Chapitre 34 (partie II)

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La jeune femme hoche la tête et recule, allant s'installer plus près du hall. D'un geste décidé, je place le demi-cercle contre ma tempe et laisse le petit engin se connecter à mes neurones. En moins d'une seconde, je vois le décor changer, passant d'une forêt luxuriante aux feuilles marron et orange à un bâtiment en ruines vide. 

Autour de moi, il n'y a plus que des friches, quelques portes encore debout et encadrée par des moitié de murs, des trous gigantesques dans le sol ainsi que des piliers qui, pour la plupart, ne soutiennent pas de plafond. 

Lucide, je sais que ces colonnes sont surtout là pour représenter visuellement les arbres, pour éviter que je ne me prenne un tronc en pleine course poursuite, comme lors de mon tout premier entraînement – un exploit qu'Ethel a encore en vidéo et qui m'a fallu une semaine de railleries amicales de la part d'Aksel -. 

J'inspire et me place en position, la crosse de l'arme callée contre mon épaule, la tête légèrement penchée sur la droite afin de pouvoir observer les alentours par la lunette. Mes mains ne tremblent pas mais mon souffle est court. 

Je peux entendre mon cœur frapper contre ma cage thoracique et je me fais violence pour ne pas céder à la panique et fuir vers le hall. M'installant dans un coin, le dos contre le mur, je laisse mes bras retomber et me plaque le plus possible contre la surface dure et froide, écoutant le silence environnant. Ma poigne se resserre sur l'arme, la seule chose garantissant ma « survie ». J'ai beau savoir que tout est faux, je ne peux m'empêcher de sursauter au moindre craquement.

Ma tête se redresse d'un seul coup, sourcils froncés. Je n'entends pas le moindre bruit et pourtant mon corps se met en mouvement. C'est comme si j'en avais perdu le contrôle, en quelque sorte. A moins que ça ne soit l'habitude ? En une fraction de seconde, je coince mon arme entre mon épaule et ma joue droite et tire, frappant l'androïde nettement entre les deux yeux, sans un bruit. En réponse, les miens s'ouvrent en grand, tout comme ma bouche. 

C'est moi qui viens de faire ça ? Je n'ai pas le temps d'y songer plus longtemps, le premier tir déclenchant automatiquement l'accélération de la séquence. Comme si j'étais en pilote automatique, mon corps réagit avant que mon cerveau ne le fasse, tirant et visant chaque fois avec précision, mettant les androïdes au tapis les uns après les autres. 

Je regarde les billes bleues sortir du canon, allant se perdre dans une masse vaguement humaine qui s'écroule sur le sol. Je ne sens pas le temps passer, me contentant simplement de mettre en joue et tirer, sans jamais m'arrêter. 

Lorsque le timer retentit et que le simcron se désynchronise, retombant mollement dans ma paume, je m'autorise enfin à prendre une pause et souffler. Autour de moi, les murs disparaissent pour revenir aux arbres, le soleil commençant à décliner. 

Je peux entendre Ethel avancer dans ma direction et je sais d'avance ce qu'elle va me demander. Or, dans mon cerveau, les questions s'enchaînent sans que je ne trouve de réponse. Ais-je vraiment pris l'habitude de tirer au point de ne plus avoir à réfléchir avant d'agir ?

— Merde Felidae, c'était quoi ça ?, jure Ethel dans mon dos, la colère pointant dans sa voix.

La question d'Ethel me surprend et je sursaute, laissant tomber l'arme dans l'herbe. Je remarque alors que mes mains tremblent, comme si j'étais prise de convulsion. Ma respiration est rapide, saccadée. Je ne cherche même pas à essayer de contrôler quoi que ce soit, sachant d'avance que mon cerveau n'est plus en capacité de fonctionner normalement. 

Je ne sais pas. Ce n'était pas moi. Je ne sais pas. Ce n'était pas... Les deux phrases tournent en boucle tandis que j'inspire plus d'air dans le vain espoir de me calmer. Levant la tête vers la jeune femme, je peux voir son visage s'adoucir. Ethel regarde l'arme tombée à mes pieds, puis de nouveau mon visage et je vois quelque chose, comme un voile, passer dans ses yeux. 

