Chapitre 5 - Le départ

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Pourquoi Danila devait-elle toujours être aussi malchanceuse ?

La pluie avait décidé de s'inviter à son grand départ, rendant ce jour encore plus maussade qu'il ne l'était. Depuis les grandes fenêtres du salon, elle voyait des gouttes ricocher sur le lac, devenu complètement gris. Déjà qu'elle n'avait aucune envie de partir, l'idée de marcher sous ce ciel déchaîné jusqu'au village voisin menaçait d'ébranler ses résolutions.

— Il faut l'interpréter comme un signe de votre Lune adorée, déclara le roi depuis le couloir. S'il pleut autant, c'est parce que vous devez rester avec nous !

Elle savait qu'il disait cela afin de l'inciter à ne pas les quitter, mais elle ne se laisserait pas influencer. Comme elle se l'était répété maintes fois au cours des jours précédents, si elle ne partait pas maintenant, elle ne le ferait jamais.

— Ce ne sont pas quelques gouttes qui vont me faire changer d'avis, affirma-t-elle en se détournant de la fenêtre. La pluie semble bien partie pour durer, autant que je m'en aille maintenant.

Quand ils s'étaient tous réveillés ce matin-là et avaient vu ce temps maussade, Alisée lui avait suggéré d'attendre que les nuages s'éloignent un peu. Malheureusement, ils semblaient bien installés et peu enclins à s'en aller.

Sans un dernier regard pour le salon, elle attrapa son sac de voyage et descendit dans le hall. S'attarder dans chaque pièce pour leur faire des adieux plus formels n'aurait servi à rien, hormis à l'attrister davantage. Alisée sortit de la cuisine et lui confia un panier garni de quelques provisions.

— Oh, c'est très gentil, mais je n'ai pas besoin de tout ça, assura la louve, touchée par son attention. Je vais tout faire tomber en montant dans la calèche et...

— Cela tombe bien, vous aurez quelqu'un pour vous accompagner !

Elle leva les yeux vers les escaliers, depuis lesquels s'était exclamée Isabella. Celle-ci descendait les marches au bras de Duncan, l'air plus en forme qu'elle ne l'était la veille. Elle avait consenti à se joindre à eux pour leurs derniers repas tous ensemble, et avait surpris chacun en mangeant des portions plus que correctes.

— Duncan va se joindre à votre voyage, annonça-t-elle face à l'incompréhension de Danila.

Effectivement, le loup avait déjà revêtu sa cape et sa main libre portait une malle. Malgré tout, Danila demeura stupéfaite.

— Mais... Mais pourquoi ? Je connais le chemin jusqu'au village, je n'ai pas besoin de...

La princesse leva les yeux au ciel.

— Il ne va pas seulement vous escorter jusqu'au village, mais jusqu'à la Terre de l'Émeraude, expliqua-t-elle fièrement.

La jeune alpha écarquilla les yeux.

— Allons, vous ne pensiez tout de même pas que nous allions vous laisser repartir seule de la sorte ? ajouta le roi en les rejoignant. Je sais que notre famille a mauvaise réputation, mais pas à ce point !

Danila ne savait qu'en penser. Alisée étant encore convalescente de sa blessure à la cuisse, il lui était impossible d'entreprendre un voyage aussi long. Elle n'avait cessé de s'en excuser auprès de son amie, qui lui avait assuré que ce n'était pas grave et qu'elle se débrouillerait seule. La question ne se posait même pas pour Isabella, qui n'aurait pas tenu une journée loin de sa cheminée. Elle risquait également d'être reconnue, tout comme son père qui ne pouvait prendre un tel risque.

Ne restait que Duncan. Danila n'aurait jamais pensé qu'il se dévouerait pour l'accompagner et du reste, ne le souhaitait pas. Vu l'état dans lequel se trouvait sa femme, il était bien plus important qu'il reste auprès d'elle.

— C'est... C'est vraiment adorable de votre part, mais... Je me débrouillerai très bien toute seule, Son Altesse a besoin de vous et...

— J'insiste pour qu'il vous accompagne, intervint la princesse. L'idée de vous laisser rentrer seule n'enchante personne, Duncan a toujours voulu partir avec vous. Il craignait de me laisser, mais je lui ai promis que pendant son absence, je ferai tout pour aller mieux.

