Les notes de piano débutèrent, douces et raffinées, le pianiste était une femme talentueuse à la longue chevelure parme. Ses mèches bougeaient élégamment alors que son buste se mouvait au rythme de la mélodie qui débutait : un commencement timide mais empli d'espoir. Une personne s'avança et sortit de la foule d'invités avant de tendre la main à son partenaire. Le blond se courba noblement tout en dévoilant sa paume libre en quémandant la main de celui qui était devenu sa moitié. Ce dernier fut surpris de la proposition et il eut un temps de latence avant de, timidement, mêler ses longs doigts à ceux de son partenaire.

Le duo marcha, main dans la main, en direction du centre de la salle de bal sous le regard curieux de l'assemblée qui n'attendait qu'une chose, que leur valse finisse par débuter. La pianiste fut accompagnée par les cordes : violons, violoncelles et autres instruments de cette famille, et, quelques flûtes traversières s'ajoutèrent rendant l'orchestre idyllique. Le blond déposa sa main sur la hanche de son partenaire tandis que ce dernier déposa avec hésitation sa paume sur l'épaule de celui plus grand de quelques centimètres. Leurs visages étaient étonnamment proches, leurs iris se plongèrent dans l'âme de l'autre découvrant un tableau unique au fond des prunelles de chacun.

Puis leurs pieds se mouvèrent. Un, deux, TROIS. Un, deux, TROIS ! Les cours de danse furent appliqués, les deux garçons remercièrent leur enseignant de leur avoir inculqué l'art de la valse bien que leur début de chorégraphie fut discordant à la limite du cacophonique. Geonhak marcha à plusieurs reprises sur les souliers de son époux qui pinçait ses lèvres à chaque fois où ses orteils étaient piétinés mais il retenait tous ses grognements douloureux : Dongju devait se concentrer sur cette première danse.

La mélodie accéléra, leurs pas devinrent plus assurés, leurs mouvements plus élégants et harmonieux dévoilant une scène unique. Quelques mèches de cheveux de Dongju virevoltaient au rythme de la valse, les expressions des deux s'allégèrent, se détendirent pour presque se transformer en un rictus heureux. Geonhak se surprit à énormément apprécier cet instant, son estomac était assailli par une douleur étrangement agréable, les petits cheveux sur sa nuque se dressèrent de plaisir lorsque la main de Dongju caressa par inadvertance une petite parcelle de l'épiderme du plus vieux. Le plus jeune, quant à lui, avait l'étrange impression d'être un personnage de conte de fée, ce bal ressemblait à celui décrit dans ces livres qu'il aimait tant lire étant enfant, cet homme qui serrait sa hanche portait la description du parfait prince charmant et le fils du Lotus se surprit à penser que son époux était un bel homme.

Les problèmes s'envolèrent, la dopamine se diffusa faisant fleurir un discret sourire sur le visage des mariés qui ne se lâchaient pas du regard : les iris de leur partenaire étaient si hypnotisant, ils voulaient plonger dedans. Les deux princes oublièrent les invités, il n'y avait que la musique et cette bulle protectrice qui les protégeait de l'injustice de la vie. Seule la mélodie les liait à la réalité, au Monde. Les notes de piano gagnèrent en intensité, les cordes des violons et autres violoncelles vibrèrent plus intensément, le souffle des flûtistes se rarifia tant ils usaient de leurs instruments et la chanson arriva lentement à son terme. Les ultimes notes résonnèrent, les deux corps tournoyaient au milieu des gens ébahis, leurs yeux se perdirent et leur souffle se rarifia tandis que le visage de Dongju finit à quelques millimètres de celui de Geonhak.

Le plus vieux tenait son époux par la taille, leurs torses se collèrent, leur respiration se mêla pour ne faire qu'une et Dongju louchait légèrement alternant ses coups d'œil des iris orageuses du plus âgé à ses lèvres framboise : l'occasion lui semblait étrangement alléchante. Les cœurs des deux garçons battaient à l'unisson, un rythme désordonné et archaïque pourtant synchronisé chez les deux : leur organe vital se coordonnaient parfaitement, résonnant harmonieusement comme si cela avait toujours été le cas. La tension était intense, les tremblements stressés auparavant se transformèrent en soubresauts légèrement excités comme si les cellules des deux princes essayaient d'entrer en synergie : leur corps ne devait faire qu'un, ils le sentaient vibrer au fond d'eux.

Hélas, Geonhak se recula légèrement en brisant cet instant si... Unique. Dongju lâcha un fébrile gémissement, que seul son époux ouï, montrant que ce geste lui déplaisait et le fils du Lotus écarquilla des yeux face à sa réaction. Pourquoi cette séparation lui faisait si mal ? Que lui arrivait-il ? Lui qui avait été le premier à mettre une barrière à son aîné, maintenant il voulait le sentir près de lui, se blottir dans ses bras, sentir son odeur enivrante jusqu'à tard le soir, découvrir ce qui se cachait derrière cette carapace... Le prince tituba une unique seconde avant de reprendre de la constance puisque son esprit lui rappela qu'il était observé, jugé, détaillé par des vingtaines et des vingtaines de personnes.

