𝑸𝒖𝒆 𝒏𝒐𝒔 𝒂̂𝒎𝒆𝒔 𝒏𝒆 𝒔𝒆 𝒍𝒂̂𝒄𝒉𝒆𝒏𝒕 𝒑𝒍𝒖𝒔

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En début de cet après-midi, je me trouvais à Paris. Plus précisément, dans le 4e arrondissement. Dans cette terrible fraîcheur hivernale, poussée par la soif de connaissance, je me rendais à l'hôtel Pimodan pour mon cours d'histoire poétique, avec mon professeur. Dès mon arrivée à l'accueil, alors que les quelques résidents discutaient ou effectuaient leurs aller-retours dans la pièce, mon regard s'attarda sur un énorme bouquet de roses, posé sur le comptoir de l'hôtelier.

Non seulement il était magnifiquement orné, mais ce fut la blancheur des roses qui me fascina encore plus. Cela me poussa à me questionner sur la signification de ce présent et sa destinataire, que j'enviai beaucoup sur le coup. Alors que je me perdais dans mes théories futiles, la soudaine apparition de l'hôtelier m'a changée l'esprit.

—    Bonjour Mademoiselle ! Que puis-je pour vous ?

Je ne l'avais jamais vu ici auparavant. C'était sans doute un nouvel employé.

—    Oh ! Bonjour Monsieur. J'aurais besoin de deux renseignements s'il vous plaît.
—    Je vous écoute.
—    Premièrement : sauriez-vous si Monsieur Baudelaire est réveillé ?
—    Hum...je crois, en effet, l'avoir aperçu sortir ce matin, approuva-t-il d'un air réfléchi.
—    Et...est-il revenu ?
—    Point encore mais il m'avait prévenu de la visite d'une jeune demoiselle à cet horaire. Il m'a donc prié de vous demander de l'attendre dans sa chambre, si il avait du retard. Un instant, je vous donne la clé.
—    Très bien.

Alors que le jeune homme cherchait dans ses tiroirs, je retournai mon attention sur les roses, avant de lui faire part de ma seconde interrogation :

—    Ces fleurs sont magnifiques. Serait-ce impoli de savoir pour qui sont-elles ?
—    Oh ! Vous savez, la curiosité est également mon vilain défaut ! me taquina-t-il. C'est un cadeau du duc de Pontmercy pour une jeune femme, répondant au prénom de Cosette.
—    Pensez-vous qu'il s'agisse de sa maîtresse ?
—    Je doute qu'on offre des roses blanches à une maîtresse, ma chère, se moqua-t-il. Mon grand-père fleuriste me disait enfant que cette couleur florale est symbole de pureté et d'innocence. Alors, elles sont sûrement l'expression cachée d'une candide tendresse que le duc voue à cette dame.
—    Une candide tendresse ? fis-je étonnée.
—    Voici la clé, Mademoiselle ! Sauriez-vous où se trouve la chambre de Monsieur Baudelaire ou avez-vous besoin que je vous accompagne ?

—    Ne vous inquiétez pas, je connais le chemin. Il ne s'agit pas de ma première venue ici, après tout. Merci beaucoup et passez une bonne journée, dis-je avec un sourire.
—    Vous de même et je vous souhaite d'avance une joyeuse Saint-Valentin, Mademoiselle.
—    Merci !

Je n'ai pas oublié que nous étions la veille de cette fête. C'est bien pour cela que la présence de ce bouquet m'a intriguée. Mais, je me dis qu'il fut sûrement livré trop tôt, de peur que les coursiers ne soient surchargés le lendemain.

Pendant je montai les marches en direction de la chambre de mon professeur, j'aperçus une dame blonde, magnifiquement vêtue d'une robe azur-clair, descendre en compagnie de sa gouvernante.

—    Marius m'a dit que mon cadeau devait arriver aujourd'hui, Madeleine. Je me demande vraiment ce qu'il m'a choisi ! s'enthousiasma-t-elle.
—    Sans doute de jolies fleurs, Madame.

