Le plan d'Irokaï était d'une simplicité enfantine : Clément et Eliam se chargeraient de répandre stratégiquement la potion somnifère concoctée par le mage, tandis que le trio ailé surveillerait les alentours depuis les airs.

Les autres thériantropes resteraient en retrait et attaqueraient les éventuels renforts ennemis. Il faut dire qu'entre Nör, les jumelles et Okto, le groupe disposait d'une force de frappe assez conséquente pour tenir tête aux lynx, qui étaient plus chétifs sur l'aspect physique. Ils n'auraient aucun mal à les contenir, quel que soit leur nombre.

Ils s'étaient tous mis d'accord sur le fait de ne blesser gravement ni tuer parmi les adversaires. C'était contre les valeurs de chacun et puis, Amanaël avait insisté pour essayer de les raisonner avant que ça ne dégénère.

Après tout, beaucoup suivaient son père sûrement par crainte plus que par respect. Du moins il l'espérait.

Leur mission était avant tout de récupérer Nin, puis ensuite ils aviseraient.

- Je vous conseille de tous aller vous reposer maintenant, nous avons beaucoup à faire dans quatre heures, annonça Irokaï.

- Iro, je peux te parler seul à seul.

Il se doutait bien de quoi voulait parler son frère aîné. Ils allèrent un peu à l'écart alors que le reste du groupe préparait les sacs de couchage.

- Tu es sûr de vouloir faire tout ça ?

- Il ne s'agit pas que de ton clan, Ama.

- Oh oui ça j'avais bien compris, rétorqua ce dernier, malicieux.

- Arrête avec ça, tu m'agaces. Et puisque je sens que tu ne vas pas me lâcher si je ne le dis pas à haute voix alors tu vas être content : oui, Nin m'attire, j'ai des sentiments pour lui. Oui, j'aimerais que ce soit réciproque et qui sait, qu'on aille plus loin. Voilà.

La moue du plus jeune était tellement craquante qu'Amanaël ne souhaitait plus le charrier sur le sujet. Il sentait bien que si romance il y avait entre son frère et son meilleur ami, ce ne serait pas de tout repos, connaissant les deux énergumènes.

- Plus sérieusement Ama, c'est notre père qui occupe surtout mes pensées, ajouta Irokaï en tout sincérité.

- On trouvera un moyen de le guérir. Je sais pas encore comment mais il doit forcément y avoir un remède ! Allez on devrait profiter des quelques heures de sommeil nous aussi. A tout à l'heure Iro.

- Repose-toi et sois prêt Amanaël.

Au bout milieu de la nuit, le petit groupe se prépara à s'introduire dans le camp. Les fioles de somnifère de Clément étaient prêtes, ainsi que le groupe qui se chargeait de surveiller les alentours.

Amanaël et Irokaï s'étaient changés en lynx et repérèrent bien vite les gardes de la soirée. A l'aide de leur renfort aérien, ils en comptèrent une dizaine pour tout le camp.

Clément et Eliam devaient de leur côté jeter les fioles au sol pour qu'elles se répandent dans l'air rapidement et efficacement.

Pour leur simplifier la tâche, les deux frères les avaient attirés au même endroit. Etonnés au premier abord, les gardes comprirent enfin ce qui leur arrivait mais trop tard : ils s'effondrèrent tous au sol en même temps.

- Quelle efficacité ces fioles, fit Eliam en fixant le tas de gardes.

- J'aurais pu en faire moins mais on ne sait jamais, il faut rester sur nos gardes.

Puis il se tourna vers les jeunes lynx et leur caressa la tête, ce qui les fit presque ronronner de plaisir. Ils se reculèrent et partir chacun dans une direction du camp, humant l'air.

- Ils vont chercher leur ami, nous devrions retourner avec Nör et les jumelles, suggéra Eliam.

- Faites attention les garçons, souffla Clément.

Sur le qui-vive, les deux félins sentirent l'odeur du bêta au même moment. Ainsi que celle âcre du sang, omniprésente. Pris de panique, Amanaël se dirigea vers l'arrière du camp à toute vitesse. Irokaï lui barra la route, ce à quoi son frère répondit par un grondement sourd et menaçant. Le plus jeune ne se laissa pas intimider, et accula de force l'aîné dans un coin, à l'abri des oreilles indiscrètes.

Il décida de revenir sous sa forme humaine, il devait calmer Amanaël qui n'était visiblement pas maître de ses émotions en cet instant.

Sans se soucier de la morsure du froid sur sa peau nue, il passa ses bras autour du cou de l'animal, en signe d'apaisement. Il caressa ses oreilles, son cou, même ses pattes. Au bout de quelques instants, il ne sentit plus des poils mais la chaleur d'une peau transpirante, vibrante.

- Je suis désolé Iro. Je t'avais promis de garder mon calme mais j'ai tellement peur que...

Il ne sut que répondre, lui-même était inquiet au possible.

- Il va bien, il est là tout près et cette odeur ne veut rien dire d'accord ? Ca peut venir de n'importe quoi.

Le plus âgé hocha la tête et inspira profondément avant de revenir lynx, suivit par son frère. La piste qu'ils avaient sentie devenait de plus en plus forte. Amanaël espérait sincèrement que Nin soit en vie.

L'odeur était à la limite du supportable quand ils arrivèrent devant une tente sombre, à peine éclairée à l'intérieur.