Madigan a le front collé contre la machine et murmure quelque chose à voix basse, que je ne comprends pas. Je cligne des yeux et en sentant la main de Benny venir chercher la mienne, je remarque enfin que je n'ai pas bougé du lit sur lequel je suis allongée.

Et cela ne me va pas, pas du tout. Prenant appui sur mon bras libre, je me redresse doucement, sentant la main de Benny venir soutenir mon dos. Je souffle et souris, serrant sa main dans la mienne en guise de remerciement, avant de reprendre mon observation de la pièce.

Observation qui reste courte, puisque hormis nous trois et la machine, la pièce est vide. Il n'y avait que le simple matelas tâché sur lequel je suis allongée que je n'avais pas vu et j'aurai préféré ne pas, au final. Parce que les tâches ne semblent pas être de la peinture -quoi que le mot « peinture » veuille dire -. Je pense que c'est du sang.

Je détourne les yeux des tâches pour bloquer mon regard sur la porte. Elle ne ressemble pas à celles de l'hôpital, elle semble plus... lourde. Si lourde que je me demande comment quelqu'un d'aussi fin que Madigan a pu réussir à l'ouvrir, d'ailleurs. En parlant de la jeune fille, elle continue de m'ignorer, concentrée sur sa machine, presque comme si elle était triste de la savoir éteinte.

Je ne sais pas si on peut se lier d'amitié avec une machine comme celle-ci, mais Madigan semble l'avoir fait, si j'en crois son comportement. Les mots de la jeune femme me reviennent. « Petit oisillon» ? Qu'est-ce que cela signifie ?

Était-ce une sorte de blague, ou un surnom ? Si c'est un surnom, pourquoi « petit oisillon» ? Je ne sais même pas ce qu'est un oisillon, en plus. Peut-être est-ce le nom d'une poupée, ou quelque chose dans ce genre. Une manière de se moquer de mon côté fragile, peut-être.

Je poserai la question à Benny, une fois qu'on sera sorti de là. En parlant de lui, le jeune homme n'a pas quitté sa place à ma gauche, bien que ses yeux passent de moi à Madigan de manière régulière.

Sentant peut-être mon regard sur lui, il se tourne vers moi et sa main serre la mienne un peu plus fort, jusqu'à ce que je me sente grimacer, ce qui le fait relâcher ma main aussitôt, sans pour autant quitter sa place. Il a l'air nerveux, hésitant à me parler, comme s'il n'était pas certain que je sois réveillée.

- Comment... Comment tu te sens ? me demande Benny, m'adressant la parole pour la première fois depuis... Un long moment.

Son regard me transperce, me détaille de haut en bas, sûr de lui. Mais sa voix transpire d'appréhension. J'aimerais le rassurer et lui dire que oui, mais je n'en sais rien. Cette question rejoint la longue liste des éléments auxquels je ne peux pas répondre, car ma mémoire me fait défaut.

Il y a tant de choses que j'ignore encore, comme notre location, qui est cette personne, où ont-ils trouvés des vêtements, combien de temps j'ai dormi et si tout cela est bien réel. Non, pour cette dernière question, j'ai ma réponse.

C'est réel. Je n'en doute pas un seul instant. C'est peut-être même la seule chose que je sais avec certitude. Benny est là, je suis là, c'est réel et nous sommes en sécurité. Après tout, n'est-ce pas ce que m'a dit la voix, avant que je ne m'endorme ?

Que je suis en sécurité, maintenant ? Je baisse la tête et lève les épaules, fuyant son regard. Je ne sais pas Benny. Je n'en sais rien. J'aimerais pouvoir lui répondre, mais j'en suis tout bonnement incapable. Je ne sais pas comment je me sens, si ce n'est perdue, confuse et avec un crâne douloureux.

Ce dernier sourire et je l'entends rire doucement, comme s'il avait peur de m'effrayer. Mes yeux remontent pour rencontrer les siens et en une demi-seconde je me retrouve écrasée contre le torse du jeune homme, la tête presque dans son cou, tandis que ses bras se referment dans mon dos.

Mes yeux se ferment et je soupire, appréciant l'instant, oubliant même la présence d'une tierce personne. Je viens claquer mes mains dans son dos également, une larme quittant mes yeux pour rouler sur ma joue tant cette sensation de sécurité est forte en cet instant.

