Evidemment, l'Intelligence de répond pas, même après la sixième tentative. Est-ce sa manière de me dire que ce n'est pas la bonne réponse, ou simplement le temps dont elle a besoin pour récupérer toutes les « données » qu'elle garde précieusement derrière son fichu mot de passe ? Je ferme les yeux, plongeant du nez vers mes genoux, plaqués fermement contre ma poitrine. 

Mon I-Feuille est posée sur mon lit, cadeau matinal d'Ethel après que j'en ai fait la demande à Aksel. La jeune dirigeante est passée me voir en ce –soi-disant- beau lundi matin, déposant l'engin avec mon petit-déjeuner. Elle n'est pas restée pour discuter, si ce n'est m'offrir un sourire d'encouragement et un clin d'œil qui se voulait probablement réconfortant, sans succès. 

La première chose que j'ai pu faire est donc de regarder ce qu'est un écureuil, cherchant à savoir pourquoi ce mot est resté dans ma tête toute la nuit alors que visiblement, ce n'est pas le mot de passe. Il se trouve qu'un écureuil est un petit animal, dans les tons orange foncé/rouge, qui a une queue très touffue et deux toutes petites oreilles. 

C'est une petite boule de poil adorable qui n'existe plus à Héliantia depuis 3015, date à laquelle le dernier représentant de cette espèce est mort. J'étais donc déjà dans le coma quand cet animal est mort. Est-ce que j'ai grandi avec un écureuil de compagnie ?

Cela veut donc dire que le prénom de cet animal serait le mot de passe ? Mais comment suis-je supposée trouver le nom de mon ancien animal de compagnie ? Alors j'ai essayé, demandant à l'Intelligence Artificielle si j'avais eu un animal de compagnie –ce à quoi j'ai eu le droit à un « rire » moqueur-. 

La seule chose à laquelle j'ai eu le droit, outre ce « rire », c'est la brève image d'un arbre. Un vrai arbre, avec ses feuilles vertes et sa belle écorce brune, planté dans une herbe bien verte. Je crois avoir entendu un rire avec cette image, mais rien de plus. Je suppose que c'est toute « l'aide » que m'apportera l'Intelligence Artificielle, alors c'est ce à quoi je réfléchis depuis. 

Pourquoi cette image ? Pourquoi ce rire ? Qu'est-ce qu'il y a de si important dans le mot « écureuil » ? A quoi suis-je supposé songer en entendant ce mot ? Lors des rêves que j'avais pu faire à l'hôpital, je ne me souviens pas avoir croisé cet animal ! 

Je frappe mon front avec mes paumes, plaquant ma tête contre mes genoux à m'en faire mal, l'image de ce petit être circulant dans mon cerveau si rapidement que je finis par manquer de vomir. 

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi c'est ce mot qui est resté coincé dans ma tête. Je ne sais pas quel lien j'ai avec cet animal. Et je commence doucement à en vouloir à Aksel d'avoir prononcé ce mot, qui me hante depuis presque douze heures.

Mais ce rire... Est-ce que c'est le mien ? Il m'est familier, parce que mon cœur fait un bond à chaque fois qu'il résonne dans mes oreilles. Pourtant, je ne le reconnais pas. Après tout, je ne me suis pas entendue rire depuis si longtemps, j'ai peut-être oublié le son ? 

Je sens que c'est plus que ça. Je sens, je sais que ce rire n'est pas le mien, mais je ne vois pas à qui il pourrait appartenir. Mes parents semblent bien trop vieux pour avoir un rire aussi doux, aussi aigu, aussi jeune. Je me concentre alors sur l'image, la visualisant si bien dans mon esprit que j'ai l'impression de m'y retrouver. 

L'arbre, avec son écorce colorée et vivante. Les feuilles, qui laissent passer le vent et le soleil, m'arrachant un petit cri quand une vive bourrasque me frappe les joues. Un mouvement, à ma gauche, que je ne parviens pas à distinguer. 

Une exclamation qui n'est pas la mienne, s'élève dans cette même direction. Un fugace moment où un pelage orange foncé traverse mon champ de vision, grimpant dans l'arbre ventre à terre. Et le souvenir s'efface, arrêtant net les bruits et les sensations, sans que je puisse en faire quoi que ce soit. 

La seule chose nouvelle que je viens d'apprendre, c'est que je n'étais pas seule devant cet arbre. Il y avait quelqu'un à mes côtés, quelqu'un de visiblement plus jeune. Quelqu'un avec qui je me sentais bien, assez en confiance pour rire et pointer du doigt des écureuils. Mais je ne sais toujours pas à qui appartient ce rire.