Elle s'exprimait avec un enthousiasme tout à fait inhabituel, tandis que son mari conservait un air grave. Il ne faisait nul doute qu'il s'inquiétait et que ses tentatives pour le rassurer ne fonctionnaient qu'à moitié.

— Alisée et moi nous ferons une joie de la surveiller, renchérit Adrian. Au moindre problème, je préviendrai Duncan.

Sa fille lui jeta un regard noir dont elle avait le secret.

— Il n'y a rien de plus agréable que de se faire infantiliser en public, ironisa-t-elle. Je me réjouis de rester seule avec mon cher père et ma nouvelle belle-mère... Heureusement que Jarah sera là.

Alisée grimaça un peu à l'entente du mot "belle-mère", mais ne dit rien.

— Je ne veux pas que vous preniez des risques pour moi, avança Danila à l'adresse de Duncan. Cela faisait des années que vous travailliez au palais en tant que garde du corps. Même si personne n'était au courant pour votre mariage, les gens se doutaient de votre proximité avec la princesse. Vous auriez des problèmes si quelqu'un vous reconnaissait et...

— Nous y avons pensé et au contraire, cela pourrait ne pas être une si mauvaise chose, la coupa Isabella. Si quelqu'un reconnaissait Duncan et le voyait à des centaines de lieues de chez nous, cette personne irait imaginer qu'il a entamé une nouvelle vie, seul avec vous.

— Et si vous vous inquiétez pour lui, enchaîna le roi, je peux vous assurer qu'il n'y a aucun souci à se faire. C'est le seul d'entre nous qui est resté presque aussi fort qu'avant la disparition de nos capacités surnaturelles. Plaignez plutôt celui qui aurait le malheur de tomber sous son poing...

En effet, malgré une légère perte de poids, Duncan restait aussi impressionnant qu'auparavant. Il s'entraînait régulièrement afin de conserver une bonne forme physique et si Danila se fiait aux bras qu'elle apercevait lorsqu'il retroussait ses manches... ses efforts portaient leurs fruits.

— Il est hors de question que je vous laisse seule, déclara-t-il de sa voix à l'accent rude. J'ai une dette envers vous, après ce que vous avez fait la nuit de l'attaque. Et même sans cela, je ne peux laisser une demoiselle voyager sans chaperon.

La louve essaya de comprendre à quelle dette il faisait allusion, en vain.

— Je n'ai rien fait pour vous, si ?

De ce qu'elle savait, le meurtre qu'elle avait commis n'avait eu aucun impact direct sur lui.

— Lorsque nous nous sommes transformés en loups, vous avez utilisé votre pouvoir d'alpha pour m'aider à garder mon calme. Sans vous, enfermé dans cette pièce, je m'en serais peut-être pris à ma femme. Je vous en serai éternellement reconnaissant.

Ces paroles pleines de solennité étourdirent Danila. Agir ainsi lui avait paru tout naturel, d'autant plus dans leur situation. Ayant toujours eu une bonne maîtrise de ses pulsions animales, il lui était assez aisé d'aider les autres à dominer les leurs.

— Oh, eh bien... Je n'en attendais pas autant, mais... Je vous remercie.

Contrairement à son alpha, Duncan entretenait la réputation de parfaite loyauté des loups de l'Émeraude.

— Je vous escorterai jusqu'à votre palais, puis je resterai avec vous le temps qu'il faudra, l'informa-t-il.

— Ce sera l'occasion pour lui de retrouver son rôle de garde du corps, il lui manque déjà ! badina Son Altesse.

Contraindre Duncan à s'éloigner de sa femme et à se lancer dans un tel périple gênait Danila. Néanmoins, elle ne pouvait nier que cela lui ôtait un poids du coeur. Elle n'aurait pas à craindre de faire de mauvaises rencontres et surtout, ne serait pas complètement seule pour rentrer chez elle. Enfin, si on peut encore dire que c'est chez toi...

— Sans vouloir vous presser, nous ferions mieux de ne pas trop tarder, dit-il en regardant la porte. Je crains que nous ayons du mal à trouver un cocher au village.

Danila hocha la tête, puis se dirigea vers l'entrée, suivie par Alisée et le roi. La princesse et son mari s'attardèrent un peu près de l'escalier, sûrement pour se dire au revoir une dernière fois.