Je remonte ma tête un petit peu pour la poser sur son épaule et réussir à respirer autre chose que son pull et un sourire se dessine sur mon visage. Je ne suis pas exactement certaine de ce qu'il s'est passé avant que je me réveille, mais je sais que cela fait longtemps que je n'ai pas fait un câlin à qui que ce soit.

J'entends Benny émettre une sorte de bruit étranglé et je sens ensuite une larme tomber sur mon épaule, tandis que la respiration du jeune homme se fait plus calme. Il se redresse et on se décolle, puis il passe une main dans mes cheveux, les ébouriffant. Je souris et repousse gentiment sa main avant que le jeune homme ne se lève pour s'approcher de Madigan, qui n'a étrangement pas bougé.

À peine sa main effleure-t-elle l'épaule de la jeune femme, cette dernière se détache de la machine pour me faire face. Ses yeux me scrutent, mais je n'arrive pas à lire ses expressions, presque comme si elle n'en avait aucune.

Elle se tient droite, ses bras croisés sur son torse pour tenir le haut de son vêtement, qui semble flotter autour de son cou. À côté de Benny, elle paraît frêle et fragile. Mais j'ai l'impression que tout le monde paraît ainsi quand ils se mettent à côté de Benny.

Il faut dire qu'il est vraiment grand... Décidée à visiblement ignorer Benny, qui baisse la main en signe de défaite, Madigan s'approche de moi et se pose sur le lit, le regard cette fois dans le vide.

Elle croise ses doigts et les pose sur ses genoux, laissant son haut bâiller, me laissant apercevoir ses salières saillantes. Ses quoi ? On reste ainsi silencieux pendant quelques secondes avant que la jeune femme ne finisse par briser le silence, baissant la tête pour observer ses chaussures.

- De quoi tu te souviens ? demande-t-elle.

Je me fige et cligne des yeux suite à sa question. Ce n'est pas exactement à ça que je m'attendais. De quoi suis-je censée me souvenir ? De quoi ne suis-je pas censée me souvenir ? Est-ce qu'il y a des mauvaises réponses à cette question ?

Son visage se relève pour que ses yeux viennent se plonger dans les miens et j'ouvre la bouche sans qu'aucun son n'en sorte, incapable de faire autrement. Que suis-je supposée dire ? Que je me souviens de tout, l'infirmière, l'hôpital, le sang et... oh non.

Je suis morte ? Qu'est-ce que je fais ici, alors ? Au fond de moi, je savais que Benny n'était pas vraiment mort, mais ça paraissait si réel... Mais moi ? Je me suis sentie mourir, ce n'est plus une question de réel ou non ! Je ne devrais pas être ici ! Je ne sais pas...

Ce n'était pas réel non plus ? Je porte une main à ma gorge, palpant la peau, cherchant une marque, une coupure, quoi que soit qui m'indique que tout cela a bien eu lieu, mais rien. Mes doigts s'activent autour de mon cou et je sens mes pulsations cardiaques accélérer aussi.

Je sens une main attraper la mienne et mes doigts cessent de bouger. Mes yeux remontent aussitôt vers la personne en question, trouvant ceux de Madigan, qui m'offre un sourire un peu triste. Est-ce qu'elle sait ? Est-ce qu'elle a deviné ce à quoi je viens de penser ?

La jeune femme soupire, lâche ma main et plonge la sienne dans l'une de ses poches, avant d'en sortir un petit tube, comme ceux que j'ai pu voir à l'hôpital. À l'intérieur, j'y découvre avec une horreur non dissimulée un liquide violet foncé, presque noir.

Le liquide semble presque avoir durci, mais je peux voir des reflets rouge grâce à la lumière de la pièce. Du sang. Des frissons parcourent ma colonne vertébrale et je manque de tomber du matelas en reculant, histoire de mettre autant de distance que possible entre moi et le tube.

Mais Madigan m'arrête en attrapant une nouvelle fois ma main, cette fois en souriant de manière réconfortante. Elle garde le tube dans son autre main, maintenant une poigne ferme, comme pour me prouver que je n'ai rien à craindre. Seulement, ce n'est pas le tube que je crains, mais plutôt ce qu'il contient...