C'est seulement lorsque l'hôtelier lui donna les roses blanches que je compris par sa réaction joviale, qu'elle était la Cosette en question. Je lui adressai un sourire discret, avant de continuer ma route. Quand je fus installée dans la chambre spacieuse de Monsieur Baudelaire, je ne me retins guère de me mettre à l'aise. Je jetai mon manteau et mon écharpe sur la chaise de son bureau, puis laissai trainer mes bottes sur le paillasson et mon bonnet sur la petite table du service à thé.

Au moment où je m'allongeais nonchalamment sur le grand canapé, mes yeux paraissaient observer mes pensées accrochées au plafond.
 
—    Une candide tendresse...

Je me répétais ces mots d'un air placidement troublé. Toutefois, cette notion nouvelle évoquait en moi des souvenirs, dans lequel je retrouvais à chaque fois, un visage familier.

Réécouter les rires qu'il me chuchotait et revoir les sourires qu'il me partageait, incendia mon cœur au point que je sentais ce feu rougir mes joues. Mais il devenait plus vif lorsque l'idée impudente de nos lèvres réunies me souilla l'esprit. La honte posséda mes mains qui m'aveuglèrent le temps que je me ressaisisse.

—    Est-ce normal...qu'aimer quelqu'un avec candeur me rende aussi curieuse...de...de la douceur d'un baiser ?

Je ne me l'avouais pas mais je contraignais ma raison à résister aux fantaisies de mon cœur, qui souhaitait théoriser sur le changement de ma relation avec mon ami, si je me déclare à lui.

Néanmoins, la réalité était toute autre.

L'incendie s'estompa d'un coup et la honte me quitta. Il ne resta plus aucune trace d'elle sur mes joues et mes mains me redonnèrent la vue. Je regardai le plafond avec un air creux pendant quelques instants, avant qu'un rictus ironique n'efface tout signe de vacuité sur mon visage.

—    Ces sentiments ne resteront que dans l'ordre des fantasmes...La couarde que je suis n'a pas envie d'être peinée par l'ami...auquel je tiens le plus.

La dureté des mes paroles me semblait si légère.

—    Sûrement suis-je...un peu trop romantique dans ma façon d'être ?

 
Je me posais une question dont la réponse m'était évidente.

Tandis que j'allais converser encore avec moi-même, mon attention se tourna vers le bureau de mon professeur. Les papiers éparpillés dessus me donnèrent une forte envie d'écrire sur le coup. Je me suis donc dirigée vers la table et m'y suis installée. Alors que je m'apprêtai à saisir la plume dans l'encrier, mon œil glissa sur un poème, près de ma main tendue.

—    La Mort des amants ?

Ce titre m'intriguait et je saisis ces vers sans hésitation, tel un repas que je voulais goûter pour calmer ma curiosité famélique.

𝐋𝐚 𝐌𝐨𝐫𝐭 𝐝𝐞𝐬 𝐚𝐦𝐚𝐧𝐭𝐬

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;

Et plus tard un ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

La fin de ma lecture me laissa perplexe. D'un côté, une peur me faisait tressaillir des doigts, de l'autre, la beauté morose de ce poème m'ôta la capacité de parole. Je ne pouvais plus que penser :

« J'ai l'impression d'avoir assister aux funérailles de ces deux amants. Durant lesquelles, Maître Baudelaire explique le dernier moment passionnel qu'ils vécurent ensemble, avant de s'allumer éternellement comme des "flambeaux" dans l'au-delà... »

 
Plusieurs idées bourdonnaient dans ma tête, au point que mon ouïe ne perçut pas la porte s'ouvrir.
 

—    Bonjour Mademoiselle. L'hôtelier m'a prévenu que vous étiez arrivée. Je vous prie d'excuser mon retard. J'espère au moins que pendant mon absence vous en avez profité pour réfléchir sur le cours d'aujourd'hui.

