Chapitre 30

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

Pour la victoire !

Amélie

Après un sport intense dès le matin, pas le temps de niaiser. Remontés à bloc après une courte nuit de sommeil, les coachs ne nous ont pas épargnés jusqu'à ce qu'il soit l'heure du grand départ. Un bon petit déjeuné, un inventaire du matériel, et nous voilà aussitôt en route pour la course.

La légère brise chatouille mon oreille alors que j'effectue mes derniers réglages sur l'eau. Le lac est calme, sans une vague ni une rafale qui nous permettrait de faire décoller nos planches. Tout comme les coachs, les arbitres semblent près à affronter ces trois jours de compétitions, en plus de ce premier jour purement d'entraînement. S'il faut une régate de plusieurs jours pour se permettre d'organiser un entraînement collectif pré-compétition, je ne vais pas cracher dessus.

Lissandre passe près de moi avec son zodiac ridicule prêté par le club du coin, accompagné de Baptiste et Sacha ; la mère accompagnatrice a préféré rester à terre, jugeant plus important de nous faire un remontant pour notre retour. Plus concentrée que jamais, je me mets en position d'attente pour écouter leurs dernières instructions. Sacha appuie quelques phrases avec des commentaires assez pertinents qui devraient m'aider à m'adapter sur l'eau. Quant à Baptiste, il reste muet. Le pauvre a été assigné à la tâche des compotes, s'occupant de distribuer à chacun cette dose de sucre qui sera bien utile entre chaque manche. En temps normal, je me serai foutu de lui avec cette grosse veste de quart noire qui cache la moitié de son visage et ses Pom'Potes pleins les poches, mais l'heure n'est pas à la rigolade.

-    Ils ont prévu seulement deux manches, m'explique Lays en attachant ses longs cheveux en catogan. Grosse pétole en vue, mais rappelle-toi qu'on est sur un lac, ça ne serait pas étonnant qu'on passe de calme à tempête en dix minutes.

-    Tu as réglé tes palans de toute façon ? Me demande Sacha en levant ses lunettes de soleil sur son crâne.

Je les lui montre, les uns sur mon wishbone et l'autre sur mon mât en tirant une grimace. Le but de ces engins de la mort est d'adapter nos réglages sur l'eau pour optimiser notre navigation. Le seul problème c'est que je déteste les palans. En plus d'être des bouts bien brûlant quand ils nous glissent dans la main, c'est très dur d'arriver à tirer ou détendre le bout à la seule force de nos mains. En général, on utilise un étarqueur mais sur l'eau, impossible de se poser tranquillement pour refaire ses réglages et repartir. Alors en quelques semaines, j'ai dû m'habituer à solliciter ces outils qui ont fait saigner mes mains.

J'ai encore des vilaines cloques...

-    Pas de pression aujourd'hui Amélie, continue Lissandre. Objectif : tu cernes tes concurrentes, surtout celle du Pôle France. Vois ce que tu peux en tirer et essaye de gagner.

J'hoche la tête et prépare mon chronomètre quand j'entends crier des instructions dans la VHF — une sorte de talkie-walkie — à l'intention de la terre. Lays s'interrompt aussitôt pour écouter, me permettant ainsi d'entendre ce qui est dit sur le bateau comité un peu trop loin de moi.

Dans cinq... commence un homme d'une voix grésillante.

En équilibre précaire, je cale mon wishbone sous mon aisselle pour m'apprêter à lancer le chrono. L'homme continue de décompter les secondes jusqu'à qu'un coup de sifflet puissant se fasse entendre et qu'un drapeau soit hissé sur le comité. Au même moment, j'appuie sur mon chronomètre pour lancer les cinq petites minutes qui me séparent du départ.

Je ne jette même pas un coup d'œil à mes coachs et je m'élance autour de mes concurrentes qui circulent un peu partout. Les moins à l'aise enchaînent des bords dans le même axe que la ligne de départ pour ne pas manquer de louper le dernier coup de sifflet tandis que les plus à l'aise se posent déjà en statique près de la ligne. Moi, je fais tout différemment.

