✨~[I/14]~✨

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Tome I : Chapitre 14


Lorsque Lym retourna à la cafétéria presque vide à cause de l'heure un peu tardive, elle vit les visages surpris se tourner vers elle : tous les élèves pensaient qu'elle allait se battre avec Larrow, au lieu de quoi ils revinrent en se tenant main dans la main.

Shay et Kosh eurent l'air soulagé de la voir saine et sauve, et ils s'empressèrent de s'approcher d'elle pour lui proposer d'aller dans les étages se dénicher un endroit où dormir. De nouveaux « nids » auraient été confectionnés à leur intention dans les branchages. Elle salua son tout nouvel ami au passage, et il lui rendit son salut avec un sourire, loin des moues mesquines et hagardes qu'il esquissait habituellement, un vrai sourire joyeux, qui illumina son visage. Il était plus beau lorsqu'il souriait. Les trois nouveaux élèves de l'Académie grimpèrent dans les branches de l'arbre et les parcoururent en passant en revue chaque petit nichoir vide qui pendait dans le vide, en cherchant trois qui seraient à côté.

L'intérieur avait des murs plutôt courbes. Ces chambres ressemblant à des nids ronds ou à d'énormes pommes pendant aux branches étaient plutôt spacieuses, dotées d'une fenêtre circulaire, et avec quelques bulles lumineuses vagabondant au plafond. Un lit était poussé contre l'un des murs, et il y avait également bureau et tabourets, mais sinon, tous les nids étaient vides. Prêts à accueillir un locataire qui pourrait les personnaliser selon son bon vouloir. Les espèces de paniers ronds qui étaient rattachés aux branches étaient, pour la plupart, déjà occupés par des élèves qui y dormaient, révisaient un contrôle ou bien lisaient dans un coin ; ils trouvèrent enfin cinq chambres vides qui se côtoyaient, et allèrent poser leurs affaires dans celles qu'ils se choisirent avant d'aller s'asseoir sur la branche à laquelle étaient attachés les nids pour discuter un peu.

- Sacrée première journée, commenta allègrement Kosh en leur souriant.

- C'est vrai, approuva Lym.

En l'espace de quelques heures, elle avait découvert Eleuth, rencontré Joy, Shay et Kosh, était devenue amie avec Larrow et avait lutté contre Cléandra : ce n'était pas rien. Elle s'était aussi rendu compte d'une vérité qu'elle n'avait jamais soupçonnée. Elle, Lymerya Alley, pouvait se faire des amis.

- On va parler de ce mec ou on va faire comme s'il n'existait pas ? demanda soudain Shay comme s'il n'y tenait plus.

- On va faire comme s'il n'existait pas, essaya Kosh, plein d'espoir.

- Non, mauvaise réponse, monsieur, riposta le videntis en passant une main dans sa chevelure blonde – Lym eut soudain envie de fourrer ses mains dedans pour ébouriffer ses insupportables mèches rebelles. Lym, sérieusement, explique ! Tu avais l'air sur le point de le frapper, et puis là vous revenez en vous tenant la main comme si vous étiez les meilleurs amis de l'univers.

- On se connaissait, avant, avoua-t-elle finalement. C'est lui qui est venu m'avouer que j'étais une videntis. Si j'avais l'air furieuse contre lui, c'est parce que j'ignorais jusqu'alors qu'il faisait partie de la clique de Cléandra, mais on s'est... expliqués.

Shay hocha la tête, mais Kosh fronça les sourcils.

- Et si c'était une ruse ? Et si Cléandra se servait de lui pour t'atteindre ? Peut-être qu'elle va te tomber dessus un de ces jours avec toute sa bande pour te réduire en bouillie.

- Je fais confiance à Larrow, affirma-t-elle.

Elle fut saisie d'un doute fugace, mais le chassa immédiatement pour paraître sûre de ses paroles.

- Ne vous inquiétez pas, les gars, je peux prendre soin de moi-même.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? la taquina Shay avec un sourire mesquin. La pâtée que tu as mise à Clé, ou bien tes répliques sarcastiques de l'enfer ?

