« Verre à 17h ? » propose Alice par message.

Raphaël vient de lâcher sa main pour répondre au message de leur amie. Il est 16h10.

— Tu veux qu'on y aille ? demande-t-il en croisant le regard de Lou'.

Elle hésite. Elle aime bien cet après-midi avec lui.

— Je sais pas trop. Peut-être plus tard.

— OK, je lui dis qu'on peut les rejoindre à 18h00.

— Mais... ils sont au courant qu'on est tous les deux ? interroge Louna suspicieusement.

Raph' acquiesce, légèrement gêné.

— Ouais, je leur ai dit.

Ah. Elle ne sait pas comment l'interpréter. Est-ce une preuve que cette sortie est anodine ? Il a peut-être proposé l'expo à Alice avant elle, ou à Rose. Rose, Louna réalise que ça fait des semaines qu'elle ne lui a pas parlé.

Ils marchent jusqu'aux quais. Là, les deux s'installent au bord de la Seine, hésitant sur les sujets dont ils vont bien pouvoir parler.

Il fait frais mais le soleil est resplendissant. Lou' vérifie l'état de son rouge à lèvres à travers l'écran de son portable. Au passage, elle remarque que ses yeux sont encore un peu gonflés de l'expo'.

— Je peux te poser une question indiscrète ? lance soudainement Raphaël.

Le brun la dévore du regard. Elle le sent, ses yeux ne se concentrent que sur elle. Louna hoche lentement la tête.

— Est-ce que t'en pinces encore pour l'autre ?

La question lâchée, Raph' grimace, embarrassé. Louna sourit, il donne l'impression qu'il va sauter dans le fleuve d'une minute à l'autre.

— Si je te dis la vérité, ça va encore plus nous gêner...

— Pas grave, je suis déjà au top de ma gêne, avoue-t-il en la regardant.

Raphaël a un sourire contrit.

— Honnêtement, j'en pince encore pour l'autre.

— Mince, commente Raph'.

— Mince, répète Lou'.

Elle a l'impression d'avoir fait tout capoter. Un petit blanc s'installe, comme d'habitude entre eux, chargé de non-dits. Mais Louna se sent d'humeur tortionnaire.

— Pourquoi cette question ?

Raphaël soupire puis rit nerveusement.

— Léon t'a pas cafté ?

— De quoi ? ment-elle malgré elle.

Louna se sent coupable de jouer avec les mots et les ressentis. Mais elle se sent attirée par cette pente dangereuse, cette bulle d'ambiguïté.

— Que tu me plais.

À son tour, Louna baisse les yeux, gênée et flattée. Il l'a dit.

— Je suis bête de t'avoir recalé en 3e. J'ai pas le bon timing, ajoute-t-il en se moquant de lui-même.

Lou' reste muette, concentrée sur la pierre des quais. La situation est tellement étrange qu'elle a besoin d'inspirer un bon coup.

— Je crois Raph' que tu me plais bien aussi, fin en tout cas, c'est possible. Mais, je suis pas encore passée à autre chose pour Noé. Donc c'est relou, comme situation.

Elle l'a dit, elle aussi.

— Attends, je te plais ?

Sa réaction est chargée d'espoir. D'un seul coup, Louna sent sa culpabilité monter en flèche. Elle observe Raphaël, ses grands yeux acajou, son excitation soudaine. C'est la première fois qu'elle a autant de pouvoir sur quelqu'un. Qu'elle plait. Qu'elle peut avoir un choix. C'est terrifiant.

— Je veux juste pas essayer avec toi quand je suis pas sûre d'être passée totalement à autre chose avec Noé. J'ai pas envie de jouer avec toi et te blesser, avoue-t-elle sincèrement.

Raphaël affiche alors un air sérieux, qu'elle reconnaît bien. Il passe une main dans ses cheveux et Lou' sent son corps se nouer. Elle ne savait pas que Raph' pouvait flirter aussi ouvertement. C'est déstabilisant.

Puis doucement, il lâche sans sourciller :

— Franchement, tu peux jouer avec moi Louna... autant que tu veux.