alors c'est toujours bon de gagner quelques minutes.

Le brun était toujours sonné. Il était dans une librairie, comment pouvait-il se plaindre de n'avoir rien à faire ?

— Mais, enfin, il y a des tas de livres ici.

— Je sais, mais c'est ma cousine la lectrice folle, moi je suis juste ici parce que je n'ai pas le choix.

— Tu veux dire que tu ne lis pas ? le questionna Nathan qui s'était légèrement avancé, le timbre de sa voix un peu plus élevé.

— Non, je ne m'y suis jamais intéressé.

Nathan le regarda fixement. Il savait quoi faire.

— Et si je pouvais te faire aimer ça ?

Le jeune homme se mit à rire.

— J'aimerais bien voir ça.

L'écrivain sauta alors de sa chaise et se mit à parcourir les ouvrages. Il choisit ceux qu'il savait prenants, même pour des lecteurs du dimanche. Il apporta tous les livres au jeune homme et lança une simple phrase :

— Choisis juste celui qui t'inspire le plus et lis-le.

Nathan tourna alors les talons et retourna à son livre et son cookie.

.•.

Les heures passaient et le brun était désormais sûr et certain qu'il avait réussi son pari. Il avait observé le jeune homme à certains moments et il semblait plongé dans sa lecture. Il l'était tant qu'il avait même dit à sa cousine de partir et qu'il la rejoindrait plus tard. Nathan, lui, prenait plaisir à observer ses réactions, il connaissait le livre par cœur et savait exactement à quel passage il se trouvait simplement à l'expression de son visage.

Le soleil se coucha finalement et Nathan fût obligé de déranger son dernier client puisqu'il était l'heure pour lui de fermer la librairie. Il s'assit sur le fauteuil à côté et lui adressa la parole d'un ton doux pour ne pas le sortir trop brutalement de sa lecture.

— Il faut croire que j'avais raison.

Les yeux marron du jeune homme rencontrèrent alors ceux bleus de Nathan. Il sourit et répondit :

— Effectivement, tu es doué pour ça.

Il s'arrêta quelques instants avant de reprendre :

— Au fait, je m'appelle Emile.

— Et moi Nathan.

— Et bien c'était un plaisir de te rencontrer, Nathan. C'est ouvert demain ?

— Oui, à neuf heures, mais je suis plutôt matinal alors d'ici à ce que j'arrive avant huit heures...

Les deux garçons échangèrent quelques banalités tandis que Nathan fermait la boutique puis leurs chemins se séparèrent. L'écrivain rentra chez lui avec un sourire plaqué sur le visage, il avait passé une excellente journée.

.•.

Il était huit heures et demie lorsque Nathan entendit toquer à la vitre de la librairie. Il s'approcha lentement de celle-ci, peu rassuré, seulement pour apercevoir le visage souriant d'Emile tenter de trouver quelque chose alors même que la boutique était plongée dans le noir. Le jeune homme lui ouvrit la porte pour le laisser entrer, surpris de le voir.

— Bonjour ! Comment vas-tu ? commença Emile qui semblait en pleine forme malgré l'heure matinale et la pluie battante sous laquelle il était quelques secondes auparavant.

— Bien, répondit vaguement Nathan, mais qu'est-ce que tu fais là ? Il est super tôt.

— Oh, ça. Tu avais l'air sympa et tu as réussi à me faire lire un livre entier en un après-midi, alors même que je ne suis pas du genre à faire ça. Donc je me suis dit que j'allais venir te tenir compagnie.

— Tu sais, ce n'était rien hier, j'ai juste fait mon travail. Et puis j'ai l'habitude d'être seul, alors ça ne me dérange pas plus que ça.

Emile releva un sourcil, lui qui était si extraverti peinait à comprendre les personnes qui supportaient la solitude. Mais les propos de Nathan lui firent une tout autre impression, surtout que celui-ci lui parlait tout en vaquant à ses occupations :

— J'ai l'impression de déranger, je me trompe ?

— Quoi ? Non pas du tout ! s'exclama Nathan, désemparé, c'est juste que... je suis plus doué pour poser mes mots sur le papier, désolé si je t'ai donné cette impression-là, parce que ce n'est pas du tout le cas.

— Ravi de le savoir alors. Mais... tu écris ? J'ai toujours trouvé qu'être écrivain ça avait une classe folle. C'est peut-être aussi parce que mes profs me reprennent tout le temps sur mes choix de mots douteux.

— Oui, répondit le brun tout en riant, si tu veux j'ai le début du roman sur lequel je travaille avec moi. Bon ce n'est vraiment pas incroyable mais c'est juste le premier jet, et puis l'intrigue n'est pas d'un grand niveau non plus il faut que je la renforce et aussi...

— Et si tu me montrais au lieu de me donner la liste de ce que tu comptes améliorer ? le coupa Emile.

— Oui, je vais faire ça.

Nathan attrapa son sac et sortit un carnet blanc avec des reliures dorées, c'était le plus beau qu'il avait. Mais en l'extrayant il avait fait tomber le petit carnet gris sale aux coins abîmés et aux pages légèrement jaunies. Emile se pencha pour le ramasser mais le jeune homme fut plus rapide que lui et en profita pour lui glisser le livre blanc dans les mains. Face au regard déstabilisé de son interlocuteur il ajouta simplement :

— Pas celui-là.