Elle range alors la tablette dans sa poche arrière et m'enserre dans une étreinte, poussant l'arme du bout des pieds. Je pose mon front contre l'épaule de la jeune femme qui continue de serrer ses bras jusqu'à ce que je sois complètement pressée contre elle. En temps normal, j'aurai probablement été surprise ou méfiante face à ce geste, mais je ne suis pas encore en état de donner du sens à quoi que ce soit. Je peux entendre la jeune femme murmurer quelque chose mais je ne sais pas quoi. 

Tout ce que je vois, c'est que les tremblements finissent par cesser et petit à petit, mon cerveau se remet en marche. Je m'écarte d'Ethel, qui fait également un pas en arrière, gardant un œil inquiet sur moi. La jeune femme s'occupe de ramasser l'arme tandis que les événements se rejouent dans ma tête pour finalement y trouver du sens.

— Felidae ?

Je me mords la lèvre inférieure puis expire longuement, avant de venir à nouveau affronter le regard d'Ethel. Toute trace de colère a disparu, que ce soit dans sa voix ou dans ses yeux, remplacée par une sorte d'inquiétude quasi-fraternelle. Je croise les bras sur mon torse avant de finalement lui répondre faiblement que je n'avais pas de réponse à lui donner. 

« On sait tous les deux que c'est faux », résonne la voix d'Aignan dans ma tête, me faisant grimacer. Puis, le sens de la phrase finit par me parvenir et je me force de ne pas lever les yeux au ciel. Evidemment. J'aurai dû m'en douter. Après des mois de silence radio, il fallait qu'elle se fasse de nouveau entendre dans ma cervelle celle-là ! 

« Je n'ai, techniquement, pas de genre, donc se référer à moi en utilisant « celle-là » est incorrect. Je comprends cependant que vous utilisez ce terme à la place de « cette Intelligence Artificielle » qui est féminin et vous êtes donc correcte. Pour ce qui est de mes actions, il est de mon devoir d'améliorer votre cerveau afin d'assurer votre survie. Et votre corps a besoin de repos après avoir été électrocuté pendant un mois et demi sans interruption », explique-t-elle et cette fois, je ne sais pas si c'est le fait d'entendre la voix de mon frère, qu'elle parle des douleurs que je ressens dès que je bouge un peu trop mes muscles ou simplement de savoir qu'elle est capable de prendre totalement possession de mon corps de cette manière, mais je trouve sa présence dérangeante. 

« Je ne peux pas prendre possession de ton corps comme je l'entends, sinon tu ne serais pas restée dans cet hôpital. Il faut que tu le veuilles également, consciemment ou non. Il faut croire qu'inconsciemment, tu voulais réussir l'exercice pour ne pas souffrir, ce qui est parfaitement logique. Il aurait même été illogique de souhaiter l'inverse, à moins d'avoir de grave soucis psychologiques », souffle la petite voix avant que je n'entende le petit bruit caractéristique signifiant qu'elle s'est éteinte.

— Felidae, s'impatiente Ethel à mes côtés, me sortant de mes pensées.

Je soupire et passe une main sur mon visage, avant de reporter mon attention sur la jeune métisse. J'ouvre la bouche pour m'expliquer, mais aucun son ne sort. Comme si j'étais à nouveau muette. Seulement ici, le seul souci est de ne pas être capable de trouver les mots justes pour expliquer la situation à la jeune femme.

— Mon I.A. C'était mon I.A, je parviens à articuler.

La jeune femme se redresse un peu plus, comme si c'était possible et son regard passe d'inquiet à confus.

— Elle peut te forcer à faire ça ?

Je peux entendre l'horreur dans sa voix lorsqu'elle pose sa question. Je fronce les sourcils, repassant les explications de la petite voix dans ma tête, avant de secouer la tête.