- C'est toi qui me traite de « sarcastique », Lake ? rétorqua-t-elle du tac au tac. Tu viens tout juste de faire du sarcasme, blondinet.

- Par Ladon, soupira Shay en passant encore une main dans ses mèches savamment décoiffées, sans pouvoir cacher son sourire, Kosh, rappelle-moi de la pousser de sa branche la prochaine fois qu'elle insulte mes sublimes cheveux.

- Non, répliqua Kosh. Achète-toi un agenda.

- Par Ladon ? répéta Lym en ricanant. Tu as déjà adopté le langage du coin, à ce que je vois. Ça veut dire quoi, au juste ?

- Aucune idée. Tu devrais demander à ton nouvel ami, rétorqua le blond au tac au tac.

Kosh s'empressa de les interrompre, sentant l'ambiance se tendre.

- Bon, et si on allait se coucher ? On tombera de fatigue, demain.

- Pauvre bébé, s'écria son ami en prenant un air dramatique.

- Je parlais pour toi. Tu crois que je ne t'ai pas vu par la fenêtre de ta chambre jouer avec ta PS je sais plus combien à je sais plus quel jeu ultra-violent jusqu'à trois heures du matin ? Va dormir ou tu seras épuisé pour les premiers cours ! Et, NON, pas question de sécher comme il y a trois jours !

L'air abasourdi et penaud de Shay était si drôle que Lym faillit extirper son téléphone de sa poche pour le prendre en photo.

- Comment tu sais... ? commença-t-il, contrit.

- Shay ! répéta Kosh avec un air autoritaire. Les bruits que faisaient ces zombies en mourant sur ton écran résonnaient à des kilomètres à la ronde. Et même si j'étais pas dans la même classe que toi au lycée Shakespeare, tu as toujours ce regard de « hihihi je suis un rebelle » quand tu as fait une bêtise !

Le garçon aux cheveux blonds leva les yeux au ciel, mi-agacé, mi-amusé, puis bondit sur le nid qui se balança à ce contact.

- Attention ! rugit Kosh, l'air alarmé.

- Ne t'inquiète pas, le rassura Lym. Larrow m'a dit qu'il y avait un enchantement de protection autour de l'arbre pour éviter les chutes mortelles.

Et heureusement, d'ailleurs. Si Shay semblait assez sûr de lui, Lym risquait de glisser à la première occasion venue et elle préférait éviter de se rompre le cou au passage.

Shay était occupé à ouvrir la trappe de son nichoir, qui se balançait toujours, l'air instable. Avant d'entrer dans sa chambre, il adressa un sourire à Kosh.

- Un vrai papa poule.

- Je dirais plutôt une maman surprotectrice, commenta Lym, très amusée.

Shay éclata de rire ; elle avait touché dans le mille, c'était son exacte définition.

- À demain maman, lui lança-t-il. Bonne nuit chérie.

- Va t'acheter un peigne, Lake.

Elle avait répliqué avec le plus grand calme et remercia mentalement les lourds nuages de cacher la lune, les empêchant de voir qu'elle était rouge tomate.

Shay la foudroya du regard.

- Ma vengeance sera terrible !

- Essaie toujours.

- Fais gaffe, tu le connais pas, soupira Kosh.

- Il ne me connait pas non plus, répliqua Lym.

Shay eut un ricanement puis lui adressa un clin d'œil aussi charmeur que sarcastique qui la fit de nouveau rougir et sourire en même temps, puis il entra dans sa chambre par la petite trappe ronde et tira les rideaux qui voilèrent le large hublot qui leur servait de fenêtre. Lym sourit à Kosh mais, sentant la fatigue alourdir ses paupières et étouffant difficilement un bâillement d'ours, elle finit par aller se coucher aussi après l'avoir salué. Son ami, l'air encore impressionné par la hauteur vertigineuse, alla à son tour dans sa chambre.