Son regard, rosé quelques seconds avants, redevint obscur et impénétrable et il tourna des talons en direction de la petite table où se trouvait la bouteille scellée contenant ce liquide opalin que tout couple marié devait boire afin d'unir à jamais leur union. Geonhak le suivit bien que son esprit fût toujours troublé par l'épisode qu'il venait de vivre : c'était une première pour lui, jamais il n'avait ressenti autant de choses. Dongju retira la protection de la bouteille puis il tendit la main à son mari afin qu'il puisse déboucher le tout en étant lié à la personne avec qui il allait partager sa vie.

Leurs doigts se mêlèrent, la main de libre de l'enfant du Lotus s'activa et le « Pop » caractéristique résonna dans la grande salle tandis que Sebastian tendit deux coupes à son maître qui les remplit de moitié. Le précieux breuvage à la teinte nacrée avec des reflets arc-en-ciel dégageait une odeur de fraise pour Dongju et, en ce qui concernait Geonhak, ce dernier discernait des fragrances légèrement acidulées comme du citron. Le couple attrapa les coupes, ils se refirent face avant de lever leur verre tout en s'observant attentivement puis ils burent le tout d'une traite.

Aussitôt, un goût de fraise se diffusa dans la bouche du plus jeune bien qu'une légère saveur de café ainsi que de menthe ressortait en arrière-plan : le mélange était bien particulier par son originalité mais Dongju se surprenait à trouver cela excellemment bon. De l'autre côté, Geonhak fut immédiatement surpris par la prédominance du citron bien qu'une note mentholée adoucissait la chose. Néanmoins, alors qu'il finissait d'avaler, un goût de pomme vint titiller ses papilles amenant une note douce et sucrée. Cette expérience unique fut plutôt bonne pour les deux garçons qui eurent la chance d'avoir une saveur agréable en bouche puisque ce n'était pas toujours le cas.

Il était arrivé, à plusieurs reprises, qu'un goût d'œuf pourri, de viande avariée ou de lait périmé finisse par se diffuser dans la bouche du futur marié l'obligeant à fuir aux toilettes pour vomir. Souvent vu comme un mauvais présage, la saveur du breuvage déterminait l'issue d'une union et plus ce dernier était savoureux, plus le mariage durait dans le temps. Déglutissant une dernière fois, Dongju essaya de ne pas être superstitieux en pensant à toutes les légendes entourant ce liquide opalin et il se retourna vers les invités en souriant. Il fit un geste de la main à l'orchestre puis tonna haut et fort.

« - Je déclare le bal ouvert ! »

Couple, futur marié, Roi et Reine, chaque invité se trouva un partenaire afin de débuter une valse au rythme de la mélodie proposée par l'orchestre. Les robes commencèrent à tournoyer, les sourires envahirent la salle tandis que les amoureux s'observaient avec tendresse et passion. Geonhak et Dongju osèrent une deuxième valse afin de jouer le jeu à fond devant les nobles et leurs parents mais, cette fois-ci, l'harmonie fut différente. Les gestes étaient mécaniques, le lien qui leur avait permis de vibrer en chœur c'était brisé et ils bougèrent avec raideur au milieu de la foule. Leurs iris se baladaient entre les couples, ils n'osaient pas s'observer l'un et l'autre comme si un gène était maintenant présent : tout était horriblement malaisant dans cette deuxième danse.

Cependant, ils continuèrent. Les jeunes mariés voulaient faire croire aux autres qu'ils s'aimaient, que cette union les rendait heureux, que tout ceci n'était pas un immense piège tendu par le Roi Kim afin de mettre en place un plan de grande envergure. Néanmoins, certains voyaient très clairement l'artifice de cette valse. Seoho, dans les bras d'une jeune noble venant d'Aral qui avait eu le courage d'aborder le prince, ne cessait d'observer son frère de loin tout en vérifiant qu'aucune mauvaise personne ne vint lui faire un coup fourré : l'adopté avait promis. Il avait promis à Youngjo qu'il protégerait Geonhak en son absence, qu'il serait son ange gardien pour l'entièreté du mariage et qu'il n'hésiterait pas à s'interposer pour protéger son petit frère.

Puis il y avait Dongmyeong. Ce dernier était assis à l'écart, son regard chocolat posé sur le corps tendu de son frère qui affichait un sourire si faux qu'il trouvait son jumeau hideux : le charme de Dongju venait de son côté naturel, libre et têtu. Le voir faire la comédie, sourire comme l'une de ces pimbêches de la cour afin d'avoir les faveurs royales horripilaient le futur Roi.

« - Il a quand même progressé niveau acting.

- Je vous demande pardon ? »

Dongmyeong sursauta en se tournant vers son interlocuteur qui était loin d'être un inconnu mais le prince était parti si loin dans son observation et ses pensées qu'il n'avait pas reconnu ce timbre de voix si particulier. Le garçon sourit au fils de l'Orchidée puis il déposa ses iris gris-vert sur Dongju qui tournoyait gracieusement.

« - Tu ne me reconnais même pas ? Je suis triste.

