39. Elyse

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Seule. C'est l'unique mot qui puisse parfaitement me décrire. Je vis dans la solitude la plus complète et ce, depuis la mort de mon père. Malgré mon frère, malgré Myala, malgré Troyan, Kalen, les jumeaux... Rien n'a réussi à chasser le sentiment de solitude qui s'était logé dans mon cœur comme une balle dans une cible. Pile dans le mille.

Assise sur le lit, dans cette petite auberge même, une heure et demie après avoir rencontré ce sympathique mais très louche vieillard, je m'amuse à faire tourner entre mes doigts les plaques de Troyan. Le bruit du métal frottant contre le métal est comme une berceuse pour mes oreilles abimées par les coups de feu et les cris des torturés en prison. Sur le coup, je me demande quel genre de traitement il réserve à Troyan. Vont-ils le tuer sur le champ ? Le torturer jusqu'à ce qu'il rallie les rangs ? Lui faire regarder la torture de sa sœur ? Quels genres d'idées tordues le Président peut avoir pour un déserteur ?

Rien que d'y penser, je laisse les plaques tomber au sol, le bruit du métal percutant le bois poli résonnant dans mon corps. Mon nez commence à piquer et je n'ai pas besoin d'être devin pour imaginer mes yeux se mettre à briller de tristesse. C'est ma faute. C'est réellement ma faute. Cette fois, il n'y a pas d'excuse de culpabilité ou autre. C'est vraiment de ma faute s'il est de nouveau prisonnier de ces sauvages que j'admirais autrefois.

- Elyse ? On devrait y aller. La Forteresse du Président est à deux heures de route, si on veut y être avant la nuit il faut partir.

La voix de Kalen est douce malgré la colère qu'il ressent envers moi. Je peux la sentir tout autour de nous tandis que je me lève, ramasse les deux plaques immobiles au sol pour les ranger dans ma poche. Je croise le regard de celui que j'aurai pu, un jour, appeler papa, si j'avais eu plus de courage.

- Tu penses que nous avons une chance ? Nous sommes deux, contre des centaines de soldats.

Un maigre sourire éclaire le visage négligé de Kalen. Je remarque seulement maintenant à quel point sa barbe a poussé, le rendant plus vieux. Ses traits sont tirés et la fatigue se lit dans ses yeux verts. Pourtant, une once d'espoir continue de parcourir son regard, comme s'il y avait quoi que ce soit qui puisse nous aider à présent.

- Je crois aux Prophéties. Si l'une d'elles dit que nous y arriverons, alors on y parviendra. Il va juste falloir être plus discret et s'infiltrer dans la Forteresse. Nous ne gagnerons pas si nous y allons tête baissée et provoquons un combat inégal.

Je soupire. C'est complètement fou et insensé, de la part du seul adulte du groupe, d'avoir un plan pareil ! S'enfoncer à deux dans une Forteresse dont j'ai déjà pu faire les frais, pour assassiner la personne la mieux protégée de la planète ? C'est infaisable. Je sais que nous avons fui cet endroit après ma mort, pour finalement y retourner. C'est idiot. Surréaliste. Mais c'est le dernier atome d'espoir que nous ayons. Kalen se rattache à une prophétie que j'ai donnée, après mon réveil. Et malgré ça, je ne parviens pas y croire. Quel impact avait le rêve que j'ai eu avec Troyan ? Et si le Gouvernement lui avait retourné le cerveau au point de le forcer à me tuer ? Si nous foncions dans un énorme piège ?

La main de Kalen se pose sur mon épaule tandis qu'un second soupir sort de ma bouche malgré moi. Il doit bien voir que je ne partage pas son optimisme. J'ai toujours été une réaliste et son plan ne l'est tout simplement pas, pas à mes yeux. Alors je ne peux pas partager son avis, me baser sur des mots pour me convaincre que nous allons gagner une guerre comme celle-ci. Je ne suis pas une héroïne, je n'en serais jamais une, je n'ai aucune raison de prendre les armes et de foncer là-bas. La seule chose qui me donne un peu d'espoir, ce sont les plaques au fond de ma poche.

- Troyan te fait confiance pour prendre soin des plans. Il n'y a pas qu'Evena a sauver Elyse. Ça n'a jamais été à propos d'Evena d'ailleurs. Le combat a toujours été pour sauver la Terre.

Ma patience diminue avec ces paroles. Evena n'a jamais été le plan ? Il compte laisser un homme comme Kahnu diriger notre Planète, la mener à sa perte ? Mes yeux viennent se planter dans ceux de Kalen une nouvelle fois, trahissant mes pensées avant même que je ne me mette à parler :

- Pourquoi ? Je vis sur Evena, qu'est-ce que j'en ai à faire de la Terre ? Est-ce que les Terriens ont déjà fait quelque chose pour nous ? Est-ce qu'ils nous ont étudié comme nous l'avons fait, ont-ils tenté quoi que ce soit quand les Torghols se sont fait brutalement assassiné un par un ? Et malgré ça, nous devons les sauver ?

