Chapitre 4 : Formalités et crises d'angoisses

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Milo attendait patiemment que je me reprenne, alors je respirai un grand coup pour vainement tenter de me ressaisir. Certes, j'étais séparé des personnes que je connaissais depuis que j'avais été créé, mais au moins, elles seraient toutes être heureuses.

Du moins, je l'espérais.

On entra enfin dans le bâtiment un. Ayah, qui discutait avec Arayah 92 et un homme en costume noir, nous fit signe de nous assoir sur des chaises placées contre le mur.

— Ça me rappelle les réunions "parents-profs" de quand j'étais au collège, s'amusa Milo.

— Je ne suis jamais allé au collège, rappelai-je un peu sèchement.

— Oups.

Je relevai un peu la tête et croisai le regard de ma camarade de session, qui attendait patiemment que le porte-parole de son prestigieux acheteur finisse de discuter avec la secrétaire.

On se servit de notre ouïe plus développée pour parler rien qu'en soufflant nos phrases, si bas que seuls nous pouvions nous entendre. Johnson ne pouvait plus nous le reprocher. Nous ne lui appartenions plus.

— Tu es heureuse ? demandai-je.

— Oui ! murmura-t-elle. C'est formidable, non ? Je vais travailler pour le président !

— C'est bien.

Je crois bien qu'elle faillit me reprocher ne pas être heureux pour elle avant de s'en empêcher, se rendant compte de l'erreur que ç'aurait été. Cela m'agaça légèrement.

— Je vous souhaite une bonne journée, conclut alors Ayah en serrant la main de l'homme. Au revoir, 92, ou plutôt devrais-je dire Saravah.

— Au revoir, répondit-elle alors que l'adulte à ses côtés se contenta de hocher sèchement la tête.

Arayah 92 – je détestais son nouveau prénom – me fit un signe joyeux de la main en sortant. Je détournai le regard et m'en voulus presque aussitôt, mais quand je relevai la tête, ils étaient déjà trop loin pour que je ne puisse la saluer. Quel imbécile.

Je serrai fort les lèvres. Je ne pleurerai pas devant Milo.

— 97, monsieur Wildstone, nous nomma inutilement Ayah en nous faisant signe d'approcher. Vous êtes les derniers.

— Ce n'était pas une course, si ? murmurai-je avec agacement en me levant pour suivre mon acheteur, la gorge nouée.

— Non, bien sûr que non, me répondit-elle lentement, presque confuse.

Milo sourit en hochant négativement la tête, comme exaspéré. Déjà ? Il n'était pas près à vivre avec moi, dans ce cas là.

— Alors, que dois-je savoir ? s'enquit-il, me faisant soupirer devant son air intrigué de parfait écolier.

Je tâchai de garder un air froid et distant, mais en réalité, une tristesse sourde m'étreignait le cœur. Cette faiblesse ne devait pas être connue par d'autres personnes que moi, cela serait donner une chance à n'importe qui de me blesser de plus belle.

Mieux valait souffrir en silence que prendre le risque de souffrir plus.

— Voici l'Écran de Contrôle de 97, dit-elle en sortant une petite tablette de sous son bureau. Vous pouvez dès maintenant y inscrire ses nouvelles informations personnelles les plus importantes. Les autres sont optionnelles, vous pourrez les modifier à tout moment.

— Quelles sont-elles, si je puis me permettre ?

— Bloquer ou limiter un trait de caractère, l'autoriser ou non à tomber amoureux, à se blesser volontairement, à consommer de l'alcool... bref, tout ce qui pourrait être susceptible de déranger l'acheteur, récita-t-elle avec assurance.

Milo acquiesça et tendit la main pour récupérer l'Écran, mais Ayah ne lui céda pas immédiatement. Elle le regarda droit dans les yeux, une lueur d'inquiétude brillant dans son regard intelligent :

— Faites-en bon usage et aidez 97, monsieur Wildstone. Il a un grand cœur et vous le comprendrez s'il daigne un jour vous le montrer.

— Comptez sur moi, dit-il en récupérant enfin la tablette translucide.

Il pianota dessus quelques secondes, entrant certainement les informations principales mentionnées par la secrétaire. Ayah lui indiqua comment sauvegarder, il le fit.

—Noah Wildstone, lut-elle. Les gens se poseront des questions sur votre relation, choisissez bien de quelle manière contrôler les quiproquos.

Devant mon regard perdu, il détourna le regard, légèrement gêné.

— Ce qu'elle veut dire par là, c'est que si nous gardons secret le fait que tu es un HC, les gens se poseront des questions sur toi à cause de ton nom de famille. Ils se demanderont si tu es un frère ou un cousin éloigné, ou bien si... pff, tu es mineur, de toute façon ! Ils n'auront qu'à réfléchir. La majorité de mes proches ne sont pas des lumières, certes, mais quand même.

— Il est vrai que cela risque de porter à confusion, sourit la secrétaire.

— Je n'ai pas vraiment réfléchi avant de lui attribuer mon nom de famille, dit pensivement Milo en se passant une main dans les cheveux. Mais cela risque de poser problème, tout compte fait...

— Pourquoi ?

— Si les gens ne remarquent pas directement que tu es mineur, ils pourraient vous prendre pour de jeunes mariés, dit-elle.

Milo passa sa main sur son visage, frustré.

— Quel con ! s'exclama-t-il en soupirant doucement.

— Tu ne peux pas changer ? demandai-je simplement, agacé de ne pas comprendre où était le problème.

Ils hochèrent négativement la tête.

— De plus vous allez vivre dans la même maison, dit elle, ne pouvant plus s'empêcher de rire de l'erreur de mon acheteur qu'elle semblait déjà connaître pour se permettre une telle familiarité. Les médias vont se poser de sacrées questions...