 
Il ne remarqua pas mes chaussures sur le paillasson et commença à se dévêtir avec soin de ses accessoires d'hiver.

Le son de sa voix grave coupa court à mon débordement d'impressions. Et je relevais soudainement la tête en sa direction.

— Maître Baudelaire !

Je me suis pressée de m'approcher de lui avec le poème.


—    Que vous arrive-t-il  ? Pourquoi semblez-vous autant...impatiente ?
—    Je viens de lire votre poème ! m'exclamai-je en le lui montrant.
—    Qu...Je vous ai répété une centaine de fois de ne pas fouiller dans mes travaux ! s'énerva-t-il en m'arrachant le poème de la main.
—    C'est vrai mais...
—    Il n'y a pas de « mais », Mademoiselle ! Dorénavant, je vous laisserai attendre debout à l'entrée ! déclara-t-il en rangeant avec colère ses papiers.
—    Je suis désolée Maître...Toutefois....lai...laissez-moi vous dire que c'est un très beau poème ! Vous devez absolument le mettre dans votre recueil Les Fleurs...
—    Nous n'avons plus de temps à perdre. Cessez de me parler de ce poème et installez-vous pour prendre des notes, dit-il avec agacement.
—    Euh...A ce propos, Maître...
—    Qu'y a-t-il ?
—    Pourrions-nous faire de la pratique aujourd'hui, s'il vous plaît ? demandai-je d'une petite voix.
—    Et pourquoi cela ?
—    Je n'arriverai pas à vous écouter pendant l'heure qui suivra. Alors, je préfère écrire en votre compagnie pendant le temps que nous avons.
—    Alors vous n'avez qu'à forcer votre concentration. Et puis quoi encore ? Nous avions déjà pratiqué la semaine dernière et j'étais plutôt déçu de cette séance. Vous n'aviez point fait de grands efforts pour me produire un beau rondeau.

—Je sais Maître...mais pour être honnête avec vous, j'ai l'esprit ailleurs, voyez-vous.

—    Et où est-il ?

—    Dans votre poème.

Ma réponse suscita un profond soupir chez mon professeur, qui se tient l'arête du nez, les yeux fermés.

 
—    Si nous n'en parlons guère, vous ne suivrez pas le cours ?
—    Oui. J'ai beaucoup de questions dessus. Mais il peut faire également l'objet du cours sur le romantisme, puisque l'un de ses thèmes est l'amour, dis-je avec un air satisfait.
—    Vous chamboulez complètement mes plans, dit-il avec lassitude.
—    Je suis un peu comme une inspiration alors. Je viens perturber votre tranquillité pour vous pousser à faire des choses plus intéressantes, me complimentai-je avec humour.
—    Jolie comparaison. Mais qui ne vous correspond point.

La franchise de cet homme touchera toujours directement mon subtile égo.

Après avoir récupéré son poème, nous procédions tous les deux à une analyse de ce dernier sur son bureau.

 
—    Alors, qu'avez-vous à dire sur la structure de ce poème ?
—   Hum...Il s'agit d'un sonnet, vu qu'il est composé de deux quatrains et de deux tercets. Toutefois, les mètres ici sont tous pairs. Des décasyllabes.
—    A quel moment les avez-vous comptés ?
—    Durant ma lecture de tout à l'heure. J'ai pris l'habitude le faire systématiquement avec vous. Et puis les césures aux vers 8, 11, 12 et 13 crée des hémistiches. La plus astucieuse est « et » au dernier vers, je trouve.
—    Et que pensez-vous de ce choix de mètre ?
—    Je dirai...peut-être pour plaire au lecteur et accentuer le lyrisme dans le poème.
—    Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il s'agit d'un poème lyrique ?

Je me penchais quelques instants sur le poème pour repérer les éléments, qui favoriseraient l'enrichissement de ma réponse.