L'injustice que je ressens brûle mon cœur à tel point que j'en ai mal. Nous avons étudié la Terre et ses habitants durant de longues années et tout ce qui nous est arrivé depuis découle de leurs actions. Sans eux, peut-être que nos deux peuples cohabiteraient en paix. Et il faudrait qu'on les sauve, eux qui ont poussé notre pauvre Planète jusqu'à ce que nos dirigeants deviennent cinglé ? C'est à moi, à Kalen et à Troyan de rectifier le tir, des dizaines d'années plus tard ? Pourquoi ?

Le regard de Kalen reflète l'incompréhension qu'a suscitée mon discours. Au départ, c'était moi la plus grande supportrice de cette idée, allons sauver la Terre ! Mais c'était avant de comprendre tout ce que j'ai eu à perdre pour en arriver là. Pour sauver la Terre, il a fallu que je perde ma famille, deux fois. Ce n'est pas trop en demander à une jeune fille d'à peine vingt ans ?

- Tu ne peux pas sérieusement penser à laisser des gens mourir... Ce sont des êtres humains Elyse, on ne peut pas les laisser mourir...

Je serre les poings avec rage tandis que dans ma poche, les plaques se mettent à....se mettent à chauffer ? Je sens leur chaleur réchauffer mes côtes avant de commencer à me bruler. Je pousse un petit cri, toute animosité envolée, pour les sortir de ma poche et les jeter sur le lit. Aussitôt, les draps s'enflamment tandis que les plaques se mettent à luire de plus en plus, captivant mon regard. Je m'approche tandis que Kalen, sans un mot, attrape mon bras pour m'empêcher d'aller plus loin.

C'est plus fort que moi, s'en ai presque un cliché mais les plaques semblent m'appeler malgré tout. J'avance la main et attrape les plaques, m'attendant à ce que, comme dans les films ou les romans, elles ne me brûlent pas. Et c'est le contraire qui arrive. Les plaques semblent chauffer encore plus. Je cris, ouvre la main et essaye de les lâcher, mais elles restent coller à ma paume. Une larme coule sur ma joue tant la douleur est forte. Kalen m'attrape le bras pour me faire sortir de la chambre qui commence doucement à prendre feu. Je me demande comment il va parvenir à me faire traverser la salle commune sans que personne ne voie que ma main brûle et fait de la lumière.

Pourtant, sans que je sache ni comment, ni pourquoi, ma main brûlée plonge dans la neige gelée. La sensation de brûlure s'intensifie et s'en devient presque trop pour mon corps, qui continue de tenir bon malgré tout. Je devrais déjà être dans les vapes ou quelques choses comme ça, pour ne plus souffrir autant....

Et d'un coup tout s'arrête. Quelques secondes s'écoulent, le temps que je reprenne une respiration normale. Je me demande d'ailleurs pourquoi ma respiration s'est emballée ainsi, je n'allais pas mourir.... J'ai seulement été brûlée, je ne sais même pas à quel degré tellement cela me semblait fort... Je retire ma main de la neige, le bras tremblant. J'ouvre délicatement ma main blessée, pour voir que les plaques ont arrêté de briller et qu'elles n'ont strictement rien. Ma bouche s'ouvre mais aucun son n'en sort, quand je remarque l'état de ma main.

Brûlée ? Non. Un symbole étrange apparu ? Non plus. Par contre, le mot "Sauve-moi" gravé dans ma paume avec ma chair brûlée à vif, je le vois parfaitement. Aucune larme ne coule sur ma joue, aucun son ne sort de ma bouche pourtant encore ouverte. Kalen est à mes côtés, fixant ma paume, lui aussi sous le choc. Il me tient par la taille, sa main sous mon bras tremblant qui ne semble pas tenir le choc. Des bruits de pas se font entendre derrière nous et je ferme la main, ce qui m'arrache un gémissement. Je me retourne, aidée de Kalen, pour tomber face au vieillard de la dernière fois.

- Je peux voir ?

Demande le vieil homme, visiblement intrigué.

Je fronce les sourcils devant sa requête. Comment a-t-il su que j'avais quelque chose sur la main ? L'a-t-il deviné, m'a-t-il vu dehors, dans la neige ? Par instinct, je colle ma main blessée dans mon dos, serrant les plaques le plus fort possible malgré la douleur que cela me procure. J'ai suffisamment vécu de moment douloureux pour me méfier des inconnus qui semblent en savoir plus qu'ils ne devraient. Kalen se place devant moi, demandant au vieillard de reculer.

- Écoutez jeune homme, je pense que cette demoiselle a besoin de moi.

S'explique l'homme aux cheveux grisonnant.

Kalen tient bon.

- Je ne vois pas en quoi.

L'homme me fait un petit sourire et un clin d'œil.

- Un cadeau de votre ami le militaire ?

J'ouvre des grands yeux. Est-ce possible que Troyan soit l'auteur de ceci ? Comment aurait-il pu savoir que les plaques étaient magiques ? Comment savait-il que ça n'allait pas me tuer ? Je doute que Troyan puisse faire quelque chose comme cela en sachant qu'il y avait un risque que cela me tue. Pourtant, je sens que l'homme face à nous en sait plus que moi à ce sujet. Il a des réponses dont j'ai besoin. Il peut peut-être nous aidez, qui sait ?