Celle de Shay était entre les leurs, et, à la droite de Lym, elle put entrevoir que son autre voisin était la fille à la peau sombre et aux cheveux frisés qui s'était interposée entre Cléandra et elle, plus tôt dans la journée. Elle aurait bien aimé lui parler pour la remercier, mais avant qu'elle n'ait eu le temps de lui adresser la parole, elle avait déjà tiré les rideaux sans la voir et Lym finit par suivre son exemple après avoir admiré la splendeur de l'île d'Eleuth et avoir longuement écouté la douce mélodie des vagues léchant le sable et les falaises de craie blanche. Elle jeta un regard autour d'elle, sceptique. L'endroit était joli, simple, plus grand qu'elle ne l'aurait pensé vu de l'extérieur mais tout de même étroit. Les meubles étaient basiques et peu nombreux. Quelques étagères aux murs, un lit aux draps blanc, un petit bureau coincé devant la fenêtre et contenant des tiroirs qui grinçait lorsque l'on les ouvrait, de petits bancs à trois pieds. Pas de toilettes – les salles de bain communes se trouvaient dans le tronc de l'arbre.

Elle défit sa valise et en tira ses affaires par poignées. Ses quelques vêtements atterrirent dans les tiroirs, qui étaient déjà à moitié remplis. On y avait mis plusieurs combinaisons de combats semblables à celles que portaient les professeurs. Puis elle posa ses pinceaux et ses toiles sur le bureau, et après avoir défait sa valise et accroché ses posters aux murs un peu trop circulaires à son goût, elle se tourna avec joie vers les étagères assez volumineuses pour contenir ses livres et passa une éternité à les classer soigneusement sur les rayonnages. Elle enfila ensuite un pyjama, jetant ses vêtements dans un coin avec dédain, puis s'assit pour peindre un peu sur ses affaires qui s'éparpillaient déjà de manière totalement désordonnée dans la salle. N'ayant pas grand-chose à peindre, elle feuilleta son livre, mais le sommeil finit par l'emporter et elle se laissa tomber sur son lit confortable, épuisée par tous les évènements de la journée. Elle n'eut qu'à claquer des doigts pour que toutes les orbes de lumière s'éteignent et tombent comme des lucioles mortes sur le sol, parsemant le parquet de bulles sombres.

Elle fut réveillée par la sonnerie grinçante de son réveil – comme chaque matin, à vrai dire – et eut la profonde envie de le saisir pour l'éclater contre un mur comme dans les films – comme chaque matin –, mais elle se retint pour ne pas réduire son téléphone en éclats de verre et de plastique – comme chaque matin. Pourtant, quelque chose n'était pas comme tous les autres jours et elle pouvait le sentir ; le soleil doré filtrait au travers des rideaux qui cachaient à l'extérieur sa chambre circulaire. Elle se serait bien rendormie pour attendre que les cris de sa sœur lui rappellent son retard, mais elle ne vivait plus avec elle et avait prit la résolution de ne plus se lever deux heures plus tard que la sonnerie de son réveil.

En levant les yeux, elle vit la petit trappe qui permettait de monter sur une branche pour parvenir jusqu'au tronc de l'arbre. Un sourire étira ses lèvres et elle se leva. Elle sursauta en sentant un frôlement sous ses pieds nus. Les lumières éteintes, comme des balles de poussière, avaient échoué un peu partout dans la salle, par terre, sur les meubles... Elle claqua des doigts et, reprenant vie, toutes les bulles luminescentes s'élevèrent dans les airs en diffusant leur douce lueur blanche. Elle saisit ses vêtements qu'elle glissa sous son bras puis ouvrit la trappe et grimpa sur une branche, inspirant l'air frais, vivifiant et pétillant du petit matin. La chaleur étouffante de l'été était chassée par le doux air qui parcourait la ramure du chêne, faisant s'agiter ses branchages et voleter des feuilles vert vif dans la bise.

