Chapitre 36

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— Alors, qu'est-ce que ça fait de revenir à Astriad ? demande Wren à Mila.

Nous traversons actuellement la capitale du Peuple des Astres en voiture, à l'abri des regards des passants. Mila ne peut se décoller de la vitre, admirant le décor défilant sous ses yeux comme si c'était le plus beau lieu du monde.

Pendant le vol depuis Miami, elle a beaucoup conversé avec Wren, et je suis certaine qu'elle connaît à présent presque chaque détail de sa vie. Leur petit entretien m'a permis de me reposer et de tester discrètement mes pouvoirs sur les passagers de l'avion... J'ai ainsi fait bouger de quelques centimètres les verres de certains et même manipulé les pensées d'un steward. Utiliser mes pouvoirs m'a manqué plus que je ne le pensais et je me suis sentie comme plus vivante en effectuant ces quelques petits tours...

Mila se tourne brièvement vers Wren pour lui répondre :

— C'est comme retourner à la maison mais... Tout semble tellement figé, les choses n'ont quasiment pas changées depuis plus de vingt ans.

Le quartier que nous traversons actuellement est presque entièrement désert, bien que ce soit un de ceux desservi par la route principale. Je ne passe pas souvent dans Astriad mais je suis persuadée que d'ordinaire, tout est plus animé.

— Les gens ont peur, déclare Wren.

— Peur ? je répète en faisait volte-face vers lui.

Il ferme les yeux comme pour se retenir de les lever au ciel d'exaspération.

— Des Malfaçons, précise-t-il. Ce qui s'est produit à ton mariage a dû déclencher un coup d'éclat comme il n'y en avait pas eu depuis longtemps. Les habitants se barricadent chez eux.

Lorsque nous arrivons dans la grande allée menant au palais, elle est en revanche bondée de monde. La voiture ralentit et le chauffeur marmonne que nous aurions dû passer par-derrière. En me penchant vers la vitre, je pousse une exclamation en découvrant des gens criant des slogans tout en agitant des pancartes.

— Elasia, sale traîtresse ! je parviens à comprendre au milieu de leurs cris.

Mais je suis encore plus choquée quand des manifestants ayant repéré notre voiture se mettent à l'encercler et à proférer de nouvelles injures.

— On ne veut plus de vos secrets ! hurle une femme si fort que je l'entends depuis l'intérieur de l'habitacle.

— Collaborateurs avec les Malfaçons ! s'écrie un autre.

— Les vitres sont teintées, nous rappelle le chauffeur. Ils ne vous voient pas, Votre Altesse. Ne prenez pas ça personnellement. Ils doivent croire que cette voiture amène des ministres...

Je ne peux néanmoins m'empêcher de ressentir une étrange sensation au fond de moi. Depuis trois ans, je n'ai rien fait pour le Peuple des Astres à part me morfondre sur mon sort et malgré tout, les gens m'aimaient. J'étais acclamée à chaque apparition publique et même si je ne m'en rends compte qu'à présent, je sais désormais que j'appréciais ça. Mais aujourd'hui, je suis certaine que les gens me jetteraient des tomates à la figure s'ils le pouvaient.

— Ils vont bientôt crier "vive la république" si ça continue comme ça, se sent obligée de faire remarquer Mila.

Le chauffeur klaxonne et fait mine d'accélérer pour disperser la foule et après de longues minutes, nous arrivons enfin au garage du palais. Je ne suis même pas descendue de la voiture qu'Elasia se jette sur moi et me prend dans ses bras.

— Oh Isaluna ! s'exclame-t-elle. J'ai cru que cette horde d'enragés ne se dégagerait jamais !

Elle m'examine attentivement, comme si j'avais pu me transformer en cadavre en l'espace de quelques jours.

— Tu n'as pas très bonne mine, décrète-elle.

Je m'apprête à lui expliquer qu'après avoir enchainé tant d'heures d'avion en si peu de temps, je ne risque pas d'avoir un teint parfait mais lorsque son regard se pose sur Mila, Elasia focalise toute son attention sur l'Obscure.

— Ma chère Mila, fait-elle d'un air faussement enjoué tout en l'examinant de la tête aux pieds. Notre regrettée Donnatella m'a... beaucoup parlé de vous.

— Je n'en doute pas une seconde, Votre Majesté, répond Mila avec son sourire malicieux en faisant une large révérence théâtrale.

Il s'écoule un court silence pendant lequel Elasia et Mila semblent se juger mutuellement. Ma mère porte ensuite son attention sur Wren et ses lèvres se tordent en une sorte de grimace de dégoût. Elle lui adresse un simple hochement de tête que Wren lui rend sans pouvoir dissimuler un sourire du même genre que celui de Mila.

— Mila peut m'aider à ramener Alec, je dis à Elasia, désireuse de ne pas perdre une seconde de plus. Où as-tu mit son... ?

Corps. C'est un mot simple pourtant je ne peux le formuler. Heureusement, Elasia n'a pas besoin de précisions pour comprendre.

— Dans la chambre qu'il occupait lorsqu'il venait, m'informe-t-elle d'une voix douce en me tenant les mains.