« Que veux-tu me montrer ? », je demande dans le vide, sachant pertinemment que l'entité présente dans ma tête ne répondra pas. Je finis par me demander si elle le peut, en réalité. Est-elle seulement capable de communiquer autrement que par des blagues ou des commentaires sarcastiques sur mon état ? 

« Je ne veux rien te montrer, je veux seulement que tu tiennes ta promesse. Que tu te souviennes, Felidae. », Réponds laconiquement la petite voix. Cette réponse m'énerve peut-être plus que son silence. J'ai déjà entendu cette réponse, je sais que j'ai une promesse à tenir ! 

Seulement, je ne peux pas tenir cette promesse si je n'ai pas d'éléments auxquels me raccrocher ! Mon énervement se dissipe relativement vite, tandis que mon cerveau continue de créer un écho pour la phrase de la petite voix, me faisant réaliser que le rire entendu et la voix dans mon cerveau ont le même timbre. 

Aigu, doux, enfantin et familier, sans que je puisse mettre un nom dessus. Est-ce la voix de quelqu'un que je connais ? Cette pensée m'horrifie autant qu'elle ne m'intrigue. Pourquoi aurais-je voulu avoir la voix de quelqu'un que je connais dans ma tête ? 

Ou peut-être que je me fais des idées et que je crée des liens là où il n'y en a pas, parce que je suis déjà fatiguée de devoir trouver des idées de mot de passe. Sûrement. Je souffle et relève la tête, venant la coller contre le mur froid derrière moi. Cette journée va être longue.

Comme si quelqu'un pilotait mon cerveau –ce qui, ironiquement, est peut-être le cas-, mes pensées remuent un nouveau souvenir. Enfin, pas si nouveau. Je me revois dans un salon vide, les yeux rivés sur une photo tâchée de sang. 

La tâche de sang semble recouvrir la tête de mes parents et celle d'une autre personne. Une plus petite personne, un petit garçon, qui se trouve juste à côté de moi sur la photo. Je me souviens n'avoir pu voir que ses vêtements mais pas son visage. 

Et je me souviens de la frayeur que j'avais eue lorsque j'avais trouvé un autre petit garçon au beau milieu du salon, me pourchassant alors que j'essayais de fuir. « Je ne pensais pas te faire peur à ce point », admet la petite voix dans ma tête, tandis que ma tête se redresse, les yeux ronds. C'était elle ? Enfin moi ? Enfin... C'était cette Intelligence qui a fait apparaître ce garçon ? 

« Je voulais simplement t'aider à retrouver la mémoire, je ne pensais pas que tu paniquerais ! Je ne contrôlais pas le rêve, seulement le souvenir que je voulais faire remonter », avoue-t-elle. Je cligne des yeux, choquée par cette révélation. 

Je pensais déjà ces faux-souvenirs compliqués, mais j'étais loin du compte ! Alors dans ces faux-rêves/souvenirs, mon cerveau a réussi à injecter des vrais souvenirs dans le but de me pousser à débloquer ma mémoire... Je prends ma tête dans mes mains, sentant le mal de crâne arriver.

D'un seul coup, c'est la colère qui prend le dessus. Depuis tout ce temps, l'Intelligence pouvait communiquer avec moi, de la manière dont elle le souhaitait et c'est seulement maintenant que j'apprends tout cela ? 

Pourquoi ne pas avoir simplement dit ce qu'il fallait que je fasse pour retrouver mes souvenirs dès le départ, me faisant économiser des mois et des mois d'attente ! Elle avait les réponses depuis le début et c'est seulement maintenant qu'elle se fait connaître ! 

« C'est vrai que débarquer dans ton cerveau en disant « coucou, c'est moi, le mini-robot qui squatte ta cervelle, si tu veux récupérer tes souvenirs il faut que tu te souviennes de ton mot de passe que je ne connais pas ! Sinon ça va toi ? » C'était bien plus simple », se moque la petite voix, me faisant grimacer ? Là, c'est sûr, j'ai une migraine. 

Je fronce les sourcils. Comment ça, « un mot de passe que je ne connais pas » ? Mais... Dans ce cas... Comment saura-t-elle si c'est le bon mot de passe, si elle ne sait pas ce que c'est ? 

