PDV de Clémence

Nous étions retournés dans le monde des humains. En silence. Renger ne sortait plus de sa chambre. Depuis qu'il avait retrouvé sa mémoire, il s'était enfermé dans le silence. Drag, mon cher pèr adoptif, semblait aussi perdu que moi. Peu être même encore plus que moi. Zac n'était plus là... Et étrangement, je venais à penser que la maison était vide. Cerbère ne manquait pourtant pas de montrer sa présence. Mais mon ami me manquait... Je me demandais comme il allait... Et ce qu'il pouvait bien faire. Et Louise... Elle qui était pourtant si solide, s'enchaînait dans sa tristesse. Quand j'y pense, Louise avait toujours été là pour moi. Je me souviens qu'elle avait dit savoir pour mon orbe. Alors pourquoi était-elle si choquée de savoir les desseins de Satan ?

Je toquais à la porte de sa chambre. Mais aucune réponse ne me parvint. Cerbère s'extirpait avec majesté de mon ombre, et se frottait à mes jambes. Mes prunelles se plongèrent dans les siennes. Je lui souriais d'un air désolé.

- Il vaudrait mieux que tu restes ici.; lui avouais-je.

Les yeux de mon démon luisaient. Je pouvais y décerner une certaine supplication. Mais je voulais parler à Louise seule. Alors je ne retournais pas sur ma décision. J'entrais, tout en refermant la porte sur l'ancien Seigneur. La chambre était plongée dans le noir. Seul un simple rayon de soleil se hissait au travers des volets. Je pouvais distinguer le lit. Louise était enroulée dans la couverture. Elle remuait faiblement. Et à la taille que prenait sa couette, je devinais qu'elle n'était pas sous sa forme humaine.

Je m'approchais, lentement. Le parquet grinçait sous le poid de chacun de mes pas. Je m'asseyais finalement sur le lit. La grosse boule de linge avait cessé de bouger. Je pus entendre la faible voix de la démone. Elle me demandait de partir. J'avais un pincement au cœur.

Ne la laisse pas comme ça...

Je sais, Lilith.

Elther... Louise, est une brave fille.

Tu parles comme si tu étais sa mère. Je pouvais entendre le rire de Lilith résonner dans mon crâne.

C'est vrai. Je ne suis pas vraiment sa mère biologique, mais Satan et moi l'avions trouvé alors qu'elle n'était qu'une petite sauvageonne perdue. Et nous l'avons élevé comme si elle était notre fille. C'était bien avant que je ne rencontre D'jaal. C'est pour cela, ma petite Clemence... Qu'Elther ne pourra jamais se retourner contre Satan. Elle pourra toujours se dire qu'elle le hait, une part de son cœur lui restera fidèle.

J'imaginais bien, oui... Cette situation devait être terriblement éprouvante pour elle. Cela me donnait une raison de plus pour la consoler. Je posais ma main sur ce que je devinais être son épaule. Elle eut un sursaut, avant de relever la tête de son cocon. Son visage ruisselait de larmes. Ses yeux gonflés me dévisageaient alors que ses lèvres saignaient. Sans doute à cause de ses canines. Je la pris tendrement dans mes bras, tout en rabattant mes paupières.

- Tout va bien. Je suis là.; lui murmurais-je.

Et la démone, telle une enfant, m'encercla de ses bras tout en redoublant de sanglots. Elle laissait sortir sa souffrance dans des gémissements et des cris. Je me sentais si inutile. Je ne pouvais rien faire pour calmer ses peines. Et la frustration de Lilith se rajoutait à la mienne. Nous ne pouvions qu'attendre. Étrangement, je me sentais vraiment comme une mère rassurant son enfant. Sûrement car les émotions de la Gumiho s'imprégnaient en moi. Mais j'avais peur. De plus en plus peur... De cette proximité entre son âme et la mienne. Étais-je en train de disparaître...?

Je ne voulais pas de ça... J'étais trop jeune pour avoir pensé à la mort... Si Satan arrvait à ses fins... Et que Lilith prenait possession de mon enveloppe charnelle... Allais-je assister à tout sans pouvoir intervenir ? Ou bien allais-je être projetée dans un vide absolu...? Mes souvenirs... Mes sensations... Allaient-elles être les mêmes...? La sueur glacée ruisselait le long de mon dos.

J'ai peur...

J'ai peur...!

- Clémence...

Je sursautais, revenant violemment à la réalité. Le visage de la démone était déchiré par le remord.

- Je suis désolée... Tout ce temps, je savais que tu avais cette orbe... Et tout ce temps je n'ai pas pu douter de Satan...; gémit-elle.
- Louise... ; soufflais-je en détournant les yeux; Te dire que ce n'est pas grave serait un mensonge... Mais je ne t'en veux pas.