Passant outre Kalen, malgré son regard d'avertissement, je me plante devant le vieil homme et scrute son regard. Il ne semble pas différent, pourtant il y a quelque chose particulier à propos de lui. Il n'est pas comme tous les grands-pères que j'ai pu voir. Il semble plus malin, plus sage aussi.

- J'espère pouvoir vous faire confiance grand-père.

Il sourit et attrape délicatement ma main blessée. Sous mes yeux attentifs, il l'ouvre et contemple quelques instants le message. Chaque lettre est parfaitement dessinée, la chair commence à gonfler et à se transformer en cloque violette assez immonde. L'envie de fermer ma main et de la cacher jusqu'à ce que ça disparaisse me vient à l'esprit. Mais si c'est Troyan qui m'a envoyé ça, il est peut-être en plus grand danger que ce que je pensais.

Les doigts du vieil homme retracent les lettres une par une, créant une vague de frissons de douleurs dans tout mon corps. Il finit par poser sa main à plat sur la mienne et murmure un mot que je ne comprends pas. Instantanément, la douleur s'évapore pour ne devenir qu'un vilain souvenir. Derrière nous, l'auberge ne semble pas brûler ou quoi que ce soit et je comprends que le feu s'est arrêté quand j'ai quitté la chambre. Kalen est toujours à mes côtés, inquiet et alerte.

- Comment avez-vous fait ça ?

Je murmure, émerveillée.

La blessure est toujours là, mais pas la douleur. Face à nous, le vieux sage me sourit.

- La magie. Elle est partout, elle est en nous et pourtant, personne ne semble la voir. Sans elle, comment crois-tu qu'un lien comme celui qui t'unis à ce militaire existerait ?

Je baisse les yeux sur ma main, relisant le message de détresse de Troyan. Je n'ai jamais cru à la magie, pas plus qu'aux prophéties. Mais je ne peux pas nier ce que je viens de vivre et de voir.

- Il faut le sauver.

Kalen me fixe avec des gros yeux. Je sais qu'il y a à peine une demi-heure, je le traitais presque de fous en lui disant que son plan ne marcherait jamais et que je ne voulais plus sauver personne. Mais on parlait ici de Troyan, la seule et unique personne que je considère comme mon ami. Et selon un certain vieil homme, je le verrais même comme plus que ça.

- Elyse tu l'as dit toi-même, c'est du suicide !

Proteste Kalen.

Je le supplie du regard.

- Depuis quand tu écoutes ce que je dis ?

Il sourit et pose sa main sur mon épaule.

- J'écoute ce que tu dis quand tu as raison. Et c'est du suicide d'y aller à deux. J'ai des enfants à gérer, je ne peux pas aller dans une mission-suicide. Même pour Troyan et Iwhaell.

Mes épaules s'affaissent quand mon moral chute. Encore une fois, je venais de prouver que j'étais irréfléchie.

- Je peux aider.

Dit le vieil homme face à moi.

Je lève les yeux vers lui, incertaine. Aider comment ? A moins de faire magiquement de nous des super-soldats, nous n'avons aucune chance...

- Comment ?

Je demande.

Il me prend la main et entre dans l'auberge, Kalen sur nos talons. A l'intérieur, des tas d'hommes et de femmes mangent et boivent gaiment, indifférent aux trois étrangers que nous sommes qui viennent d'entrer. Le vieil homme lâche ma main pour poser la sienne sur mon front. Puis il ferme les yeux, tendant sa main libre devant lui.

D'un seul coup, je vois les yeux de toutes les personnes assistent dans l'auberge devenir totalement violets. Ils semblent comme en transe, agissant selon le bon vouloir du papi a mes côtés. Ce dernier commence doucement à trembler, sans doute submerger par quelque chose de plus puissant que lui. La pression retombe quand il rouvre les yeux, lâchant mon front par la même occasion. Les personnes en transe il y a quelques secondes se lèvent et se tournent vers moi, m'adressant des sourires désolés.

- Ils ont vu ce que tu as vécu. Et ils vont aider.

Me murmure le papi.

Je les regarde, incapable de croire ce que me dis le vieil homme. Tous ces gens ont vu mes souvenirs et sont prêt à m'aider ? Pourquoi ? Et comment ? Je fronce les sourcils et me tourne vers le grand-père qui semble fier de lui.

- Vous les avez magiquement forcés à m'aider ? Pourquoi ?

C'est à son tour de froncer les sourcils.

- Je ne les force à rien du tout ma chère ! Ils sont parfaitement libres de leurs mouvements ! S'ils aident, c'est parce qu'ils pensent ta cause juste, c'est tout ! Je n'utiliserai jamais la magie pour corrompre les esprits !

Il semble tellement sincère et choqué par ma déduction. En même temps, ces mêmes personnes ne semblaient même pas voir il y a quelques minutes que ma main prenait feu, alors comment croire qu'à présent ils sont prêts à m'aider ? Pour vaincre un tyran qu'ils ont toujours vu comme juste qui plus est ?

Kalen semble plus enclin à le croire, vu qu'il s'avance et commencer à leur parler, pour vérifier les dires du vieillard, qui se tourne vers moi. Il attrape mes deux mains et je retiens mon souffle, sans savoir pourquoi, quand il serre fermement ma main blessée. Peut-être que je doute toujours de cette magie qui arrive dans ma vie quand j'en ai besoin. Mais aucune douleur ne se fait ressentir, alors je reprends une respiration normale.

