Chapitre 23

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— Prête à devenir madame Nightsun ? sourit malicieusement Phoebe tout en sirotant son thé au miel.

C'est devenu son passe-temps préféré. S'enthousiasmer pour le mariage et me taquiner par la même occasion. Et ce n'est pas ce petit déjeuner le matin du jour tant attendu qui va y échapper...

— Arrête un peu tu veux, je bougonne en tâchant d'avaler un morceau de brioche malgré mon estomac noué. Tu en fais vraiment toute une histoire.

Ses yeux noisette s'agrandissent.

— Mais ce n'est pas tous les jours qu'un mariage a lieu ! Surtout le tien.

— Eh bien tu n'avais qu'à te débrouiller pour conclure avec Alexeï, je réplique.

Elle grimace et je ne peux m'empêcher d'être heureuse d'avoir touché un point sensible.

— Ce n'est pas pareil. Alexeï et moi nous sommes beaucoup rapprochés lors de notre dernier séjour à Astrialle mais... On ne s'est même pas embrassés. Et puis ses parents l'encouragent à fréquenter cette hideuse Lorena qui lui tourne autour...

— N'importe quoi. Lorena est très belle et c'est Alexeï qui cherche sa compagnie. Dis plutôt que tu espérais au fond de ton petit coeur qu'il te supplie de rester à Astrialle avec lui...

Elle me tire la langue et pose bruyamment sa tasse de thé sur la table de la salle à manger de la villa Nightsun.

— Si Alec et toi vous étiez arrangés pour vous marier l'année dernière, Alexeï et moi aurions pu nous revoir plus tôt ! s'agace-t-elle en tapant sa cuillère contre le bord de sa tasse.

— Ça n'aurait rien changé, j'affirme. Lui et Lorena se connaissent depuis longtemps. Et c'est toi qui as imaginé un milliard de films sur une prétendue relation entre vous pendant les quinze jours que nous avons passés en Europe. Après tout, il ne s'est strictement rien passé, comme tu l'as si bien dit.

Elle m'adresse un regard noir et je sens qu'elle a très envie de me jeter son thé à la figure.

— Même le plus beau jour de ta vie il faut que tu sois insupportable, s'exclame-t-elle en se levant. Alec aurait mieux fait de...

— Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? demande l'intéressé en arrivant dans la pièce.

Je me tourne vivement vers lui et affiche un magnifique sourire. Il est en T-shirt et en jean, bien loin de la tenue qu'il devra porter cet après-midi. Ses cheveux noirs sont ébouriffés et ses yeux encore ensommeillés, mais son sourire est radieux.

— Tu devrais arrêter de sourire comme ça sinon je vais vouloir avancer notre mariage à tout de suite, je réponds alors qu'il s'approche de moi et dépose un baiser sur mon front.

— Elasia n'en serait pas ravie, s'amuse-t-il. Et les gens seraient déçus de ne pas te voir dans ta sublime robe de mariée. Moi aussi, d'ailleurs.

Je glousse et Phoebe lève les yeux au ciel.

— Épargnez-moi vos niaiseries d'amoureux car je suis au bord de la crise, se désole-t-elle en s'éloignant vers la porte. Vivement que ma cabane à Astriad soit terminée pour que je quitte enfin ce nid de guimauve !

Elle part en marmonnant je ne sais quelle plainte et Alec s'installe en face de moi, interrogatif.

— Elle est simplement nerveuse en tant que demoiselle d'honneur, je déclare en haussant les épaules. Et elle a peur de ne pas attraper le bouquet que je lancerai.

Comme souvent depuis quelques mois, il semble être sur le point de dire quelque chose mais se ravise.

— Ce n'est pas plutôt toi qui devrais être nerveuse ? m'interroge-t-il à la place.

Je prends un autre petit bout de brioche mais mets de longues secondes avant de l'avaler.

— Pourquoi le serais-je ? Tous les membres du Peuple des Astres suivront le mariage avec des écrans géants installés dans toutes les villes astrales mais ce n'est pas pour ça que je dois perdre de vue le plus important : c'est notre mariage, Alec. Et c'est parce que je sais que je vais passer ma vie avec toi que je n'ai pas peur.

À travers les couloirs, j'entends Phoebe imiter des bruits d'efforts pour vomir. Alec ne peut réprimer un sourire.

— Sérieusement, reprend-il, tu n'es même pas un tout petit peu stressée ? Avec l'énergie que déploie Elasia pour que tout soit parfait...

— J'ai toujours l'impression d'oublier quelque chose d'essentiel, je finis par avouer en baissant la tête.

Bravo. C'est la première vérité qui franchit tes lèvres depuis ce matin.

— Mais ça fait trois ans que ça dure, complète Alec. On peut donc supposer que ça n'a aucun lien avec le mariage.

Je hausse les épaules.

— Avec tous les préparatifs d'Elasia, la journée n'a pas une seule raison de mal se passer, je déclare. Sauf si Phoebe s'étale devant tout le monde, je fais en haussant la voix.

