«Ils vont peut-être s'inquiéter ? Ma famille.»

Antonio, encore une fois. La lumière revint quelques instants, juste assez pour voir Teteola baisser subitement le poing qu'il avait levé vers le jeune latino-thaïlando-suédois, et Eleonore les fusiller soigneusement du regard.

«Le prochain qui bouge se prend un coup de sapin dans la face, maugréa-t-elle.

- Je peux aller faire pipi ?»

Farouk soupira en comprenant qu'il n'aurait pas de réponse. Ses pensées se tournèrent vers son idole, son héros. Lui ne l'aurait pas laissé être mis en cellule avec une montagne, un mythomane et une chroniqueuse. Enfin s'il avait été au courant. Enfin il croyait. Enfin son taux d'alcoolémie était trop important pour se concentrer sur autre chose que son envie pressante de se soulager.

Soudain il sentit quelque chose contre lui. Croyant qu'il s'agissait de Tétéola, il n'osa faire un geste.

«Je suis l'alcolyte, prend garde géant, mon héros n'est pas loin ! gronda-t-il à un volume sonore juste assez faible pour que l'agent de police puisse faire semblant de ne rien entendre.

- C'est toi mon héros, fit Teteola avec la voix de Miranda.

Peut-être était-ce donc Miranda. Enfin il croyait. Enfin il était soûl.

- Pardon ?

- T'as pris ma défense contre l'autre con. C'te farine, s'expliqua la jeune femme avec un brin d'impatience.

- Ahah.»

Rire gêné. Pipi. Miranda. Héros. Farine ? Pipi définitivement.

Farouk gémit plaintivement en serrant ses cuisses. Les autre s'agitèrent, soupçonneux. Le géant finit par briser le silence.

«S'il se pisse dessus, j'le tue, lâcha Teteola.

- Bon aller, viens toi, capitula Eleonore en rallumant la lumière.

- T'es mon héros, le géant, s'exprima l'alcolyte avec gratitude.

- Ferme-la, et moi c'est Teteola.»

Farouk disparut en se dandinant aux côtés d'Eleonore. Celle-ci se demanda pourquoi elle faisait ça. Puis elle se rappela que sa soeur et ses parents étaient insupportables, et elle se sentit mieux.

*

«Dites, on va rester longtemps ici ? Parce que moi, j'ai rien fait.

- Antonio c'est ça ? interrogea Eleonore. Écoute-moi bien...

- Non c'est Marco, coupa-t-il.

Farouk soulagé, tous ayant regagné leur postes, le silence était retombé. Mais l'homme en avait apparemment eu assez d'admirer le sapin.

- Pardon ?

- Je m'appelle Antonio mais tout le monde m'appelle Marco.

Silence interloqué. La chaise de Mireille grinça quand Eleonore se redressa.

- Mais quel est le rapport ?

- C'te farine, plaça judicieusement Miranda en se glissant à nouveau près de l'alcolyte.

- C'est une tradition en Suède, expliqua Antonio (ou Marco) avec aplomb.

- C'est faux.

- Oui.»

Considérant que le sujet était clos, il sourit à Eleonore. Elle lui jeta un regard noir. Antonio ne tint pas cinq minutes avant de reprendre la parole.

«On s'ennuie, non ?

Tout le monde approuva. Même Eleonore qui s'était lassée de ses parties de Candy Crush.
Mis en confiance par cette approbation général, Antonio se gonfla d'importance.

- Ça tombe bien, j'ai plein d'histoires à vous raconter. Une histoire de héros, ça vous tente ?

- Non, dit Eleonore.

- Non, dit Miranda.

- Non, dit Teteola.

- Pipi, dit Farouk.

- Ok va pour l'histoire ! s'enthousiasma Antonio.»

Eleonore ne chercha même pas à empêcher Teteola de lui mettre une gifle.