Les yeux du vieil homme me scrutent, cherchant sans doute quelques choses. Il pose l'une de ses mains sur ma joue et je vois une larme couler le long de sa joue. Il semble à la fois ému et émerveillé de me voir, comme si j'étais une sorte de miracle. Un sourire tord sa petite bouche ridée et dans ses yeux je peux lire une grande joie.

- J'ai toujours su que mon fils était spécial. Qu'il allait faire de grandes choses. On me disait que tous les parents disaient ça de leurs enfants, mais moi je savais. Je savais que ce que je disais était vrai. Tu as ses yeux. Et son tempérament. Tu es spéciale, comme lui l'était.

Murmure le vieil homme.

Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il raconte ?

- Je l'ai vu dans tes souvenirs. Il n'avait pas changé, prêt à se sacrifier pour une grande cause. Quand tu m'as appelé "grand-père" tout à l'heure, j'ai cru que tu savais.

Cette fois, je comprends instantanément ce qu'il raconte. Cet homme serait mon grand-père ? Je veux dire, il serait réellement mon grand-père ? Comment est-ce possible ? Mon père ne m'a jamais parlé de ses parents, il m'a toujours laissé croire qu'ils étaient mort avant ma naissance... Pourquoi m'aurait-il menti ? Et si son père était vivant, pourquoi n'être jamais venu nous voir ?

- Je... Je n'ai pas de grands-parents.

Ma voix est presque inaudible. Mes yeux font le tour de salle, dans laquelle les gens se sont groupés autour de Kalen, qui semble très heureux de pouvoir faire un speech digne d'un chef. Il m'adresse un clin d'œil rapide et discret avant de retourner à son discours de motivation des troupes. Face à moi, mon grand-père ne semble pas peiné plus que ça après ma réaction. Il se contente de hocher la tête.

- C'est ce que ton père t'a dit n'est-ce pas ? Je l'ai laissé croire que j'étais mort avec sa mère. Je voulais qu'il suive sa destinée. Je n'ai jamais cru qu'il aurait besoin de moi. Je n'étais pas un très bon père à l'époque. Et j'avoue avoir des doutes sur mes capacités à être grand-père.

Un triste sourire passe sur ses lèvres. Sa main se pose à nouveau sur mon front et il ferme les yeux, laissant affluer les souvenirs dans ma tête. Je ferme les yeux à mon tour devant l'avalanche de souvenirs qui affluent dans mon cerveau. Je vois mon père enfant, reconnaissable à ses grands yeux bleus et sa grosse touffe de cheveux. Il semble heureux, dans les bras de sa mère. Puis je le vois, un peu plus grand, lorsque la chasse aux Torghols commence. C'est le jour où il a eu sa cicatrice sous l'œil. Et aussi le jour où il rencontre ma mère. Il ne m'avait jamais parlé de ce moment, ou presque pas. C'était trop douloureux selon lui.

Le dernier souvenir percute mon cerveau si fort que j'en titube. Je vois mon père, en larme, serrant le corps de sa mère dans ses bras. Le corps ne bouge plus, les muscles sont tous au repos. Je vois des flammes autour d'eux, la scène se déroule loin de moi et pourtant je vois les larmes de mon père comme si j'étais le corps décédé de sa mère. D'un coup, je vois mon père lever le visage vers le ciel, sans un mot, avant de poser sa main sur le sol. Et sans qu'il ai besoin de dire quoi que ce soit, le sol s'ouvre sur quelques mètres avant qu'il ne se mette à hurler, faisant trembler le sol sous mes pieds. Et tout depuis noir.

En ouvrant les yeux, je remarque tous les regards sur moi. Ma main passe rapidement sur mes joues, qui sont couvertes de larmes. Kalen est devant moi, me secouant presque comme un prunier tandis que le corps chétif de mon grand-père derrière lui tremble. Il me regarde à la fois apeuré et surpris, comme s'il ne s'attendait pas à revoir ce souvenir-là.

- Est-ce que tout va bien ?

Me demande Kalen.

Je me ressaisis et hoche la tête lentement.

- Oui. Je...Ça va. Pourquoi tout le monde me regarde ?

Kalen me lâche et demande aux gens de le retrouver dehors pour terminer leur discussion. Une fois que la dernière personne a quitté l'auberge, Kalen me fixe à nouveau.

- Parce que tu as hurlé. Très fort. Tu semblais en plein cauchemar. Tu es sure que ça va ?

Je hoche la tête et recule.

- Ça va. J'ai juste....vu quelque chose de peu agréables.

Kalen soupire et sort de l'auberge, me laissant seule avec mon grand-père. Ce dernier s'approche de moi et sans un mot, me sert dans ses bras.

- Je suis désolé, tu n'aurais pas dû voir ça.

Je secoue la tête, légèrement amusée par cette réaction.

- Au contraire. Ce que j'ai vu.... J'ai vu de la magie. Et j'ai compris pourquoi mon père parlait si peu de lui. Il avait peur de ce qu'il était capable de faire. Je l'ai senti... Kador.