— C'est bon, j'ai compris que j'avais fait une erreur, pas la peine d'en rajouter, fit Milo, gêné. Bordel, que je peux être bête, parfois. Tout le monde ne peut pas penser à tout en même temps, Ayah.

— Donc, comment va-t-on faire ? les interrompis-je, agacé.

Ce n'était qu'un nom de famille, pourquoi se mettaient-ils dans cet état ? "Deux jeunes mariés", avait dit Ayah. Nous n'aurions qu'à préciser que j'étais un HC et les gens comprendraient, non ? Pourquoi se compliquaient-ils la vie de la sorte ?

— Les gens ne doivent pas savoir que tu es un Humain Contrôlable, sinon ils ne te traiteraient pas comme une personne normale et ça me mettrait hors de moi, fit Milo en serrant les poings. Bon, ne nous attardons pas plus sur cette erreur de ma part, d'accord ?

— Je ne vois toujours pas où est l'erreur, m'énervai-je, mais d'accord.

La secrétaire se calma et reprit lentement son souffle, ne pouvant tout de même faire disparaître son sourire. J'étais sérieusement énervé de ne pas avoir compris la globalité de leur conversation.

Elle tendit ensuite un écran transparent à Milo, qui finissait de ranger ma tablette dans son sac à dos que je n'avais pas remarqué plus tôt. Il signa sans prendre le temps de lire ce qui était écrit dessus – personne ne pouvait lire aussi vite. Soit il s'était déjà renseigné avant de venir, soit il était complètement con.

— Vous avez rempli tout ce qu'il fallait, fit Ayah en vérifiant la signature avant de remettre le support électronique en veille. Je ne vous retiens pas plus longtemps.

— Je commençais à m'ennuyer dans ces horribles bâtiments, soupira théâtralement Milo. Viens, Noah, on rentre !

— On rentre ? répétai-je, dubitatif.

— Chez moi, ou plutôt chez nous, précisa-t-il devant mon air perdu.

— Où ça ? demandai-je d'un air méfiant même s'il était un peu tard pour ça.

— Je doute fortement que tu connaisses le nom de cette ville, mais disons que c'est en bord de mer.

— C'est donc forcément loin, dis-je en croisant les bras.

Nous avions étudié la veille même une carte du pays en guise de dernier cours de géographie. J'avais eu le plus de bonnes réponses, quatre-vingt dix-neuf sur cent, mais quand je m'étais trompé sur la dernière question, la majorité de mes camarades de session s'était bien moquée de moi et cela m'avait blessé. Autant dire que dans un cadre d'éducation pareil, je ne me vantais jamais de mes notes.

— Peut-être, mais il y a une très belle vue sur l'océan, renchérit mon acheteur. C'est bien là-bas, je t'assure !

— Je n'ai jamais vu l'océan, dis-je après un long silence. Je ne peux donc pas te répondre.

— Je suis sûr que cela te plaira, renchérit-il sans perdre son sourire, déployant des trésors de patience.

Je haussai les épaules. Une angoisse sans pareil me nouait le ventre. J'avais, en réalité, vraiment peur de quitter les bâtiments de Johnson, n'en étant sorti que quelques rares fois de mon plein gré et la plus récente avait tourné au drame.

— Tu... as des affaires à emmener ? s'enquit Milo.

— Non, fis-je en serrant un peu plus mes bras contre moi pour cacher ma panique naissante.

Je me souvins qu'Ayah m'avait expliqué que j'oscillais entre quelques émotions : la colère, et ses sous-catégories comme la jalousie et la violence, la tristesse, entraînant un "manque de confiance en moi" ainsi que des regrets, la peur, et enfin, une humeur neutre pendant laquelle je ne ressentais rien de particulier. Concrètement, j'étais brisé, comme un objet de cristal que le destin aurait un peu trop malmené.

Je me demandais un court instant ce que cela pouvait faire, d'être heureux. Je n'en avais aucune idée.

À en croire mes – anciens – camarades de session, je devais être un vrai fardeau.

Pourquoi Johnson ne m'avait-il pas tout simplement détruit en le constatant ?

J'allais gêner Milo plus qu'autre chose et malgré toutes ses bonnes convictions, il n'arriverait jamais à me permettre de ressentir des émotions positives. Mon malaise s'accrut quand je surpris son regard inquiet sur moi.

— Noah, fit Ayah. Tu vas bien ?

— Oui très bien, répondis-je dans un souffle, serrant un peu plus mes bras contre moi.

Je ne voulais pas partir, je ne voulais pas sortir. Ce serait prendre le risque que cette soirée recommence, prendre le risque qu'on me détruise un peu plus.

Je ne veux pas partir, je ne veux pas partir, je ne veux pas partir, je ne veux pas partir, je ne veux pas partir, je ne veux pas partir, je ne veux pas partir

— Que se passe-t-il ? me demanda-t-elle avec inquiétude en faisant le tour de son bureau pour me rejoindre.

Ma panique grandissante fut soudain renforcée par mes souvenirs. Mes foutus souvenirs. Il fallait toujours qu'ils reviennent quand je ne pouvais pas le supporter.

Je revis avec une précision effroyable cette fameuse nuit qui avait fait planter mon système.

J'étais sorti en cachette de l'ensemble des bâtiments ; rien de bien méchant, je comptais juste passer quelques minutes avec elle avant de rentrer, par simple envie de désobéir et de ressentir la fierté de tenir tête à John Johnson, qui avait été particulièrement blessant ce jour là.

Mais évidemment, rien ne s'était passé comme prévu.

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