CHAPITRE 24

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CASSANDRE



Face au miroir de la coiffeuse de ma chambre, j'observe mon reflet. Je n'avais jamais remarqué la tristesse de mes traits. Celle-ci me saute aux yeux à tel point que je ne comprends pas comment j'ai pu passer à côté. Cela se voit davantage que la forme de mon nez retroussé ou la couleur de mes yeux. Un bleu si pur par le passé, si terne à présent. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même, un fantôme qui erre sans but. Qui suis-je ? Où vais-je ? À quoi je sers ?

Sans doute à rien.

Mon cœur se tord. Mes tripes aussi. J'ai envie de vomir. Je n'arrive même pas à respirer dans ce maudit corset qu'on m'oblige à porter. Il me comprime les seins et la cage thoracique.

Mourir étouffée est peut-être ce qui pourrait m'arriver de mieux.

Ce qui m'attend ce soir devrait me servir de piqûre de rappel, de contraste pour apprécier les autres pans de ma vie. Seulement, il n'y a rien à apprécier. Je suis l'intello modèle avec des résultats exemplaires, sauf dans une matière. J'aime la mode, les fringues, j'ai la chance d'être jolie selon les critères de beauté de la société. Cela ne contribue qu'à me rendre plus insipide, plus lambda. Je n'ai aucune originalité, aucune singularité. Rien qu'une blonde aux yeux bleus qui se bat contre le cliché de l'idiote de service sans vraiment réussir à devenir quelqu'un.

Les larmes me montent. Je les retiens. Il ne manquerait plus que je pleure sur mon sort. Au lieu de quoi, je me penche un peu plus vers mon reflet pour appuyer le maquillage autour de mes yeux. Ils n'ont plus l'air tellement bleus, vu comme ça. Ils paraissent gris.

Comme tout ce que je vois.

Comme tout ce que je suis.

J'enfile le masque dont je noue les liens en satin à l'arrière de ma tête. Les boucles qui tombent sur mes épaules sont épaisses et lourdes, bien plus que les ondulations naturelles que je dévoile au quotidien. Ce grimage est le dernier rempart me permettant d'évoluer sans être identifiée. Je ne suis déjà pas là de gaité de cœur, la simple idée que quelqu'un puisse me reconnaître me détruirait.

À pas de loup, je m'approche de la porte de ma chambre pour l'entrouvrir. Mon père parle à quelqu'un, au téléphone. Il passe son temps en ligne lorsqu'il est à la maison. Je le soupçonne d'utiliser cette stratégie pour éviter de m'adresser la parole. Moins il me donne d'attention, mieux il se porte. C'est son jeu favori : prétendre que Cassandre n'existe pas. Affirmer que je suis un fantôme était loin d'être une exagération : certains humains font le choix de ne pas me voir, les autres ne me remarquent juste pas.

Je ne suis personne. Désespérément personne.

La voie est libre. Je me glisse hors de ma chambre, me faufile jusqu'à l'escalier, descends marche après marche en veillant à ce qu'aucun grincement ne me trahisse puis je gagne la porte d'entrée. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je suis déjà dehors. La fraîcheur du vent me cingle le visage alors que je me fais une réflexion débile : je n'ai même pas besoin de créer une masse sous mes couvertures pour prétendre que je suis encore dans ma chambre. Mon père ne viendrait jamais vérifier si je suis là. Et ça n'a rien à voir avec le fait que je sois largement majeure et que j'aie vingt ans. Ça ne l'intéresse tout simplement pas.

Je pourrais me contenter de sortir sans me cacher, mais dans cet attirail, il pourrait se douter de quelque chose. Je ne veux pas éveiller les soupçons, je dois rester discrète.

Mon secret ne doit être découvert sous aucun prétexte.


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INSTAGRAM : @kentinjarno

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