Chapitre 27

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Si j'ai passé les trois dernières années à me demander ce que j'avais oublié, au moins suis-je maintenant fixée. La Rona qui se tient en face de moi n'a plus rien à voir avec la jeune fille frêle et blafarde dont je viens de me souvenir. Sa peau est presque dorée, ses cheveux brillent d'un nouvel éclat sous la lumière du soleil, une tiare est posée au sommet de sa tête et sa posture est quasiment aussi royale que celle d'Elasia.

Elle est pareille à une reine prête à prendre ce qui lui revient.

Des chuchotis s'élèvent parmi les invités qui ne comprennent rien à se qui se passe. Contrairement à moi, ils ne doivent pas encore être assaillis par la terreur et par la sensation de n'être rien d'autre que des imbéciles. Mais enfin, comment n'ai-je pas pu surmonter la manipulation d'esprit de Rona ?

— Franchement, commence ma soeur d'une voix de cristal si ressemblante à celle d'Elasia que toute la foule doit en avoir le sang glacé, je sais que vous devez trouver cette entrée un peu trop théâtrale mais avouez que c'était trop beau ! Vous auriez tout aussi bien pû me dérouler un tapis rouge parsemé de fleurs.

Les invités continuent de murmurer entre eux et Alec se rapproche de moi alors que des tremblements ridicules commencent à secouer mes bras. Elasia semble quant à elle comme figée dans le temps. 

— Excusez-moi, je ne me suis pas présentée, fait Rona en se tournant vers le public. Il se trouve que votre reine chérie est également la reine des menteuses : elle n'a pas eu qu'une seule fille, mais deux. Mais elle a bien trop honte pour vous avouer que cette autre fille est une Malfaçon. Félicitations, vous avez deux princesses pour le prix d'une !

Le mot "Malfaçon" plonge la foule dans une même torpeur. Certains poussent des exclamations tandis que d'autres cherchent le moyen de fuir tout en restant pétrifiés sur leur chaise. Rona esquisse une drôle de grimace.

— Vous n'êtes tellement pas prévisibles, ironise-t-elle en levant les yeux au ciel.

— Que veux-tu ? j'interviens d'une voix cassante avec un courage dont j'ignore la provenance. Empêcher le mariage ? Tu m'excuseras mais je trouve ça vaguement cliché, le coup de la soeur qui veut voler le fiancé de l'autre.

— Ce n'est pas ton Alec qui m'intéresse, s'esclaffe-t-elle. Et tu le sais très bien. Si ça avait été le cas, je n'aurais eu qu'à laisser son bâtard de frère faire le travail.

Nouveau murmure dans la foule. Mon regard se porte sur Wren qui semble bouillir d'une rage féroce.

— J'ai disparu pendant trois ans, reprend Rona sans laisser le temps à quiconque de lui voler la parole. Tout comme ton faux Nightsun. Durant tout ce temps, j'ai forgé mon armée, consolidé mes rangs, trouvé de nouvelles Malfaçons et tu peux me croire, j'ai recruté beaucoup de couples Obscur-Lumineux. Ta petite Karlie et son cher Darwin en sont la plus belle preuve. Même si j'avoue qu'ils n'ont pas tourné comme je l'espérais...

Karlie. Darwin. Ils n'ont jamais été en Afrique. Ils sont partis avec elle. Et la chevelure blonde que j'ai cru voir dans les jardins ce matin...

— Que leur as-tu fait ? demande Alec avec une colère que je lui ai rarement vu en lâchant l'une de mes mains. Ils...

— Détends-toi, petit prince, l'interrompt Rona avec nonchalance en levant les mains. Je ne leur ai rien fait qu'ils n'ont pas cherché. À vouloir jouer les agents doubles, on se brûle. Littéralement.

Alec a l'air de vouloir se jeter sur Rona pour lui arracher les yeux mais je le retiens, bien que je sois tout aussi fulminante que lui.