—    Hum...Bien qu'il n'y ait pas l'emploi de la première personne du singulier, je trouve que les « nous » au vers 1, 4 et 10 et le déterminant possessif « nos » suffisent, voire renforcent l'expression personnelle des sentiments des amants. Ils parlent d'eux en se considérant comme un seul et même être.
—    Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?
—    L'énonciateur aurait très bien pu parler de lui en usant de la première personne du singulier et de son amante à la troisième personne du singulier. Comme cela, on arriverait à faire la distinction entre les deux. Mais Maitre Baudelaire, ce qui rend votre poème intriguant est qu'on peut aussi douter de l'identité de ces deux personnages. Nous n'avons dans ce poème aucune description sur leur apparence physique. Ces métaphores, appartenant plutôt à un registre fantastique, le montrent : « Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux, // Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux  ». Mais, je tiens à vous dire que la description du décor au premier quatrain est très belle. Bien que la comparaison au second vers crée un effet de choc pour nous plonger directement dans l'ambiance lugubre et morose que vous installez dans ce poème. Je trouve aussi que l'euphémisme « Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ; » est malicieusement bien choisi, déclarai-je un peu amusée.
—    Que voulez-vous dire par « malicieusement » ?
—    Vous feignez de craindre de dire au lecteur que ces amants sont morts pour ne point le choquer, alors qu'en vérité, vous connaissant, cela vous importe peu, tant que c'est beau. Ai-je raison, Maître ? demandai-je avec un fier sourire.
—    Ce n'est pas à moi de vous donner les réponses, Mademoiselle. Poursuivez votre analyse, je vous prie.

L'ordre de mon professeur m'a étonné sur le coup. Il semblait réellement intéressé par ce que je pensais de son poème.

En général, Maître Baudelaire ne voulait pas que j'empiète sur son travail personnel car il trouvait l'amatrice poétesse que je suis, incapable de l'aider à juger la valeur de ces œuvres. Je le trouvais certes un peu imbus de lui-même, cependant , je devais reconnaître qu'il avait beaucoup de talent. Si parfois, je n'arrivais pas à formuler avec plus de rhétorique, les impressions que me laissaient ses poèmes, c'était sûrement parce moi-même...je ne me sentais pas digne de l'encourager. Qu'est-ce qu'une élève puisse apporter à son professeur après tout ? C'est un poète déjà accompli et moi qui ne suis que débutante dans cet art, j'ai besoin des connaissances d'un savant comme lui. J'ai énamouré de la beauté de ses vers, j'ai été émerveillée par la violence de sa plume...et intéressée par l'artiste qu'il est. Mais en ce moment, à le voir m'écouter avec attention, même si il ne me dira jamais pourquoi et dans quelles circonstances il a écrit ce poème, j'ai l'impression de m'être rapprochée, ne serait-ce qu'un peu, du sens véritable de ces vers.

 
Pour la première fois, depuis qu'il m'a prise sous son tutorat ; je me sentais vraiment comme l'élève de Baudelaire.

Après plusieurs minutes à discuter sur le poème, sans m'en rendre compte j'introduisis la partie leçon :

—    C'est tellement étrange...
—    Quoi donc ?
—    Vous parlez d'amants dans ce poème alors que...il n'y a rien de romantique dedans, avouai-je perturbée. 
—    Ne le trouviez-vous point beau précédemment ?
—    Et il est toujours ! Mais...au fond...je ne trouve pas que cette mort soit quelque chose qui puisse s'inscrire dans le romantisme.
—    Et pourquoi cela ? Tout amour fait toujours mauvaise fin, d'autant plus mauvaise qu'il était plus divin.
—    Je ne suis pas d'accord, Maître. L'amour c'est la candeur de la passion ! L'amour, c'est le bonheur ! L'amour, c'est le bien que tous les hommes chérissent plus que tout au monde ! Vous ne pouvez pas vous permettre de le rabaisser pour des faits narratifs. Parce qu'en réalité, les gens sont heureux de mourir aimés de leur moitié.
—    ...Vous êtes encore une enfant. Vous ne savez point encore que la volupté unique et suprême de l'amour gît dans la certitude de faire le mal. Et l'homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute volupté.
—    Qu'entendez-vous par « volupté » ?
—    Le plaisir des âmes. Le bonheur que vous attachez tant à ce « candide sentiment » est pour les adultes, la plus agréable des douleurs qui soit.