Les yeux de mon grand-père s'illuminent. Sous l'afflux de souvenirs que j'ai reçu, j'ai réussi à retrouver son prénom. Ce n'était pas difficile, en grandissant mon père a arrêté de lui donner le surnom de "papa" pour l'appeler par son prénom, ce qui semblait faire plaisir à ce dernier puisqu'il le voyait "comme un homme". Kador m'attrape le bras et sourit.

- Je pense que Kalen est prêt à partir. Nous devrions y aller aussi. C'est toi qui a le message après tout.

Je souris et sors de l'auberge en compagnie de mon grand-père. Moi qui pensais avoir perdu ma famille, voilà qu'elle se reconstituait membre par membre. Qui sait, peut-être que sur le chemin je me trouverai un cousin ou une tante perdue de vue ? Cette pensée me fit sourire tandis que je m'approchais de Kalen. Ce dernier me sourit en retour avant de se mettre en marche, ses "hommes" sur les talons.

Aucun d'eux n'est un soldat entraîné. Ils viennent tous parce qu'ils ont vu ce que le Gouvernement a fait subir à ma famille. Ils sont venus parce qu'ils font confiance à ce qu'ils ont pu voir. Et ça me touche énormément. Cependant, je ne peux m'empêcher de me demander combien d'entre eux vont tomber au combat, combien ne reverront jamais leurs familles, leurs amis, leurs enfants. Combien vont périr parce qu'ils m'ont fait confiance. Et je me demande comment je vais vivre avec ça, si je survis à cette guerre.

Les heures de marche se font dans le silence le plus total, chacun essayant de se protéger du froid. En cours de route, notre groupe a croisé plusieurs villages, dans lesquels nous avons acheté des armes et des manteaux d'hiver. Kador a encore converti d'autres personnes, utilisant les souvenirs de Kalen. J'ai d'ailleurs appris que les jumeaux avaient été laissés à la femme de l'aubergiste. Quelle belle preuve de confiance de la part du père célibataire qui tient à ses enfants plus qu'à sa propre vie...

Je n'ai aucune idée de notre nombre exact. À présent que nous approchons de la Forteresse, celle qui abrite la plus grosse arme de destruction qu'aucune planète n'a connue, je doute. Je ne sais pas si des gens pris au hasard dans des villages, même aidé magiquement, feront le poids contre des soldats surentraînés. Probablement pas. Et pourtant, aucun ne semble se poser la moindre question sur leurs aptitudes. Ils semblent même pressés d'y être.

- On y est.

La voix grave de Kalen nous arrête en pleine marche. La Forteresse se dresse devant nous, fière. Un énorme bâtiment noir, sans aucune protection alentour. Les soldats doivent être à l'intérieur. Ce qui veut dire que l'extérieur est rempli de piège. La neige recouvre assez le sol pour que l'on puisse marcher sur des explosifs ou que des ondes lasers nous fassent simplement disparaître. Au milieu de tout ça, la Forteresse nous nargue. Elle est grande, assez haute, peu large cependant. Plus petite qu'un château médiéval en tout cas. Et sur le toit, l'arme se tient. Parfaitement construite, fièrement dressée vers le ciel.

- Visiblement, ils avaient des plans de secours.

Je grogne, mécontente.

Kalen soupire et hoche la tête.

- On n'a pas d'autres choix que d'aller vers la Forteresse. Il faut regarder où on marche et foncer vers la porte le plus vite possible.

Mes yeux quittent Kalen pour fixer la plaine enneigée qui nous fait face. Le premier obstacle avant la fin.

Pas à pas, j'avance vers la porte de la Forteresse. Devant moi, des tas de "soldats" y sont déjà, rejoins par Kalen qui mène la marche. Kador est juste à côté de moi, marchant avec précaution sur la neige. Jusqu'ici, aucun piège n'a été déclenché, à croire qu'il n'y en avait pas un seul. Si le Président est aussi tordu que je le pense, c'est possible qu'il n'en ai pas mis afin de mieux nous massacrer une fois à l'intérieur. Tandis que je fais un pas de plus, la lourde porte de la Forteresse s'ouvre avec un grincement sonore. Je me fige, imitée par mon grand-père et les différentes personnes qui nous entourent. Ces derniers, sur ordre de Kalen, se cachent de chaque côté de la porte.

Une seule personne quitte la Forteresse et en le voyant, mon cœur s'arrête. Troyan est là, juste devant la porte, habillé comme les soldats du Président. Il n'a pas changé, il est peut-être plus pâle que dans mes souvenirs. Ses yeux croisent ceux de Kalen un bref instant, mais rien ne se produit. On retient tous notre souffle, moi plus que les autres. Les yeux de Troyan croisent les miens et les larmes me montent aux yeux. Ses yeux ne sont plus bleus, mais violets. Mon cauchemar me revient en mémoire et je me retiens de hurler de rage.

Comprenant ma détresse, Kador pose sa main sur mon épaule, comme si ce geste allait effacer la vision que j'ai en face de moi. Nos regards ne se quittent plus, rien d'autre n'existe autour de moi. Juste deux yeux entièrement violet, empreint d'une rage que j'ai rarement pu voir. Il s'avance vers moi lentement, je peux voir chacun de ses mouvements au ralentit. Chaque pas qu'il fait résonne dans mon cœur, mais je suis incapable de bouger. Kalen fait un pas vers moi et cela me donne la force de lever la main. Signe pour lui de continuer ce qu'il doit faire, sans se préoccuper de moi. À l'évidence, cette épreuve est la mienne.