— Tu pourrais au moins m'être reconnaissante pour Phoebe, fanfaronne Rona en désignant mon amie qui se tient paralysée de terreur au premier rang. J'ai tenu l'accord que j'avais passé avec cette traînée de Karlie et ta Phoebe a retrouvé ses esprits. Et comme cadeau de mariage, je te promets de ne pas la briser une nouvelle fois.

Les invités n'osent plus rien dire, leurs regards appeurés allant de Rona à moi. Sans doute doivent-ils être stupéfiés par la ressemblance.

— Tu te crois intelligente, intervient soudain Elasia avec affirmation, mais tu t'es mise dans un piège toute seule. Tu es au beau milieu d'une pièce remplie de gens qui pourraient t'assaillir avec leurs pouvoirs au moindre signe de ma part.

Elasia essaye de changer la donne pour rassurer ses sujets mais elle sait très bien de quoi Rona est capable... 

— Ma chère Elasia, lui répond Rona avec un sourire d'une splendide arrogance, tu aurais mieux fait d'apprendre tes cours sur le domaine militaire plutôt que de batifoler avec n'importe qui et de t'enfiler des Pierres Astrales. Que ne comprends-tu pas dans "j'ai forgé mon armée" ?

Aussitôt, une horde de Malfaçons entre dans la salle, d'un pas discipliné et la tête haute. Bien différentes des pauvres esclaves pâlots dont je me souviens, ces Malfaçons-là dégagent une aura de terreur. Sans doute ont-ils appris à maîtriser leurs pouvoirs...

— Mes gardes, balbutie Elasia en pâlissant.

— Autant faire garder ton palais par des bébés pandas, se moque Rona. Ils ont été si impuissants que c'était presque ennuyant de les regarder s'écrouler les uns après les autres.

— Qu'est-ce que tu veux ? je répète avec force. Je peux clairement te dire que tes petites arrivées de pétasse ne nous avaient pas manqué !

Est-ce malin de provoquer le diable ?

— Ne joue pas les innocentes, me répond-elle avec malice. Je dois vraiment te faire un exposé ? Tu as vraiment le don d'ennuyer tout le...

— Ni Elasia, ni moi, ni qui que ce soit à Astriad ne te laissera jamais devenir reine ou ne serait-ce que princesse, je la coupe. Je conseille à toi et à ta petite meute de retourner d'où vous venez si vous ne voulez pas...

— Si vous ne voulez pas quoi ? m'interrompt-elle à son tour en partant d'un rire moqueur. De quoi peux-tu bien me menacer ? Veux-tu vraiment une démonstration pour te montrer à quel point mes Malfaçons sont puissantes comparées à vous autres, pauvres Lumineux et Obscurs de basse condition ? Et n'essaye pas de me sortir que tu possèdes des pouvoirs surpuissants, c'est moi-même qui les ai brisés.

Les gens ne se gênent désormais plus pour parler à mi-voix tout en prenant néanmoins précaution à ce que Rona ne les entende pas. Certains bougent même discrètement afin de s'éloigner de l'allée où se tiennent mon horrible soeur et son armée.

— Bref, reprend Rona comme si elle commençait à sérieusement s'ennuyer, je t'ai déjà laissé ta dose d'occasions pour me filer le Peuple des Astres mais je tiens tout de même à me montrer... disons à me montrer distinguée devant mon futur peuple. Alors pour la dernière fois, Isaluna, me cèdes-tu ta place d'héritière du trône du Peuple des Astres ?

Le silence se fait.

— J'imagine que c'est aussi le moment où tu me menaces de tuer tout le monde dans cette salle si je n'obtempère pas ? je rétorque.

Rona éclate d'un vrai rire qui résonne comme du cristal tranchant dans toute la verrière.

— Sincèrement, commence-t-elle sans quitter son affreux sourire, je crois que nous aurions pu nous entendre si les circonstances avaient été... différentes. Mais sache que je ne vais m'en prendre à aucun des prétendus innocents ici présents. Après tout, mieux vaut qu'ils aient une assez bonne opinion de moi le jour où je deviendrai leur reine.