Malgré l'heure matinale, un doux soleil recouvrait déjà l'herbe tendre et verte de la vallée d'Eleuth où était planté l'arbre géant, et les vaguelettes de la mer miroitaient sous les rayons qui jouaient avec l'écume et le cristal de l'eau ; elle ne put s'empêcher de sourire, revigorée par l'aura pétillante qui émanait de cette île. Elle descendit par l'échelle pour arriver jusqu'à l'étage qui contenait les salles de bain et fut soulagée de ne pas avoir à faire la queue à cause de l'heure ; après s'être douchée et avoir enfilé un jean et un haut blanc, elle enroula un foulard coloré autour de son cou et essaya de démêler ses cheveux mouillés avec un gros peigne dont les dents de cassaient pour rester dans son épaisse tignasse rousse. Raides ou pas, ils étaient totalement impossibles à coiffer : elle essaya vainement de se faire un chignon sophistiqué pour le premier jour de classes, mais elle n'obtenait un résultat correct qu'en coinçant deux crayons à l'intérieur du chignon, ce qu'elle finit par faire en désespoir de cause. Deux mèches soyeuses et plus courtes que les autres tombèrent de sa coiffure pour entourer son visage, et elle se regarda dans le miroir en se demandant comment faisait Mar pour être aussi apprêtée tous les matins. Elle lorgna un instant le maquillage qu'une fille avait laissé dans les tiroirs en dessous de l'évier, mais à peine l'eut-elle sorti qu'elle fut perdue dans les variétés de crèmes et de poudres, de crayons et de pinceaux qui remplissaient la petite trousse. Elle la reposa tristement, résignée, puis sortit de la salle de bain en remarquant que son jean était déchiré et couvert d'énormes taches de peinture verte, pourpre et bleue, comme d'habitude. En sortant, elle tomba nez-à-nez avec une fille aux cheveux bruns mi-longs, au regard empli de vivacité et de malice, vêtue d'un pyjama trop grand, l'air ensommeillé et avec un tas de vêtements dans les bras.

- Joy ! s'écria Lym avec allégresse.

- Salut, répondit Joy en lui offrant un sourire fatigué.

- Ça va ?

- Oui, ça peut aller, et toi ?

- Super !

- Dis... Tu as laissé de l'eau chaude, quand même ?

- T'inquiète, il y en a assez pour tous les pensionnaires... Eh, ça te dit de petit-déjeuner avec moi ? tenta-t-elle avec espoir.

- C'est sympa de ta part, mais je préfère passer mon temps seule, répondit-t-elle en baissant les yeux. Les amis et tout, c'est pas trop mon truc...

- Oh, fit Lym, un peu déçue mais compréhensive. D'accord, alors, mais si tu veux discuter, n'hésite pas à venir me voir !

- Merci, lui sourit-elle, l'air soulagée de son empathie.

Joy entra dans la salle de bain et verrouilla la porte derrière elle : Lym se serait étonnée si elle avait vu quiconque d'autre à une heure pareille, mais apparemment cette fille-là était des plus matinales.

Grimpant de nouveau sur les branches du chêne, elle se dirigea vers sa chambre, y entra et écarta amplement les rideaux pour laisser entrer des flots de lumière dorée ; passant la tête au-dehors, elle s'adossa au bord de la fenêtre et se mit à feuilleter son livre. Elle avait largement le temps de petit-déjeuner et de lire avant les premiers cours, et elle préférait attendre le réveil de Shay et de Kosh pour aller manger à la cafétéria, histoire de ne pas le faire seule.

Alors qu'elle lisait, plongée dans l'histoire que narrait son livre, elle sursauta en entendant une voix à sa droite.

- Salut ! Je savais pas que tu étais ma voisine.

C'était la fille qui habitait la chambre voisinant la sienne, à l'opposée de celle de Shay, celle qui s'était également interposée entre Cléandra et elle la veille : les cheveux abondants mais ne tombant pas outre-mesure dans son dos car très frisés et très noirs, elle avait des traits fins, de grands yeux d'un noir d'encre abyssal, une peau sombre et un sourire à fossettes. Elle était un peu plus petite qu'elle de taille, et devait avoir dans les quatorze ans, mais sa stature impériale lui donnait l'air plus âgé.