Elle m'entraîne à travers les couloirs du palais et nous sommes suivies par Wren et Mila.

— Je crois que depuis que je suis reine, commence ma mère, c'est la pire crise que j'ai jamais traversée. Les gens sont devenus complètement fous ! Nous sommes à la limite d'une révolution et mes ministres sont incapables de prendre des décisions pour calmer les foules. À vrai dire, je crois qu'il n'y a pas grand-chose à faire mais...

— Karlie a-t-elle donné d'autres informations sur les Malfaçons ? l'interrompt Wren.

Elasia lui adresse un regard courroucé avant de répondre.

— Elle est complètement paumée, cette pauvre chérie. On a essayé de l'interroger sur le fonctionnement de la meute, des choses comme ça, mais elle est comme dans une sorte d'état de choc... Après tout, ses mains ont été brûlées et elle affirme que Darwin a été enfermé dans la Pierre des Astres.

— Mais il n'est pas dans la pierre, j'affirme sûre de moi. Je l'aurais senti si le bijou avait été aussi brûlant qu'il l'a été lorsque l'âme d'Alec l'a rejoint.

— En tout cas, je ne pense pas que cette petite Karlie représente un grand danger, suppose ma mère en haussant les épaules. Elle est peut-être un peu folle sur les bords, c'est tout...

Nous arrivons bientôt devant la chambre d'Alec, située dans le même couloir que la mienne. Trois gardes se tiennent dos à la porte, armés jusqu'aux dents. Ils s'inclinent à notre approche et dégagent le passage. Elasia tourne la poignée et ouvre le battant. Sur le seuil, j'hésite un instant. Je sens une fraîcheur se dégager de la pièce. Il n'y a aucune lumière, ni aucun bruit. C'est une vraie chambre funéraire.

Elasia me devance et pousse un interrupteur pour allumer la lumière. Je fais un pas dans la pièce, retenant mon souffle, des frissons me parcourant de la tête aux pieds.

Tout d'abord, seuls le froid pénétrant et le ronflement lointain des climatiseurs me paraissent anormaux. Les épais rideaux tirés sont les mêmes que ceux que l'on trouve dans la plupart des pièces du palais et les murs sont peints en différentes nuances de bleu. Au centre de la chambre se trouve un immense lit.

Alec y est étendu, toujours dans le même costume qu'il portait le jour du mariage. Sa chemise est trouée à l'endroit où il a reçu la flèche. Il n'y a cependant aucune tache de sang et si sa peau translucide ne me rappelait pas que je contemple le cadavre d'Alec, je croirais qu'il est simplement endormi.

Derrière moi, j'entends les pas des autres. Aucun d'eux n'ose dire quoi que ce soit et je comprends que c'est à moi de rompre le silence.

— Bien, je fais d'une voix couinante en me tournant vers Mila. Qu'est-ce que je suis censée faire, maintenant ?

— Tu as la Pierre des Astres ? me questionne-t-elle.

Je sors l'objet en question et son éclat reflète la lumière du lustre.

— Pose-la sur le front d'Alec, m'indique Mila.

M'exécutant, je remarque que Wren semble faire abstraction de toutes les personnes présentes, sauf d'Alec. Son regard reflète une culpabilité et une tristesse insondables.

Je me concentre sur Alec et vérifie que la pierre est bien en place sur son front, en évitant toutefois tout contact avec sa peau. Il me semble que je n'en serais que frigorifiée de la tête aux pieds, bien que ce soit déjà le cas.

— Maintenant, pose ta main sur son front de manière à recouvrir la pierre.

Toujours en me demandant comment Mila peut savoir autant de choses sur la Pierre des Astres, je fais ce qu'elle me dit et suis cette fois obligée de toucher Alec. J'ai la sensation que mes doigts sont plongés sans un congélateur.

— C'est normal qu'il soit si froid ? je demande malgré moi.

Comme personne ne me répond, je me détourne des douces paupières closes d'Alec pour faire face à la petite assemblée. Elasia s'accroche à une chaise, semblant retenir des larmes, Wren fixe toujours son frère, l'air tourmenté, et seule Mila trouve le courage de me fournir une réponse inutile.

— C'est un cadavre. Il n'y a... plus rien en lui. C'est normal qu'il ne dégage aucune chaleur.

J'ai envie de lui faire remarquer que si c'est seulement son âme qui a été enlevée, comment cela se fait-il que son cœur ne continue pas de battre ? Mais comme j'imagine que la magie de la Pierre des Astres a un fonctionnement qui m'échappe, je m'abstiens de tout commentaire.

— Ferme les yeux, me dit Mila. Concentres-toi sur l'énergie de la pierre et essayes de la laisser t'envahir.

Je tente de ressentir une quelconque énergie mais tout ce que mes doigts parviennent à capter, c'est le froid du front d'Alec.

— Tu ne ressens aucune chaleur ? me questionne Mila.