Je relevais mes prunelles vers elle, et la regardais droit dans les yeux. Elle fut émue par mes paroles. Une larme vont de nouveau rouler sur sa joue. Elle se doutait bien que j'attendais plus d'explications. Alors elle ferma les paupière, tout en possant une long soupir.

- Au début, Satan m'a confié la surveillance de Vengeur... Car l'orbe que tu as en toi est extrêmement puissante. Entre de mauvaises mains, elle pourrait devenir une grande menace pour le monde entier. Tu sais, les démons se sont battus pour pouvoir offrir un monde adapté au humains. Alors nous ne pouvions pas risquer de tout détruire. Lilith avait dû confier son orbe à un humain. Et ses descendants en ont hérité. Seulement son pouvoir est resté endormie, jusqu'à ta naissance.
- Pourquoi s'est-elle éveillée ?; lui demandais-je.
- Clémence, tu es une invocatrice. C'est pour cela que tu pouvais nous voir. Et c'est sûrement aussi à cause de ton don que l'orbe s'est éveillée.

Je commençais à comprendre. Satan s'était servis de ce prétexte pour gagner la confiance de Louise. Envoyer un ancien criminel veiller sur moi obligait la démone à rester vigilente. Et je supposais qu'avoir des démons dans mon entourage n'avait fait que favoriser la croissance de mon don. En vérité, Louise n'était pas au courant des vraies intentions de son bienfaiteur. Mais se morfondre à ce sujet ne ferait pas avancer les choses.

Et bien que j'avais Cerbère, je n'étais pas assez puissante pour vaincre le Déchu si il venait à nous attaquer.

- Clémence.

Je relevais la tête vers Louise. Un sourire amusé s'étirait sur ses lèvres.

- Est-ce que essayerais de passer un pact avec moi ?

Ses mots me firent réaliser que des chaînes nous entouraient. N'attendant plus que de se refermer sur nous. C'était comme avec Cerbère... Mais est-ce moi qui les avais invoqué...? Je n'en avais même pas pris conscience. Sans le vouloir, je venais de vouloir prendre la puissance de Louise par la force. Je voulais me justifier, mais mes lèvres refusaient de bouger, alors que ma gorge était plus asséchée qu'un désert. Elle ressera sa main sur l'une de mes chaînes pour la briser.

- Je sais que tout cela est nouveau pour toi... Mais ne te risque pas à vouloir passer un pacte avec un démon tel que moi.

Et sur ces paroles toutes mes chaînes éclatèrent, réveillant une puissante douleur en moi. Je me recroquevillais sur moi-même dans un gémissement de douleur étouffé. Qu'est-ce qu'il m'arrivait...? Je ne pouvais plus bouger...! Louise se relevait, le regard perdu dans le vide. Puis sa main vint caresser ma joue.

- Merci. Grâce à toi, je me sens mieux. En revanche, ne t'amuse pas à sortir tes chaînes sur un démon que tu ne peux pas domestiquer.; murmura la démone d'un air triste.

Je la regardais sans comprendre ses paroles. J'avais si mal que j'avais l'impression qu'on m'arrachais les tripes. Mes membres tremblaient, et je nageais dans ma propre sueur. L'air était lourd, et de plus en plus difficile à respirer.

- Ce que tu éprouves en ce moment... On appelle cela Le Rejet. Quand un Invocateur se risque à vouloir pactiser avec un démon plus fort que lui. Pour faire plus simple, tes chaînes ne sont pas encore assez solides pour pouvoir contenir mon pouvoir.; expliqua Louise.

Ce n'était donc que temporaire... Je me sentais soulagée... Mais aussi honteuse. Sortir mes chaînes sans lui demander son accord... Quel égoïsme. J'étais pourtant désormais bien placée pour savoir qu'un pacte est un accord entre l'Invocateur et le Démon... Il faut les deux accords pour que le pacte passe. Et maintenant, j'en savais les conséquences...

La douleur s'atténuait de minutes en minutes. Je pouvais enfin réguler ma respiration. Louise me souriait tendrement.

- Je suis désolée... Tu es une puissante Invocatrice... Après tout, tu as bien pactiser avec Cerbère. Malheureusement, tu n'as pas assez d'expérience pour pactiser avec moi, non pas que je refuse tes avances. Si tu veux espérer gagner mon aide, alors entraîne-toi.

J'avais compris le message... Mais je ne pouvais m'empêcher de sourire. Étrangement, ça m'amusait. Peut-être que Renger déteignait trop sur moi... Mais qu'importe. J'allais travailler dur pour donner naissance à une nouvelle Clémence...

Une Clémence qui bottera le cul de Satan.