- Tout ce que tu as vu, ou cru voir... C'était faux. Des hallucinations, créées dans le but de te tuer. En général, les robots injectent un sérum nommé le C.D.S qui leur permettent de manipuler les souvenirs de leurs patients afin de les rallier à la cause androïdes. C'est un sérum violet. Et lorsque les patients dépassent les vingt-cinq ans, ou qu'ils montrent des signes de rébellions, ils injectent un autre sérum. Le K.T.A. Il est aussi violet, mais plus foncé. Et normalement, les patients n'y survivent pas. Mais visiblement, l'androïde n'a pas eu le temps de t'injecter la dose complète, alors tu as simplement... déliré, m'explique-t-elle, pointant du doigt le tube.

Je fronce les sourcils. Les explications font sens. Cela expliquerait pourquoi j'ai rêvé plusieurs fois de ma famille, sans qu'aucun rêve ne se ressemble, la raison pour laquelle voir un androïde ne m'a pas fait peur ou même comment j'ai reconnu un androïde et non un humain. Et évidemment, cela explique les tendances suicidaires lors de mes... hallucinations.

Si le but du sérum était de me tuer, alors je suppose que cela a failli marcher. Mais il y a encore tellement de questions ! Pourquoi l'âge limite est vingt-cinq ans ? Que signifient « CDS » et « KTA » ? Et comment Madigan a-t-elle appris toutes ces choses ?

Combien d'autres personnes ont perdu la vie à cause de ce sérum ? Et combien de ces personnes Madigan a-t-elle essayé de sauver, avant moi ? Un nouveau frisson me parcourt la colonne tandis que je place mon visage dans mes mains, essayant de formuler dans mon esprit la meilleure question à poser.

En relevant la tête, mes yeux croisent ceux de Benny et ce dernier hoche gravement la tête, comme s'il voulait confirmer les paroles de la jeune femme. Comme si je pouvais la remettre en question. Je soupire et me tourne vers elle, remarquant alors qu'elle semble attendre une réaction de ma part.

« Comment ai-je survécu ? », je signe.

Madigan observe mes mains et ouvre de grands yeux, avant de se tourner vers Benny, confuse. Visiblement, elle n'est pas au courant de mon mutisme. Je suppose que ce n'est pas encore survenu dans une conversation. Heureusement, Benny devrait être capable de traduire pour moi. Ce dernier hausse les épaules et m'adresse un petit clin d'œil avant de s'approcher de nous et s'agenouiller devant moi.

- On peut dire que ça n'a pas été facile. Tu n'arrêtais pas de t'endormir pour un rien, ta température corporelle était beaucoup trop chaude et tu perdais petit à petit tes souvenirs... Je ne savais pas que tu luttais contre le sérum, je pensais simplement à un virus, ou quelque chose du même style... Alors je te portais, je continuais d'avancer, je suivais un cours d'eau en espérant que tu guérisses... Et à un moment tu ne te réveillais plus ! J'ai vraiment hésité à faire demi-tour et te ramener à l'hôpital, même si ça signait mon arrêt de mort. J'essayais de te parler, de continuer à avancer, même si la plupart du temps tu essayais de me repousser ou de te battre. Et puis ton cœur s'est arrêté à deux reprises, j'ai vraiment cru que j'allais te perdre. C'est à peu près à ce moment-là que Calliste et son équipe sont tombés sur nous et on t'a ramené ici. Et comme Madigan pourra en témoigner, j'ai seulement quitté cette pièce pour me laver et me changer, répond-il.

Cette dernière approuve d'un hochement de tête, fusillant Benny du regard. Ses bras sont de nouveau contre son torse et elle hausse un sourcil lorsque le jeune homme tourne son visage vers elle. Je les laisse continuer leur duel de regard pour me concentrer sur les révélations faites par Madigan et Benny. Tout commence à prendre forme et surtout à trouver son sens dans ma tête.

Et j'espère que dans la vôtre aussi.

Coucou les loulous !
Comment ça va ?
Alors, ce chapitre ?
Ça commence à lâcher des infos 😎

Qu'avez-vous pensé de cette partie ?
Benny ?
Felidae ?
Madigan ?

Les sérums ?
Les hallucinations ?

Avez-vous encore des questions pour le reste du récit, ou plus du tout ?

Vos théories tiennent-elles encore la route ou pas du tout ?

Allez, j'arrête avec les questions 🧡
J'espère que cette semaine a bien commencé, je vous souhaite tout le meilleur pour la fin 😘🧡
Les fiches des sérums KTA & CDS seront mises en ligne sur le blog dès que possible 👀🚀

Bisous et à mardi 🧡