Dans cet immeuble au coin de la rue, au troisième étage, deux portes se font face. D'un côté, vit le numéro 317, et de l'autre, le 318.

Chez le numéro 317, il y a une bibliothèque. Les grands classiques y sont entreposés, minutieusement rangés, par auteur, par genre, par époque...

Baudelaire, Proust et Zola se côtoient chaque jour.

Juste en dessous, Montaigne s'est perdu entre un dictionnaire et une encyclopédie. Il ne va pas falloir beaucoup de temps pour qu'il retrouve son chemin.

Mais cette bibliothèque, si elle a son importance dans cet appartement, ce n'est pas pour les livres qu'il contient, mais par ce qu'il s'agit de l'endroit où les livres sont le mieux rangés.

Des livres, il y en a à peu près par tout ailleurs dans cet appartement. Sur la table du salon, dans la cuisine, dans le bureau... Surtout dans le bureau.

Dans le bureau, un livre est en train d'être écrit. Ce sera un nouveau succès. La nouvelle grande œuvre de l'auteur qui habite en ses lieux.

En face, dans l'appartement 318, on retrouve également beaucoup de livres. Quelques petits écrits, des bandes dessinés... Loin de la lecture que l'on retrouve en face. Loin des classiques de la porte d'à côté.

Les livres y sont rangés de manière imprécises. Dans une chambre, le salon, pour caler le pied d'une table...

Devant son ordinateur, un écrivain en quête d'inspiration tentait de remplir cette page vide.

Entre ses deux portes, une jalousie mutuelle est envoyé l'un à l'autre.

Porte 318, on jalouse le succès de la porte 317. Il lui jalouse son inspiration, ses bonnes idées, sa manière de jouer avec les mots. Les grands auteurs, ses grands classique, qu'on retrouve là-bas qu'il n'a jamais réussi à terminer, ou commencer, pour la plupart. Il jalouse ce qu'il aime appeler "l'intelligence littéraire".

Porte 317, on jalouse la simplicité de la porte 318. Il jalouse ce qu'il aime nommer "la curiosité littéraire". Il aime sa philosophie de vie. Sa manière de penser. Sa façon de voir les choses, si simple, si joyeuses... Il aimerait aller lui parler, lui demander de l'aide. Il aurait bien besoin d'un coup de main, pour pouvoir voir les choses  différemment. Son inspiration, son livre, ses personnages... Il a besoin d'un véritable avis extérieur.

Dans un immeuble, au coin de la rue, au troisième étage, deux portes se font face. D'un côté, vit le 317, un écrivain au grand passé, de l'autre le 318, un écrivain au grand avenir.