Les domestiques ne cessaient de courir dans tous les sens, la sueur perlait sur leurs fronts rendant leurs peaux légèrement reluisantes tandis que leurs bras étaient emplis de fournitures en tout genre allant des plantes aux couverts tout en passant par diverses draperies. Sebastian ne savait plus où donner de la tête, le pauvre majordome se devait de coordonner tout le monde à la perfection afin de décorer minutieusement la salle de bal pour le mariage.

Les tables étaient placées, les nappes lissées avec précaution pour qu'aucun faux pli ne soit présent sur le tissu blanc brodé de fil d'or et d'argent. Des servants amenaient les chaises dont l'assise était faite de velours ocre et ils disposaient le tout élégamment et symétriquement : tout était organisé dans les moindres détails. On ajouta la vaisselle qui était sortie à chaque grande occasion, soit toutes les deux ou trois décennies, et cette dernière était d'une grande beauté grâce au travail des céramistes qui avaient confectionné ces pièces uniques. Les assiettes de porcelaine avaient été peintes à la main, une à une, donnant un service incroyable. Les couverts, eux, avaient été forgé et gravé avec attention tandis que les verres furent soufflés il y avait de cela plusieurs siècles.

Puis vint la touche finale des tablées : les bouquets de fleurs. Cet élément était un indispensable pour les cérémonies Tokësor, étant le peuple de la Terre, leur relation avec la végétation était forte. Ce fut ainsi que les meilleurs fleuristes de la région avaient été réquisitionné pour l'évènement dans le but de produire les plus belles compositions florales afin d'en mettre pleins les yeux aux invités. Plantes exotiques rencontrèrent celles plus communs, simplicité semblait devenir complexité et les servants eux-mêmes s'ébahissaient face aux bouquets resplendissants du fait de leur diversité de teintes et d'espèces. Les tables furent finalement dressées, il ne manquait plus que la décoration du palais.

Sebastian avait recruté une main d'œuvre supplémentaire ces derniers jours car le travail était colossal et, chaque jour, une nouvelle tâche semblait s'ajouter à sa liste. Le nettoyage du château fut long tout comme le dépoussiérage minutieux des centaines, voire milliers, de meubles boisés. On rafraîchissait les vases en ajoutant de nouvelles compositions plus champêtres, les fenêtres furent astiquées tout comme la jointure des carrelage et tous éléments faits de bois furent cirés à la main : le palais Tokësor avait pris un grand coup de jeune après cet immense ménage de printemps.

Quelques couloirs plus loin, l'agitation semblait s'amoindrir. Néanmoins, l'excitation était tout de même présente sous une forme plus raffinée et discrète afin de ne pas troubler le calme qui se devait d'habiter ces couloirs. Marchant à vive allure dans une même direction, la coiffeuse la plus talentueuse du Royaume venait d'arriver avec tout son matériel en étant en compagnie du meilleur maquilleur qui trimballait sa trousse de produits dans son petit chariot tiré par un de ses apprentis. Une poignée de domestiques, légèrement en retrait, transportaient diverses draperies et tenues raffinées tout en étant rappelés à l'ordre à diverses reprises par le duo de styliste royal : ces vêtements étaient extrêmement précieux par leur unicité et le travail demandé pour les confectionner.

Ce beau monde faisait claquer leur semelle sur le dallage reluisant dans l'espoir de rejoindre, le plus vite possible, la chambrée du prince Dongju qui ne cessait de grommeler tandis que diverses personnes s'occupaient de le préparer. On lui avait fait prendre sa toilette, enduit de tonnes de crème pour rendre sa peau plus luisante et jeune bien que l'enfant du Lotus n'en avait pas réellement besoin, puis on l'avait emmitouflé dans un peignoir en satin le temps que les stylistes, coiffeur et maquilleur puissent arriver.

« - J'en ai déjà marre.

- Si tu étais plus docile aussi, tout irait plus vite, taquina Dongmyeong.

- Je n'aime pas être enduit de crème... J'ai l'impression d'être sale, ça colle et tout. Beurk ! »

Le futur marié tira la langue en une grimace montrant son dégoût de la chose et son jumeau ne put que rire face à cette expression grotesque. Dongmyeong était accoudé au bureau de son frère, ses yeux ne cessait d'observer les diverses manipulations faites sur son sosie afin de ne perdre aucun moment de sa transformation : il était certain que Dongju serait resplendissant dans sa tenue. Il fallait dire que le travail des couturiers était estomaquant ! Le futur roi avait déjà enfilé son accoutrement avant de se diriger vers la chambre de son double.

L'ensemble de l'enfant de l'Orchidée était gris perle avec des surpiqures rouge foncé, sa chemise blanche était plutôt sobre mais le tout fut relevé par la cravate bordeau où était brodée, au fil d'or, une fleur de son végétal. Un veston perle était mis par-dessus et le haut du corps fut finalisé par une veste de costume de la même teinte où dépassait un petit mouchoir bordeau, pour faire un rappel de couleur, au niveau de la poche pectorale gauche. En ce qui concernait le bas, Dongmyeong avait les jambes parfaitement cintrées par son pantalon droit gris qui avait été fait sur mesure et ses chaussures étaient un modèle classique, mais élégant, aux reflets pourpres afin d'être accordé aux couleurs de la tenue.