— Vous allez beaucoup nous manquer, mademoiselle Song, regretta Sa Majesté. Vous êtes l'alpha de l'Émeraude la plus charmante qu'il m'ait été donné de connaître et si vous avez un jour besoin de quelque chose, vous pourrez toujours compter sur moi.

Elle le remercia timidement, touchée par sa sincérité. Si la politique d'Adrian s'était accordée à sa gentillesse, il ne faisait nul doute que jamais ses sujets ne se seraient rebellés contre lui.

— À vrai dire, se reprit-il, quand on voit la manière dont mon règne s'est achevé, vous feriez peut-être mieux de ne pas me demander trop de conseils... S'il y a une leçon à tirer de tout ça, c'est qu'il est préférable de ne pas organiser des bals masqués quand votre peuple n'a pas une goûte de sang à se mettre sous les canines. Quoique, peut-être que si je les avais invités, ils...

D'un regard accusateur, Alisée mit un terme à ses digressions.

— Je vous remercie de m'avoir accueillie sous votre toit pendant toutes ces années, déclara la louve avec émotion. Vous avez pris le risque de vous attirer des problèmes avec la Terre des Loups en m'hébergeant dans votre palais, puis vous n'avez pas hésité à m'emmener ici avec vous. Même si les choses se sont assez mal terminées, mes quatre années passées à la Cour ont été les plus belles de ma vie.

Et elle ne cherchait pas à le flatter, loin de là. Sur la Terre des Loups, personne ne se gênait pour critiquer les vampires et leurs prétendues "mauvaises manières". En réalité, jamais Danila ne s'était sentie aussi bien que chez les buveurs de sang.

— C'était un privilège de vous accueillir, affirma le roi avec une petite révérence exagérée. Toutefois, c'est surtout Jae-Sun qui a toujours tout mis en oeuvre pour que vous vous sentiez bien chez nous.

Danila baissa les yeux, la gorge nouée. Elle s'était juré de ne pas pleurer pour son départ, mais la mention de l'ancien chef de clan risquait de rendre la tâche ardue...

— À propos de Jae-Sun, murmura Alisée en se mordant la lèvre, je sais qu'il t'est encore assez douloureux d'en parler, mais... Il y a quelque chose que tu dois savoir.

Fébrile, la louve attendit qu'elle poursuive. Son imagination désespérément optimiste se mit à inventer mille et une possibilités, toutes plus insensées les unes que les autres. Et si par un miracle qu'on ne pouvait expliquer, Jae-Sun n'était pas mort ? Et s'il avait simplement eu besoin de faire croire à sa disparition, sans pouvoir en informer qui que ce soit ? Et s'il avait réussi à s'enfuir du palais avant l'explosion ? Et si...

— Juste avant que nous le laissions dans les sous-sols, Jae-Sun a dit qu'il tenait à ce que nous t'adressions un dernier message de sa part. Comme tu allais déjà assez mal, j'ai toujours repoussé le moment de te le dire.

Elle jeta un bref regard au roi, qui l'encouragea à continuer.

— Jae-Sun voulait que tu restes vigilante quant à ton entourage sur la Terre de l'Émeraude. Ce n'est pas pour te faire peur, mais simplement pour te prévenir que...

— Ce que tout le monde essaye de vous dire, la coupa Isabella en venant vers eux, c'est que quelqu'un a essayé de vous tuer. Et que du reste, cette personne a réussi à le faire.

Alisée parut vouloir étrangler la princesse, tandis que Danila clignait les paupières.

— Me... Me tuer ? Vous voulez dire... à cause de la coupe de cidre ? Oh non, je vous assure qu'il s'agissait d'un réel accident, les pommes étaient peut-être contaminées par quelque chose et...

Elle s'interrompit en voyant la mine défaite et exaspérée d'Isabella.

— Je reconnais être parfois trop réaliste, mais il y a un moment où il faut voir les choses en face. J'avais eu l'occasion de parler de votre "accident" avec Jae-Sun, et il était convaincu que quelqu'un vous voulait du mal.

De plus en plus confuse, Danila secoua la tête.

— Pourquoi quelqu'un aurait-il voulu me tuer ? Je n'avais encore pris aucune décision en tant qu'alpha, je n'étais bonne qu'à me faire remarquer en renversant mon verre sur quelqu'un, ou en cassant mon talon avant la fin de la soirée.

— Un problème fâcheux, je vous l'accorde, commenta Adrian.