- Dé-Désolé Prince Moon Kevin, je...

- Tutoie-moi, s'il te plaît.

- Mais il y a...

- Ne t'en fais pas, ils sont concentrés sur ton frère et son mari. Ils ne feront pas attention à nous, on se perd dans la masse pour une fois. »

Dongmyeong hésita tout en dévisageant Kevin afin de savoir si le prince d'Aral était bête ou extrêmement brillant.

« - Les deux. Il est à la fois con et intelligent, mais sa bêtise va finir par le perdre. Heureusement que Sire Bae Jacob et Dame Calypso sont là sinon il serait déjà mort bêtement.

- Yah ! Je ne te permets pas Hwanwoong, bouda Kevin en croisant les bras comme un enfant de cinq ans tout en oubliant qu'il était en public mais le prince aquatique s'en fichait.

- Je m'excuse, mon prince. »

Le porte-parole sourit malicieusement tout en se courbant parfaitement, son dos s'abaissant élégamment tandis que le Moon rougissait en forçant son ami à se redresser : Hwanwoong lui en faisant voir de toutes les couleurs, ses joues étaient terriblement chaudes.

« - Qu'est-ce que ça ne te va pas de respecter l'étiquette, lança Keonhee à son ami tout en s'approchant du prince Tokësor. Tout se passe bien prince Son Dongmyeong ?

- Oh, Keonhee ! Oui, oui. Tout va à ravir pour moi, pas trop de travail j'espère ?

- Un peu, je vous avoue fuir légèrement monsieur Heechul car il ne me lâche pas... Je suis sûr qu'il me fixe actuellement en me jugeant très fort !

- Dans le mille, se moque Hwanwoong tout en lançant un coup d'œil au supérieur de Keonhee. Il est dans l'angle à te lancer des regards très noirs. J'en connais un qui va passer un sale quart d'heure après la cérémonie.

- Nom d'un figuier... Bon bah je vais continuer ma ronde dans l'espoir que ça calme ses ardeurs. N'oubliez pas que je vous aime lorsqu'il me tabassera à mort, surjoua l'Amiral.

- Bonne mort mon pote, le taquina Hwanwoong en lui donnant une tape discrète dans le dos faisant sourire Dongmyeong.

- Faux frère... »

Le futur bras droit du prince de Gaïa s'en alla sous les éclats de rire du porte-parole Bymehet et Kevin fut obliger de partir puisqu'il vit Calypso au loin donc il alla l'inviter à danser ce qui remplit de joie sa future femme. Se retrouvant seul avec son ami, Dongmyeong refusa plusieurs demandes de jeunes filles et hommes à participer à une unique danse, le prince était fidèle. Il accepterait d'aller sur la piste qu'avec Talia, le fils de l'Orchidée était loyal envers sa promise. Hwanwoong, quant à lui, semblait être invisible bien que son charme attirait bien des regards sur sa personne : le garçon était très beau. Hélas, il n'était pas noble. Sa classe sociale se reflétait au travers ses vêtements de qualité moyenne, voire médiocre aux yeux des plus riches, et cette donnée repoussait tous les nobles qui voulaient valser uniquement avec des personnes de haute classe sociale.

« - Tu n'as pas de cavalier, demanda doucement le prince.

- Non, tu sais très bien que je suis vu comme un paria dans ce genre de cérémonie. Si je n'étais pas sous la protection du Roi Moon, je serais déjà dans les cuisines à aider les autres domestiques. Je n'ai pas ma place dans la foule, il suffit de voir leur regard écœuré pour le comprendre.

- Ils sont débiles, souffla Dongmyeong. Les classes sociales peuvent fluctuer, il est très simple de tout perdre.

- Oui mais ils ne s'en rendent pas compte. Enfin bon, ça ne me gêne pas d'être vu comme un insecte. Je t'avoue avoir connu bien pire que de simple regard jugeant ce que je suis. Après autant d'années de service pour la famille Moon, j'ai accumulé de l'expérience si je puis dire, Hwanwoong sourit simplement.

- Tu as bien du courage.

- Peut-être bien, mais je pense que quelqu'un d'autre en a bien plus ici.

- Ah bon ? Qui ça ? »

Le porte-parole Bymehet donna un petit coup de tête en face de lui et Dongmyeong tourna ses prunelles curieuses en direction de ce point qui se mouvait dans la foule. Il s'attendait, et en même temps non, à faire face à cette silhouette bien familière. Dongju était toujours dans les bras de Geonhak, une expression neutre sur le visage, ses iris passant d'une personne à l'autre sans jamais croiser le regard de son époux qui semblait vouloir une unique chose : fuir.

« - C'est lui le plus courageux, avoua Hwanwoong. Dongju est tellement plus fort qu'il ne laisse rien paraître, cette situation le détruit et pourtant il fait comme si tout allait bien. Ce mariage, c'est un sacrifice pour protéger son Royaume. Et ça, très peu s'en doute. Dongju a permis d'éviter une Guerre en devenant le prisonnier du Roi Kim : c'est ça le vrai but de l'union. Et tu les sais aussi bien que moi : ton frère est un héros. »