Enfermée, étudiée, titillée. Toutes les heures, Myala passe devant ma cage pour me donner le temps restant, s'amuser de me voir si comprimée dans cette boîte. Elle a fait exprès de me mettre dans un espace réduit pour me forcer à réfléchir plus vite pour en sortir. Sauf que je ne réfléchis pas. Mon choix est déjà fait : je ne rentrerais pas dans ce jeu. Si elle veut torturer Iwhaell, elle devra passer sur mon corps. Si elle veut trouver Troyan, elle doit me garder vivante. Ça sera à eux de faire un choix et je compte bien le leur faire comprendre.

- Allez Elyse, plus que trois petites heures ! J'espère que tu sais lequel de tes amis comptent le moins pour toi, parce que l'un d'autres eux ne s'en sortira pas vivant.

Je tourne la tête vers une masse de cheveux blonds lâchés sur des épaules massives, encadrant un corps presque masculin. Ses yeux gris brillaient d'une joie malsaine tandis que ses lèvres étirées en sourire découvraient des dents pointues, presque à déchiqueter n'importe quel bout de peau. Un frisson parcourt mon corps tandis que je lorgne sur les clés de ma prison, pendues à sa ceinture. Ma jambe blessée commence à me faire mal, mais je ne le signalerai pour rien au monde.

- Tu ne pourras pas faire la dur à cuir très longtemps. Il va falloir céder Elyse. Et j'espère que cette culpabilité te rongera à vie. Je veux te voir morte, sous mes yeux. Et je sais que cela va arriver, même si je dois faire le travail moi-même.

Un ricanement sinistre emplit la petite pièce dans laquelle ma cage de trouve. Les murs sont noirs, sans doute pour éviter que les prisonniers voient le sang ou autres tâches suspectes. Le sol est gris, très sale, avec quelques taches de sang assez importantes. Je suppose que des gens sont morts ici, vidés de meure sang. Et Myala pense fortement à me faire la même chose, déguisant cela en incident. La seule chose qui la retient de le faire, c'est les ordres donnés par le Président ainsi que les barreaux de la cage. Elle s'approche encore de moi, son sourire grandissant à chaque pas qu'elle fait. Dans sa tête, elle doit compter les minutes jusqu'au m'annoncer qu'il me reste deux heures. La connaissant, elle espère que je choisisse de protéger Troyan afin de me voir me suicider sous le poids de la culpabilité.

- Je ne me plierais pas à vos règles. Jamais. Qu'est qu'en soit le prix à payer, je n'accepterais jamais de rentrer dans votre logique tordue d'esprit malade.

Mes muscles se contractent, je sais que Myala ne se laissera pas insulter sans réagir. Et cela ne tarde pas : ses bras frappent les barreaux de ma cage, faisant trembler l'habitacle et moi avec. Je gémis sous la douleur causée par ce geste en serrant les dents le plus possible. Je ne veux pas que Myala me voit souffrir, elle serait capable de me faire du mal juste pour s'amuser.

- J'ai perdu ma famille par ta faute. Ma mère a été la première à mourir, parce qu'elle était enceinte est inutile. Ensuite, ils ont tués mes frères en mes forçant à travailler pour eux dans des prisons comme celles-ci. Mes frères ont soufferts jusqu'au bout, sans jamais se plaindre. Quand à mon père, il a pris une balle lorsque j'ai refusé de dire où tu te trouvais. Je t'ai protégée, me jurant que tu reviendrais pour moi un jour. J'ai attendus Elyse, depuis presque deux ans maintenant.

Je la regarde dans les yeux. Je vois sa haine grandir dans ses yeux. Elle a énormément souffert par ma faute et cette culpabilité suffit pour me faire du mal dès que je ferme les yeux. Depuis que je me suis enfuie il n'y a eu que des morts et ils sont tous sur ma conscience. Rajouter ma mort d'Iwhaell ne serait qu'ajouter un nouveau poids sur ma conscience déjà très lourde. Peut-être que cela me ferait en effet disjoncter. Myala s'accroupit pour être face à moi et me regarder dans les yeux. Elle scrute mon visage comme le faisait Kerry le jour de mon Choix. Elle cherche les arguments qui me feraient craquer définitivement.

- Et toi, tu m'as laissé tomber parce que tu as eu quoi, des remords ? Tu ne voulais pas laisser ton frère tout seul, alors tu as laissé des milliers d'enfants mourir ou être torturé... Les Eveniens ne te le pardonneront jamais, tu le sais pas vrai ? Et ton frère dans ton ça Elyse ? Que fait-il pendant que tu es ici, dans cette petite cage ? À qui as-tu pu le confier ?

C'est en trop. Je la sais cruelle, manipulatrice, car c'est ainsi que l'on formate les soldats. Mais son visage reste celui de la fillette qui m'a accueillie pendant cinq mois chez elle, avec laquelle j'ai partagé des moments de complicité, celle à laquelle je faisais confiance, à laquelle j'aurai pu confier ma vie sans problème. Elle joue sur cela, sur mes souvenirs, sur mes sentiments. Elle a toujours su appuyer là où cela fait mal, depuis qu'elle me connait. Je pensais que le programme MEMORIAE lui avait effacé nos souvenirs communs et qu'elle ne me reconnaîtrait même pas. Mais le Président lui a réservé un sort encore plus triste : après avoir tué sa famille, il a fait d'elle un soldat avec quelques émotions et surtout tous ses souvenirs. J'appuie contre les barreaux de la cage avec rage tout en regardant Myala dans les yeux. Cela la distrait sans doute, de me voir essayer de sortir d'une cage construite spécialement pour torturer les gens.