— Sale poufiasse ! s'écrie-t-elle depuis une pièce voisine.

Je parviens presque à sourire franchement mais dois tout de même forcer sur mes lèvres. Alec a une nouvelle fois l'air d'avoir quelque chose d'important à dire, mais cette fois, il se lance :

— Je sais à quoi tu joues, murmure-t-il pour que Phoebe ne nous entende pas. J'ai fini par m'y habituer, mais je dois tout de même savoir : est-ce que tu joues aussi un rôle avec moi ? Es-tu aussi enthousiaste que tu le dis ? Est-ce que tu es complètement guérie du départ de...

— Je t'interdis de parler de lui, je l'interromps avec un regard mauvais. Pas aujourd'hui. Tu me l'as promis.

Je n'ai pas besoin de préciser et son regard triste m'inspire un profond sentiment de culpabilité. Je me lève de table et m'oblige à respirer normalement. À remettre mon masque de princesse forte, de petite garce. J'en ai fini avec la faiblesse. Une journée. Une journée et tout sera plus simple. Ce sera évident.

— Tu n'as pas répondu à mes deux premières questions, insiste néanmoins Alec malgré ma mine renfrognée.

Je fais quelques pas vers la porte, prends une inspiration silencieuse, et me tourne vers lui avec ce que j'espère une étincelle dans mes yeux.

— Si je pouvais être aussi sûre de toutes les choses de ma vie que de mon amour pour toi, alors tout serait plus simple.

Il m'adresse un sourire que je m'efforce de trouver convaincant et je pars dans le couloir. Quand je passe devant la pièce où Phoebe prépare son petit sac pour la journée, elle ne fait pas mine de vomir. Elle m'adresse simplement un profond regard empli d'inquiétude, mais je passe mon chemin.

***

Au palais d'Astriad, c'est la folie. Le début du mariage est prévu à quinze heures mais à dix heures du matin, il y avait déjà toute une foule qui se pressait devant l'édifice royal. Mon chauffeur a été obligé de passer par des chemins plus discrets menant à l'arrière du palais. Elasia m'attendait dans ma chambre qui m'est toujours attitrée même si je n'y passe plus énormément de nuits.

— Te voilà ! s'est-t-elle écriée en me serrant dans ses bras. Dis-moi qu'aucun horrible bouton ne s'est flanqué sur ton visage.

— Tout va bien, l'ai-je rassurée.

— Et dis-moi que tu n'as pas vu Alexander ce matin...

— Désolée, mais si. Et ce n'est pas la peine de paniquer, plus personne ne respecte ces superstitions stupides.

Elasia a fait mine de s'énerver mais nous sommes ensuite descendues dans la salle du trône à la somptueuse verrière où aura lieu la cérémonie. Je suis maintenant occupée depuis une heure à écouter Elasia m'expliquer une dernière fois à quelle allure je devrais remonter l'allée.

— Trop vite les caméras ne pourront pas s'arrêter sur les détails de ta tenue et trop lentement ça donnera une impression de ralenti. Ou pire, que tu n'es pas sûre de toi.

Elle se tourne alors vers moi en faisant valser ses cheveux aux reflets blonds avec une vitesse me faisant sursauter et écarquille les yeux, comme si elle venait enfin de se rappeler quelque chose qu'elle était sûre d'avoir oublié.

— Tu es toujours certaine de vouloir te marier avec Alexander, au moins ? s'enquit-elle tout bas. Ce n'est pas parce que c'est l'événement du siècle que nous ne pouvons pas...

— Pourquoi tout le monde passe son temps à me demander si je suis sûre de moi ?! je m'exclame, agacée. Va donc poser la question à Alec ! Après tout, c'est lui qui va devenir un prince et s'engager pour le Peuple des Astres. Tu parles d'un cadeau !

Je vois que j'ai blessé Elasia qui ne cherche qu'à faire pour le mieux mais je m'en contrefiche. Je tourne les talons et pars vivement vers les couloirs, quittant cette maudite verrière. Je l'entends crier mon nom et s'excuser mais si je n'ai pas le droit d'être désagréable aujourd'hui, alors quand le pourrais-je ? Sauf que ça fait trois ans que tu pourris la vie de tout le monde. Ressaisis-toi, bon sang.

Dès que j'arrive dans ma chambre, je claque la porte derrière moi et ne peux me retenir cinq secondes avant qu'un sanglot pitoyable s'échappe de ma gorge.

Je m'adosse à la porte et empoigne la Pierre des Astres, pendant toujours à mon cou. Tout ça, c'est à cause de ce maudit caillou. Si j'avais su le jeter dans le Lac des Aurores... C'est toi qui ne vas pas bien, me murmure encore une voix. Et ce n'est pas cette pierre qui fera la différence. Pas cette pierre peut-être, mais d'autres le peuvent.