Personne ne lui prêta attention, tous étant trop consternés par les propos de la jeune louve.

— Ai-je besoin de vous rappeler que vous étiez l'alpha de l'Émeraude ? s'impatienta Isabella. Il y a une bonne centaine de personnes qui devaient avoir un avantage à tirer de votre mort.

— Peut-être pas une centaine, nuança le roi, les mains dans les poches. Mais si on commence par votre entourage proche, il y a déjà votre tante et vos cousins...

Atterrée par de telles insinuations, Danila chercha du secours auprès d'Alisée. Cette dernière semblait néanmoins partager l'avis des autres.

— Ma tante ne m'aurait jamais fait de mal. C'est elle qui m'a élevée, alors qu'elle devait aussi s'occuper de ses propres enfants. Elle ne...

— Sans vouloir manquer de respect à votre tante, elle vous a élevée dans un palais, avec des domestiques à sa disposition, l'interrompit Adrian. Ce n'est pas tout à fait la même chose que de s'occuper de quinze enfants seule dans une chaumière...

— Je... Je vous l'accorde, mais... Il n'empêche qu'elle serait incapable de vouloir ma mort.

Isabella parut sur le point d'insister, alors la louve s'empressa d'ajouter :

— Je vous promets d'être prudente et de garder en tête vos avertissements. Même si j'ai du mal à voir pourquoi, il est peut-être vrai que ma mort a arrangé certains. En tout cas, je suis persuadée qu'il ne s'agissait pas de ma tante.

La princesse paraissait réellement excédée. Tant pis si Danila passait pour la reine des niaises, elle refusait de devenir aussi suspicieuse que Son Altesse. Surtout quand les doutes en question concernaient Gladis, qui avait fait son possible pour l'épauler.

— Jae-Sun a... Il a toujours cherché à me protéger, reprit-elle d'une voix rauque. Je sais que je suis parfois trop stupide pour voir la réalité en face, mais...

— Tu es tout sauf stupide, la coupa Alisée en lui prenant la main. Jae-Sun pensait aussi que les loups de l'Émeraude seraient très chanceux de t'avoir. Et plus que tout, il voulait que tu saches que grâce à toi, il avait passé ses quatre dernières années aux côtés d'une personne merveilleuse et exceptionnelle.

Bien qu'elle se soit promis de ne pas pleurer, Danila sentit une larme rouler sur sa joue. Merveilleuse et exceptionnelle... Si elle l'avait été suffisamment, Jae-Sun n'aurait pas choisi de mourir. Voilà tout ce qu'elle parvenait à se dire.

— Ne lui en voulez pas pour le choix qu'il a fait, ajouta doucement le roi. Sa longue vie l'a amené à vivre beaucoup de choses et...

— Je ne lui en veux pas. Je sais qu'il avait ses raisons, les meilleures raisons possibles pour...

— Et surtout, ne vous en voulez pas à vous-même, acheva-t-il en appuyant bien sur les mots. Croyez-moi, il n'y a rien que vous auriez pu faire pour changer sa décision.

Danila aurait aimé le croire. Néanmoins, elle savait que si elle avait réellement compté pour Jae-Sun, il serait resté. Après être redevenu un Neutre, il n'aurait plus eu très longtemps à attendre avant de retrouver celui qu'il avait perdu.

— Ce n'est pas que je veux vous faire déguerpir, mais la pluie semble s'être arrêtée, remarqua la princesse en désignant une petite fenêtre. Vous devriez en profiter.

Danila acquiesça et lorsque, par réflexe, elle essuya ses joues, elle fut heureuse de les trouver sèches. Aucune autre larme n'avait suivi la traîtresse qui s'était échappée.

— Si cela peut vous donner une motivation supplémentaire, sachez que vous avez la chance d'être née à une très belle période, badina Son Altesse. Pour avoir visité la Terre des Loups il y a peu de temps, je peux vous dire que les fils du Grand Alpha sont particulièrement charmants...

Duncan leva doucement les yeux au ciel, sans paraître vraiment jaloux.

— Vous aurez peut-être l'occasion de les croiser, s'amusa la princesse.

La louve ne répondit rien, n'ayant pas le coeur à rentrer dans son jeu.

Une fois qu'elle serait sur la Terre de l'Émeraude, elle aurait des préoccupations plus importantes que les fils du Grand Alpha.

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