Kador ne bouge pas à l'instar de Kalen qui ordonne aux autres de rentrer dans la Forteresse. Puis, avec un dernier regard vers moi, il les suit. La porte se referme, ne laissant que moi, Troyan et Kador dehors, dans le froid. Kador lève une main vers Troyan et je comprends ce qu'il essaye de faire. Il a dû comprendre que Troyan n'était pas dans un état normal et il veut utiliser sa magie pour le contrôler. Je pose sa main doucement sur la sienne et la baisse, secouant négativement la tête.

- C'est à moi de le faire.

Je murmure, peu convaincue moi-même de pouvoir faire quoi que ce soit.

Kador me supplie du regard de le laisser m'aider mais je tiens bon. Il pose sa main sur ma joue et soupire.

- Je viens de te retrouver.

Il gémit à moitié.

Je hoche la tête.

- Je m'en sortirai. J'ai connu pire.

Je souris.

Il marche vers la grande porte fermée, qui s'ouvre à sa demande. Ses yeux rencontrent les miens et comme Kalen, il pose un pied dans la Forteresse, son regard toujours vers moi. Il semble me protéger du regard jusqu'à ce que la porte coupe tout contact visuel entre nous.

J'ai a peine le temps de reporter mon attention sur Troyan que je suis déjà allongée dans la neige, le souffle coupé. Je grimace quand ma main blessée percute une nouvelle fois la neige. Je croyais la douleur partie, mais la présence de Troyan la ravive plus qu'autre chose.

- Arrête Troyan. Ce n'est pas toi.

Cependant, je ne fais rien d'autre. J'espère seulement que ma voix, ou que quelque chose le fera sortir de cette torpeur dans laquelle il semble être profondément. Je sens du mouvement à ma droite alors je me redresse, un peu tard. Je ne peux pas éviter sa main, qui s'enroule autour de ma gorge. Comme dans mon cauchemar, il la serre, m'empêchant petit à petit de reprendre mon souffle. Mes yeux s'ouvrent pour croiser les siens, qui affichent toujours cette haine que je ne comprends pas. C'est ça que veut la prophétie ? Que je meurs pour que Kalen et les autres puissent réussir ?

Ma bouche s'ouvre et se referme sans qu'un seul son n'en sorte. Les bras de Troyan tremblent, l'air commence à manquer dans mes poumons. L'une de mes mains se pose sur la sienne, essayant de le faire lâcher prise. En temps normal, j'aurai déjà trouvé un moyen de le mettre à terre mais je n'y parviens pas. C'est Troyan ! Ses bras tremblent de plus en plus et malgré ma haine de son regard, une larme coule. Je ne comprends plus rien. Qu'est-ce qui se passe ?

- Je ne contrôle rien...

Un murmure. Un simple murmure de sa part et le poids que j'avais sur le cœur disparaît. Il est conscient. Malgré tout ce qu'il essaye de faire, il est conscient et il m'entend. Je pensais que le Président serait cruel en l'obligeant à assister à l'assassinat de sa sœur, mais en réalité il est encore plus tordu : il le fait tuer des gens en ne contrôlant que son corps. Troyan se voit faire sans pouvoir se contrôler.

Une larme roule sur ma joue, comprenant que quoi qu'il essaye de faire, il ne parviendra pas à se libérer de ça sans me tuer. C'est ce que le Président veut. Et parfois, les méchants gagnent malgré tout. Ma main retombe, incapable de tenir plus longtemps. L'air ne passe plus, mes poumons commencent à en manquer. Mon cerveau est presque en train d'allumer une alarme, je peux presque entendre un décompte avant que je sois en pénurie d'air.

- Je sais que.... ce n'est pas toi...

Je peine sur chaque mot, essayant coûte que coûte de trouver un peu d'air pour qu'ils puissent sortir, quitte à mourir juste après. Mon cerveau en manque d'oxygène sonne enfin l'alarme, je peux l'entendre comme si j'étais le personnage principal d'un dessin animé. Je ne sais pas combien de temps le corps humain peut survivre sans air, mais ça ne sera jamais assez long. J'ai lu quelque part qu'il faut quinze minutes pour qu'une personne meure en étant étranglée. Et Troyan ne peut pas lâcher prise.

Je vois bien qu'il essaye de reprendre le contrôle, mais il n'y arrive pas. Et je ne peux rien faire non plus. Dans quelques minutes, comme dans le cauchemar, il me brisera la nuque en utilisant la force de ses bras. Et peut-être qu'à ce moment-là, il sera de nouveau libre. J'entends un horrible bruit avant qu'une odeur de brûlé ne nous parvienne, sans que je puisse mettre un mot ou une idée sur ce que cela peut être.

Je ferme les yeux, essayant de visualiser dans mon esprit quelque chose de beau. Quand j'étais petite, ma mère m'a appris que quand on sait que l'on va mourir, il faut imaginer ce dont on rêve pour que la mort soit la moins douloureuse possible. Une nouvelle fois, ma main droite se lève et je la pose sur le torse de Troyan, comme un nouvel essai pour le repousser. Des images affluent dans mon esprit, des images de mon ancien village, de mon père et Kerry. Ils sont là, je peux presque les entendre me parler.