« Quand tu le diras, tes souvenirs reviendront. C'est pas plus compliqué que ça. Je n'ai pas besoin de connaître le mot de passe pour qu'il fonctionne. Et d'ailleurs heureusement que je ne le connais pas, sinon les androïdes de l'hôpital t'aurait effacé la cervelle avec autant de facilité que pour les autres ! Sans parler du fait que c'est parce que je suis là qu'ils ne t'ont pas mis une balle dans la tête. Donc c'est un peu grâce à moi que tu as survécu jusqu'ici », lâche la petite voix avec une pointe de dédain.

Je reste quelque peu sonnée par ces révélations inattendues. Je suis la seule à me souvenir du mot de passe malgré le fait que l'Intelligence soit chargée de mes souvenirs –ce qui me paraît être impossible, mais soit- et c'est une bonne chose parce que sinon les androïdes –qui sont au courant de ce que j'ai dans la tête !- m'auraient effacé la mémoire « avec facilité » comme ils ont pu le faire pour Benny. Et dernière chose... Les robots savaient qu'elle était là et c'est pour ça que je suis encore ici ?! 

« Alors, pour répondre à ta première interrogation, je suis là pour gérer qui a accès à tes souvenirs, pas pour les sauvegarder. J'ai été conçue pour t'offrir un plus grand espace de stockage petit génie. Et ensuite, j'étais active pendant environ un an et demi après que tu aies été placée dans le coma. On a tenté de s'introduire dans tes souvenirs, donc j'ai verrouillé l'accès et je me suis mise en « veille », si tu veux. Je suis allée dormir aussi, ne luttant que quand je sentais quelque chose essayer de prendre le contrôle de ta tête. Il y a eu trois tentatives en cinq ans », explique-t-elle alors. 

Je ferme les yeux pour accepter les informations sans tenir compte de la douleur physique que cela implique dans mon crâne. Certes, je comprends mieux pourquoi il n'est pas nécessaire à l'I.A de connaître le mot de passe. 

Mais maintenant, je dois essayer de comprendre ce que « trois tentatives en cinq ans » signifie. Les androïdes ont essayés trois fois de m'effacer la mémoire ? Je suppose que cela explique pourquoi j'ai trois trous sur le coup au lieu d'un seul, comme Benny, Ethel ou Calliste. Des blessures qui, selon Ethel, ne partiront jamais.

L'Intelligence avait donc toutes ces informations et n'a rien dit jusqu'ici ? « Encore une fois, tu n'étais pas prête à les entendre. Au départ, tu voulais rester à l'hôpital, tu paniquais dès que j'essayais d'introduire du réel dans tes faux-rêves... Tu as commencé à accepter la vérité quand tu as découvert que j'étais là », pointe la petite voix. Je grimace, réalisant qu'elle a parfaitement raison. 

Avant cette découverte, tout ce que j'apprenais pouvait être remis en question par mon manque de mémoire, mon mutisme ou les sérums et le sang violet qui rendaient tous les souvenirs « faux » d'une certaine manière. Mais avec la découverte de cette I.A, j'ai vraiment pris conscience qu'il n'y avait plus d'échappatoire possible et que la vérité se trouvait là. 

Maintenant encore une fois, il n'y a plus que moi qui sois capable d'aller chercher cette vérité en trouvant le mot de passe, quel qu'il soit. Avec ces dernières révélations, je comprends mieux pourquoi certaines choses me paraissaient étranges dans mes rêves, ou pourquoi ce petit garçon est apparu de nulle part. 

Et enfin, je comprends pourquoi j'ai été gardée en vie quand tant de petits enfants de mon âge n'ont pas connu le même sort. Est-ce que mes parents savaient ce qui allait arriver et ont décidé de faire cela pour me protéger, ou est-ce une sorte de chanceux hasard ? La réponse se trouve derrière une I.A verrouillée.

Salut tout le monde !
What's up ?
Quoi de neuf ?

Petit coup de déprime cette semaine, disons que j'ai pas mal de choses à faire et je commençais à me noyer :/ Entre le mémoire qui me ronge de l'intérieur et mes doutes sur la qualité de mes écrits... Pouf.

Bref, nouveau chapitre, l'I.A parle 😱 !
Que pensez-vous des révélations ?
Selon vous, comment Felidae va-t-elle récupérer ses souvenirs ?
VA-T-ELLE récupérer ses souvenirs ? 👀

Dites-moi tout, je lis tout, je réponds à tout le monde 🧡💜
Gros bisous à vous 🤗💌