C'était la première fois que la franchise de mon maître me transperça aussi durement. Mais j'avais tout de même du mal à accepter cette idée de l'amour romantique qu'il me présentait. Surtout pas quand je pensais aux sentiments que j'avais pour mon tendre ami.

—    Et qu'en est-il de la poésie romantique ? Les poètes s'attachent alors à enlaidir l'amour ? demandai-je, confuse.
—    Je n'ai jamais dit cela. Il faudrait déjà que vous cessiez d'associer l'amour au courant du Romantisme. Le Romantisme est l'héritage des Lumières, un mouvement qui s'intéresse à la raison et au « moi » ; l'homme en tant qu'être suprême de lui-même. Bien que comme vous l'avez dit dans votre analyse, les poètes romantiques usent énormément du lyrisme pour favoriser l'expression personnelle de sentiments, il reste tout de même maladroit de limiter le Romantisme à la sphère amoureuse alors qu'il a une pluralité de grands thèmes forts intéressants.
—    Pourtant, dans un des Hymnes à la Nuit du poète allemand Novalis, bien qu'il parle d'une expérience mystique avec la mort, il démontre la dualité affreuse et merveilleuse de la Nuit en se présentant solitaire et malheureux sans sa défunte amante, Sophie. Mais c'est seulement en renaissant sous la forme du Christ qu'il est heureux de retrouver la femme qu'il aime.
—    Et donc ? L'amour est l'un des sujets ici. Et non le thème principal qu'est la Nuit.
—    Quel est la différence entre les deux ? fis-je en levant un sourcil.
—    Le thème est l'élément qui structure le texte. Il est abstrait et général. Il explique pourquoi l'histoire est écrite. Tandis que le sujet est une chose discutée dans un écrit ; il explique en quoi consiste l'histoire.
—    Oh...je comprends mieux ! m'exclamai-je telle une illuminée. Alors cela veut dire que dans votre poème, la Mort est le thème mais le sujet...l'amour ? Puisque les protagonistes sont des amants.
—    C'est plus complexe que cela mais je vais dire qu'en effet.
—    D'accord Maitre. J'ai encore appris quelque chose avec vous ! dis-je avec un sourire.
—    C'est bien mon rôle après tout.

J'aurais aimé qu'il m'accompagne dans mon enthousiasme mais le sérieux de mon professeur m'amusait toujours.

—    Maitre Baudelaire, j'aurai une autre question.
—    Laquelle ?
—    J'aimerai savoir...Est-ce que vous me trouvez trop romantique dans ma façon d'être ?

Un long silence s'installa entre nous, avec qu'il ne se décide à parler.

—    Romantique, en tant que poétesse ?
—    Euh...je dirais que oui ? Après tout, à force de lire mes vieux poèmes vous devez avoir bien analysé mon style, ris-je nerveusement.
—    Ma foi...je vous avouerai que je ne sais point.
—    Pardon ? m'écriai-je, surprise.

C'était incroyable. Charles Baudelaire, le poète que j'admire et qui est mon professeur depuis bientôt un an, n'a toujours pas posé un verdict sur mon avancée dans le peaufinement de ma plume.

—    Mon style n'évoque donc rien en vous, Maitre Baudelaire ? demandai-je avec une once de déception dans la voix.
—    Le problème est que je manque de mots pour parler de la particularité de votre plume.

 
Les larmes qui me brûlaient les yeux retournèrent rapidement en moi.