— Alors que vas-tu faire ? je demande avec véhémence. Parce que ma réponse est non et le restera toujours : je ne te laisserai jamais t'emparer du Peuple des Astres.

Je sens presque les invités retenir leur souffle tandis que Rona pousse un profond soupir exaspéré.

— Tu te seras montrée décevante jusqu'à la fin, soeurette. Les choses auraient été beaucoup plus simples si tu avais joué la pauvre petite fille résignée qui rend enfin à sa merveilleuse soeur ce qui lui revient. Mais tant pis. Au moins as-tu fait l'effort de porter ton joli collier...

Je porte aussitôt la main à ma Pierre des Astres.

— À ce propos, crie Rona en direction de Wren, je te remercie d'avoir été mièvre au point d'offrir la Pierre des Astres à ma soeur en cadeau de départ ! J'ai passé pas mal de temps à la chercher avant d'enfin la voir au cou de notre chère Luna, en première page des journaux. Franchement, il faut vraiment être un imbécile pour croire que c'est une imitation...

Les regards basculent vers Wren qui semble aussi avoir envie d'arracher les yeux de Rona.

— Cet éclat rouge, fait Rona d'un air rêveur en admirant la pierre depuis l'endroit où elle se tient, il n'y a que ce caillou pour briller de cette manière. Mais je dois avouer que je préfère le vert... N'est-ce pas, Isaluna ?

— Attention ! hurle Karlie en débarquant à l'entrée de la verrière.

Puis plus vite que la lumière, Rona sort un arc qui était caché derrière son dos et pointe une flèche droit sur moi. La seconde d'après, la flèche est déjà tirée et file vers moi telle une balle de pistolet. Et là, je comprends. Je comprends que tout va s'arrêter. Que je vais rejoindre les autres Lunatiques dans la Pierre des Astres. Triste fin, je songe une dernière fois. La vue m'est tout à coup masquée par quelque chose et je crois que c'est la flèche qui m'a atteint. J'ai rejoint la pierre, je pense. Alors c'est juste ça ? Un noir infini animé de quelques ombres. Ce n'est que lorsque des hurlements retentissent que je me rends compte que j'ai simplement fermé les yeux et... que je suis toujours dans la verrière.

Mais tout s'arrête quand à mes pieds, je vois le corps sans vie d'Alec.

Étendu sur le dos, les yeux figés dans le vide, son thorax transpercé d'une flèche.

Je pousse un hurlement déchirant en m'effondrant à genoux près de lui, au même moment où je sens la Pierre des Astres brûler contre ma poitrine.

— Eh merde ! s'écrie ce que je crois être la voix de Rona. Espèce de sale...

Mais je ne peux comprendre la suite tant ma tête semble être sur le point d'exploser. Je ne fais que secouer Alec en le suppliant de réagir, le suppliant d'être toujours là, le suppliant de ne pas être... J'entends des cris et des pas précipités alors que tout mon monde ne se réduit plus qu'aux yeux vides d'Alec.

— Luna, m'appelle une voix à des kilomètres.

Une main se pose sur mon épaule mais je suis insensible à ce contact. Il faut juste qu'il me regarde.

Luna ! fait la voix plus fort.

Je ressens alors une douleur à mon cou qui me sort du ciel vide d'Alec pour m'amener dans les émeraudes de Wren. Ce dernier tient la chaîne à laquelle pend la Pierre des Astres dont la couleur varie entre vert et rouge.

— Eh, me murmure-t-il avec douceur en glissant sa main sous mon menton. Désolé mais ce truc était en train de te brûler et tu ne réagissais pas alors j'ai...

Il tente de continuer mais sa voix est trop troublée, sa gorge trop serrée. J'essaye de me libérer de son emprise pour regarder Alec mais Wren m'en empêche.

— Reste là, me demande-t-il en essuyant une de mes larmes et ce n'est qu'alors que je me rends compte que je suis secouée de sanglots hystériques. Calme-toi.

Mais je crois ne plus jamais pouvoir respirer. Wren pourrait utiliser notre connexion pour changer mes émotions mais je comprends qu'il en est incapable. Comment le pourrait-il alors qu'il est dans le même état que moi ?