- Kerry est mort. Il est mort et s'est de ma faute. Le sang de ta famille n'est pas sur moi mais sur l'homme que tu sers avec autant de dévotion. Tu me hais pour quelque chose que je n'ai pas commis. J'ai vu mon frère mourir dans mes bras à cause d'un choix que j'ai fait. J'ai provoqué sa mort. Mais je n'ai rien fait à ta famille Myala. Le Président est stupide mais pas au point de tuer toute une famille par ma faute. Si ta famille est morte, c'est de ta faute. Uniquement la tienne.

Myala ouvre la cage, me surprenant. Elle m'en sort sans trop de ménagement, restant calme et maîtresse d'elle-même. Je redoute la suite en la voyant si calme et si sûre d'elle. Pour quelque chose comme ça, je devrais déjà être au sol, à moitié morte avec quelques os cassés. Mais Myala ne réagit pas. Elle se contente de resserrer les liens que j'ai aux mains et de me faire avancer hors de cette petite pièce qui sent la mort à plein nez. Elle me fait entrer dans une nouvelle pièce, où se tient Iwhaell. Je réprime un hoquet de stupeur en me voyant. Elle est debout, les mains attachées au-dessus de la tête, couverte de sang. De multiples coupures sont visibles sur ses bras et son ventre. Pourtant en me voyant entrer, elle me sourit et j'arrive même à voir dans ses yeux une lueur de joie.

- Qu'est-ce que vous lui avez fait ?

Je sens la rage monter en moi. Myala s'écarte, me laissant face à ma compagne de cellule blessée. J'ai les mains liées dans le dos, je ne peux donc pas ma détacher. Qui plus est, ma jambe blessée se fait de plus en plus douloureuse à cause du temps passé dans cette toute petite cage. Iwhaell se tourne vers Myala et un échange de regard commence entre mes deux femmes. Je ne sais pas ce qu'Iwhaell à fait ou dit pour être attachée ici, mais elle ne le mérite pas ! J'avance vers Myala aussi rapidement que je le peux mais elle m'arrête en posant une main sur mon épaule. Elle sert sa poigne jusqu'à ce que je tombe sur un genou sous l'effet de la douleur.

- Tu vois Elyse, le problème avoir toi est que tu essayes toujours de croire qu'il y a un espoir que tout me monde s'en sorte vivant. Le seul moyen de te forcer à plier, c'est de te montrer que l'espoir est inutile ici.

Myala sort son arme et la charge. Je me redresse du mieux que je peux tandis que la blonde et son arme s'approche de la jeune adolescente. Iwhaell redresse la tête et je peux voir dans son regard toute la haine qu'elle voue à la femme face à elle. Je ne connais pas leur passé, ni ce qui a pu se produire entre elles, mais Myala semble heureuse d'accomplir cette tâche. Je ne peux pas laisser Iwhaell se faire tirer dessus sans rien dire !

Je me remets debout, me guidant grâce aux murs contre lesquels je m'appuie pour me rapprocher des deux filles. J'entends le coup partir alors que je suis presque à leur hauteur. Mon cri se mêle à celui d'Iwhaell lorsque la balle vient de loger dans sa jambe. Quelque part, je suis soulagée que Myala n'ai pas visé la tête.

- Deux heures Elyse. Il te reste deux heures. Il me reste trois balles. A chaque heure, ton amie ici présente se prendra une balle quelque part. Et si tu n'as pas fait ton choix, ma troisième balle ira dans sa petite tête. Tu comprends où je dois recommencer l'expérience ?

Mes muscles tremblent. Je sais que cette fois, je n'ai plus de choix. Je ne peux plus continuer à rester indécise sans qu'Iwhaell ne termine à mes pieds, dans vie. Je regarde la jeune adolescente qui a baissé la tête pour contenir la douleur. Les veines de son cou se sont dilatées sous l'effort et la sueur se mêle au sang qui coule sur son corps. Je ne sais pas comment elle réussit à tenir aussi bien la douleur. Myala s'approche de moi et me colle contre le mur.

- Ne joue pas à la plus maligne. Tuer cette fille ne m'apporterait rien. Toi en revanche, tu m'as causé beaucoup plus d'ennuis. Et ne crois pas que je fais une croix sur ce que tu as dit toit à l'heure à cause de cette histoire de choix. Je serais celle qui mettra une balle dans ta jolie petite tête.

Ces mots murmurés à mon oreille m'ont tout l'air d'être une menace et une promesse. Je ne réponds pas et la laisse s'écarter.

- Vous êtes les deux seules qui peuvent ramener Troyan ici. Par conséquent, je ne peux pas encore vous tuer. Mais je ferais savoir à ce cher Troyan que s'il veut en revoir une en vie, il va devoir choisir également... Qui choisira-t-il à votre avis ? Sa compagne de voyage, ou sa petite sœur ?

Sur ces paroles accompagnées d'un rire digne des plus grands méchants de la décennie, Myala claque la porte de la salle, nous plongeant dans le noir le plus complet.