Emile ne chercha pas plus loin et alla s'installer dans un fauteuil pour commencer sa lecture.

.•.

Il était un peu plus de midi lorsqu'il arriva enfin au bout du roman inachevé. Il se déplaça vers Nathan mais avant que celui-ci n'ait le temps de lui demander de sortir pour qu'il puisse aller se chercher à manger, le jeune homme l'assomma de compliments et de questions. Il semblait si enthousiaste que cela redonna un peu de confiance à l'écrivain qui ne savait même plus s'il devait encore tenter de poursuivre ses rêves. Nathan se retrouva avec le sourire le plus lumineux qu'il n'ait jamais eu accroché aux lèvres et le remercia, tout en le poussant subtilement hors de la librairie. Emile ne s'en rendit compte que lorsque le brun lui souhaita un bon appétit.

— Hey ! Nathan ! s'exclama-t-il en le rattrapant, ça te dirais qu'on mange ensemble ? Comme ça on pourrait discuter pour de vrai plutôt que d'avoir des conversations courtes qui finissent toujours par toi qui me balances un livre.

— Pourquoi pas, ça me changera.

Les deux garçons allèrent donc s'acheter de quoi se nourrir avant de s'installer dans un parc désert. La pluie battante du matin en avait découragé plus d'un, leur laissant l'étendue verte pour eux deux.

— Alors, commença Emile, tu habites ici ?

— Oui, enfin je veux dire ça semble logique, pas toi ?

— Non, je reste chez mon oncle et ma tante tout l'été, le reste de l'année je suis en internat. C'est assez fun, les profs ne m'aiment pas, ils ne peuvent rien faire de moi, même l'uniforme ils n'arrivent pas à me le faire porter correctement.

— Ça doit faire des années passionnantes alors, rit Nathan, mais... et tes parents ?

— Oh, euh..., hésita son interlocuteur, comment dire, c'est qu'en fait ils sont, bah... euh... morts ? Il y a... quasiment sept ans.

— Désolé ! Je ne voulais pas, vraiment désolé, je–

— Ne t'excuse pas, tu ne savais pas.

Emile marqua une pause, le temps de reprendre ses esprits avant de continuer :

— Et sinon, à part écrire, il y a des trucs que tu aimes faire ?

— Non, pas vraiment, maintenant que j'y pense je ne fais pas grand chose d'autre.

— Même sortir avec des amis ?

— Surtout ça, je ne suis pas la personne à laquelle tout le monde pense au moment de sortir. Je suis même la personne à qui pas grand monde ne pense, je suis plutôt seul.

— Oh, et bien écoute je ne connais que ma cousine ici, alors on a qu'à être amis pour l'été, lança Emile en tendant sa main à Nathan qui la serra sans hésitation.

Ils continuèrent à discuter tout l'après-midi. Nathan apprit qu'Emile était un générateur de mauvaises idées, et qu'il était très contradictoire dans ce qu'il aimait, ses passions se composant de peluches, de films d'horreur et surtout de mode. D'autre part, Emile apprit que son nouvel ami était plutôt discret mais qu'il savait faire du bruit lorsqu'il était à l'aise et qu'il trouvait que le silence était le plus beau des sons.

Cela continua tout l'été. Les deux garçons se rapprochèrent énormément. Ils passaient leurs journées ensemble, et même lorsque Nathan ne travaillait pas ils se voyaient. Ils se pouvaient plus se lâcher. Et l'écrivain ne s'était jamais senti aussi bien. Pour la première fois depuis de très longues années, Nathan Reeves ne se sentait pas affreusement seul. Et il devait cela à ce jeune homme qui au départ avait simplement fait une remarque sur son cookie, Emile Nottington.

Seulement tout a un début et une fin et les deux amis durent se séparer à la fin du mois d'Août, en un jour où la chaleur était écrasante. Emile n'avait pas le droit d'être en possession d'un téléphone dans son école, les deux jeunes hommes ne pourraient donc pas communiquer pendant longtemps. Leurs au revoir n'en furent que plus déchirants.

Ce soir là, Nathan rouvrit son carnet abîmé. Il ne l'avait pas touché une seule fois durant l'été. Il n'en avait pas ressenti le besoin, il avait été parfaitement heureux chaque jour, sans exception. Seulement le départ d'Emile laissait chez lui un vide qu'il combla par les mots.

29 Août 20xx - J'existe

C'était comme si l'on me collait un sourire sur le visage, sans même que je ne sache pourquoi. Certaines personnes rayonnent, et juste par leur présence, elles comblent des vides, chassent l'ombre. Jamais je ne me suis senti aussi bien pendant autant de temps, simplement parce que j'avais enfin l'impression d'exister aux yeux de quelqu'un.

Seulement maintenant je suis de nouveau vide, cette chaleur et cette joie ne resteront pas accrochées longtemps à moi, mais leur souvenir suffit simplement à me donner la force dont j'ai besoin. Parce que je sais qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui est prêt à prendre de son temps pour me voir, seulement parce que c'est agréable.

Je peux sourire et vivre parce que j'ai le sentiment d'exister.

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