— Oui et non. D'après ce que j'ai compris, elle peut contrôler mes muscles afin d'assurer ma survie, mais uniquement si je le désire suffisamment, consciemment ou non. Par exemple ici, c'est elle qui dictait quoi faire à mes muscles parce que semi-inconsciemment, je ne voulais pas être à nouveau...tasée. Je ne suis pas certaine de totalement comprendre les limites de cette fichue « Intelligence », je grimace, me laissant choir sur l'herbe.

Une seconde de silence passe avant que je n'entende Ethel s'asseoir à côtés de moi. Elle tourne la tête vers moi, les sourcils toujours froncés et la mine songeuse.

— Elle te parle régulièrement ? Demande-t-elle.

A nouveau, je secoue la tête de gauche à droite avec un soupir.

— Seulement quand ça l'arrange. Je ne m'en plains pas vraiment, je souffle.

La jeune femme souffle du nez, ce qui me fait sourire malgré moi.

— Sa voix est si dérangeante que ça ?

Je grimace et hausse les épaules, ne sachant pas vraiment comment répondre à cette question. Ce n'est pas comme si Ethel connaissait la voix de mon I.A, après tout. J'arrache quelques brins d'herbe avec les mains, avant d'adresser un sourire forcé à Ethel.

— On peut dire ça, je réponds.

L'expression de mon interlocutrice se fait plus grave et sérieuse. Ses yeux analysent mon visage même si je n'ai aucune idée de ce qu'elle y cherche. Mais visiblement, elle trouve sa réponse puisque le visage d'Ethel finit par se durcir et se détourner de moi. Elle hoche la tête et nous restons en silence quelques minutes de plus avant que la jeune femme ne reprenne la parole, hésitante :

— Elle se nommait comment ?

Mon cœur se resserre et ma poigne autour du brin d'herbe également. Ma respiration se bloque dans ma gorge quelques secondes, le temps que mon cerveau digère la question. Je sens les larmes commencer à poindre dans mes yeux et inspire longuement avant de répondre :

— Il. Mon frère s'appelait Aignan.

A nouveau, le silence retombe tandis que je fais de mon mieux pour refouler mes pensées au fond de mon cerveau, refusant de fondre en larmes ici, au milieu de la forêt, à côté d'Ethel. Pourtant, je sais que quelque chose a changé. Les murs entourant normalement la jeune métisse ont disparu. 

Et avec ses questions, je commence à comprendre pourquoi elle m'était si hostile lors de mes premiers jours. Le fait qu'elle ait deviné tout de suite que mon I.A avait la voix d'un membre de ma famille et qu'elle pense directement à une sœur plutôt qu'à ma mère, mon père ou même un oncle ou une tante. 

Son hésitation à me faire confiance, à accepter de s'ouvrir à moi. Sa volonté quasi-inconsciente de toujours être sûre que j'aille bien, que je sois protégée... Tournant la tête, je remarque que la jeune femme se trouve dans la même posture que moi précédemment : tête baissée, les yeux fixant l'herbe, les mains jouant avec les brins pour distraire ses pensées.

— Ta sœur aurait dû avoir mon âge..., je murmure lorsque la réalisation me frappe de plein fouet.

J'observe Ethel se raidir avant d'émettre un petit rire étranglé. Mon propre corps est devenu une statue et je ne peux que regarder la jeune femme réagir à ma phrase. Reniflant, elle prend son visage dans ses mains et je l'entends prendre plusieurs courtes inspirations avant d'expirer longuement en retirant ses mains. Son visage, ordinairement impassible, exprime une tristesse qui me brise le cœur, sans même en connaître la raison. Elle lève la tête vers le ciel et souris tristement, avant de hocher la tête et se tourner vers moi. Ses yeux brillent et mon cœur semble se briser un petit peu plus. C'est la première fois que je vois Ethel être aussi vulnérable.

— Elle s'appelait Eléane, avoue finalement la jeune femme, brisant le silence.

Je ne dis rien, posant simplement une main sur celle d'Ethel, qui l'agrippe fermement et je dois retenir la grimace de douleur qui essaye de déformer mes traits.