« - Il est joli ton costume, lança Dongju alors qu'il sentait diverses mains positionner des couches de vêtements sur son maigre corps. Et cette coupe de cheveux te change. Je suis certain que Talia adore ! »

Dongmyeong rougit face aux compliments tout en se rappelant les dires de sa promise qui l'avait vu quelques temps auparavant : il était vrai que la jeune femme avait succombé au charme de son époux. Hélas pour elle, la jeune Radcliffe ne pouvait pas participer à la cérémonie puisque son identité se devait d'être cachée jusqu'au couronnement du nouveau Roi. Les belles étoffes ne lui avaient pas été proposé, l'invitation au banquet ne lui fut pas offerte mais elle n'en voulait à personne : c'était pour sa sécurité qu'on la camoufler.

« - Mon prince, cessait de bouger je vous prie, demande le styliste.

- Oui bah j'ai mal ! Pourquoi vous me mettez un corset aussi... Je ne porte pourtant pas de robe de ce que je sais.

- C'est pour cintrer votre taille mon prince. Nous avons mixé des vêtements des deux genres, comme à notre habitude.

- Oui bah je me serais passé du COR, Dongju haussa la voix alors qu'on serrait le laçage. Corset ! »

Le futur marié incendia les designers dans sa tête tandis que son frère l'observait avec tendresse et compassion : il est vrai que ce genre de pièce vestimentaire était peu agréable à porter. Néanmoins, une fois la taille du prince cintrée, on commença à lui faire enfiler les diverses couches de tissus. Tout débuta avec un chemisier très féminin aux manches évasées et au col haut avec de nombreuses fanfreluches sur le poitrail, puis, on déposa par-dessus une veste dans le style victorien à la teinte vert d'eau entièrement brodée d'arabesques argentées fascinantes. Son pantalon blanc était plutôt simple, une coupe droite mettant en valeur ses fines jambes et la courbe de son fessier tandis qu'on le faisait chausser des souliers noirs cirés avec un léger talon.

Puis vint l'accessoirisation et Dongju crut mourir tant il trouvait le temps long. On disposa un collier d'or blanc, orné de diamants bleus et verts, sur son chemisier puis on assortit la parure avec des boucles d'oreilles légèrement pendantes arrivant à sa mâchoire. Ses doigts furent dénués de bagues puisqu'ils se devaient d'accueillir l'anneau scellant le mariage, néanmoins, on lui ajouta un bijou de main très raffiné. L'ensemble de la tenue était très harmonieux, seyant parfaitement la silhouette fine et élégante du prince.

« - Bien, nous vous demandons de patienter encore quelques instants mon prince. Nous devons nous occuper de vos cheveux car cela ne va pas du tout !

- Ils sont très bien comme ils sont mes cheveux, bouda le concerné.

- Allons, nous n'allons pas vous laisser aller à votre mariage en étant décoiffé.

- Gnah... Gnah...

- Mais tu as quel âge Dongju, se moqua son jumeau.

- L'âge requis pour t'en mettre une si tu continues de rire. »

Dongmyeong roula simplement des yeux puis disparut du champ de vision de son sosie puisqu'on le maquillait et coiffait. Les deux personnes s'affairaient autour de sa tête en brossant, lissant, matifiant l'entièreté de sa tête : Dongju avait l'impression que des mouches lui tournaient autour. La coiffeuse, concentrée dans sa tâche, posa des extensions au marié afin d'allonger sa chevelure pour la coiffer en un élégant chignon à la fois structuré et déconstruit. Quelques mèches tombaient de part et d'autre du visage du prince tandis que la femme ajoutait des petites épingles à l'extrémité forgée en forme de fleur de Lotus argentée. La touche finale de la coupe fut la tiare, habituellement destinée aux princesses Tokësor, d'or blanc incrustée de diamant blanc avec, en son centre, une émeraude majestueuse.

« - Vous avez bientôt fini ? Je ne sens plus mes jambes à force d'être assis.

- C'est la touche finale. Entrouvrez la bouche le temps que j'applique le rouge à lèvre, mon prince. »

Le maquilleur s'abaissa vers la bouche du fiancé puis il tapota le rouge à lèvre neutre avec de légères teintes vieux rose avant de s'écarter pour observer son superbe travail. Les yeux ébènes du prince étaient légèrement étirés vers l'extérieur grâce à l'ombré rose-marronné lui donnant une allure très féline. Sa paupière mobile portait un fard scintillant rose gold tandis qu'un long trait noir de liner accentuait ce côté yeux allongés. Pour ce qui était du teint, ce dernier se voulait naturel puisque la peau du prince était déjà magnifique, il fallait peu de chose pour la rendre resplendissante : une touche de blush, une illumination et un ombrage de certaines zones stratégiques de son visage afin de le restructurer légèrement puis ce fut amplement suffisant.