Nikyta est là aussi, avec son joli sourire. Elle regarde mon frère et mon père. Elle semble entourée, bien que je n'arrive pas à voir par qui. Sans doute des membres de sa famille qu'elle a retrouvée. La mort n'est pas quelque chose à faire finalement. C'est quelque chose de magnifique, qui nous permet de rejoindre pour toujours les gens qu'on aime.

Pourtant, alors que tout semblait paisible et calme, un cri fuse dans mon esprit, ruinant la beauté du moment. Sauve-moi ! Sauve-moi, je t'en prie ! Sauve-moi maman !

Des images de Troyan affluèrent en masse après ce cri de détresse venu de nul part. Des souvenirs de notre rencontre, de tout ce que l'on a vécu. Des souvenirs que je n'ai jamais vu aussi, de l'enfance de Troyan. Des souvenirs de sa famille, d'Iwhaell. Et d'un coup, je sens l'air affluer dans mes poumons.

J'ouvre les yeux, à moitié crachant, à moitié aspirant tout l'air autour de moi. Je suis toujours assisse dans la neige, les membres tremblant, le souffle court. Face à moi, Troyan est à genoux, les yeux fermés, la tête baissée. Il ne bouge pas, sa respiration est saccadée également. Ses bras tremblent toujours et il murmure des mots que je ne comprends pas. Je m'avance vers lui, pose ma main sur ses bras tremblants.

- Troyan ?

Je murmure.

Il ouvre les yeux, que je découvre à nouveau bleu, pour mon plus grand soulagement. Sans qu'il ne dise un mot, je le prends dans mes bras, le cœur battant. Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je ferme les yeux. Je referme mes bras dans son dos, ma joue touchant son épaule, entendant son souffle irrégulier. Je sens sa tête se poser sur mon épaule, ses larmes couler sur mes vêtements. Ses bras hésitent à se poser sur mon dos, il a encore peur de me briser les côtes. Je ne sais pas comment il a réussi à se libérer de ce qui l'emprisonnait, mais il n'a fait.

- Tu as réussi.

Je murmure, la voix rauque.

Je le laisse découvrir mon sourire avant de le tourner en une grimace.

- Je n'en ai jamais douté.

J'ajoute sarcastiquement.

Il sourit à son tour, secouant la tête de gauche à droite.

- J'aimerai dire la même chose. Mais je n'ai rien fait. C'est toi qui m'a libéré. Quand j'ai vu les images de mes parents, et de...de... d'Iwhaell, j'ai senti quelques choses se briser. L'instant d'après, tu étais étendue dans la neige, respirant à peine.

Il se mord la lèvre en baissant la tête. Quelque chose ne va pas. Autour de nous, le silence. Ce n'est pas normal. Nous devrions entendre des bruits de combats, des coups de feu, des cris. Je n'entends rien. Troyan a dû avoir le même constat car il se relève plus vite que moi, me tendant une main pour m'aider. Je l'attrape et me redresse, ignorant volontairement le frisson qui m'a parcouru, ainsi que la vague de chaleur. Je tourne la tête vers la Forteresse, où je découvre avec horreur l'arme destructrice allumée et un rayon bleu en sortir, en route vers la Terre.

Dans un silence religieux, je regarde avec impuissance le rayon s'abattre sur la planète bleue, la faisant exploser dans un le silence complet. L'air sent le soufre, la même odeur que j'ai sentie pendant que Troyan m'étranglait. Je ferme les yeux, me laissant tomber en arrière contre le torse de Troyan, qui referme avec beaucoup de délicatesse ses bras autour de mes épaules. On a échoué. Malgré tout, la prophétie, le lien, la magie récemment découverte. Nous avons échoué. Nous n'avons pas sauvé la Planète que nous devions sauver.

Un bruit de porte me fait sursauter et je découvre Kalen et un petit groupe d'hommes sortir de la Forteresse. Ils ont des mines défaites, probablement à cause de l'explosion que nous n'avons pas pu empêcher. Pourtant, deux de ses hommes portent le cadavre encore sanglant du tyran. Ses yeux reflètent encore la joie de voir son plan réussir et cela me dégoute encore plus. Je me redresse et le bras de Troyan vient se mettre autour de ma taille comme une barrière protectrice que je ne repousse pas. Je sais qu'il a peur de me blesser.

- Tu vas bien ?

Je demande à Kalen.

Il soupire.

- Je vais bien. Mais nous avons perdu.

Je baisse les yeux.

- On a gagné sur un point : Evena est libre.

Proteste Troyan.

Kalen le regarde et sourit.

- On a au moins réussi ça. Sans Kador, on n'aurait jamais pu d'ailleurs. Il a figé tout le monde quand le rayon a été lancé.

Je regarde derrière lui pour découvrir mon grand-père, aidé d'un jeune homme, qui marche fièrement. Je souris.

- Kador ?

Demande Troyan.