— Quand j'avais neuf ans, j'ai perdu mes deux frères jumeaux, l'un tué lors d'une course de voiture illégale et l'autre envoyé en prison pour la même raison. Après ça, mon père s'est mis à boire et ma mère est devenue dépressive. Eléane n'avait que neuf mois, presque dix, quand on a perdu mes frères et presque deux ans quand ma mère s'est suicidée. J'avais dix ans et j'ai dû élever ma sœur seule, ainsi que gérer un père alcoolique qui ne sortait pratiquement plus de la maison. Eléane était ma petite sœur, mais au-delà de ça, c'était ma seule raison d'exister, de continuer à vivre. Et le 20 octobre 3015, les androïdes ont surgit en pleine nuit, massacrant tous ceux qui n'avaient pas encore quinze ans ou plus de vingt-cinq ans. Je me suis battue comme j'ai pu pour protéger Eléane, qui n'avait même pas encore dix ans. Tout s'est passé si vite... Je me souviens juste de l'atroce douleur dans mon visage, mon black-out de quelques secondes et quand je suis revenue à moi...

Ethel s'arrête et inspire, tandis que je serre sa main à mon tour, ce qui semble lui donner la force nécessaire pour finir son histoire.

— Quand je suis revenue à moi, Eléane était allongée à côté de moi, les yeux remplis de peur, la bouche formant un cri que je n'ai jamais entendu. Avec un impact de balle en pleine tête qui saignait encore. Après ça, les robots pouvaient faire de moi ce qu'ils voulaient, je n'en avais plus rien à faire. Malheureusement pour eux, ils ne m'ont pas achevée sur le coup, finit la jeune femme avec cynisme.

Sa poigne sur ma main ne faiblit pas et je reste silencieuse, ne sachant pas quoi dire. Je comprends parfaitement la réticence de la jeune femme à croire que les robots aient pu faire une erreur en m'épargnant. Après tout, pourquoi moi et pas Eléane ? Qu'ai-je de plus que sa petite sœur ?

— Je suis désolée, je souffle à voix basse.

La jeune femme fronce les sourcils, se tournant vers moi. Puis, son visage s'adoucit et elle m'adresse un petit sourire.

— Tu n'as pas à l'être. Les robots ne font pas d'erreur et je suis certaine qu'il y a une raison pour laquelle tu as été gardée en vie. C'est peut-être à cause de l'I.A, c'est peut-être autre chose, je m'en fiche. J'ai été plus dure envers toi qu'envers les autres, c'est un fait et je ne peux pas changer ça. Et je peux essayer de trouver toutes les justifications du monde, au fond de moi je sais que c'est parce que tu me rappelais trop ma petite sœur. Une partie de moi t'en voulait et t'en veut probablement toujours d'avoir été épargnée quand elle n'a pas eu cette chance, mais l'autre partie sait que tu n'as pas décidé de survivre et que les seuls responsables sont faits de métal et de moteurs, déclare la jeune femme.

Je lui souris en retour, osant un peu d'humour dans ma réponse :

— C'est Calliste qui t'a dicté ce discours ou ça t'es venu tout seul ?

En réponse, Ethel éclate de rire. Un vrai rire, qui fait retomber toute la tension et la tristesse présente dans l'atmosphère autour de nous. Je finis par la rejoindre dans son fou-rire et plusieurs minutes passent pendant lesquelles nous ne faisons qu'apprécier cette nouvelle amitié, renforcée par le partage d'une partie de nos traumatismes passés. 

Hey guys !
Comment ça va ?
Quoi de neuf ?

Alors je sais, on est lundi, mais demain je me lève à 05h30 du matin parce qu'avec le boulot, on a deux très grosses journées qui nous attendent et je n'aurai pas le temps de poster à 17h. D'où ce petit post en pleine nuit !

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Alors l'IA, bonne ou mauvaise chose ?
L'histoire d'Ethel ?
L'amitié Fethel ? 👀
Dites-moi tout !

Sur ce, bonne nuit à tous 🧡
A la semaine prochaine 🧡
Et pour ceux qui sont sur Insta, à très vite 💜🙌

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