Le personnel s'écarta dévoilant le prince aux yeux de son frère qui fut étonné par le résultat. L'harmonie était fascinante, semant le trouble sur le genre du jeune prince étant donné les multiples éléments jugés comme « féminins » et « masculins » : Dongju brisait tous les codes, comme toujours. Tout en s'approchant afin de voir de plus près, Dongmyeong ne put s'empêcher de souffler son ébahissement entre deux pas.

« - Tu avais raison.

- Quoi ? Que ce mariage est une mauvaise idée ? Bien sûr que j'ai raison.

- Non abruti !

- Ah ? J'ai parlé d'autre chose ?

- Tss... La chose que tu me dis à chaque fois depuis qu'on sait parler.

- La chose que je dis à chaque fois ? Hmm..., le marié réfléchit quelques instants puis un éclair de lucidité lui vint. Le fait que j'ai hérité de la beauté, de l'élégance et du charme de nos parents !

- Exactement, grogna Dongmyeong. Je n'aime pas te dire de tel compliment, sinon tu prends la grosse tête, mais en te voyant ainsi... Je dois avouer être surpris de te trouver aussi beau que notre mère. »

La beauté de la Reine Son était une chose connue aux quatre coins des Royaumes, beaucoup la jalousaient tandis que d'autres étaient fascinés par son élégance naturelle. Dongju avait énormément hérité d'elle, ses traits étaient similaires, sa peau avait un grain aussi lisse que sa génitrice mais le plus flagrant étaient ses yeux identiques. Cet air félin était à la fois hypnotisant et intimidant, ce noir profond parsemé de reflets pêche pour Dongju et ocre pour la Reine : le lien de parenté était certain.

« - Je peux me voir, demanda le prince intrigué.

- De suite mon prince ! »

On apporta immédiatement un miroir au fils du Lotus et, à l'instant où ses yeux croisèrent son reflet, il eut un moment d'absence : êtes-ce réellement lui ? Il peinait à se reconnaître dans la grande glace en face de lui, sa beauté était surprenante et sa silhouette si bien mise en avant. Le travail des couturiers, maquilleurs et coiffeurs était époustouflant : jamais le garçon aurait pensé ressembler à cela un jour. Dongju se tourna dans tous les sens, afin de s'admirer sous toutes les coutures. Ses yeux ne cessaient pas de s'écarquiller alors qu'il découvrait ce maquillage mettant tant ses iris en valeur ainsi que cette élégante coupe de cheveux.

« - Incroyable... J'ai l'impression d'être un personnage de conte de fée.

- Tss... Arrête de baver de la sorte devant ton propre reflet, tu vas te tacher.

- Yah ! Ce... Ce n'est pas gentil, lança le jumeau mais sa réplique eut peu d'impact car il était toujours déboussolé par son apparence. »

Soudain, on vint toquer à la porte et une voix s'éleva derrière la paroi boisée : Sebastian, le majordome. Ce dernier n'entra pas, il énonça simplement son discours qui fit frissonner Dongju qui cessa tout mouvement en déglutissant de stress.

« - La cérémonie va commencer, mes princes. Les invités sont en train de rentrer dans la chapelle, la famille Kim est installée tout comme la vôtre et celle Moon. Le prince Kim Geonhak est déjà au niveau de l'autel et les alliances ont été données à monsieur Lee Keonhee. Nous n'attendons plus que vous. »

Tremblant comme une feuille, Dongju lança un regard de détresse à son jumeau qui mordait l'intérieur de sa joue avant de plonger, à son tour, ses prunelles dans celles de son double. Les deux échangèrent silencieusement, l'un soutenant celui sur le point de s'effondrer. L'enfant du Lotus n'avait qu'une envie : fuir. Cette union le terrifiait, il se doutait que quelque chose allait mal se passer, que son retour à Gaïa serait tardif voire impossible et Dongmyeong semblait aussi s'en douter. S'approchant de son frère, le futur roi des Tokësor attrapa les paumes de son sosie qui n'arrêtait pas de frissonner d'angoisse et il l'enlaça pour ce qui lui semblait être une des dernières fois.

« - Soit fort Dongju. Tout va bien se passer, tu vivras très bien là-bas.

- Je ne veux pas te quitter Dongmyeong. Je n'ai pas envie de partir mais...

- Je sais... C'est ton devoir. C'est cela que tu allais dire ?

- Oui, souffla à voix basse le marié. J'ai mon rôle à accomplir à Zéphyr. Gaïa va me manquer...

- Tu reviendras, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu puisses fouler nos terres dès que tu en sentiras le besoin. J'irais t'arracher aux griffes des Ajri s'il le faut.

- Myeong...

- Je te promets de ne jamais t'abandonner, Dongju. On va certes être séparé mais je serais toujours à tes côtés. N'oublie pas ce que je t'ai dit l'autre soir, si tu as un souci fait en usage.

- Tu vas me manquer. Je t'aime mon frère.

- Moi aussi, je t'aime Dongju. »