Il était toujours à la même place, à la même heure. Il attendait, sur un banc, dans le parc municipal.

Nous ne savions pas grand chose de ce vieil homme.

Il n'était pas bien bavard. Aussi, très peu de gens avaient tenté de lui parler. Il n'avait jamais de pain sec à offrir aux oiseaux du point d'eau, ni de livre à lire sous le soleil, ou à l'ombre d'un arbre.

Il attendait, c'est tout. Mais quoi ? Personne ne le savait, à part lui.

Le vieil homme était là, toujours sur son banc. Il semblait regarder tout autour de lui. Le vent dans les arbres, les couleurs qui fleurissent, les oiseaux battant de l'aile.

Tous s'accordaient à dire qu'il devait être bien patient. Mais la question restait toujours la même. Qu'est-ce qui valait d'être attendu aussi longtemps ?

Un beau jour de printemps, un homme s'installa à côté de lui, sur ce banc de bois. Un homme qui n'avait jamais été vu auparavant dans ce parc.

-Belle journée !

Le vieil homme fit une moue. Son moment de tranquillité touchait à sa fin. Il hésitait un instant à partir. Mais finalement...

-Oui, c'est une belle journée...

-Vous attendez quelqu'un ?

Le vieil homme se demandait s'il devait vraiment répondre à cet individu intrusif.

-Non, je n'attends personne...

L'homme semblait ne pas vouloir insister. Pour le moment...

-Dites, je peux vous poser une question ?

Non, le vieil homme ne voulait pas qu'il pose une question. Il voulait juste être à nouveau au calme.

-Je vous écoute...

-On m'a raconté que vous veniez souvent vous assoir sur ce banc. Qu'est-ce que vous attendez ?

Le vieil homme semblait surpris par la remarque de son voisin.

-Je n'attend rien du tout.

-Qu'est-ce que vous faites alors ?

-Rien du tout. Je profite juste de tout ce que j'ai pu manquer tout au long de ma vie.

-Comment ça ?

-Vous voyez tout ces gens autour de nous ?

Il n'attendit pas sa réponse, pour continuer.

-Vous voyez, tout ces gens sont pressés. Même lorsqu'ils cherchent à se détendre. Tout doit aller plus vite, arriver tout de suite, ou plus tôt, si cela était possible. Vous voyez tous ces gens ? J'ai été quelqu'un de semblable, un jour, lorsque j'ai été plus jeune... Alors aujourd'hui, je profite de tout ce temps, qu'il me reste, à ne rien faire. Juste pour me reposer, faire le vide dans ma tête, faire ce que j'aurais dû faire tout au long de ma vie.

L'homme restait muet. Il fermait les yeux, quelques instants. Il entendait le vent dans les arbres, et les oiseaux pousser quelques cris. Il se concentrait sur tout ces sons. C'est vrai que c'était agréable. Cela lui avait suffit à faire le vide dans son esprit. Cela faisait du bien.

Il finit par se lever, et s'en aller. Après un dernier regard vers le vieil homme, il se promit de se vider l'esprit, sur un banc, dans un parc.

Ainsi, se promit-il de retrouver cette sensation agréable, dans l'espoir qu'un jour, un homme s'installe à côté de lui, curieux de savoir ce qu'il peut bien attendre.