— Rona est partie, me dit Wren tout bas. Elle n'était pas bien contente...

Il a beau m'empêcher de regarder Alec, lui garde les yeux baissés vers son corps et une larme perle au coin d'un de ses yeux.

— La flèche, je marmonne entre deux halètements. Moi. Elle aurait dû être pour moi...

Il relève aussitôt la tête et me force à le regarder mais je suis dans un tel état second que je le repousse brutalement et prends la main d'Alec dans la mienne. Elle est déjà moins chaude que tout à l'heure. À travers mes larmes, je constate que sa chemise n'est pas tâchée de sang à l'endroit où la flèche l'a touché.

— On va le ramener, m'assure Wren à côté de moi bien que sa voix soit brisée. Il n'est pas mort, Luna. Son âme est enfermée dans la Pierre des Astres mais...

— On ne peut pas le ramener, intervient Elasia dans un souffle.

Je fais un effort surhumain pour lever la tête vers elle et constate par la même occasion que Wren lui adresse un regard on ne peut plus noir. La reine se tient d'une posture anormalement voutée et elle non plus ne peut quitter de vue Alec.

— Vous l'avez entendue, continue-t-elle tandis que de douces larmes tombent sur ses joues. Luna-Rose est la seule à pouvoir le ramener et elle ne le fera que si...

— Arrêtez, lui ordonne Wren. On sait tous très bien ce qu'elle a dit.

Moi je n'ai rien entendu. Même encore, tous les bruits autour de moi semblent venir de très loin. Pourtant, il ne me faut pas des lustres pour deviner quelles conditions Rona a pu exiger...

— Si elle veut le Peuple des Astres, elle l'aura, j'affirme sans qu'un sanglot ne vienne m'interrompre. Elle gagnera mais nous aurons Alec.

— Isaluna, commence Elasia dans un murmure, je sais que...

— Regarde-le ! je m'exclame. Il est mort, quoi que vous en disiez ! Son âme est enfermée dans cette maudite Pierre des Astres, vous comprenez ?! Son âme ! S'il existe ne serait-ce qu'un millième d'espoir de le ramener, alors je ferais tout ce qui est possible.

— Nous ne sommes peut-être pas obligés d'en arriver à de telles extrémités, intervient soudain Karlie.

D'un même mouvement, Wren, Elasia et moi nous tournons vers elle. Karlie en chair et en os se tient aux côtés de Phoebe, d'Alexeï et de Caroley. Tous ont les yeux brillants de larmes. La Karlie qui se tient en face de moi n'a plus rien à voir avec la ministre pétillante que je connaissais : son visage semble porter toute la fatigue du monde tant ses traits sont tirés et ses cernes marqués, ses cheveux d'un blond toujours aussi scintillant semblent néanmoins desséchés et son corps est incroyablement amaigri, comme si elle avait passé plusieurs jours sans manger.

— Karlie ? je murmure, surprise.

En d'autres circonstances, je me serais levée pour me jeter dans ses bras mais il me semble impossible de quitter Alec. Je ne peux pas l'abandonner.

— Bonjour, Luna, me fait-elle en essayant d'imprimer un faible sourire sur ses lèvres. Désolée de ne pas avoir pû empêcher tout...

— On fera le lourd bilan de tes excuses plus tard, la coupe Wren sèchement. J'imagine que Saphir n'est pas bien loin ?

Karlie baisse alors les yeux vers ses mains et si je n'étais pas déjà tétanisée, j'aurais poussé un petit cri. La peau des mains de mon amie semble avoir été arrachée et laissée à vif tant on ne voit plus que de la chair rougeoyante. Les paroles de Rona s'insinuent dans le brouillard de mon esprit. À vouloir jouer les agents doubles, on se brûle. Littéralement.

Rona n'a fait que brûler mes mains et mes bras, commence Karlie en tremblant, mais elle n'a pas été aussi tendre avec Darwin. Son âme est elle aussi dans la Pierre des Astres.

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