Ce dernier se redresse quand il approche de notre petit groupe. Son regard passe rapidement sur le bras de Troyan autour de mes hanches ce qui me met mal à l'aise, puis il sourit.

- Je suis le grand-père d'Elyse. Et tu dois être le fameux militaire.

Troyan se raidit sous l'effet de la surprise, ce qui me fait rire. Il le sent et se détend, me donnant un léger coup dans les côtes. Il acquiesce et se présente officiellement à mon grand-père, ce qui me fait plaisir. Même si c'est très étrange de présenter mon grand-père fraîchement retrouvé à Troyan.

- Et maintenant ?

Je demande.

Kalen hausse les épaules et se remet à avancer, prétextant devoir enterrer le corps du traître. Kador et les autres le suivent, sans doute pressé de rentrer chez eux, retrouver leurs familles et leurs amis après tout cela. Je lève les yeux vers l'ancien emplacement de la Terre, me demandant combien de temps cela prendra avant que des bouts de cette planète viennent frapper la nôtre, créant des déserts comme le Drar. Est-ce que la Lune disparaîtra elle aussi ?

Toute action a des conséquences. Je ne suis pas sûre d'être prête à savoir quelles seront les conséquences d'une telle action. Nous venons d'anéantir un peuple entier, juste pour le bon vouloir d'un tyran. Ce soir, nous voyons les étoiles beaucoup mieux que lorsque l'ombre de la Terre les cachait. Pourtant, je sais que ces étoiles nous réservent un sort bien plus funeste que nous le voulions. Toutes actions à des conséquences après tout.

Le bras de Troyan se serre sur mes hanches, me faisant revenir à la réalité. Je me tourne vers lui, ignorant le peu de distance entre nous. Je recule d'un pas afin de ne pas non plus le mettre mal à l'aise et je remarque une lueur amusée dans son regard. Je fronce les sourcils.

- J'ai manqué la partie où tu es redevenu humain ou j'ai rêvé ?

Il sourit et lève les yeux au ciel. J'éclate de rire devant ce geste si nonchalant, vraiment digne d'un humain. Peut-être qu'en tuant un tyran, on a rendu une humanité à des centaines de soldats. Peut-être même que ma mère est libre de ce qui la rendu folle ?

- Je crois que je suis humain à nouveau.

Je souris, heureuse pour lui. Seulement, je suis surpris de voir qu'il ne va pas chercher sa sœur. A moins que...

- Il l'a fait pas vrai ?

Les sourcils de Troyan se fronce.

- Il t'a fait tuer ta sœur de la même manière que tu as failli me tuer.

Son visage se décompose mais il hoche tout de même la tête. Je savais qu'il était cruel, je me doutais qu'une telle manigance était digne de lui. Mais je n'imagine même pas les répercussions sur quelqu'un comme Troyan, qui vient juste de retrouver une humanité. Ça a du le détruire.

Je m'approche de lui et prend ses mains dans les miennes. Son regard croise le mien et je lui adresse le sourire le plus compatissant que j'ai.

- Tu n'étais pas toi-même et elle le savait. Tu n'as pas à t'en vouloir.

Il ferme les yeux et l'espace de quelques secondes, je me dis que j'ai peut-être raconté n'importe quoi. Je ne sais même pas dans quelles circonstances Iwhaell est morte, peut-être qu'il l'a tué pour essayer de s'en sortir ?

Soudain, je sens les lèvres de Troyan sur les miennes, sa chaleur réchauffant doucement mon corps frigorifié. Je n'avais même pas senti à quel point j'avais froid avant qu'il ne m'embrasse. Je ferme les yeux et répond au baiser, le cœur battant si fort que j'ai l'impression qu'il s'est arrêté. Ses mains viennent se poser sur mon dos, si légèrement que je les sens a peine, tandis que les miennes s'enroulent derrière son cou. Kador avait raison : je suis amoureuse de Troyan et je m'en rends compte qu'au moment où j'ai failli le perdre.

Quand le baiser s'arrête, je sens à nouveau le froid frapper mon corps, ce qui me fait frissonner.

- Merci de me soutenir.

Murmure Troyan, posant son front sur le mien.

Je souris.

- Merci d'être resté.

Je réponds, sincère.

C'est à son tour de sourire. Il finit par décoller nos fronts, attrapant ma main pour la réchauffer dans la sienne. Je lis dans son regard une pointe d'amusement qui ne correspond pas du tout au moment que nous venons de vivre, mais qui me fait chaud au cœur. Il se racle la gorge et pose la question qui semble lui bruler les lèvres.

- Qui t'as demandé de la sauver ? Quand j'étais encore sous l'emprise de ce truc, je t'ai entendu. Enfin, j'ai entendu une voix dans ta tête, qui disait "Sauve-moi maman"... Est-ce que c'est toi qui... ?

Je secouais la tête, laissant un mystérieux sourire gagner mon visage.

- C'était la voix de la fille qui m'a ramené à la vie. La fille qui avait les mêmes yeux que toi. C'est complètement dingue, mais je crois que c'était notre fille.

La réaction de Troyan est totalement différente à celle que j'avais imaginée : il me sert contre lui, refermant plus fermement ses bras autour de mon corps, laissant sa bouche descendre jusqu'à mon oreille pour murmurer :

- J'espère bien. 

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