Elle ne portait qu'un pyjama violet assorti au ruban qu'elle avait utilisé pour nouer ses abondants cheveux à l'arrière de son crâne, et lui adressait un sourire plein de fossettes. Lym lui rendit son sourire en posant son livre sur le rebord de la fenêtre ; d'habitude, elle devenait excessivement irritable lorsque quelqu'un l'interrompait en pleine lecture, mais elle essaya de ne pas laisser son cerveau dans le récit et de s'en arracher pour communiquer avec cette fille à l'air des plus sympathique.

- Salut ! lança-t-elle. Enchantée – moi, c'est Lym.

- Je sais, répondit l'autre. Tu n'es pas la personne la plus discrète de l'Académie : tu n'es arrivée qu'hier, et pourtant tu es déjà célèbre dans le coin.

- Ah... Je suis vraiment la première à avoir tenu tête à Cléandra ?

- Oui, soupira-t-elle. Comme tu l'as vu, je ne suis pas en d'excellents termes avec elle non plus, mais je n'aurais jamais osé me battre contre elle. D'ailleurs, tu as eu énormément de chance ; elle t'aurait réduite en miettes si son bras droit n'avait pas fait preuve de compassion envers toi.

Elle remercia mentalement Larrow de l'aide qu'il lui avait apportée.

- Ce n'était pas vraiment de la compassion, avoua Lym. On est amis, lui et moi.

- Vraiment ? C'est peu commun. Larrow est un peu renfermé et méfiant, et ça peut se comprendre ; d'ailleurs, de tous les disciples de Coff, il est sans le moindre doute le moins pire.

- Pourquoi tu dis que ça peut se comprendre ?

La fille eut un soupir peiné.

- Oh, il ne te l'a pas dit ? Contrairement aux autres, il n'a pas choisi de faire partie de leur bande. Pour lui, c'est une nécessité : il utilise leur force à son avantage. C'est-à-dire que Larrow est... Comment dire... (Elle secoua la tête en faisant sursauter ses cheveux frisés, l'air pensif.) Il est né dans une famille aimante, puis s'est retrouvé orphelin, a vécu sous un pont, a grandi dans la solitude, seul et sans maison. C'était ce que l'on appelle un voleur des rues : il n'a pas vécu à l'orphelinat, va savoir pourquoi, et il a dû piller des étalages pour manger. Très vite, il a appris à utiliser ses pouvoirs pour parvenir à ses fins, sans formation, ce qui fait de lui l'un des Dragomirs les plus puissants que je connaisse. Il n'avait pas le choix, il lui fallait survivre : mais lorsqu'on l'a appelé pour qu'il rejoigne l'Académie, lorsqu'il n'avait que dix ans, il a été immédiatement la cible de tous les fils de marchands et petits caïds des quartiers qui le détestaient. Après ces dix ans à se battre pour survivre dans la rue, il savait lutter, mais contre tous ces videntis énervés, il n'avait aucune chance, et il le savait. Larrow est malin, pas le genre à jouer les durs pour prouver sa valeur. Sa seule solution pour ne pas être frappé tous les jours était d'adhérer à la bande de Coff, et c'est ce qu'il a fait dès qu'il en a eu l'occasion. Coff n'a été que trop heureuse d'adopter un membre de son groupe qui ait un cerveau et qui ne soit pas un tas de muscles stupide !

Lym garda le silence, choquée par ce qu'elle venait d'apprendre ; ainsi, Larrow avait grandi à la rue, volant pour vivre, orphelin, et n'avait rejoint la bande de Cléandra que pour se sortir des soucis qu'il devait affronter. D'un côté, elle était contre le vol, mais de l'autre, elle comprenait qu'il fût amené contre son gré à vivre cette existence misérable ; comme elle, il n'avait jamais eu de parents.

- C'est terrible...