—    Comment cela ?
—    Dans les dernières créations que vous m'avez fait lire, je peux dire que vous avez l'avantage de réussir, bien qu'il y ait encore quelques difficultés, les rythmes et la structure de vos poèmes . Vous savez jouer de musicalité et trouver de belles tournures syntaxiques. Vous semblez également à l'aise avec certains thèmes allégoriques ; notamment la Mer. Toutefois, je pense toujours que vous pouvez créer des vers meilleurs, si vous vous appliquiez plus.
—    Alors selon vous...je suis sur la bonne voie pour devenir une grande poétesse ?
—    Il est encore trop tôt pour vous juger sur cette idée. Mais vous avez du potentiel, je trouve. Bien qu'à mes yeux, vous n'avez rien d'une poétesse romantique. Vous êtes plutôt...une grande Amoureuse, je dirais.
—    À ce propos, est-ce que l'amour est un thème ?
—    Non. C'est un sujet, puisqu'il est abordé sous plusieurs thèmes. Autant chez les poètes que les romanciers.
—    Je vois. J'aurai une autre question, Maitre.
—    Je vous écoute et ce sera la dernière car notre heure est arrivée à sa sentence.
—    Si l'amour des adultes est si douloureux, pensez-vous que les enfants amoureux devraient profiter de la candeur de leurs sentiments avant de grandir ?
—   ...Hum. Je vous répondrai que même si l'amour fait mal, il n'y a point de raison d'en avoir peur. Aimer, désirer...faîtes ce que vous voulez. Tant que cela vous inspire à vivre de belles histoires, avant de connaitre la triste fin que partagent tous les hommes : la Mort.

Maitre Baudelaire l'ignorait mais il venait de me médailler de bravoure par ces sincères paroles.

—    Merci, Maitre Baudelaire. A présent, je sais ce que je vais faire.

Le lumineux sourire que j'adressai à mon professeur chassa le sérieux sur sa figure pour laisser place à un étonnement des plus inattendus. Je me suis empressée de rechausser mes bottes et me recouvrir, avant de sortir :

—    À la semaine prochaine ! Et joyeuse Saint-Valentin, Maitre !

Je m'en allai sans attendre sa réponse. Il fallait que je me hâte de rentrer chez moi pour travailler mes vers.

Le lendemain, le temps était plutôt doux comparé à la veille. Je m'étais tout de même habillée convenablement pour rendre visite à mon ami aujourd'hui. C'est sa mère qui m'accueilli dans le domicile. Elle voulut l'appeler pour descendre mais je voulais le surprendre dans sa chambre, alors elle me laissa monter. Arrivée devant sa porte, mon cœur était serein et ma raison consciente de ce que j'allais entreprendre au moment où je toquai.

—    Entrez.

Je voulais avancer et non reculer.

 Je voulais savoir si cette histoire d'amour aurait ou non une chance d'exister.

—    Bonjour, Monsieur Alter Trécher !
—    Oh ! C'est toi forban ! Qu'est-ce qui t'amène ici ? Je m'apprêtai à aller te voir tour à l'heure, d'ailleurs.

 
Alors qu'il me fit la bise en guise de salutation, je ne pouvais m'empêcher de sourire.

—    Vraiment ? Alors heureusement que j'ai pris les devants. Sinon, tu allais encore m'oublier, canaille !
—    N'exagère pas, voyons. Depuis qu'on est petiots, je ne t'ai oublié qu'une dizaine de fois à la sortie de l'école, me taquina-t-il.
—    Mais oui bien sûr, répliquai-je sous le même ton en roulant des yeux.

Alter m'invita à m'installer à ses côtés sur son lit et j'acceptai.

—    J'étais en cours avec Maitre Baudelaire, hier. Nous avons parlé du Romantisme et j'ai appris beaucoup de choses !
—    Tu comptes m'en parler aujourd'hui ? Parce que tu sais...la poésie et moi...
—    Ne t'en fais pas, je ne te ferai pas un cours dessus.
—    Bonne nouvelle, alors ! s'exclama-t-il, soulagé.

