— Johan, tu as un moment ?

   Je relève la tête, encore concentré sur mon exercice de mathématique. Mes cheveux brunis retombent devant mes yeux, et je les dégage d'un mouvement de main. Dans l'encadrement de la porte de ma classe, trois jeunes filles pouffent en me regardant. Lorsqu'elles réalisent que je les ai vues, elles tournent immédiatement la tête et se cachent le visage, rougissant jusqu'aux oreilles.

   Je reporte mon attention sur mon interlocuteur, lequel s'installe sur la chaise voisine après l'avoir orientée vers moi.

   Je le reconnais aussitôt, et ma surprise se fait voir. Ce regard à la fois distrait et préoccupé, ces cheveux bruns en désordre ; mon voisin de promo me fixe droit dans les yeux.

   — Ah ! Tu... Tu veux me parler, Matt' ? bredouillé-je, embarrassé.

   — Non, je voulais apprendre à ta chaise à cuisiner les merveilleuses tartes aux pommes que fait ma grand-mère. En plus, il paraît que-

   Je lève un sourcil, sceptique face à son ironie douteuse, et lui se tait avant de reprendre :

   — Mais non, crétin. Évidemment que je voulais te parler.

   Je me sens rougir. Peut-être les filles de la classe qui observent ce manège me font perdre les pédales. Ou bien autre chose, quelqu'un d'autre. Peut-être est-ce lui ? J'essaie de retirer cette pensée. Être au centre de l'attention est une chose qui m'est arrivé auparavant, mais l'être avec Mattéo à mes côtés n'est pas quelque chose d'habituel. Ce gars-là est populaire, plus que je ne le serais jamais. Tout bien réfléchi, ces filles doivent être là pour lui. Il est beau, Mattéo. Et je me reconcentre, me demandant ce qu'il veut bien pouvoir me dire.

   Avant même que j'ai pu le questionner, il s'approche précipitamment de moi. Je sens sa bouche frôler mon oreille, et son souffle chaud descendre sur mon cou. Une fille lâche un cri. Lui lâche un murmure.

   — La fille avec le léger pull rouge.

   Il chuchote encore quelques mots, puis se recule doucement. Je hoche la tête.

   — C'est d'accord.

   Et Mattéo s'en va, me laissant abasourdi. Aussitôt, je me lève et me rapproche de la demoiselle au pull rouge.

   Au pull rouge comme les pommes qu'utilise la grand-mère de Mattéo.