Je me dirige vers ma table de nuit et tire brusquement le plus petit des tiroirs, manquant de l'arracher au petit meuble. J'en sors un sac de douce soie bleue tout en tentant de calmer mes sanglots. À l'intérieur se trouvent une dizaine de Pierres Astrales pour Lumineux, scintillantes à la lumière du jour. J'en attrape une dans ma main et hésite quelques secondes avant de la déposer sur ma langue.

Je m'étais interdit d'en prendre aujourd'hui. Pas un jour si important où les enjeux sont si élevés. Et si elles fonctionnaient, cette fois ? J'en consomme depuis environ un an et demi et jusque-là, les Pierres Astrales ont juste faiblement réveillé mes pouvoirs disparus mais elles ne m'ont donné aucune hallucination. Et elles m'ont encore moins permis de le voir.

Le métal froid de la Pierre des Astres contre mon cou et mes larmes menaçantes me poussent pourtant à laisser une de ces pierres magiques se dissoudre sur ma langue. Désormais devenu familier, un faible sentiment de force s'empare de moi et éloigne mes sanglots. J'essaie de me concentrer sur la petite lampe de chevet à côté de moi et réussis à la faire s'élever de quelques millimètres par la pensée.

Regagner mes pouvoirs me fait me sentir moins faible, moins insignifiante, même si je sais que dès que les effets de la Pierre Astrale se seront dissipés, je redeviendrai la petite princesse tête à claques que ces dernières années ont faits de moi.

Parce que je ne peux plus m'empêcher d'être insupportable avec tout le monde. Avec Elasia. Avec Phoebe. Avec Alec. Et si Karlie et Darwin se décidaient à revenir de la ville astrale africaine où ils nous ont dit avoir posé leurs valises, je serai une garce avec eux aussi. C'est l'armure que je me suis forgée. Empêcher les autres de m'atteindre pour qu'ils ne me blessent plus jamais. C'est en laissant Wren s'approcher si près de mon coeur qu'il m'a fait tant de mal.

Je replace ma réserve de Pierres Astrales dans ma table de chevet. Je ne viens pas très souvent au palais mais c'est toujours rassurant d'avoir un stock ici. Surtout que j'ai interdit aux domestiques de fouiller dans mes affaires. Je m'avance ensuite vers ma fenêtre donnant sur les jardins du palais.

Immanquablement, mon regard s'oriente vers le petit pont surmontant le mince cours d'eau. C'est là que tout a changé, me murmure cette voix acharnée chaque fois que je pose mes yeux sur le petit monument. J'ai hésité à demander qu'il soit détruit mais cela n'aurait rien changé. C'est ce que je m'efforce de me répéter. Rien ne fera changer les choses. Rien ne le fera revenir. Alors pourquoi te marier avec Alec ?

Avant que je sombre vers des pensées encore plus sombres, on frappe à ma porte. Je vérifie brièvement mon reflet dans un miroir, m'assurant que ma détresse ne soit pas trop lisible sur mon visage, mais la Pierre Astrale a heureusement fait son effet.

— Entrez, je crie.

Un jeune valet ouvre la porte, l'air penaud. Je crois qu'il s'appelle Marcel ou Marius.

— Oui ? je fais comme il reste muet avec de grands yeux apeurés.

— Je... Euh... Monsieur Nightsun souhaite vous voir, marmonne-t-il en me fixant comme si j'allais le déchiqueter.

— J'ai vu Alec ce matin, je réponds en fronçant les sourcils. Nous ne devions pas nous revoir avant la cérémonie. Il a des doutes sur le mariage, c'est ça ?

Marcel ou Marius hausse les épaules, mal à l'aise.

— S'il vous a dit qu'il voulait tout arrêter, je déclare, vous pouvez me le dire. Je me suis préparée à cette éventualité.

Les mains tremblantes, le pauvre valet marmonne pour lui-même quelques mots que je ne comprends pas.

— Dans les jardins, articule-t-il entre ses dents.

Excédée, je lève les yeux au ciel et le dépasse pour m'engager dans les couloirs. Des employés s'affairent pour les prochaines heures et tous m'adressent de drôles de coups d'oeil, ne comprenant sûrement pas pourquoi je pars vers les jardins au lieu de me préparer.

Lorsque j'arrive enfin à destination, je m'attends à trouver Alec assis sur un banc non loin du chemin principal, or nulle trace de lui. Je m'avance dans les allées bordées de plantes tropicales, toujours sans le trouver.

— Alec ! je crie. On n'a pas le temps de jouer à cache-cache ! J'ai une robe à enfiler, des cheveux à coiffer...

Seuls les lointains animaux tropicaux me répondent. Je passe un bon quart d'heure à sillonner le jardin, jusqu'à arriver au seul endroit que je voulais éviter : le petit pont.

Et c'est là que je le vois.

— Bonjour, princesse, murmure-t-il.

OK, la Pierre Astrale a peut-être fait son effet finalement.

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