Sifflement. Quatre minutes.

Je m'élance à travers la ligne pour tenter de déterminer par où je dois passer. Certes, le parcours est le même pour tout le monde et nous partons « face » au vent — du moins, la ligne de départ est perpendiculaire au vent —. Seulement voilà, parfois, il arrive que les organisateurs mouillent mal les bouées et la ligne ne se retrouve pas vraiment face au vent. Partir à bâbord ou tribord devient alors plus intéressant selon l'orientation. Si beaucoup de personnes s'en rendent compte à l'œil, rien ne vaut de vérifier en passant la ligne.

Autour de moi, quelques femmes du Pôle semblent avoir eu la même idée que moi et leur aisance sur l'eau me fascine. Légères et gracieuses, elles enchaînent les manœuvres comme si c'était du pipi de chat. À côté d'elles, je me sens lourde et maladroite.

Mais tant pis, je dois quand même trouver un moyen de gagner.

Je m'écarte une dernière fois du comité avant qu'il ne siffle la dernière minute décisive. Quelques personnes ont déjà pris leur place sur la ligne, essayant de ne pas dériver et je me place près d'elles dès qu'un creux se forme. Certaines tentent de partir à bâbord, ce qui veut dire qu'elles renoncent à leur priorité ou se sentent assez forte pour aller plus vite que tout le monde, mais je ne suis pas sûre de cette stratégie. Le parcours est nickel, pourquoi tenter une chose qui ne se réussit qu'une fois sur quatre ? En plus, ce n'est qu'un entraînement, vaut mieux jouer la sécurité avant tout.

Derrière moi, j'entends les hommes du comité s'agiter à l'approche de la minute. L'un observe avec minutie le chrono tandis qu'un autre se prépare à hisser un autre drapeau. Quand j'entends le compte à rebours à peine crié par les hommes, mon cerveau se déconnecte. Autour de moi, plus rien ne compte. Je commence à bouger avec rythme ma voile d'avant en arrière pour me créer de la vitesse. Le bruit des voiles à l'unisson est impressionnant.

L'homme siffle et je dépasse parfaitement la ligne au même moment. Il rappelle à l'ordre une coureuse qui a grillée le départ et mon cœur bondit dans ma poitrine. La jeune fille à ma gauche fait demi-tour, se dénonçant avant que la manche ne soit annulée ou qu'elle encourt de plus graves conséquences. Je pompe de toutes mes forces pour créer de l'air et dépasser le troupeau qui me colle au trou de balle avant de virer de bord quand j'estime être sûre de passer. Une femme tente de me forcer sa priorité, mais je l'esquive à une seconde près, évitant une grosse pénalité.

Le premier bord vers la bouée est pénible, éprouvant à cause de l'air manquant et de ma combinaison trop chaude. Une sueur froide coule le long de mon dos me faisant frissonner mais je l'ignore. Avec rage, je me crée toujours plus d'air sans discontinuer, déterminée. Au final, nous ne sommes que trois à arriver à la bouée en premières et comme prévu, ce sont deux concurrentes qui vont me donner du fil à retordre. La brune n'a pas l'air si sûre d'elle alors je profite de cette faiblesse pour crier lors de mon passage de bouée.

-    DE L'EAU !

Etonnée, elle panique un peu en me laissant de la place ce qui me permet de rattraper la première à un mètre de nous, une blonde qui semble très imbue d'elle-même. Je fais mon meilleur pumping papillon pour la rattraper, ignorant la souffrance dans mes bras tremblants. Je choque mes muscles et ils me font comprendre qu'ils n'aiment pas ça.