Je ne réponds rien et me contente de secouer la tête. Comment veut-elle que je trouve de la chaleur alors que tout ce qui m'obsède est la fraicheur du corps d'Alec ? Je me force pourtant à ignorer cette sensation désagréable pour réveiller ma propre énergie. Maintenant que mes pouvoirs sont revenus, je n'ai aucun mal à trouver en moi une chaleur rassurante au fond de ma poitrine. Je fais circuler cette énergie jusqu'aux bouts de mes doigts et en libère une partie à la surface de la pierre. Cela suffit à réveiller la force du vieux caillou et bientôt ce dernier devient aussi brûlant que lorsque je l'avais utilisé pour sauver Wren.

— C'est bon, j'informe Mila en tâchant de ne pas faire attention à la douleur. Après ?

— Tu ressens bien toute l'énergie de la pierre ?

— À vrai dire, c'est plus une horrible brûlure au niveau des doigts...

— Oublie cette brûlure et concentres-toi sur l'énergie.

Si elle croit que c'est facile. Néanmoins, je sens comme des fourmis remonter le long de mon bras et je les laisse s'amplifier jusqu'à ce que leur douce chaleur étouffe celle dévorante du contact de mes doigts contre la pierre. Lorsque je ferme les yeux, j'ai l'impression d'être dans la pierre et d'être perdue au milieu de son tumulte fait de lumières rougeâtres.

— Qu'est-ce que c'est que tout ça ? je m'exclame. Tout est rouge et...

J'entends comme des cris lointains, certains semblants se rapprocher avant de s'échouer à des kilomètres de moi.

— Appelle Alec mentalement, m'indique Mila qui me paraît désormais être dans une autre dimension.

Alec ! je crie dans ma tête. C'est moi, Luna.

Mais il n'y a que des tourbillons rouges et des cris déchirants. J'ai très envie d'ouvrir les yeux pour échapper à tout ça mais il faut que je trouve Alec. Je ne peux pas partir de cet enfer sans l'avoir trouvé. Je l'appelle tant que je peux, une fois à voix haute sans m'en rendre compte.

Seul le vide et les hurlements me répondent. La chaleur devient bientôt insupportable et mon esprit semble s'effondrer. Je continue de hurler le nom d'Alec dans ma tête jusqu'à ce que tout s'arrête.

Ou plutôt jusqu'à ce que je retrouve la réalité et ouvre les yeux. Je ne sens plus aucune chaleur en moi mais la douleur lancinante dans ma main me fait hurler de douleur. Je me rends alors compte qu'elle n'est même plus en contact avec la Pierre des Astres mais que c'est Elasia qui la tient.

— Je suis désolée mais des étincelles commençaient à apparaître alors j'ai tiré ton bras, m'explique ma mère, affolée. Il faut absolument que tu la mettes dans un bac à glace...

Effectivement, la peau de ma paume et de mes doigts est affreusement cramoisie.

— Tu l'as trouvé ? s'enquit Wren avec appréhension.

— Non, je réponds en baissant la tête vers le corps toujours inanimé d'Alec. Tout était rouge, il faisait chaud et j'entendais d'horribles cris. Je l'ai appelé tant que j'ai pû mais... Aucune trace d'Alec.

— Je ne comprends pas pourquoi ta main a brûlé à ce point, s'inquiète Elasia. Tu es une Lunatique-Lumineuse, tu ne devrais pas craindre la chaleur comme ça...

— L'énergie de la pierre est particulière, explique Mila. Seuls les Lunatiques en sont affectés.

Savoir qu'Alec est toujours enfermé dans cette pierre rien que parce que j'ai été incapable de le trouver me rend folle. Comment puis-je être nulle à ce point ?

— Tu ferais mieux de te reposer et de faire soigner ta main, m'indique Mila. Ça ne sert à rien de réessayer pour le moment.

— Mais je ne peux pas laisser Alec là-dedans ! je rétorque. C'est comme être en enfer et...

— Tu n'arriveras à rien si tu n'as pas toute ton énergie, si ce n'est qu'à retarder encore les choses, me coupe Mila. Maintenant va dormir et laisse tes pouvoirs tranquilles.

Obligée d'admettre qu'elle a sûrement raison, j'adresse un dernier regard à Alec en lui promettant silencieusement qu'il ne restera pas longtemps de plus dans cette maudite pierre, puis sort de la pièce.

— Tu as fait tout ce que tu pouvais, m'assure Elasia. L'avion a dû te fatiguer. Ta chambre t'attend.

Je hoche la tête et lui demande si Phoebe est rentrée à la villa Nightsun.

— Elle est avec Alexeï et Caroley, à l'étage du palais réservé aux invités. Je peux la faire appeler si tu veux.

— Non, ça ira. Laisse-la tranquille.

En réalité, je me sens vraiment épuisée et vidée de toutes mes batteries. Au moins, quand je n'avais plus mes pouvoirs, je ne ressentais qu'un énorme vide et pas cette fatigue atroce. Je regagne ma chambre et m'affale sur mon lit.

Je pensais qu'une fois que j'aurais retrouvé mes pouvoirs et que je saurais comment m'y prendre, il me serait facile de ramener Alec. Seulement, il est toujours enfermé dans la Pierre des Astres, rien que parce que je ne suis qu'une bonne à rien.

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