—    Mais j'aimerai te lire un poème que j'ai créé.
—    Si c'est de toi, alors je suis tout ouï !
—    Très bien.

J'ignore pourquoi mais j'étais impatiente de le faire, alors que j'étais encore une couarde d'antan.


𝑸𝒖𝒆 𝒏𝒐𝒔 𝒂̂𝒎𝒆𝒔 𝒏𝒆 𝒔𝒆 𝒍𝒂̂𝒄𝒉𝒆𝒏𝒕 𝒑𝒍𝒖𝒔

Cela ne serait point suffisant
De te dire  « je t'aime »,
Pour t'avouer combien :

Tu es l'un de mes plus beau poème.

Amant,
Je te le répéterai sans fin :
Tu es l'être le plus précieux,
Au cœur chaleureux,
Au regard doux,
Et au rire fou,

Que je prends plaisir à éterniser en moi.

Tu es le Feu de mes candides passions,
Le bleu de mon Océan,
Le soleil qui rayonne sur la fragile Terre, qu'est mon cœur.
Et la fraîcheur
Qui inspire l'Air de mes vers.

Crois-moi,
Lorsque je te confesse,
Toute cette tendresse.
Parce que de mon vivant,
Je veux être l'Amoureuse
Qui fera de toi une Âme-heureuse.

Mon tendre et cher,
Alter Trécher.

A la fin de ma récitation, je n'avais plus de courage. Je n'osai plus lever les yeux de ma feuille pour lire dans son regard, sa réponse à mes sentiments. Je suis redevenue la peureuse que j'étais. Je ne parle plus et lui non plus. Tout est immobile autour de nous. Je me sens engloutie dans un néant angoissant et j'ai l'impression de ne plus être dans la réalité.

Tandis que je ferme les yeux pour vérifier si je rêvais depuis tout à l'heure, je sens les doigts d'Alter touchés mon menton. Surprise par ce geste, d'un coup, je me retrouvai face au châtain de ses iris.

—    Je ne te savais pas aussi brave, forban.
—    Euh...moi...moi non plus.

Il se mit à rigoler un peu de ma gêne et ce fut pour la première fois que l'écouter endolorit mon cœur. Ce n'est pas la réponse que je voulais. C'est seulement quand il cessa de rire que je voulus retirer sa prise sur mon menton, mais il m'arrêta :

—    Hé, forban. J'suis pas un aussi bon poète que toi.
        Ni M'sieur Baudelaire,
       Mais je m'défilerai pas !
       Moi aussi, ma demande, je vais t'la faire :
       Viens, on s'aime.

Un nouvel espoir se lit dans mon regard.
Et la joie sur mes lèvres.

—    Nous aimer ?
       Mais sous quel thème ?

—    C'est évident : l'amour.

—    Ce n'est pas un thème.

—    Roh ! Qu'est-ce qu'on en a à ficher ?
        Sois ma tendre Amoureuse et j'serai ton idiot d'Amant, bon sang !

—    Et cela pour combien de temps ?

—    Si t'acceptes, c'sera pour toujours.

—    Alors ensemble, profitons encore de notre candeur d'enfant.
        Avant de connaître, le Mal d'Aimer des grands.

—  Ah ?  Qu'est-ce que tu baragouines, forban ?

—    Cessons de tergiverser.
        Veux-tu me me baiser
        Pour sceller le début de notre relation ?

—    Oh ! Ça fait des lustres que j'attends ce moment !

— Et il nous demeurera éternel, à présent.

Grâce à Maitre Baudelaire,
J'ai compris qu'il fallait aimer sans se créer des remparts,
S'il on voulait être heureux.
La mort sera notre triste fin,
Mais à jamais, le cœur d'Alter est lié au mien.

La Saint-Valentin fut le prologue de notre récit d'amoureux.

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