- Et encore ! poursuivit sa voisine alors qu'elle pensait avoir entendu le pire. Ce n'est que la face émergée de l'iceberg. Il y a bien plus alarmant. Comme je te l'ai dit, que Larrow se soit servi de ses pouvoirs aussi tôt et avec une telle maîtrise fait de lui l'un des plus puissants videntis de notre ère. Cave l'a immédiatement remarqué. Il enchaîne les missions depuis qu'il est arrivé à Eleuth, passant plus de temps à poursuivre des fautifs qu'à s'exercer sur l'île. Honnêtement, c'est assez normal. Il n'a plus grand-chose à apprendre des professeurs, et il est aussi compétent en combat que Luis. Il pourrait faire ses cours à sa place sans soucis. Il reste seulement à Eleuth pour pouvoir le protéger, et c'est tant mieux, car il est un fin stratège et un excellent épéiste.

- Je ne vois toujours pas en quoi cela peut lui attirer de la haine. Au contraire...

- C'est la nature de ses missions qui cause autant de conflits le concernant. Il n'est arrivé ici qu'à dix ans. Il était intelligent, fort, déterminé à venger ses parents et déjà habitué à se servir d'armes et de ses pouvoirs. Alors les Dragomirs ont pu admirer son potentiel, et Cave n'a pas hésité à se servir de lui. Il l'a façonné comme il le désirait, l'entraînant à être sans pitié, exploitant sa soif de vengeance. Tu n'imagines pas la quantité de soldats de Drake qu'il a tués. Sans doute sont-ils plus que toutes les victimes des professeurs réunies.

Lym sentit son estomac se nouer, et ses doigts se resserrer autour du bord de la fenêtre. Elle fronça les sourcils.

- Tu veux dire que Cave l'a entraîné à tuer dès l'âge de dix ans ? Il n'aurait pas fait ça, si ?

- Penses-tu ! Nous sommes en temps de guerre, et il était prêt à se battre. N'importe qui est influençable à dix ans, surtout lui, puisqu'il a toujours été seul et orphelin et se trouvait soudain un foyer. Il était déjà plus doué alors que beaucoup de Dragomirs entraînés ayant deux fois son âge. C'était une arme précieuse à exploiter, et Cave l'a tout de suite su. Il ne l'a jamais forcé à faire quoi que ce soit, mais il a alimenté son désir de vengeance et a orienté sa loyauté vers lui. Larrow obéit car il veut obéir, mais je ne suis pas sûre qu'il ait vraiment une volonté propre à ce sujet, puisque l'obéissance à Cave est tout ce qu'il connait. Tu imagines bien les conflits que cela cause sur l'île. Par ici, on le surnomme le pantin de Cave, ou, si l'on est d'humeur généreuse, le cauchemar d'Arcem. Certains le surnommaient la Tempête de Neige, va savoir pourquoi. La plupart des élèves ont peur de lui, même si quelques-uns l'admirent et veulent suivre son exemple. Il faut avouer qu'il peut se montrer aussi impressionnant qu'intimidant, parfois. Il ne s'attache à personne, en règle générale, et ne pense pas possible que l'on puisse s'attacher à lui.

En résumé, Lym s'était attachée à un meurtrier, un soldat et un surentraîné tueur à gages. Un jeune homme qui arrivait à peine vers sa majorité et qui avait sans doute déjà assassiné plus de personnes qu'elle n'en avait jamais rencontrées. N'importe qui aurait été horrifié en apprenant pareille chose, et aurait essayé de couper les ponts avec lui.

Pour elle, cependant, pas question ne serait-ce que d'y penser. Larrow était un mystère à ses yeux. Elyra avait dit qu'il ne s'attachait jamais à personne et que personne ne s'attachait à lui, et pourtant, inexplicablement, elle avait envie de devenir son amie. Lui aussi semblait d'ailleurs vouloir cette amitié. Elle n'avait pas l'intention de tout gâcher parce qu'il avait eu un passé tumultueux. Après tout, une seule personne sur cette île avait-il eu une vie normale ?

(chapitre corrigé ✔)

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