La deuxième bouée passée, je prends légèrement la tête mais rien n'est joué. Nous remontons à la première bouée avec technique et patience pour faire notre meilleur près, toujours l'une près de l'autre. Elle commence à m'agacer... Dès qu'elle fait un effort qui doit lui couter de l'énergie, elle pousse un râle rauque si ce n'est pas un cri de rage ridicule.

Qu'elle souffre en silence...

Bouée passée, j'ai toujours l'avantage. Nous rattrapons les dernières qui se traînent à bout de bras, rouges par manque de cardio mais je les ignore. Le combat d'égo qui se joue maintenant est plus important que tout. Blondasse essaye de me faire une queue de poisson mais je la contre à la perfection, ce qui l'oblige à couper la trajectoire d'une jeune fille. La petite hésite avant de crier protestation assez fort pour qu'un jury l'entende.

-    Putain ! Crache la blonde avant d'être obligée de réparer sa faute.

Pestant contre toutes les mères du monde — heureusement que le jury est assez loin pour ne pas entendre —, elle enchaîne deux manœuvres de suite que l'on appelle un 360, un truc bien long qui nous permet de continuer une course même après avoir fait une bêtise. Je lui lâche un baiser de loin quand elle répare avant de passer la bouée sans stress.

Je pompe sur les derniers cent mètres avant de passer l'arrivée. Un homme crie mon numéro pour son rapport même si cette manche ne compte pas dans le réel classement, et je me retiens de m'effondrer sur la ligne. À bout de forces, je rejoins le bateau de Lays non loin de là et souris en distinguant leurs visages de vainqueurs. Avec précaution et un peu d'aide, je m'assoie sur le rebord du boudin du bateau, ma voile toujours hors de l'eau, tenue fermement par Sacha tandis que Baptiste me donne une compote.

-    Tu l'as bien eu celle-là ! S'exclame Lays comme un enfant. Je la trouvais chiante à te coller aux basques dès que tu l'as rattrapée.

-    C'est même bizarre, constate mon autre coach en se grattant la barbe. Je veux dire, elle sait que le mieux à faire c'est de ne pas coller et de faire ses propres choix, sa propre route... Si elle laisse son égo l'emporter à chaque manche, c'est tout cuit dans le bec, Amélie.

-    Ne criez pas victoire trop tôt, je réplique avec sérieux en avalant une gorgée de pomme en bouillie. J'ai eu de la chance, mon départ n'était pas top et les conditions non plus. Je ne suis pas sûre de pouvoir tenir plusieurs jours avec ce temps.

-    Mais tu en es capable, me coupe Lays avec plein de conviction dans la voix. Tu...

-    Non, Lissandre. Oui je suis plutôt douée mais je n'ai pas leur entraînement. Tu peux dire tout ce que tu veux, elle a des cours de musculation, du cardio, du renforcement musculaire, tout ce qui lui permet de garder un niveau physique au plus haut niveau. Même avec tout le talent du monde, elle m'aura à l'usure dans ses conditions.

-    Tant mieux alors, intervient Baptiste qui se tenait silencieux jusqu'ici.

Je fronce les sourcils en attendant qu'il explique le fond de sa pensée mais il prend le temps de ranger ma compote vide dans un sac poubelle avant de lever ses yeux verts vers moi.

-    À partir de demain, c'est baston sur l'eau. On verra bien qui est la plus forte. Et ne viens pas me contredire, on sait bien qui est la meilleure pour affronter des tempêtes.

Il me lance un petit sourire complice que je lui rends tendrement. Très vite, les garçons qui ont eu une manche entre temps reviennent de leur course pour demander leur eau et s'empiffrer de nourriture. J'en profite pour les quitter, prête à reprendre ma revanche sur la blonde.

Lentement en étirant mes muscles, je retourne vers le comité, l'estomac noué. Dans mon dos, je sens son regard perçant suivre chacun de mes mouvements, et mon cœur se réchauffe un peu plus à cette idée, atténuant mes angoisses qui pointent le bout de leur nez.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro