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Par chance, la nuit au sein de la forêt a perpétué sans encombres. La bête tapie dans les fourrés s'est dispensée de tenter quelconque approche. La jeune fille est surprise également, non sans que cela réfute l'agréable, d'avoir apprécié son sommeil sans pâtir du moindre ronflement de la part de Macabre. Sa respiration a été paisible et sans heurt. Je ronfle quand je cuve, a-t-il affirmé, c'est tout. J'ai entendu parler d'un voleur très recherché qui a fait l'erreur de s'endormir dehors en pleine battue aux loups, a-t-il ajouté, les villageois ne l'auraient pas détecté à trois mètres si son nez n'avait pas fait un bruit aussi abominable. Il n'en savait rien, personne ne lui avait jamais fait remarquer, il vaquait seul depuis des décennies. Il a été exécuté avant l'aube. Parfois la vie, ça se joue à ça.

Ils ont levé le camp et ont repris le chemin jusqu'à la lisière de Nuttyman. Les bosquets s'écartent au fil de leur progression, les petits oiseaux osent chanter, l'atmosphère se détend, transposant ainsi les grands pins criblés de houx en de modestes noisetiers filtrant la lumière par un étalage vert émeraude. Et tu veux me faire croire que pour survivre, tu as appris à ne ronfler que quand tu cuves ? a-t-elle répliqué avec incrédulité. Non, c'est parce que je ne ronfles que quand je cuve que je suis encore en vie, a-t-il répondu, c'est l'inverse.

– C'est comme les girafes.

– C'est quoi un girafe ?

– Un cheval tâcheté à long cou.

– Alors quoi les girafes ?

– Ce n'est pas pour survivre qu'elles ont étiré leur cou, c'est parce qu'elles ont un long cou qu'elles survivent mieux.

– Hein ?

– Celles qui ont un plus long cou que les autres peuvent mieux attraper les feuilles. Elles se nourrissent plus et donc se reproduisent. Comme les bébés reprennent les caractéristiques de leurs parents, ils auront un long cou aussi. C'est une sorte de métamorphose héréditaire. Tu as entendu parler de ces créatures extraordinaires retrouvées sous la terre ? Je pense qu'elles n'ont pas survécu parce qu'elles n'avaient pas un cou assez long, ou bien qu'elles ronflaient la nuit.

–  Tu te rends compte de l'absurdité de ce que tu dis ? Ton truc là, il est plus métaphysique que scientifique si tu veux mon avis.

– Les grecs le pensaient.

– C'est obsolète.

– En tout cas j'y crois.

– Désolée mais personne ne prouvera jamais ça.

Finalement ils émergent de nouveau sur la prairie. Les ronces qui étouffaient le chemin s'écartent pour une terre piétinée un peu boueuse. Il ne leur suffit que de quelques milles pour apercevoir les prémisses de la grande ville, belles campagnes festoyées de pittoresques maisonnettes. Cela arrache un frisson glacé à la brunette. Ils sont déjà si près de Grasteaune ? Où est la frontière ? Elle essaie de se remémorer le détail des lignes scindant sa carte, effectuant un enchaînement de calculs inutiles, jusqu'à pratiquement rater du coin de l'œil le cairn qui la délimite. Ils l'ont dépassée d'une dizaine de pas quand elle fait volte-face sur son siège en sursautant. Une borne taillée domine l'amas de pierres, peinte d'un nouveau symbole sur le côté pile, et celui qu'elle connait si bien du côté face. Elle bondit par-dessus la carriole, emportant avec elle la surprise du mercenaire.

Dans une envie folle d'enlacer l'horizon du regard, elle gravit le petit monticule, bien haut et bien majestueux tout d'un coup. Le soleil d'hiver perce à travers les nuages, offrant une constellation de cercles mordorés sur la magnifique plaine de sa naissance.

Macabre prononce avec une infinie délicatesse :

– Tu n'as jamais quitté la région, n'est-ce pas ?

Elle se retourne. Tandis que ses yeux juvéniles trahissent son appréhension, la courbe de ses lèvres se creuse dans un aveu de détresse. Il répond par un sourire bienveillant, tend le bras. Elle porte timidement son poing à sa poitrine, ravalant le cœur qui lui monte à la gorge, puis le rejoint sur la banquette. L'attelage poursuit sa route dans un silence profond.

Plus ils s'approchent, plus leur chemin se croise avec celui de la populace. Des paysans pour la majorité, à pieds ou en charrette, s'écartant pour leur délivrer le passage. Peut-être est-ce le sombre et imposant accoutrement de Macabre qui les convainc, peut-être est-ce sa belle plume dorée. Car il est patent que la priorité s'octroie au nom du rang; les rares voitures chiques qu'ils rencontrent ne se sont pas faites prier pour les repousser sur le bas-côté. À moins bien sûr que ce réflexe résulte de l'étonnement devant un couple aussi saugrenu : un vieux monstre balafré et une jeune humaine colorée, la prunelle perdue sur un vieux parchemin.

Depuis tout à l'heure, la chasseuse de primes contemple le portrait du Prince Encre, effleurant de son pulpe ses traits sensiblement emprunts sur le papier. Et plus elle le contemple, plus elle est certaine de tomber amoureuse en le rencontrant. Elle ne se croit pas assez naïve pour nier que le dessin a été retouché afin de le mettre en valeur, mais elle ne s'en incommode pas. Elle sent qu'il représente tout de même sa personnalité, elle peut presque la déceler. Cela n'échappe pas à l'œil méditatif de son acolyte, qui a la courtoisie de ne soumettre aucun commentaire.

Le trafic s'accroît sous les immenses remparts qui protègent Grasteaune. La grande porte principale est gérée par quatre ou cinq soldats contrôlant les allées et venues. L'un d'eux se gratte le sourcil avec méfiance en voyant arriver ce paquetage conduit par un squelette à la gueule aussi sympathique que l'Ankou ; compte tenu du fait, qu'avec la vague de froid qui s'est installée ce matin, l'adolescente a enfilé son manteau et lui a bouclé son fermail quelques crans vers la gauche, rabattant sa cape noire sur sa chemise de telle sorte que sa ressemblance à un spectre est plus étroite que d'ordinaire. Mais dès qu'il présente l'acte de mission, le garde opine du chef et les laisse entrer.

À peine ont-ils pénétré la ville que le climat environnant fait détonner les sens de la brunette. Un nombre incalculable de gens grouillent et fourmillent autour d'eux, inondant le pavé dans une masse versatile. Il en vient de ci et de là, des marchands criant, des enfants caquetant, des parents grondant, s'occupant d'une boutique au blason ébréché par l'âge, transportant des victuailles d'un bout à l'autre de la ville. Elle n'a jamais vu autant de monstres et d'humains ainsi mélangés réunis au même endroit. Les sons omniprésents lui font vriller l'épiderme, et les odeurs de nourriture se mêlent à la pourriture, le crottin et les herbes aromatiques. Elle tressaute dès qu'une voix émet trop près de leur carriole, et se retourne vers leurs affaires, prête à niaquer quiconque aurait la mauvaise idée de les leur subtiliser. Au grand rire du mercenaire.

– Tu as raison d'être prudente, ici il y a toujours quelques garnements pilleurs de vioques pour nous importuner.

– Dans ce cas, toi tu surveilles notre gauche, et moi j'observe dans ton angle mort de borgne, déclare-t-elle avec un engagement qui amuse fort le squelette.

– Alors ça y est, on travaille en équipe ?

Elle lui feule au visage avant de revenir à sa fixation sur les citadins, l'œil digne de la Grande Rouge.

– Je ne comprends pas comment on peut vivre avec si peu d'espace. C'est encore moins hygiénique qu'à la campagne !

– Pour les beaux yeux de Sieur Grasteaune, tiens.

– Plaît-il ?

– C'est autour de la noblesse que se construisent les villes. Il faut bien de la plèbe pour entretenir les exhalaisons de richesse de ces messieurs et dames, ils bénéficient de toute une société pour leurs petits soins. Et comme les gens ont moins peur des vampires et des démons dans l'enceinte des murs, ils s'entassent.

– Ils devraient bâtir une enceinte plus grande...

– Ça coûte bonbon, je suppose.

– Cet homme est un Duc.

– Et cet endroit n'est que son lieu de travail.

La résidence du noble est bâtie sur un léger relief, prédominant de peu le reste la cité. Encadrée d'une muraille de pierre avec pour seule brèche un grand portail à l'esthétique gothique, elle s'ouvre sur une modeste cour gravillonnée donnant accès aux écuries, ainsi qu'à de nombreux escaliers extérieurs qui se chevauchent sur les flans d'un ancien château fort. La structure a l'aspect des larges tourelles de jadis, mais retapée de tuffeau et blanchie pour correspondre à une mode architecturale plus actuelle.

En attendant d'être reçus, les deux chasseurs de primes guident leurs montures dans les box, les délestent, les gâtent d'un peu de foin et les bichonnent pour s'affranchir de la rumination. L'ambiance n'est pas des plus détendues en sachant qu'ils ne sont pas à l'abri d'un rejet sans aveu. Ils ont traversé les contrées pendant plusieurs jours et rien ne les protège d'une potentielle et pitoyable machine arrière.

– Qu'est-ce que tu vas faire ? s'enquit soudainement Macabre.

– Faire quoi ?

– Qu'est-ce que tu vas faire si le duc de Grasteaune nous apprend qu'il ne paie plus pour cette quête ?

– Je le sauverai quand même, répond la jeune fille naturellement.

– Je doute que le Prince Encre aura quoi que ce soit à te donner en récompense. Et sa royale de famille, encore moins à une vulgaire chasseuse de primes.

Elle caresse distraitement le menton de son canasson, soumise sans le savoir à l'attention la plus scrupuleuse de son associé. Elle hausse les épaules.

– M'en fous, je le sauverai quand même.

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Le messager ne tarde pas à revenir vers eux, chargé d'une escorte. Par mesure de précaution, on les destitue de leurs armes avant de les diriger jusqu'au cabinet du Duc. Ils sont assaillis presque aussitôt par une large pièce éclatante de luxe. Chaque corniche, chaque chambranle est stylisée, chaque meuble est poli et sculpté dans le plus minutieux détail. À l'arrière, d'immenses vitraux placent un cadre artistique sur le panorama de Grasteaune. Mais l'élément le plus pompeux est sans conteste ce lustre de cristal pesant sûrement plus d'un quintal qui justifie de devoir faire pousser un plafond si loin du sol. La brunette veille instinctivement à ne pas se synchroniser avec son axe de chute. C'est difficile pour elle de se restreindre de toucher à toutes les inestimables pacotilles posées sur les commodes ou accrochées aux murs, telles que les écussons, la verrerie, ou pire encore les huiles sur toile.

Leur client, assisté par un page, vient leur souhaiter la bienvenue. Humain, il a le corps svelte, le nez étroit et sec, sa perruque soigneusement peignée est rabattue vers l'arrière par un ruban noir fuselé, accompagnant deux séries de boucles viennoises dévalant ses tempes. Un fin nœud dans le dos de sa veste sur mesure couleur amande, embellie de dorures brodées sur les rebords, fait brandir sa silhouette. Elle est portée par-dessus une chemise à jabots, en accord avec la dentelle qui jaillit de ses manches. De fines lignes de rides parcourent son front ainsi que les coins de sa bouche.

– Vous ne mesurez pas la joie que j'ai de vous recevoir dans mes humbles quartiers, Messire Macabre... prononce-t-il en un long sourire, évaluant le mercenaire de ses yeux petits et creux. Votre allure est digne de votre renommée, et je parierais sans hésiter que vos aptitudes le sont également. Sans mentir, vous êtes l'homme de la situation.

L'adolescente, absorbée par les précisions techniques d'un tableau, est demeurée en retrait par rapport à son allié. Elle se concentre à nouveau sur le sujet principal de leur rendez-vous alors que de Grasteaune progresse, un verre de vin chaud dans chaque poigne.

– Bien qu'à tout avouer, j'escomptais votre visite bien plus tôt. Le dû promis n'était-il pas à la hauteur de vos exigences ?

Macabre refuse poliment le godet qu'il lui tend d'un revers de main.

– Je suis aventureux, pas suicidaire, objecte-t-il doucement. Et quand je m'engage, je le fais jusqu'au bout.

– Cela fait cinq ans que vous êtes à l'abri de tout rival. Quel grand mystère a-t-il donc pu convaincre si subitement un squelette de votre trempe ?

– L'âge, Monsieur le Duc... L'âge.

Le noble détonne d'un rire clair avant de lui intimer un clin d'œil.

– Ah, alors c'est ça... Vous ne vous sentiez sans doute pas pressé, il est vrai qu'à vos yeux et aux miens, toutes ces années ne sont plus une si grande affaire, n'est-ce pas ?

– Cela signifie donc que vos neuf-mille écus tiennent toujours sur le marché ? lâche brusquement la brunette.

La ligne de son épine dorsale se braque vers elle, secoué. Le squelette en profite pour lui échapper de quelques pas en diagonale, repliant ses bras sur sa cage thoracique. Le Duc fait pleinement planer le silence en adressant à la jeune fille un air ennuyé qu'elle ne se garde pas de renvoyer.

– Neuf-mille deux cents écus pour être précis, dit-il platement. Et en effet, je suis toujours disposé à les céder à quiconque tirera le pauvre Prince Encre des griffes de cette immonde engeance. Surtout maintenant que les obstacles qui vous séparent de votre cible se sont renforcés.

– Que voulez-vous dire ?

Il allait ouvrir la bouche mais le balafré a deviné juste à temps.

– L'armée française...

De Grasteaune se rengorge immédiatement.

– Vous êtes perspicace, voilà ma confiance tonifiée.

Puis s'embrunit dès qu'il s'agit de l'humaine.

– Voyez-vous, mademoiselle, si la capture du Prince est à nos cœurs une triste tragédie, il en est d'autant plus pour son royaume natal. Les deux couronnes ont déployé toute l'artillerie possible dans le but de le délivrer. Les années s'écoulèrent, la nôtre abandonna simplement, la leur jugèrent que si persévérer était chose vaine, au moins s'appliqueraient-ils à le préserver hors de portée du monde. À présent certains de leurs espions rôdent autour du manoir, et sans perdre espoir de le récupérer, ils s'assurent qu'il ne tombe en aucun cas entre les mains d'un spadassin de notre État.

– Les voilà donc gardiens du temple... annote Macabre.

– Tout à fait.

– Quel rempart les a mis en déroute en premier lieu ? s'informe la jeune fille d'un ton salé.

– Une malédiction. Humain ou monstre, nul ne semble y échapper. Si l'on s'approche trop du terrain, l'on est d'abord pris d'une abominable toux, puis nos côtes se contractent et explosent dans notre poitrine. Les faits observés sont directs et divers. En fait, quelque soit la tenue du tableau, nous finissons tous par en mourir si l'on ne reçoit pas de soins immédiats.

– Même les vampires ou les démons ?

– De toute évidence.

– Mais des domestiques doivent bien circuler, ne serait-ce que pour les vivres. Il y a forcément une faille, un contre-sort, quelque chose...

– Inconnu, la coupe-t-il.

– Quelle distance nous sépare du manoir avant que cette malédiction ne fasse effet ? renchérit le mercenaire.

– On l'estime à environ une demi mille.

– Ce n'est qu'une résidence secondaire... Sauriez-vous lorsque le roi Fallacy s'en retourne à son château ?

– Il ne s'absente que très rarement, pour des raisons politiques. Nous ne parvenons pas à les anticiper.

Il marque une petite pause pour déglutir élégamment. Alors que toute l'attention est rapportée sur lui, il se dirige de manière enjouée vers le squelette.

– Relevez-vous ce défi, Messire ?

Un échange bref se fait entre les deux chasseurs de prime.

– Nous ne sommes pas venus jusqu'ici pour reculer.

– Parfait, s'ébaudit-il, dédiant un signe au page. Laissez-moi vous faire rédiger un rapport signé afin d'officialiser votre mission avec nom, prénom et signature, puis vous serez libres de partir.

– Excusez-moi.

Envoyant valser ses pupilles las aux quatres coins de ses globes, de Grasteaune pivote à nouveau vers la brunette, l'autorisant à poursuivre par un mouvement de menton.

– Une fois que nous vous aurons livré le prince Encre, que comptez-vous faire de lui ?

Elle n'est pas intimidée par sa tangible frustration, l'animosité est réciproque. Toute diplomatie gardée, il hausse le nez en prenant un ton des plus melliflus.

– Je ne souhaite au Prince que le bonheur de rentrer sain et sauf dans son bon pays. Avec en effet, l'attente de quelques crédits en récompense, par extension de vos propres actions, cela ne va-t-il pas de soi ?

– En somme, l'acheter pour le revendre plus cher, prononce-t-elle, pesante.

– Messire Macabre, auriez-vous l'obligeance de dire à votre valet de cesser ses impertinentes jérémiades ?

Ce dernier déploie son orbite, hébété. La jeune fille sent ses tripes se contracter d'indignation. Des œillades s'alternent de part et d'autres, générant une gêne palpable. Enfin, sous l'impatience du Duc, le mercenaire, et à cela elle lui sera longtemps reconnaissante, le toise doté une subtile hilarité, énonce de la voix la plus affable qui soit :

– Que voulez-vous que je lui dise, mon brave ? Elle n'est pas mon valet, nous sommes deux chasseurs alliés sur la même prime. Ce qui lui chante, point me chaut.

Un véritable étonnement se peint sur le noble. Il contemple l'humaine avec nouveauté. Elle est tentée de l'achever par une risette malicieuse, mais étant donné que cela gâcherait la révérencieuse formulation du balafré, elle se contente de préserver un air sérieux, à peine pincé. Le mutisme est si long cette fois que même le page se frotte l'arrière du crâne sous l'embarras.

– Vous m'en voyez navré, articule finalement le Duc. Quant à votre commentaire hautement constructif...

Il se rapproche à pas lents et dépliés. Les poignets joints dans le dos, presque menaçant, il se penche sur elle avec une droiture rectangulaire, et de son sourire pompeux brocarde :

– Ma chère, ce n'est que du business.

Elle pince ses lèvres, ronge son frein, raffermie. Une profonde accusation se dégage de ses yeux et n'échappe à personne. Mais de Grasteaune n'en a cure. Il se redresse, s'asseoit à son bureau, pique une plume dans l'encrier à sa droite et signe le contrat.

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On les raccompagne jusqu'aux écuries. Leurs semelles résonnent sur le carrelage en un rythme régulier. Même le corridor est un l'étalage de fortune, avec ces bustes de marbre semés sur toute la longueur, épiant du plus polisson des voleurs au plus honnête des domestiques. La nuit doit communiquer une bien sacrée ambiance. Les gorilles sont resserrés, jaugeant, comminatoires, les dépêchent d'avancer. La brunette presse le pas jusqu'à son allié, chuchotant.

– Le duc de Grasteaune...

– Mh ?

– Je ne lui fais pas confiance.

– Lui non plus, c'est ainsi.

– Que va-t-il advenir du Prince si on le lui remet ?

Macabre doute à lui faire part de sa pensée. Il soupire pourtant.

– Je pense qu'il va faire exactement ce qu'il t'a dit. Le revendre à la couronne pour une somme considérable. Puis je présume que la couronne le revendra à la France.

– Et La France serait prête à lui céder autant juste pour le récupérer ? Je croyais qu'elle possédait déjà beaucoup d'héritiers...

– Mitaine, il n'y a rien de plus dangereux qu'un bâtard venant d'un État rival.

Un mauvais frisson conquiert une à une chaque vertèbre de la jeune fille. Bâtard. État rival. Ils oseraient ?

Cette mission s'avère plus politique qu'elle ne l'avait envisagée. Bien sûr, un prince est en jeu et elle en est consciente, seulement quel chemin tortueux il y a entre connaître une donnée et l'appréhender ! Elle commence à regretter d'avoir dans le cabinet prononcé telles outrecuidances. Elle agrippe frileusement les plis de sa pèlerine, peunaude.

– ...T'es pas en colère contre moi pour tout à l'heure...?

Le mercenaire ralentit pendant une fraction de seconde, avant de retrousser ses lèvres de squelette en un sourire goguenard.

– Le devrais-je ? Je croyais que tu ne voulais pas que je te donne de conseils ?

– Bien sûr que non ! rétorque-t-elle avec fougue, le cramoisi lui montant aux oreilles.

Son cou se rétracte presque sur-le-champ dans ses épaules.

– ...Mais c'était stupide, hein ?

– Effectivement, ça l'était, objectivement. Enfin, je ne vois pas à quelle conséquence néfaste cela peut nous mener. À part de manquer de me faire éclater de rire devant le client.

Elle tord le nez bizarrement. Il insinue quoi, là ?

Comme si sa question s'était gravée sur son front, il étire un zygomatique.

– C'était extrêmement satisfaisant la façon dont tu l'as rembarré.

Elle grimace et détourne ostensiblement son faciès pour ne pas qu'il remarque qu'elle essaie désespérément de réprimer une moue de fierté.

De retour aux écuries, ils procèdent à un examen de leur attirail et de la santé de leurs équidés. Ceux-ci soufflent qu'on leur fasse avaler le mors si tôt, seulement personne n'est vraiment enclin à s'attarder ici. La grandiloquence du château n'a d'égale que la senteur putride de cette ville : acide et venimeuse.

– Tiens la moi, sollicite Macabre en confiant les rênes à l'adolescente afin qu'il soit en mesure de passer le harnais.

Pendant qu'elle l'étudie en train de tirer sur les lanières de cuire, elle exprime une certaine confusion.

– On reprend vraiment la carriole ?

– Oui, confirme-t-il, vérifiant l'ensemble, pourquoi ?

Comment ça pourquoi ? Elle n'a pas vraiment osé le lui dire directement, mais elle trouve cette cargaison aussi inutile qu'emcombrante. Ils ont failli se faire déchiqueter par des vampires sauvages hier, et elle ne tient pas à réitérer l'expérience de contempler avec impuissance de simples bipèdes, même renforcés par leur bestialité, les rattraper piétons. Ils sont trop vulnérables ainsi.

Elle juge que c'est un argument valable pour au moins permuter un débat. Mais pourquoi a-t-elle du mal le lui soumettre, tout d'un coup ?

– Tu avais laissé deux sacs à Starkdin, je croyais que tu ferais de même ici... élude-t-elle. Que tu profitais de la ville pour vendre des marchandises, quelque chose comme ça...

– À Starkdin c'étaient des dons. Et non, je ne compte pas me séparer de mon véhicule ni des affaires que j'ai accumulées pendant des décennies.

Une vague d'irritation presse le R dans la gorge de la jeune fille lorsqu'elle s'exclame.

– Alors tu te trimballes vraiment avec ça sur le dos ? Tout le temps ?

– Pas tout le temps, fait-il tranquillement, seulement pour les longs voyages. Tu m'aides ?

Une bise friponne tourbillonne joyeusement entre les rayons de leurs roues luttant dans une terre fraîchement humectée par le crachin. L'effluve mouillée panse les narines de l'humaine pour l'horrible agression olfactive qu'elle a endurée au sein du bourg. Au-dessus, un large ciel bleu les domine. Bleu, mais glacé, fermé. Bien qu'elle soit soulagée d'avoir retrouvé le calme de la campagne par rapport à l'oppression de l'espace urbain, elle grelotte dans son manteau et sentir le pas invariable et continuel des sabots sous la banquette, ce mouvement sclérosé, finit par lui taper sur le système. Elle se griffe les joues en poussant des mugissements de martyr, frappe convulsivement le dossier de son poing et regarde en arrière comme si on l'emmenait à l'échafaud.

– C'est trop leeeeeeent ! gémit-elle. On va vraiment devoir passer tout le voyage comme ça ?!

Deux coches qui défilent projettent un filet brunâtre sur sa joue. C'est l'bon Dieu qui t'a punie, dirait l'autre. Elle s'essuie en fulminant.

– Tu as entendu le Duc ; personnage n'a tenté de libérer le Prince Encre depuis cinq ans, nous n'avons pas à craindre la concurrence.

– Au diable la concurrence ! J'en ai marre de voir ces voitures de richards nous envoyer du margouillis sur la figure !

– Ce n'est pas une simple chasse, Lisa. C'est la mission la plus dangereuse du pays, on a besoin de s'équiper. Tout le monde sait que Fallacy détient de son sang royal des pouvoirs qui...

Macabre n'a pas le loisir d'accomplir son explication qu'elle agrippe ses rênes et bride les chevaux de but en blanc. Ils hennissent. Elle saute pieds à terre et amorce un dételage.

– Qu'est-ce que tu fais ?

– Je pense que je me suis laissée un peu embrouillée par Gatty et les autres, déclare-t-elle, plaçant sa monture sur le côté afin d'attacher individuellement celle du spadassin à la carriole, sous la constatation passive de ce dernier. C'est vrai que t'es malin, mais à mon avis on te surestime.

– Ah oui.

Elle resserre les lanières de cuire. Ses gestes sont secs, se veulent précis. Elle fourre avec effort le matériel d'attelage dans un des sacs, s'empare de sa selle, son tapis, son licol.

– Oui. J'ai réfléchi, tu sais, ça me travaille depuis Starkdin. D'accord, tu connais mieux le chemin et ça t'avantage, mais c'est tout bonnement impossible que tu aies pu rattraper deux jours et demi de ma course en vingt-quatre heures avec un tel poids à traîner et un seul pur sang. Tu es parti juste après mon départ et tu m'as proposée de t'accompagner pour être sûr que je ne te passe pas devant tout en gardant tes précieuseries de vioque nostalgique. Mais je ne suis pas nostalgique moi, je n'ai rien de précieux, alors je voyage léger.

Un accent d'amertume s'échappe de ses lèvres. Elle sangle, passe la têtière derrière les oreilles, vérifie le réglage.

– Enfin, ça m'a fait me poser cette question : pourquoi tu m'aurais menti sur un détail aussi bête ? Parce que tu as jugé en avoir besoin pour m'impressionner. Il n'y a que les charlatans qui s'encombrent de tels mensonges. Tu en es un, et un bon, même. Tu caches bien tes faiblesses et tu sais poser tes collets, mais je ne crois pas que tu aies fait toutes ces choses qu'on dit de toi. Alors je ne me ferai pas embobiner davantage, vu ?

– Tu veux déjà rompre ta parole d'homme d'honneur ?

Elle conclut en accrochant ses deux havresacs aux flancs de son canasson et l'enfourche en lui dialoguant un sourire madré.

– Non, juste te forcer accélérer un peu la cadence en cédant deux secondes tes bagages à quelqu'un de confiance. T'es populaire, non ? Ça ne devrait pas être trop difficile. Dans tous les cas, moi je trace. On se reverra aux terres de l'Ouest.

Un légère cerne se creusant sous l'orbite valide de Macabre approuve que cet imprévu ne le laisse pas indifférent. Sa fine pupille cyan calquée sur le vide traduit une introspection méditative. Elle semble se dilater soudain, et la cerne se détend.

– Il y a un grand pic à quinze lieues d'ici, signale-t-il, il est situé sur la ligne droite de notre prochain itinéraire. Tu ne peux pas le manquer, il ressemble sous tous les angles à un bouc à cornes recourbées.

– Un mouflon ?

– Un mouflon, c'est ça. Tu sais ce que c'est ?

– On m'en a déjà parlé quand on me lisait les carnets de voyage.

– Mh...

– J'ai compris, ampute-t-elle, comprimant ses cuisses en maintenant les rênes courtes afin d'informer son destrier d'un départ prochain. Au premier arrivé, hein ?

– Si tu gagnes, je cède mes bagages à quelqu'un de confiance.

– Et il se passe quoi si je perds ?

– Rien, mais j'aurai peut-être tiré le bénéfice de te convaincre.

– Très périlleux, commente-t-elle avec minauderie. Ne me fais pas trop attendre, le vioque !

Elle lâche la bride. D'un coup de talon, le galop l'entraîne le long du chemin, la distançant d'une vitesse fabuleuse par rapport à son associé.

La région de Grasteaune est clairsemée de collines. Elle se retrouve bien vite isolée de l'horizon du squelette par le relief. Elle marque une pause, et, profitant d'une bouffée d'oxygène libératrice, consulte sa carte. À présent que la case Grasteaune a été cochée, il ne reste plus qu'à foncer jusqu'aux terres de l'Ouest, c'est-à-dire, viser plein nord. Telle est la direction du prochain village dans lequel ils ont convenu plus tôt qu'ils appareilleraient. Quant au pic du Mouflon, si cela est son nom, il ne figure nulle part sur le papier, mais grâce aux coordonnées de Macabre, elle parvient à conjecturer son emplacement ; sur la ligne droite, à quinze lieues. Pas très précis, mais elle est motivée de relever ce défi d'orientation.

Elle affine au maximum le zig-zag des différents points de repère dont elle dispose. Ne reste plus qu'à trouver le nord. Voyons... Les cloches de la ville sonnaient deux heures, il doit être bientôt trois depuis. L'hiver, le soleil se trouve plus bas dans le ciel, à midi il pointe vers le sud. Elle imagine la médiane de son arc diurnal à l'aide du pouce, cavale dans le sens opposé. Plus l'astre se rapprochera de la fin de sa course, plus il lui sera facile de marquer les points cardinaux.

Les carrés de cultures entravent sa linéarité. Elle parvient cependant à préserver son cap sans se perdre dans les sentiers. Un temps à supporter les angles des virages et à garder ses méninges en turbine avant de filer droit devant, en toute délivrance. Elle ricane à chaque fois qu'un village ou un dolmen au loin lui souligne qu'elle ne s'est pas trompée. Dès qu'on a une bonne motivation on est capable de ne commettre aucune bavure, tout compte fait.

Enfin, les prairies sauvages. L'étendue d'une mer de lumière. Les gouttelettes délicatement posées sur les herbes par la pluie brumeuse brillent comme du cristal sous les rayons du soleil froid. Elle s'offre une joyeuse accélération. Lutte glorieusement contre le vent. Sent son cœur s'emballer. Contourne quelques bois pour ne pas s'y égarer mais fait peu de haltes. Le cheval fournit et fatigue. Elle l'éprouve à travers lui, mais refuse de ralentir. Grappiller une victoire sur Macabre est pour le moment un de ses assouvissement les plus juteux. À ce propos, elle se demande bien quel stratagème il aura planifié pour la rattraper. Connaître des raccourcis, c'est vrai, mais peut-être voler un deuxième cheval –ce qu'elle n'espère pas pour son pauvre propriétaire– ou tout simplement abandonner sa charrette et là elle serait dans la panade. Mais elle n'y croit pas, c'est un duel d'égo, l'intérêt se perdrait.

La teinte céleste fondra bientôt dans le crépuscule. Le paysage propose protubérances et anfractuosités de part de grandes roches couvertes de plantes, disposées pareilles à un royaume de trolls endormis. Bien entendu c'est ridicule, les roches de trolls sont nues à cause du nomadisme nocturne de ces derniers, et très faciles à reconnaître. La chasseuse de primes se retrouve campée devant un gigantesque bassin de forêt. De l'autre côté, elle distingue un pic, plus haut que les autres, élevé par une colline, dont la forme s'accorde parfaitement avec la tête d'un mouflon. Elle pousse un cri triomphal. Un dernier achoppement s'oppose à elle néanmoins; la cuve végétale, trop florissante et escarpée, ne propose aucune trajectoire exploitable. D'un côté, s'y engouffrer est dangereux. D'un autre, la détourner deviendrait absolument sempiternel, et elle serait exposée au risque de se faire surprendre par la nuit.

Elle autorise son cheval à se reposer une dizaine de minutes, tandis qu'elle se sustente d'un peu de viande fumée en analysant le terrain. Une suite de plateaux en file indienne esquisse à petits traits un sillage entre les lianes et les arbres. C'est sportif, mais praticable. Elle se remet en scelle.

– En route, lance-t-elle en lui administrant un petit coup de talon.

Il suit son commandement jusqu'au petit précipice, devant laquelle il pouffe de désapprobation. Il ne possède pas le pied assez sûr, mais la brunette n'a pas dit son dernier mot.

– Allez, boudin sur pattes ! se fâche-t-elle.

Il maugrée, finit par céder. Il se laisse glisser sur la pente, dérape, brame puis échoue sur la première roche, membres fléchis. La jeune fille soupire, son pouls frappant sa tempe. En bas c'est la jungle, un amalgame de branches et de ronces, l'on ne perçoit même pas le sol. Elle se frotte le front, resserre ses rênes et se prépare à sauter les prochaines. Tranquillement. Une à la fois. La surface est mouillée, criblée de mousses. Le pas tremble. C'était une mauvaise idée.

Elle prend de l'élan, franchit la seconde. La troisième est éprouvante. La quatrième particulièrement écartée. La cinquième déclive. Combien il en reste ? Elle n'ose pas compter. Le demi-poney s'ébroue, recule, accélère pour la sixième fois.

À l'instant où il accoste le plateau, sa croupe s'abaisse furieusement. Ses sabots raclent la paroi. Le corps part en arrière. Il mugit, se démène contre le vide. L'adolescente plaque sa poitrine contre son encolure en poussant un cri. Elle se débat avec ses étriers, réussit à en extirper ses chevilles, se vautre sur la périphérie de la corniche, se ressaisit aussi sec et le tracte de toutes ses forces par la sangle. Les dorsaux musclés de la bête trémulent sous l'effort. Des gravillons fusent de leur lutte. Enfin, il parvient à rétablir ses appuis. Il s'avance brusquement, culbutant sa cavalière. Elle tombe sur le derrière et s'érafle la paume contre un gisement de silex.

Leurs respirations s'affrontent en écho à la fréquence du chuintement précédant l'explosion de poudre. Elle songe à dormir ici, monter un feu, dîner, s'y remettre demain, s'inflige une gifle. Il est hors de question de s'éterniser dans cet enfer. Pour s'encourager, elle pense à son pari avec le mercenaire. Une décharge de rage l'anime dans une énergie nouvelle. Elle ne lui permettra pas de gagner cette fois et ce pour tout l'or du monde.

Sa monture la bouscule d'un coup de museau sans ménagement, répandant une écume de salive sur son menton. Elle aussi paraît se languir de se dépêtrer de cette galère. La brunette s'essuie la mâchoire.

– M'engueule pas, ça va...

Par bonheur, aucun incident ne récidive à la deuxième moitié du parcours. Ils ricochent presque sans pépin sur les rochers jusqu'à ce que leur pas fourche l'herbe grasse de la plaine d'en face. Le soleil n'a que très peu bougé. En réalité, leur périple n'a sûrement duré qu'une quinzaine de minutes. Quinze longues et atroces minutes, qui cela dit en valaient la peine si l'on en toise le détour qu'ils auraient pu se farcir.

Le site qui s'érige désormais face à eux point comme l'entrée du paradis. Un faux-plat mordoré au voisinage d'un modique boqueteau, et juste après, le fameux pic du Mouflon baigné dans le bronze d'un soleil qui décroît. La chasseuse de primes leur gratifie alors un dernier labeur, celui de galoper jusqu'à la parure royale de cet animal de pierre.

Elle se prive par prudence de s'esclaffer mais un grand sourire dévore son faciès. Le vioque n'a aucune chance, elle en est absolument convaincue. Avec sa carriole l'emprunt du raccourci lui est inenvisageable, de toute façon. Elle a tellement hâte de voir sa tête quand il verra comment elle s'est parfaitement débrouillée sans lui !

Elle accélère. Les pattes de l'équidé martèlent le pâturage avec frénésie. Il est hors d'haleine. Elle aussi. Elle a hâte ! Elle accélère encore.

Tout à coup, son ouïe capte une détonation sur la droite. Elle n'a pas tourné les cervicales que le cheval hennie et chavire, la propulsant dans la paille mouillée. L'entièreté de son poids s'écroule sur son bassin. Elle couine de douleur.

Réduite à se destituer de sa pèlerine pour se libérer, elle dégage à grand-peine ses mollets et inspecte la raison de cette cabriole. Un épais filet entremêlé entrave les membres de sa monture meurtrie. Elle feule dans la direction du tir, hors d'elle.

– Nimson, immonde trich...!!!

Un hoquet fuse de sa gorge. Deux ombres font saillie des bosquets. Un monstre coiffé d'un antique casque de conquistador, muni d'une arbalète lance-tirasse ainsi qu'un jeune humain mal rasé; vêtements dépenaillés, chargés d'un bataclan d'armes, de vivres et autres quincailleries bouclées par des ceintures et bourrées dans des poches, ils applaudissent sous d'euphoriques beuglements.

– Un cheval, les gars, on a attrapé un cheval !

– Oh oui ! Oh oui !

– C'est dans la pogne, bonne prise, mes charognes.

Un homme avec une lèvre fêlée se joint à eux. D'une trentaine d'années, portant une longue corde enroulée en bandoulière et plus d'équipement que les autres.

– Il doit y avoir un mois de bouffe, là-dedans ! s'ajoute un quatrième, une sorte de monstre à plumes difficilement descriptible, suivi bientôt d'une amphibienne mastoc tenant un Tomahawk du Nouveau Monde sur l'épaule, dotée de six cornes poilues sur les flancs de son crâne.

– C'est pas fait pour être mangé, Bec-jaune ! grogne le jeune.

– Haha, fini les courses interminables, le monde est à nous !

– Par la Grande Rouge, je l'ai attrapé, il est pour moi ! Je vais le monter !

– Ah non, à tour de rôle !

– Et moi, je pourrai le monter ?

– Je suis le chef, demeuré ! clame l'homme à la lèvre fêlée. JE vais monter le canasson.

– Personne ne va "monter le canasson", chef, souligne l'amphibienne.

– Et pourquoi ça, Axy ? s'enquit-il, pavé d'un sourire madré.

– Parce que la gamine est en train de le désaucissonner !

Armée de son poignard, la brunette scie les cordes par des va-et-vient désespérés qui mobilisent tout son corps. Elle s'interrompt subitement quand la semelle du chef se poste pile devant son nez, dans l'estomac de la bête.

– Un instant, greluche.

Sans réfléchir, elle saisit l'arbalète déjà chargée qui traînait de sa sacoche et actionne la gâchette. Une éruption d'hémoglobine jaillit sous la clavicule de l'homme. Ce n'était qu'un carreau de bois pour vampire, elle doute que ça lui ait percé l'os.

– AH ! glapit-il en attrapant son épaule. Misérable chienne galeuse, crevez-la !!

Axy est la première à réagir. Elle fond sur la chasseuse de primes, amorçant un coup de hache latéral. L'adolescente recule en s'éjectant sur ses cuisses par à-coups, dégainant son coutelas. L'une est lente, féroce. L'autre est vive et farouche. Elle tournoie autour de sa prédatrice, la mord par ses offensives à l'instar d'un serpent : patiente, surprend, pique, rétrograde. Elle arrive à lui entailler le brassard. Plus tard, à lui sectionner le lard. L'échancrer à petit feu. Esquiver. Rester concentrée. Tout va bien se passer.

Mais c'est sans compter le tireur au morion, qui, s'étant accommodé d'un glaive émoussé, s'engage à la rescousse de sa collègue. Il tente de planter la jeune fille par derrière. Elle pare in extremis et s'échappe sur le côté. Un duel à l'arme blanche s'ensuit. Le monstre déferle toute sa puissance sous les encouragements haineux de son supérieur. La brunette est contrainte d'y requérir ses deux mains. Ses muscles l'élancent. La lourdeur de la journée pèse sur sa nuque. Elle dépense plus que d'ordinaire. Il est tard. Par la malpeste.

Elle glapit. Son adversaire la pousse inexorablement vers les derniers malfrats qui salivent d'avance de l'égorger. Elle fait volte-face. Le jeune la prend d'assaut brusquement, manque de lui lacérer l'estomac. Prise entre deux tranches de pain, elle embrasse le sol au dernier moment, roule en diagonale sur son humérus, se redresse à revers de l'humain, s'apprêtant à le désarmer. Tout à coup, l'amphibienne surgit sur sa gauche. Elle se retire. Pas assez rapide, le coin du Tomahawk percute ses paumes. Son coutelas s'envole. La claque rougit sa peau. Elle gémit, a juste le temps de s'échapper par une galipette entre les jambes de la géante.

– Attrapez la, putain !!

Ses membres la guident dans des gestes erratiques, en tous sens pour éviter les mains cherchant à l'immobiliser, indépendamment de sa raison. Jeter son buste vers la gauche, vers la droite, jeu de jambes, sur un pied. C'est comme une puissance au-delà de son entendement qui la fait danser, danser sur un champ de champiplosifs. Et sans crier gare, ses pas la guident vers le monstre au casque. Personne ne l'avait anticipé. Pas lui. Pas elle. Il s'affole. Elle panique. Ne ralentit pas, clot ses doigts sur son cou, sauvage, parvient à le plaquer. La dague chaudement conservée dans la poche de sa robe assiste enfin à l'extérieur.

Elle l'axe au-dessus de sa victime. Le teint blafard du brigand miroite sur elle l'espace d'un instant. Elle se fige. Retourne le pommeau, veut l'assommer avec.

Soudain, elle sent une force comprimer son poignet. Elle se fait entraîner par derrière contre le plastron de cuire de l'amphibienne qui lui tord furieusement le bras, lui arrachant un hurlement.

– Je te tiens, petite pourcelle !

La bandit pivote, la jette par terre, écrase sa poitrine et abat son arme.

La brunette se couvre le visage. Un son métallique éclate dans l'air.

Elle croque l'intérieur de sa bouche, contorsionnée. Puis plisse les arcades avec incrédulité. L'éclat s'allonge. Aiguë, continu, strident, telles deux lames en lutte. Elle risque une œillade. La prunelle de l'amphibienne s'est rétrécie en une forme distordue et sidérée. C'est tout ce que la jeune fille est capable de relever, le reste de son champ de vision étant bouché par le long rideau voletant d'une cape noire.

La géante résiste, oscille et trébuche, se rattrape sur plusieurs enjambées, sa hache surélevée par l'onde de choc qui a jailli de l'épée courte du balafré. Tout en continuant de les fixer, il la range dans son fourreau, se tenant devant la brunette comme une tour. Cette dernière happe l'air, abasourdie.

Aucune émotion ne transgresse son visage sous son large chapeau. Son manteau dissimule l'entièreté de son corps, plonge jusqu'à ses bottes tels la robe d'un spectre. Sa position est stoïque, symétrique, ne révèle le relief de ses bras ni de ses armes.

Axy et son confère reculent de quelques pas. Bec-jaune et le jeune maintiennent leur seconde zone. Qui l'a vu arriver ? Une méfiance avisée les paralyse, les enracinent fermement.

Le vent est tombé, et personne ne bouge.

– ...Qu'est-ce vous attendez !? finit par gueuler celui à l'épaule injuriée, adossé à un tronc. Il est tout seul, butez-le !

Emportés par la voix de leur chef, la guerrière et le casqué déferlent sur lui en aboyant. Il les prend en premier. D'un battement de cil, le voilà collé à eux à hauteur de poitrine. Une friction nette et double émane de ce contact. Ils convulsent. L'une glisse le long du coutelas, l'autre s'effondre du bout du poignard de miséricorde, par le biais du sternum. Le son de leur chute est absorbé par l'humidité du sol. Entre chien et loup, les ombres s'épanouissent.

Le jeune et le volatile tressaillent mais y sont poussés à leur tour, en piaillant de rage. De la même manière il charge vers eux, mais son mouvement reflue d'un bond quand un couteau est expédié vers ses mollets. C'était le laps nécessaire pour eux de parvenir à lui et tenter de le noyer sous des slaves de masse et de glaive. Il s'en soustrait sans souci par de petits sauts habiles. Seulement, sans débusquer de failles dans leurs attaques, il se retrouve contraint de battre en retraite. Les brigands le talonnent, pendant que l'homme à la lèvre fêlée s'empresse de charger sa balestrille, suant et grimaçant comme un chacal à cause du pieu incisé dans sa chair.

Leur chasse les conduit au coin d'une petite paroi. Acculé, il ne décélère pas. Au contraire, il court sur l'escalier rocheux, escalade bipède, se retrouve bien au-dessus d'eux et s'envole. Sa colonne vertébrale se voûte à l'extrême. Son tronc bascule dans un tour complet. Ses bottes atterrissent sur les épaules du premier, et sa dague dans son crâne. Un frottement granuleux se produit au moment où il l'extirpe pour sauter sur le second et réitérer le processus.

Le chef commence à perdre ses moyens. Il cherche à fuir, tressaillit. Le mercenaire se rue sur lui. Il tire. D'un coup de coutelas le carreau est brisé en deux. Le cœur de l'humain n'est pas à sa prochaine percussion qu'il se retrouve cloué à l'arbre, la vue grande ouverte sur l'immonde croix fondue qui étouffe la figure du squelette.

– Non...!.. Non pitié..!!!..

Sa supplication s'accomplit dans un mugissement d'agonie. Il meurt la gueule ouverte, noyé dans ses propres caillots. Saigné à la mode des chasseurs de vampire, saigné par le cœur, saigné comme un porc. Le balafré se débarrasse de la dépouille, expulse le liquide gluant et pourpre de sa lame d'une leste rotation du poignet et torche le reste dans son manteau. C'est là que la jeune fille comprend avec horreur pourquoi il porte des habits noirs.

Plus aucune agitation ne trouble les lieux. L'unique caillou venant onduler le voile du mutisme ambiant est le halètement du canasson qui se débat encore avec le filet jusqu'à ce que le mercenaire vienne trancher ses entraves, avant de s'approcher pas à pas de l'adolescente. Jambes toujours avachies, prisonnière de sa torpeur, cette dernière est focalisée sur le cadavre de l'homme, piégée dans la rougeur de ses globes exorbités. C'est à peine si elle bronche quand il se campe devant elle.

– Tu n'as pas baissé ta lame, tout à l'heure.

Elle le consulte enfin, le voit de pierre. Elle articule dans le vide, aphone, doit pousser sur ses cordes vocales avec fureur pour se faire comprendre.

– ...C'est bon, tu peux te passer de tes leçons, je sais ce que tu va dire, on m'a déjà chanté ce refrain une tonne de fois... balbutie-t-elle, brinquebalant son regard, à la fois acerbe et vulnérable. «C'est lui ou toi», «Il l'aurait fait sans hésiter à ta place», «Tu es beaucoup trop gentille pour ce monde», «C'est comme ça»...

Elle respire fort.

– ...Je suis pas contre le fait de tuer si c'est pour sauver ma peau, mais c'était pas une décision tout à l'heure, c'était un réflexe, et en attendant que ça me crève j'en suis fière.

Ses phalanges se contractent. Elle le défie encore. Le ciel qui s'embrase fait scintiller l'iris du balafré avec davantage de froideur. Chaque mot s'évadant de sa bouche la gifle sévèrement.

– Je suis venu te trouver parce que je pensais que tu avais du potentiel. Que tu étais capable de faire preuve d'un minimum de bon sens. J'ai proposé de t'apprendre comment observer, ruser, te battre, écouter ton instinct et tout faire pour parvenir à tes fins, pour survivre.

Elle baisse la tête, encaissant avec peine. C'est alors qu'il lui tend la main, emprunt d'une incommensurable douceur.

– ...Mais je ne suis certainement pas là pour te donner des leçons de morale.

La chasseuse de primes papillonne des paupières, désarçonnée. Elle serre les dents, refoule ses larmes. Elle est trop stupide. Ces bandits allaient la massacrer, et lui, il lui a sauvée la vie. Elle pose sa paume dans la sienne. Il l'aide à se relever. Elle s'écarte, décalant nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille, sans oser lui faire directement face.

– Au moins... Je suis arrivée avant toi, plaisante-t-elle, un peu incertaine.

Il la toise un instant avant de faire une moue narquoise. Son flegme est revenu. Puis il lui intime de le suivre.

– Comme je l'ai dit, tu as du potentiel. Tu t'es posée les bonnes questions, mais ton raisonnement comporte trois erreurs.

Elle s'empresse de cueillir son coutelas et son manteau tout en le rejoignant alors qu'il s'avance par foulées vers le Pic du Mouflon, dressant deux doigts.

– La première, c'est qu'il n'y a pas que les charlatans qui s'encombrent de tels mensonges. Ils le font, c'est vrai, les mauvais charlatans. Et les vantards. Je suis peut-être vantard, mais comme tu l'as dit, je suis un bon charlatan. La seconde, c'est que tu as oublié de prendre en compte notre rencontre à Pinefall, qui, si j'en crois ta différence de tempérament, s'est déroulée avant que tu entendes parler de moi. Tu avais de quoi te forger un avis critique. Que je te mente sur ma vitesse de déplacement n'influe pas sur mes autres compétences.

Le pied de la bête à cornes est sous couvert d'une population abondante de buissons touffus et de lierre rampant, au point qu'ils doivent contourner un mur de taillis.

– Et enfin, la troisième...

Il écarte la branche d'un arbuste. Sa charrette et son pur-sang reposent paisiblement autour des prémisses d'un feu de camp dont le combustible n'a pas encore été consommé.

– C'est que je ne t'ai pas menti.

La brunette fait tomber sa mâchoire. Il se tourne vers elle.

– Tu t'es trop focalisée sur la réponse qui t'arrangeait tandis que la réalité se fout royalement de tes préférences. Tu clos tes yeux sans traiter les possibilités avec objectivité, et c'est là ta plus grosse erreur.

– ...Il va falloir que tu m'expliques.

Il ricane devant sa béatitude, avant de lui asséner un sourire énigmatique.

– Pour ta défense, c'est vrai que ce que j'ai fait est... Techniquement impossible, avoue-t-il. En réalité, disons que j'ai un peu triché...

Ceci étant dit, il sort un seau usé de l'un de ses sacs.

– Il y a un ruisseau un peu plus bas, je reviens tout de suite.

Il s'absente donc en la laissant cruellement cogiter pendant plusieurs minutes. Elle en profite pour récupérer son canasson, vérifier son état, se soulager qu'il n'a pas été blessé, lui ôter son équipement et le bichonner comme il l'a mérité. Macabre remonte vite la côte, soulevant la bassine remplie à ras-bord sans divulguer le moindre signe de faiblesse. Vieux os crissant et croulant, mon cul c'est du poulet. Il le pose à côté de la charrette et plonge à nouveau dans ses bagages.

– Ce n'est pas le genre d'atout que je comptais te révéler, mais bon, comme tu es butée...

Sous l'incompréhension la plus totale de l'adolescente, il lui présente une poche de cuire graissé et une pince de métal, ce genre d'instrument qu'on utilise pour manier une lame chauffée à blanc en forgerie. Il s'en sert dans le but d'extirper une pierre rouge luisante déjà enveloppée dans un torchon roussi çà et là. La jeune fille s'ébahit.

– Attends, c'est... C'est... C'est un cœur de démon, ça !

– De démon infernal, oui, confirme-t-il. Mais il ne bat plus depuis longtemps.

– Comment tu l'as eu ? s'enquit-elle, époustouflée.

Il a un rictus.

– C'est une longue histoire et ce n'est pas le sujet.

Elle gonfle sa joue de déception. En effet, aussi incroyable qu'est cet artefact, elle ne parvient pas à conjecturer son lien avec la capacité du mercenaire à se téléporter. Il s'asseoit en tailleur près du sceau. Elle copie sa gesture.

– Bon, nous sommes d'accord sur le fait que pour avancer, une roue de calèche doit tourner ?

– Jusque là tout est clair.

– Et bien tu vois, ce cœur de démon est capable de rester brûlant des centaines d'années. Il me réchauffe l'hiver, me permet d'allumer un feu facilement et sans silex, a failli me tuer dans un incendie, et dans l'eau...

Il immerge la pierre. Un brouillard ardent fuse en éruption de la bassine. La brunette s'exclame, tousse, éternue. Il désigne les petites bulles qui éclatent à la surface de l'eau avec la pince.

– Tu vois, il y a de l'air qui se manifeste.

– Du nuage aussi.

– C'est vrai. Et cet air, il est très chaud. Et il s'élève au-dessus de nous.

– Le nuage aussi.

– Aussi. Peut-être parce qu'il veut retrouver ses pairs. Toujours est-il que cela produit du vent.

Elle met sa main au-dessus du seau. Un souffle torride pousse sa paume vers le haut. C'est assez agréable. Mais dès qu'elle la retire, les micro gouttes gagnent en froid et lui grignotent la peau. Le squelette se penche à nouveau vers ses affaires.

– Attends, je dois avoir...

Il déniche à l'intérieur d'une boîte à tout un petit moulin à vent et le pointe vers elle, animé d'une certaine excitation.

– Maintenant, imagine que ce ceci est une roue de calèche.

Il le place à la surface de l'eau. Le papier se met à tourbillonner à un rythme étourdissant. Le rapport se fait aussitôt dans esprit de la jeune fille. Elle étouffe d'émerveillement.

– Il y a comme une bouilloire au cul de la charrette, entre les deux roues arrière, et des sortes de gouttières reliées à leur mécanisme pour amener le vent, précise Macabre, plutôt fier de sa démonstration.

– C'est incroyable ! Mais alors, ta charrette peut avancer toute seule ?

Il pose son menton dans son carpe osseux et son coude sur sa rotule.

– Hélas non, pourtant j'aimerais bien ! Surtout avec la masse de précieuseries de vioque que je transporte. Mais ça facilite le travail du cheval, et parvenu à une certaine vitesse, ça en vient même à le délester complètement. Il est donc en mesure de courir à son maximum sans avoir la sensation de tracter quoi que ce soit.

Et comme les pur-sangs sont des chevaux de course...

C'est vraiment ingénieux. Et inimaginable. Rien d'étonnant à ce qu'il refuse de se séparer et ce véhicule, c'est une pièce unique !

Il remballe la pierre dans le torchon, puis dans la poche. Le liquide contenu dans le sceau a disparu d'un quart.

– Malheureusement cette technique est très coûteuse, il faut remplir la bouilloire fréquemment si on veut galoper longtemps, déplore-t-il en rangeant ses biens. De plus, un épais nuage s'en échappe et me rend détectable. Et puis il ne faut pas se leurrer, le cheval doit pouvoir s'habituer à adapter le rythme, sentir quand j'enlève la pierre et que tout ralentit. Ça nous a demandé beaucoup d'entraînement et de coordination.

N'empêche, c'est vraiment ingénieux. Évidemment qu'il peut rattraper n'importe qui. Avec ça ils sont les rois du monde !

– Wouaaaah... Et c'est toi qui a construit tout ça ?

– Bien sûr, affirme-t-il.

La brunette déploie un sourire d'admiration avant de se renfrogner quand elle le voit réprimer désespérément un pouffement.

– Menteur, siffle-t-elle.

– Mais si, puisque je te le dis.

– Non, c'est pas vrai, tu me fais marcher !

– Pas du tout, sur la tête de ma mère.

– T'es trop vieux pour jurer sur ta mère, espèce de menteur, vieux fossile de menteur !!

Il n'essaie même pas de cacher son hilarité. Elle lui tape spasmodiquement sur l'omoplate pendant qu'il se livre à un fou rire.

– Menteur, sale menteur, arrête de mentir comme ça, tu mens !!!

– D'accord, d'accord, d'accord, c'est bon ! abdique-t-il, écrasé, pliant le dos sous les coups de la brunette.

Elle se rend compte que c'est la première fois qu'elle le touche. Elle le frappe de manière complètement infantile et il ne la regarde même pas, il ferme son orbite en s'esclaffant. Elle pourrait sortir son couteau, le planter, là, dans le dos, sans qu'il l'identifie comme une attaque. Cette perspective la fait frissonner. Elle se recule, replie ses bras sur sa poitrine. Il le sent. Il se redresse vers elle remet ses vêtements en place, songeur.

Il sourit, et c'est une torture pour elle de déchiffrer si c'est du dédain, de l'amusement ou bien de la tendresse.

– Tu sais, à Pinefall, quand tu as voulu sauver ces deux mômes... Même si tes adversaires n'étaient pas au mieux de leur capacité, tu t'es merveilleusement bien battue, c'était très courageux. Et tout à l'heure, tu as tenu longtemps. Tu es jeune, mais je t'ai trouvée assez impressionnante.

Elle grommelle. Il se moque encore d'elle, ou quoi ?

– Humpf.

– C'est quoi, ça, une langue démonite ?

– Hmpf.

Elle oriente sa face dans toutes les positions possibles qui n'entrent pas en collision avec celui du squelette, avant de pousser un profond soupir.

– Donc, euh... bégaie-t-elle, ça te dirait de... M'aider à m'améliorer ?

– Donc tu voudras qu'on s'entraine pendant le voyage ?

– Humpf.

– Je suppose que ça veut dire oui ?

Elle lui tire la langue. Il ricane avant de poser son chapeau sur le rebord de la charrette.

– On a encore une petite heure avant qu'il fasse complètement nuit. Alors si tu veux on peut...

– Attends.

Elle l'interrompt d'un geste de l'index, sa fixation traitement posée sur les bandits gisant encore aux quatres coins de la colline. Elle ne va pas les abandonner comme ça...

Elle les regroupe tous à la lisière du boqueteau, les halant par les mollets l'un après l'autre. Après les avoir alignés en rang d'oignon, elle se munit du glaive du casqué et le plante au sol afin d'arracher des blocs de terre. Tout le monde mérite une sépulture.

Macabre la regarde faire. La mort ne l'émeut plus.
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Lisa, Macabre, De Greastaune et le page dans le bureau :

Le première véhicule à vapeur a été inventé vers 1670 par le jésuite Ferdinand Verbiest, conçu pour la cour de l'empereur chinois Kangxi. Ce n'était rien de plus qu'un jouet qui avance tout seul, à l'époque. Macabre a donc un demi-siècle d'avance !

Comme dans Undertale, dans cet univers, une tradition chez les monstres veut que leurs noms soient associés à des jeux de mot. Sauriez-vous deviner quelle était l'espèce de la bandit amphibienne ?

À la revoyure (⁠づ⁠。⁠◕⁠‿⁠‿⁠◕⁠。⁠)⁠づ !

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